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Décision n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013 - Observations du Gouvernement

Loi organique relative à la transparence de la vie publique
Non conformité partielle - réserve - déclassement organique

Le Conseil constitutionnel est saisi, en application du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique relative à la transparence de la vie publique.

Des députés et des sénateurs ont présenté des observations visant à contester la constitutionnalité des dispositions de la loi relatives aux déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale, au régime des incompatibilités et aux pouvoirs conférés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Il convient au préalable de souligner que la loi organique relative à la transparence de la vie publique, qui forme un ensemble cohérent avec la loi ordinaire qui l'accompagne, a pour objet de renforcer les garanties apportées par la loi pour assurer l'impartialité, la probité et l'exemplarité des responsables publics.

Il s'agit non seulement de mettre en place des mécanismes propres à prévenir et faire cesser d'éventuels abus mais aussi, et surtout, de définir des règles propres à assurer le bon fonctionnement des institutions et à renforcer la confiance des citoyens, sans laquelle le principe même de la démocratie représentative, garanti par les articles 1er et 3 de la Constitution, se trouve fragilisé.

Les comparaisons internationales dont rend compte l'étude d'impact jointe au projet de loi témoignent de l'importance du lien établi, dans la plupart des grandes démocraties, entre l'existence de déclarations d'intérêts et de patrimoine, rendues publiques, et la confiance des citoyens dans la qualité du fonctionnement démocratique des institutions. Une grande majorité de pays de l'Union européenne ont adopté des règles imposant la publicité, au moins partielle, des déclarations d'intérêts, de patrimoine et de revenus des principaux responsables publics. De telles règles ont été adoptées au Royaume-Uni dès 1974 ; elles se sont généralisées dans l'Union européenne au cours des années 1990 - 2000 et la France fait aujourd'hui figure d'exception en étant un des seuls pays où la pratique des déclarations d'intérêts n'est pas généralisée et où la loi prévoit seulement une déclaration de patrimoine dont aucun élément n'est rendu public.

La loi organique permet ainsi, avec la loi ordinaire qui l'accompagne, de rapprocher le droit français des règles qui constituent désormais l'un des critères largement partagé de la qualité du fonctionnement des institutions d'une démocratie moderne.

I. - SUR LES DECLARATIONS D'INTERETS.

Les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel contestent les dispositions relatives aux déclarations d'activités et d'intérêts et plus particulièrement le principe de leur publication prévu au nouvel article LO 135-2 du code électoral. Ils estiment que ces dispositions portent atteinte à la vie privée, à la liberté d'entreprendre et à l'égalité devant le suffrage.

Ces griefs pourront être écartés.

Il importe tout d'abord de souligner que les déclarations d'intérêts constituent un élément indispensable à la prévention des conflits d'intérêts. Elles se sont progressivement généralisées à de nombreux milieux professionnels et constituent une exigence largement partagée dans les démocraties modernes en ce qui concerne les titulaires de mandats et de fonctions publics.

La déclaration d'intérêts s'inscrit dans une démarche déontologique. Elle permet à la personne qui la remplit d'avoir pleinement conscience des intérêts de toute nature qui sont susceptibles d'interférer ou de paraître interférer avec l'exercice indépendant et impartial de la mission qui lui est confiée. Sa diffusion au sein de l'institution dans laquelle s'exerce la mission concernée est indispensable pour permettre un regard partagé sur le risque de survenance d'une situation dans laquelle des doutes pourraient naître quant à l'impartialité de l'intéressé.

Pour toutes les fonctions correspondant à des responsabilités élevées dans la sphère publique, notamment pour les fonctions de parlementaire, la publication des déclarations d'intérêts permet en outre de montrer que les institutions publiques ont mis en place des procédures appropriées pour garantir l'impartialité des décisions et témoigne de la volonté partagée d'éviter les situations de conflits d'intérêts. Il ne s'agit pas tant de confier à tous les citoyens la possibilité de contrôler l'existence ou l'absence de conflits d'intérêts que de leur donner la garantie que toutes les précautions ont été prises pour que les situations de conflits d'intérêts ne puissent pas échapper à la vigilance de la personne concernée et de l'institution à laquelle il appartient.

La loi organique prévoit par ailleurs des mécanismes de contrôle destinés à prévenir et faire cesser les situations de conflits d'intérêts en précisant les rôles respectifs à cet égard de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et du bureau de chaque assemblée pour ce qui concerne les parlementaires et prévoit des sanctions pénales destinées à assurer l'efficacité des mécanismes de contrôle.

L'ensemble de ces dispositions contribue à assurer l'efficacité de la politique de prévention des conflits d'intérêts et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et répond ainsi aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 1er et 3 de la Constitution.

A/ L'atteinte portée à la vie privée des intéressés n'excède pas ce qui est nécessaire pour répondre à l'objectif poursuivi.

Les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel estiment que la publicité attachée aux déclarations d'intérêts détenus par les parlementaires porte une atteinte excessive à la vie privée des intéressés et de leurs proches et méconnaît la liberté d'entreprendre.

Ce grief pourra être écarté.

1. - Le contenu de la déclaration d'intérêts est proportionné à l'objectif poursuivi.

Les auteurs des observations contestent la mention, au III de l'article 1er, des intérêts professionnels de la personne, au travers des « participations aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société à la date de la nomination ou lors des cinq dernières années » (4 °), celle des intérêts liés à une action bénévole, c'est-à-dire non rémunérée mais de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction (7 °) ou encore celle des « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts » (8 °).

Ces définitions reprennent les recommandations de la commission pour la transparence financière de la vie politique qui estimait que « devraient également, pour toutes les personnes concernées, être déclarés les intérêts matériels et professionnels actuels de la famille proche (conjoint, ascendants et descendants directs). En revanche, ne seraient pas déclarés les intérêts moraux, intellectuels, religieux, politiques, syndicaux ou associatifs. Par dérogation à ce principe, pourraient être indiqués par le déclarant, dans une rubrique générale relative aux « autres intérêts de nature à susciter un doute sur l'impartialité et l'objectivité », non de simples opinions, mais des mandats, fonctions ou responsabilités dans ces domaines qui pourraient avoir un impact sur l'exercice de la fonction publique. »

Le législateur n'a pas entendu soumettre à déclaration les intérêts moraux de l'assujetti qui ressortent de sa vie privée mais seulement l'exercice de fonctions non rémunérées au sein de personnes morales ou associations que le déclarant considère comme étant de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant et objectif de sa fonction.

S'agissant des collaborateurs parlementaires, il est important de préciser que la loi (10 ° du III) se borne à exiger du parlementaire qu'il joigne à sa déclaration d'intérêts et d'activités le nom de ses collaborateurs ainsi que, le cas échéant, les autres activités de ces derniers qui auraient été déclarées et dont il aurait connaissance.

S'agissant des proches, la loi (6 ° du III de l'article 1er) exige seulement la mention de leurs activités professionnelles. Cette disposition ne peut être interprétée comme exigeant du parlementaire qu'il déclare des activités dont il n'aurait pas eu connaissance. La déclaration ne peut être regardée incomplète que s'il apparaît que le parlementaire connaissait l'activité en cause ou qu'il ne pouvait pas l'ignorer. L'obligation de déclarer l'activité professionnelle des proches ne peut en aucune manière être regardée comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers.

2. - Les modalités de publication des déclarations d'intérêts, telles qu'elles sont précisées au III de l'article LO 135-2, sont de nature à prévenir toute atteinte excessive à la vie privée.

Ne pourront ainsi être rendues publiques les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ni les noms des personnes qui possédaient auparavant des biens mentionnés dans cette déclaration ni pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis. Dans tous les cas, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin et des autres membres de la famille ne pourront pas être rendus publics.

Un décret en Conseil d'Etat pris après avis la commission nationale de l'informatique et des libertés viendra par ailleurs préciser les modalités d'application de l'article LO 135-2 et veillera à ce que les éléments rendus publics n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le strict respect de la loi.

II. - SUR LES DECLARATIONS DE SITUATION PATRIMONIALE.

La loi prévoit que les déclarations de situation patrimoniale des parlementaires sont rendues accessibles aux électeurs dans des conditions strictement encadrées.

    • Ces dispositions répondent au constat, largement partagé, de l'insuffisante efficacité du contrôle de la Commission de la transparence financière de la vie politique en dépit des améliorations apportées au dispositif par les lois successives du 11 mars 1988, du 19 janvier 1995 et du 14 avril 2011.

Les dispositions permettant l'accès du public aux déclarations de situation patrimoniale complètent les dispositions qui renforcent les pouvoirs de la nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en lui permettant notamment de faire appel aux services fiscaux, et contribuent, avec ces autres dispositions, à conforter les garanties de probité des principaux responsables publics et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions.

Des mécanismes similaires existent d'ailleurs dans la plupart des grandes démocraties, comme l'indiquait l'étude d'impact jointe au projet de loi. Ils constituent, avec les déclarations d'intérêts, un instrument essentiel au bon fonctionnement de la démocratie représentative.

Les dispositions contestées n'ont pas pour but de confier aux citoyens le contrôle de l'évolution du patrimoine des élus. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle seule la dernière déclaration déposée par l'élu pourra être accessible au public. Elles contribuent cependant à l'efficacité de ce contrôle en ouvrant aux électeurs inscrits sur les listes électorales la possibilité d'adresser des observations à la Haute Autorité sur les éventuelles erreurs ou anomalies qui pourraient apparaître dans les déclarations des élus. Indépendamment de toute action des électeurs, le fait que la déclaration soit rendue accessible au public contribue par lui-même à améliorer la qualité de l'information communiquée à la Haute Autorité.

De même que le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, que le dispositif d'accès aux informations fiscales institué à l'article L. 111 du livre des procédures fiscales était « de nature à améliorer la sincérité des déclarations fiscales », la possibilité donnée aux électeurs d'accéder aux déclarations de situation patrimoniale contribue à améliorer la qualité de ces déclarations.

Ces dispositions répondent ainsi à un intérêt général éminent en renforçant les garanties apportées par la loi pour le bon fonctionnement de la démocratie.

2. - La loi encadre strictement à la fois les conditions d'accès aux déclarations et le contenu des informations rendues accessibles.

Comme il a été indiqué plus haut, la loi prévoit seulement que les déclarations de situation patrimoniale sont tenues à la disposition des électeurs à la préfecture du département de l'élection du député « aux seules fins de consultation ». Elle assortit d'une sanction délictuelle le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie de ces déclarations.

S'agissant du contenu des informations mises à disposition des électeurs, il convient en premier lieu de souligner que les déclarations de situation patrimoniale ne portent que sur les biens du déclarant.

La loi énumère par ailleurs toute une série d'informations figurant sur la déclaration adressée à la Haute Autorité, qui ne pourront figurer sur les documents mis à la disposition du public.

Elle prévoit ainsi que ne peuvent en aucun cas être rendus publics, comme pour les déclarations d'intérêts, « les adresses personnelles de la personne soumise à déclaration, les noms du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin et des autres membres de sa famille ». Elle exclut également toute communication « s'agissant des biens immobiliers : les indications, autres que le nom du département, relatives à la localisation des biens ; les noms des personnes qui possédaient auparavant les biens mentionnés dans la déclaration ; pour les biens qui sont en situation d'indivision, les noms des autres propriétaires indivis ; pour les biens en nue-propriété, les noms des usufruitiers ; pour les biens en usufruit, les noms des nus propriétaires » ; « s'agissant des biens mobiliers : les noms des personnes qui détenaient auparavant les biens mobiliers mentionnés dans la déclaration de situation patrimoniale ; les noms des personnes qui détenaient auparavant des biens mobiliers mentionnés dans la déclaration d'intérêts et d'activités s'il s'agit du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, du concubin ou d'un autre membre de sa famille » et « s'agissant des instruments financiers : les adresses des établissements financiers et les numéros des comptes détenus ».

Compte tenu de l'ensemble des précautions dont le législateur a entouré la mise à disposition des déclarations de situation patrimoniale, l'atteinte portée à la vie privée ne peut être regardée comme disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

Ainsi qu'il a été dit, un parallèle peut être dressé sur ce point avec les exceptions prévues au secret fiscal. Conformément aux dispositions de l'article L. 104 du livre des procédures fiscales, tout contribuable inscrit au rôle d'un impôt direct local peut demander la délivrance d'un extrait de rôle ou d'un certificat de non inscription au rôle concernant un tiers. L'article L. 111 du même livre prévoit de son côté qu'une liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, ou à l'impôt sur les sociétés est dressée de manière à distinguer les deux impôts par commune pour les impositions établies dans son ressort. Cette liste est complétée par l'indication des personnes physiques ou morales non assujetties dans la commune à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés mais y possédant une résidence. La liste est tenue par la direction départementale des finances publiques à la disposition des contribuables qui relèvent de sa compétence territoriale - et l'administration peut même en prescrire l'affichage. Cette liste indique le nom, la première lettre du prénom et l'adresse de la personne, le nombre de parts retenues pour le calcul du quotient familial, le revenu imposable et le montant de l'impôt mis à sa charge. Le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 83-164 précitée, que ces dispositions ne portaient atteinte à aucune règle de valeur constitutionnelle.

Il n'est pas sans intérêt de noter que la décision a été rendue sur une disposition qui prévoyait en outre que « pour l'impôt sur les grandes fortunes, la liste est complétée par l'indication de la valeur du patrimoine déclaré et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable ».

3. - La mise à disposition des déclarations de situation patrimoniale des élus n'est pas de nature à créer une rupture d'égalité devant le suffrage entre « candidats sortants » et nouveaux candidats.

A supposer que la circonstance que soient connues certaines informations de nature patrimoniale relatives à un candidat ait un effet sur la campagne électorale, les élus sortants ne se trouvent en tout état de cause pas dans la même situation que les nouveaux candidats. Ils sont tenus, en tant qu'élus, à des obligations particulières qui les différencient des candidats qui ne sont pas déjà élus. Le principe d'égalité n'est donc pas méconnu.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil constitutionnel pourra écarter les griefs articulés contre les dispositions de la loi organique relatives à la déclaration de situation patrimoniale.

III. - SUR LES INCOMPATIBILITES.

Les observations qui ont été transmises au Conseil constitutionnel contestent les modifications apportées aux articles LO 146 et LO 146-1 du code électoral aux motifs que ces dispositions seraient contraires, pour les premières, aux objectifs d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, et pour les secondes, au principe d'égalité des citoyens devant la loi et à la liberté d'entreprendre.

Ces griefs ne sont pas fondés.

A/ L'article LO 146 du code électoral, dans sa rédaction résultant du V de l'article 2 de la loi organique, prévoit qu'il est interdit à tout député, d'une part, d'exercer une activité professionnelle qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat et, d'autre part, d'exercer une fonction de conseil, sauf dans le cadre d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et qu'il exerçait avant le début de son mandat.

Ces dispositions, qui s'inscrivent dans le prolongement des dispositions existantes, visent à garantir l'indépendance des parlementaires et à prévenir les conflits d'intérêts.

Elles répondent également à l'objectif de bon fonctionnement des institutions en contribuant à renforcer la disponibilité des parlementaires. S'il est vrai, comme le soutiennent les auteurs des observations transmises au Conseil constitutionnel, que le mandat de parlementaire n'est pas un emploi, il n'en constitue pas moins une occupation très prenante et les indemnités qui sont versées aux Parlementaires sont fixées à un niveau comparable à la rémunération d'un emploi public à plein temps. Le Gouvernement estime à cet égard que le renforcement de la disponibilité des parlementaires constitue un objectif d'intérêt général qui découle de leur mission constitutionnelle de représentants de la Nation. Cette mission impose que les parlementaires soient en mesure de se consacrer pleinement à l'exercice de leur mandat.
C'est pour répondre à ces objectifs et en particulier pour réduire les risques de conflit d'intérêts que la loi organique renforce le régime des incompatibilités parlementaires.
Outre divers ajustements dans certaines incompatibilités existantes, le texte aménage l'incompatibilité avec la fonction de conseil, en prévoyant qu'il est interdit d'exercer une telle fonction, sauf lorsqu'elle a été commencée avant le mandat, dans le cadre d'une profession réglementée. Ainsi, un avocat élu parlementaire pourra continuer à gérer son cabinet, sans avoir à faire le départ entre son activité contentieuse et de conseil, sous les réserves prévues à l'article LO 149 du code électoral, mais à l'inverse un parlementaire en exercice ne pourra pas accéder, pendant la durée de son mandat, à la profession d'avocat.
Le législateur a également décidé qu'un parlementaire ne pouvait commencer une activité privée qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. Cette interdiction, qui traite de la même manière tous les parlementaires, est de nature à lever toute suspicion dans l'esprit de l'électeur sur la possibilité qu'une activité extérieure soit occupée par un parlementaire en raison de son mandat. Elle garantit la totale indépendance du parlementaire à l'égard des intérêts privés, sans empêcher ceux des parlementaires qui avaient une activité professionnelle antérieure de pouvoir, une fois le mandat terminé, la continuer.
Le principe d'égalité n'est pas méconnu par cette règle, la différence de traitement introduite entre les parlementaires selon qu'ils détenaient, ou non, une activité professionnelle avant le début de leur mandat, correspond à une différence de situation et est en rapport avec l'objet de la loi organique, consistant à prévenir les conflits d'intérêts. Comme il a été dit, elle fera obstacle à ce qu'un parlementaire puisse, au risque de compromettre son indépendance, se prévaloir de son mandat pour obtenir une activité professionnelle nouvelle.
Les nouvelles incompatibilités instituées par les dispositions contestées ne portent, pas plus que les incompatibilités existantes, atteinte à l'égalité devant le suffrage. La circonstance que les parlementaires doivent mettre fin, pendant la durée de leur mandat, à des activités de conseil qu'ils exerçaient avant leur mandat ne leur interdit pas de reprendre ces activités à l'issue de ce mandat. Compte tenu du risque de conflit d'intérêts qui est lié à l'exercice d'une activité de conseil, en particulier lorsque cette activité s'exerce en dehors du cadre des professions réglementées, l'incompatibilité instituée par la loi organique ne peut être regardée comme disproportionnée par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi.
B/ Le IV de l'article 2 modifie le 3 ° de l'article LO 146 du code électoral.

Seront désormais incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans une société ou une entreprise dont l'activité consiste non plus à « la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat » mais dans la prestations de services « destinés spécifiquement à ou devant faire l'objet d'une autorisation discrétionnaire de la part » de l'Etat.

L'objectif de la modification adoptée est de mieux prendre en compte le risque de conflits d'intérêts pouvant résulter de l'exercice concomitant d'un mandat parlementaire et d'une fonction de direction au sein d'une entreprise dont l'activité dépend étroitement de ses relations avec la puissance publique. La disposition ne vise pas l'ensemble des entreprises dont une part significative du chiffre d'affaires est réalisé avec des personnes publiques - ce qui peut arriver à toute entreprise répondant à un marché public - mais seulement les entreprises dont l'activité dépend par nature de la commande publique car leur produits ou prestations sont « destinés spécifiquement » à la puissance publique. Les entreprises qui commercialisent des fournitures courantes, qui peuvent être achetées aussi bien par les personnes publiques que par toute autre personne, n'entrent pas dans le champ de ces dispositions, même si elles comptent des personnes publiques parmi leurs clients. En revanche, les entreprises spécialisées dans la fourniture de biens ou de services tels que les travaux publics ou les armes de guerre, qui répondent spécifiquement à des besoins des collectivités publiques, sont concernées par la nouvelle rédaction du 3 ° de l'article LO 146. La notion de travaux, fournitures ou services « destinés spécifiquement » à une personne publique est donc dépourvue d'ambiguïté.

S'agissant par ailleurs de la notion d'« autorisation publique discrétionnaire », le législateur a entendu faire référence aux autorisations délivrées par une autorité publique dans un cas où sa compétence n'est pas liée. Cette définition permet de prendre en compte la situation des entreprises dont l'activité est subordonnée à la délivrance d'autorisations administratives dans tous les cas où l'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation lui permettant d'accorder ou de refuser l'autorisation sollicitée sans se trouver dans une situation de compétence liée.

Ces dispositions sont suffisamment précises et n'encourent pas les griefs soulevés à leur encontre dans les observations soumises au Conseil constitutionnel. La contestation articulée par voie de conséquence à l'encontre du 6 ° ajouté à l'article LO 146 par les 20ème et 21ème alinéas de l'article 2 de la loi organique devra également être écartée.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'article LO 146-1 du code électoral ne méconnaît aucun des principes constitutionnels invoqués.

IV. - SUR LES POUVOIRS DE LA HAUTE AUTORITE ET SUR LE REGIME DES SANCTIONS PENALES.

    • Les sénateurs estiment que plusieurs dispositions relatives aux pouvoirs de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique méconnaissent des principes constitutionnels encadrant la répression pénale ainsi que la séparation des pouvoirs.
    • Les pouvoirs dont dispose la Haute Autorité à l'encontre des parlementaires différent en partie de ceux qu'elle détient à l'encontre des membres de l'exécutif et des autres personnes assujetties à déclaration, dont la situation est régie par la loi ordinaire.

En effet, la Haute autorité ne peut pas enjoindre à un Parlementaire de mettre fin à une situation de conflit d'intérêts. Elle peut uniquement, lorsqu'une déclaration est incomplète ou lorsqu'il n'a pas été donné suite à une demande d'explications de la Haute Autorité, adresser au parlementaire une injonction tendant à ce que la déclaration complétée ou les explications demandées lui soient transmises sans délai (I. de l'art. LO 135-4, issu du IV de l'art. 1er).

Ces injonctions de la Haute autorité ne constituent ni des sanctions pénales ni des sanctions ayant le caractère de punition au sens du huitième alinéa de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est en effet de jurisprudence constante qu'une mise en demeure prise par une autorité administrative, fût-elle indépendante, ne constitue pas une sanction (v. nt. CE, Ass., 11 mars 1994, S.A. « La Cinq », n° 115052, au R., faisant suite à la décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 du Conseil constitutionnel).

Par conséquent, les principes de la répression pénale ou administrative ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des dispositions du I de l'article LO 135-4 ou de l'article LO 135-5 dès lors que la Haute Autorité ne prend pas, sur le fondement de ses dispositions, de « sanctions ayant le caractère d'une punition » au sens de l'article 8 de la Déclaration.

    • Le législateur a en revanche veillé à assortir d'une sanction le non-respect des obligations déclaratives en prévoyant que « dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l'une des obligations prévues aux articles L.O. 135-1 et L.O. 135-4 ou des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet » (art. LO 135-5, issu du IV de l'art. 1er).

Il a également prévu qu'une sanction pénale pouvait être infligée au parlementaire qui ne mettrait pas la Haute Autorité en mesure de remplir son office. L'actuelle commission pour la transparence financière de la vie publique a régulièrement dénoncé la faiblesse des informations dont elle dispose, faute d'une quelconque obligation de lui communiquer les éléments utiles à son contrôle.

Dorénavant, « le fait pour un député de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction ou de la demande de communication est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende » (II de l'art. LO 135-4).

Cette incrimination est proche de celle, prévue à l'article 12 de la loi n° 2011-334 du 29 mars 2011, aux termes de laquelle « est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait de ne pas déférer aux convocations du Défenseur des droits, de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ou de l'empêcher d'accéder à des locaux administratifs ou privés, dans des conditions contraires à la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. »

Par ailleurs, l'avant-dernier alinéa de l'article LO 135-1 prévoit, dans sa rédaction résultant du 5 ° du I de l'article 1, que « le fait pour un député d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code ».

Le fait que ces sanctions pénales aient pour objet de réprimer la violation d'obligations que le législateur a fait peser sur le chef des parlementaires ne saurait à elle seule être regardée comme constituant une atteinte à la séparation des pouvoirs.

    • Le nouvel avant-dernier alinéa de l'article LO 135-1 est défini en des termes qui sont suffisamment précis.

L'article comporte déjà l'expression « omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ». Cette rédaction est issue de la loi organique n° 2011-401 du 14 avril 2011 (art 24) déjà déclarée conforme en toutes ses dispositions par le Conseil constitutionnel (12 avril 2011, n° 2011-628 DC du 12 avril 2011). Au demeurant, le terme de « substantiel » existe dans d'autres textes de répression notamment à l'article L. 420-2 du code de commerce en matière de concentration économique.

Quant à l'« évaluation mensongère du patrimoine », elle ne se distingue pas de l'évaluation erronée autrement que par l'existence d'un élément intentionnel. L'évaluation mensongère implique une volonté de falsifier certaines informations ou de délivrer des informations incomplètes - tandis que l'évaluation erronée comporte une erreur de calcul ou d'appréciation des contours de la notion de patrimoine ou d'intérêts, sans volonté de dissimulation. La notion d'évaluation mensongère se retrouve dans différentes infractions en droit pénal, qui donne lieu à une jurisprudence bien établie.

    • S'agissant du II de l'article LO 135-5, il est défini d'une manière claire et dénuée d'équivoque, ce qui satisfait aux exigences du principe de légalité des délits et des peines. Dès lors que la sanction sera prise par un juge pénal, les garanties attendues en cas de répression pénale seront respectées.

Le but de cette disposition est de garantir le fonctionnement normal de la Haute Autorité, qui doit être à même d'exercer pleinement sa mission de contrôle des obligations déclaratives. Elle ne permet en aucun cas à la Haute Autorité de contraindre les parlementaires à adopter un comportement, ni de peser sur les opinions ou les votes émis.

N'est donc pas méconnue la protection dont bénéficient, selon l'article 26 de la Constitution, les représentants de la Nation pour les opinions et les votes émis dans l'exercice de leurs fonctions (principe d'irresponsabilité) ainsi que pour les atteintes à la liberté individuelle pendant l'exercice de leur mandat (principe d'inviolabilité). Cette protection est destinée à protéger le mandat. Elle est limitée aux actes directement liés au mandat et aux mesures restrictives ou privatives de liberté. Pour le reste, les parlementaires restent responsables devant la loi pénale de leurs agissements.

Ainsi, contrairement à ce qu'il est soutenu, l'instauration d'une infraction pénale concernant les parlementaires n'est contraire ni à l'article 26 de la Constitution ni à la séparation des pouvoirs.

Pour ces motifs, le Gouvernement considère que la loi organique est conforme à la Constitution.