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Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013 - Observations du Gouvernement

Loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de deux recours dirigés contre la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

Ces recours appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.

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I. - SUR L'ARTICLE 2.

Les auteurs des saisines soulèvent plusieurs griefs à l'encontre de cet article qui institue, à compter du 1er janvier 2015, un dispositif de bonus-malus portant sur les consommations domestiques d'énergies de réseau.

1. - Le premier grief porte sur une méconnaissance de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires, l'article ayant fait l'objet d'une réécriture intégrale en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

L'article voté est issu d'un amendement du rapporteur de la proposition de loi devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire. Il tire les conséquences, d'une part, de l'avis du Conseil d'Etat formulé à la demande du Gouvernement, et d'autre part des débats qui ont eu lieu au Sénat. Ainsi, bien que le Sénat n'ait pas adopté de texte, le législateur a souhaité intégrer deux propositions des sénateurs : une fixation statistique du volume de base et un élargissement de la deuxième tranche du barème du bonus-malus. Ce projet a été transmis bien en amont de la réunion de commission à tous les commissaires, respectant ainsi l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires.

S'agissant de la recevabilité de cet amendement, en nouvelle lecture, si des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte, des amendements sont possibles s'ils sont en relation directe avec une disposition encore en discussion (v. nt. n° 98-402 DC, 25 juin 1998, cons. 2 et 3, Rec. p. 269). Tel a été le cas en l'espèce, puisque le dispositif voté répond à la même logique et s'inscrit dans le même cadre que l'article qui restait en discussion. Du fait de l'échec de la commission mixte paritaire et du rejet du texte en première lecture par le Sénat, l'ensemble des dispositions votées en première lecture à l'Assemblée nationale restait en discussion. Le fait que la réécriture ait été d'ampleur est sans incidence sur le respect des exigences constitutionnelles, aucune limite inhérente au droit d'amendement ne pouvant être opposée dès lors que l'amendement est en relation directe avec la disposition du texte en discussion.

Ce premier grief ne peut donc être retenu.

2. - Les auteurs des saisines estiment ensuite que le dispositif, qui créerait une imposition, méconnaîtrait l'article 34 de la Constitution, faute pour la loi d'avoir suffisamment encadré les compétences du pouvoir réglementaire pour fixer des éléments de l'assiette et les taux de cet impôt ; il aurait dû, par ailleurs, être voté dans le cadre d'une loi de finances et faire l'objet d'un compte d'affectation spéciale.

Ces griefs ne sont pas fondés.

A/ En premier lieu, même si le malus institué par la loi doit être regardé comme revêtant le caractère d'une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution, il est en tout état de cause loisible à une loi autre qu'une loi de finances d'instituer, de modifier ou de supprimer un impôt (v. nt. n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, Rec. p. 83, cons. 3 à 6). En revanche, une loi ordinaire ne peut pas ouvrir un compte d'affectation spéciale. Aux termes de l'article 19 de la loi organique relative aux lois de finances, il s'agit d'une compétence exclusive de la loi de finances. Ainsi, en tout état de cause, la loi déférée ne pouvait en disposer. Au demeurant, un tel compte n'est pas nécessaire car le produit du malus ne constitue pas une recette de l'État - sa collecte est assurée par les fournisseurs d'énergies de réseau sous le contrôle de l'État et non pour son compte. Il ne s'agit pas d'une opération budgétaire devant être retracée dans un compte d'affectation spéciale, comme le prévoit l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances.

B/ En second lieu, le législateur a pleinement exercé la compétence qu'il tire de l'article 34 de la Constitution en encadrant et en limitant le renvoi au pouvoir réglementaire pour définir des éléments de l'assiette et les taux du bonus et du malus.

Le malus est calculé, pour chaque site de consommation résidentiel, par rapport à un volume de base qui correspond, pour chaque énergie de réseau, au premier quartile de consommation de cette énergie par unité de consommation, multiplié par le nombre d'unités de consommation du site considéré et tempéré par un coefficient représentatif de l'effet de sa localisation. Les différents éléments qui permettent de déterminer le volume de base attribué à chaque site de consommation sont strictement encadrés par la loi.

Le premier quartile de la consommation auquel renvoie la loi est une donnée objective qui est calculée sur la base de la consommation constatée. Les conditions de prise en compte du nombre de personnes habitant le logement raccordé au réseau sont précisément définies au 3 ° de l'article L. 230-2. Quant au coefficient représentatif de l'effet de localisation, le renvoi prévu par la loi à un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et de l'économie est encadré par des critères précis : la fixation doit avoir lieu au niveau communal et tenir compte des conditions climatiques et de l'altitude de la commune. Par ailleurs, le coefficient doit être compris entre 0.8 et 1.5 L'encadrement du renvoi au pouvoir réglementaire par la loi est donc précis.

Les taux du bonus et du malus sont également fixés par un arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Sur ce point, la situation n'est pas comparable à celle du dispositif de malus automobile (art. 1011 bis du code général des impôts). Ce dernier n'est destiné à être perçu qu'une seule fois, au moment de l'immatriculation du véhicule concerné, et est calculé en fonction d'un taux d'émission de dioxyde de carbone par kilomètre connu à l'avance puisque cette donnée du constructeur fait partie de l'homologation des véhicules. En l'espèce, la loi ne pouvait pas fixer elle-même le taux, de manière définitive, puisque, dans le dispositif tel qu'il a été conçu, ce taux doit permettre d'assurer l'équilibre entre le bonus et le malus, compte tenu d'une valeur des volumes de base nécessairement évolutive puisqu'elle dépend notamment de la consommation effective du premier quartile. Mais l'article 34 n'exige pas que le législateur définisse lui-même le taux de chaque impôt (v. n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, ct 32, n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013) si l'encadrement du renvoi au pouvoir réglementaire est suffisant.

Or la détermination des taux de bonus et de malus est encadrée par une série de contraintes qui limitent la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire et s'opposent à ce qu'il puisse dénaturer le dispositif législatif.

Les taux doivent d'abord être compris entre des valeurs définies au V. de l'article L. 230-6. Le législateur a ainsi déterminé « les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition » (n° 2000-442 DC précitée). On notera que dans cette dernière décision a été validée une taxe uniquement limitée par un plafond, le seuil minimal étant implicitement fixé à zéro (ct. 32). Il n'a pas été jugé que, de ce seul fait, le législateur n'avait pas exercé sa compétence. Il ne peut donc être reproché à la loi contestée de fixer un seuil minimal de bonus, ou maximal de malus, à zéro euro par mégawattheure (MWH) en 2015, puis à partir de 2016 sauf pour la troisième tranche (au-delà de 300 % de consommation du volume de base). En tout état de cause, le législateur, en fixant ces valeurs, a simplement entendu autoriser le pouvoir réglementaire à moduler la répartition de l'effort entre les deux tranches auxquelles le malus est applicable. A cette fin, l'article L. 230-10 précise que les taux « tiennent compte des effets incitatifs du bonus-malus sur les consommations domestiques d'énergie de réseau ». Au regard de cette exigence, il est certain que le législateur n'a pas entendu permettre au pouvoir réglementaire de dénaturer le dispositif en ne prévoyant ni malus, ni bonus, ce qui serait contraire à l'objectif même de la loi.

Une certaine souplesse était toutefois nécessaire. Elle l'était d'abord pour permettre d'adapter le montant du bonus et du malus au prix de l'énergie concernée (électricité, gaz, chaleur). Les valeurs prévues par la loi s'appliquent en effet à l'ensemble des énergies de réseau. Or, en fonction des énergies, les ordres de prix sont différents ; l'importance de la fourchette fixée par le législateur en valeur absolue doit ainsi être ramenée à la part relative du montant du malus par rapport aux prix de l'énergie concernée. De la souplesse était également requise pour permettre une mise en oeuvre graduelle et progressive du dispositif, conformément à la volonté du législateur de favoriser l'évolution des comportements par une montée en charge du dispositif qui permette de donner un caractère durable aux effets incitatifs.

Si une marge d'appréciation est ainsi laissée au pouvoir réglementaire, elle ne conduit cependant pas à des variations de taux importantes. Au contraire, ces variations seront limitées tant en valeur absolue que relative. Si l'on compare l'impact moyen sur la facture d'électricité des consommateurs entre les deux hypothèses extrêmes, on constate que les écarts sont relativement modérés. Ainsi, le choix d'un taux de malus de 3 ou 20 €/MWh pour la deuxième tranche correspond à une différence d'impact moyen de 38 € par an, soit 5 % de la facture moyenne (700 € pour l'électricité). Le choix d'un taux de malus de 6 ou 60 €/MWh pour la deuxième tranche correspond, quant à lui, à une différence d'impact moyen de 75 € par an, soit 11 % de la facture moyenne. L'éventail ne représente ainsi qu'un pourcentage limité du prix de la fourniture d'énergie. La variation la plus importante ne concernera qu'un petit nombre de consommateurs, ceux dépassant trois fois le volume de base, soit une consommation très supérieure à la moyenne.

Par conséquent, la loi a imposé des exigences suffisantes pour encadrer le pouvoir réglementaire et assurer une variation limitée des taux effectifs - v., dans un cas comparable où la loi renvoyait au pouvoir réglementaire la détermination d'un coefficient multiplicateur compris entre un et dix servant à déterminer le montant de la taxe due : n° 99-422 DC, 21 décembre 1999, cons. 19, Rec. p. 143.

3. - Il est ensuite soutenu que le mécanisme institué par la loi serait caractérisé par une complexité excessive qui placerait les consommateurs dans l'impossibilité de pouvoir connaître à l'avance le seuil de consommation au-delà duquel s'appliquera le malus. Cette complexité mettrait en échec l'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

Une loi qui invite le contribuable à opérer des arbitrages et conditionne la charge finale de l'impôt à des choix éclairés n'est conforme à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité du droit que si la personne a la possibilité effective d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable le montant de la taxe selon les diverses options qui lui sont ouvertes (2005-530 DC, 29 décembre 2005, cons. 77 à 89, Rec. p. 268).

En l'espèce, les consommateurs seront en mesure de connaître, avant l'année de référence, les taux du bonus-malus et les seuils de consommation qui leur seront applicables. S'agissant des taux du bonus et du malus, il résulte en effet de l'article L. 230-10 qu'ils seront adoptés avant le 31 décembre de l'année précédant l'année de référence. Pour les arrêtés prévus aux I des articles L. 230-3 et L. 230-4 fixant les coefficients représentatifs de l'effet de la localisation et les volumes annuels de référence permettant d'établir le volume base, l'intention du législateur est identique et ces arrêtés seront également adoptés avant le début de l'année de référence. L'ensemble de ces données seront directement portées à la connaissance des consommateurs, qui pourront sur cette base effectuer les arbitrages utiles - étant précisé qu'ils ont nécessairement connaissance du nombre de personnes du site de consommation, qui concourt à la détermination du volume de base.

Il faut préciser par ailleurs que le bonus ne sera pas imputé sur chaque facture au cours de l'année. Un tel dispositif exposerait les consommateurs à un correctif de fin d'année sur le bonus-malus, et serait de nature à nuire à la lisibilité du dispositif. Le choix a donc été fait d'imputer le bonus ou le malus sur la dernière facture afférente à l'année de référence. Concrètement, le bonus ou le malus ne sera calculé qu'après le relevé de consommation de l'année de référence qui a lieu l'année suivante - le calcul ne se fera donc jamais sur la simple base d'une estimation ; il faut que les données aient été relevées par un agent du gestionnaire de réseau à un moment où la consommation totale est nécessairement connue.

Le dispositif ainsi conçu ne méconnaît donc pas l'exigence d'intelligibilité et d'accessibilité du droit.

4. - Un quatrième grief porte sur une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

A/ Plusieurs caractéristiques du dispositif sont contestées :

- L'exclusion, d'une part, des consommations industrielles, agricoles et tertiaires et, d'autre part, des énergies autres que les énergies de réseau ne serait pas justifiée ;

- Le seul critère retenu par la loi de la composition du foyer ne suffirait pas à assurer l'égalité ; d'autres paramètres auraient dû être intégrés : la situation géographique du logement à l'intérieur de la commune, la situation d'activité ou d'inactivité des personnes occupant le logement, la surface du logement et sa nature (maison ou appartement) ;

- La différence de traitement des résidences secondaires, notamment si celles-ci se trouvent dans un immeuble collectif, serait injustifiée ;

- Le fait que, dans certains immeubles collectifs, il soit « techniquement impossible » d'équiper les logements d'installation de comptage individuel des consommations de réseau ne suffirait pas à justifier, au regard de l'objet du dispositif, que le calcul du bonus-malus s'opère au prorata de la participation aux charges de chauffage et non en fonction de la consommation de chaque foyer.

B/ Le Gouvernement considère au contraire que le dispositif respecte l'égalité devant les charges publiques.

a) En premier lieu, le champ d'application du dispositif est en adéquation avec l'objectif poursuivi.

Le choix de ne traiter que des énergies de réseaux, et non des autres énergies polluantes (notamment le fioul et le gaz de pétrole liquéfié), est fondé sur le fait que l'augmentation de la consommation d'énergies de réseau nécessite des investissements coûteux, à la fois dans le développement des réseaux et, s'agissant de l'électricité, dans le développement de nouvelles capacités de production. Ces investissements alimentent l'augmentation des prix de l'énergie observée au cours des dernières années, et justifient une approche spécifique pour ces énergies. C'est dans cette optique que, comme le précise l'article L. 230-1, le dispositif vise à favoriser la sobriété énergétique en luttant contre les surconsommations des énergies de réseaux (électricité, chaleur, gaz).

Au regard de cet objectif, ce dispositif est ciblé sur les consommations domestiques d'énergies - excluant les consommations industrielles, agricoles et tertiaires - en raison des spécificités des consommateurs domestiques. Leur demande d'énergie est orientée à la hausse au cours des dernières années malgré l'augmentation des prix unitaires - le secteur résidentiel-tertiaire est, en dehors des transports, le seul secteur en France à connaître une augmentation significative de sa consommation d'énergie finale (56 millions tonnes équivalent pétrole en 1973, 68 en 2005 et 69 en 2011 ). Une des raisons de ce constat est que le niveau de sensibilisation des consommateurs individuels aux économies d'énergie est encore insuffisant. La loi vise ainsi à stimuler ce potentiel d'économie d'énergie en mettant en place un mécanisme de bonus malus permettant d'envoyer aux consommateurs domestiques un signal par les prix de nature à orienter leurs comportements.

En regard, la situation des consommateurs industriels n'est pas comparable. Depuis 2000, la réduction des consommations d'énergie finale du secteur industriel s'amplifie, phénomène qui s'explique pour partie par la baisse de la production industrielle, mais aussi, de manière significative, par des gains d'efficacité énergétique - l'intensité énergétique dans l'industrie a diminué de 15 % entre 1993 et 2009. Et il existe déjà divers dispositifs incitatifs adaptés à la demande industrielle, pour laquelle les fournisseurs ont proposé des modes de tarification spécifique. Il est important de préciser, sur ce point, qu'à l'horizon 2015 les tarifs réglementés pour les consommateurs industriels seront supprimés. Dans le secteur tertiaire, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a introduit (art. 3) une obligation de travaux d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments tertiaires existants. Dans l'industrie, le système ETS (emission trading system) , qui vise à réduire de manière économiquement efficace les émissions de gaz à effet de serre, conduit pour les industriels concernés à un important effort d'efficacité énergétique. Enfin, pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, des dispositifs d'aides contribuent au mouvement de réduction de la consommation d'énergie de réseau .

Par ailleurs, l'objectif du législateur est d'adapter le prix de consommation en fonction du comportement pour inciter à réduire les consommations d'énergie, mais non de renchérir le coût des produits vendus par les consommateurs industriels, agricoles ou tertiaires, ce qui aurait des conséquences sur leur compétitivité.

Par conséquent, en décidant de cibler le dispositif sur la consommation des énergies de réseau par les consommateurs domestiques, le législateur a fondé son appréciation sur des critères rationnels et objectifs en rapport avec l'objectif poursuivi.

b) En deuxième lieu, les critères de mise en oeuvre du dispositif sont également en adéquation avec l'objectif de la loi.

Cette dernière vise à réduire la consommation de chaque site résidentiel. C'est pourquoi la référence du dispositif de bonus et de malus est le volume de consommation de ce site. Le seul correctif apporté par la loi est le nombre de personnes occupant le logement. Cette pondération s'explique par le fait qu'il s'agit du critère qui influe le plus fortement sur la consommation. Le législateur n'a pas intégré d'autres critères afin de conserver un équilibre entre la volonté d'envoyer aux consommateurs des signaux pertinents sur leur niveau de consommation - dans un souci de pédagogie et d'incitation à la maîtrise de ses consommations -, la nécessité de conserver un système simple et intelligible ne portant pas atteinte à la protection de la vie privée par l'exigence de critères trop intrusifs et enfin la mobilisation de critères objectifs et vérifiables, pour minimiser le risque de fraude.

Pour respecter ces exigences, le dispositif distingue trois tranches de consommation : la première ouvre droit à un bonus, tandis que la deuxième est soumise à un léger malus, et la troisième à un malus plus élevé. Les simulations réalisées montrent que les consommateurs situés dans la première ou la deuxième tranche de consommation ne devraient pas être pénalisés (facture stable ou en baisse par rapport à aujourd'hui), tandis que ceux dont la consommation est située dans la troisième tranche (c'est-à-dire au-delà de trois fois la consommation du premier quartile) seront soumis à un malus net. Ainsi les consommateurs ne sont-ils pénalisés qu'au-delà d'un niveau de consommation particulièrement élevé.

Dans le respect de cet objectif de lutte contre les surconsommations énergétiques, le législateur a pu décider que les consommateurs en situation de précarité énergétique, eu égard à la faiblesse de leurs revenus, se verraient appliquer un malus minoré (article L. 230-7 introduit par la loi déférée). Il n'en résulte aucune rupture de l'égalité devant les charges publiques. D'une part, en effet, le législateur est libre de décider de l'affectation du produit du malus dès lors que sa perception repose sur des critères objectifs et rationnels. A cet égard, le fait que le montant du malus et du bonus soit déterminé en prenant en considération l'existence d'un malus minoré pour un certain nombre de consommateurs est sans incidence sur le respect du principe d'égalité devant les charges publiques. D'autre part, et en tout état de cause, le montant du malus n'est pas annulé pour ces consommateurs, mais abaissé d'une manière limitée, en relation avec la faiblesse de leur pouvoir d'achat ; le caractère incitatif du mécanisme n'est nullement affaibli.

Pour le reste, il ne peut être reproché à la loi de n'avoir pas retenu certains autres critères.

- Le critère de la situation géographique du logement à l'intérieur de la commune apporterait au dispositif une complexité excessive, alors qu'au demeurant il constitue un paramètre dont l'influence est faible. La prise en compte des caractéristiques climatiques de la commune permet déjà d'affiner significativement le calcul du volume de base.

- Il n'existe pas de corrélation établie entre l'âge et le niveau de consommation, ni entre la situation d'activité ou d'inactivité et la consommation - outre que ce critère serait aussi une source certaine de complexité de gestion et nécessiterait l'obtention de données personnelles sensibles. De toute façon, le choix d'une deuxième tranche de consommation plus large que celle initialement proposée est de nature à ne pas pénaliser celles des personnes qui, en raison de sujétions spéciales (liées notamment à un handicap), auraient une consommation plus importante.

- La prise en compte de la superficie du logement aurait l'inconvénient de traiter de manière plus favorable les consommateurs résidant dans de grands logements, indépendamment des besoins liés à leur occupation effective. Au demeurant, le critère de la composition du foyer peut être regardé comme corrélé dans une large mesure avec celui de la superficie du logement.

c) En troisième lieu, le traitement des résidences occasionnelles, et des personnes résidant habituellement dans plusieurs résidences différentes, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques.

Dès lors que le dispositif saisit un site de consommation résidentiel - c'est-à-dire, concrètement, le titulaire d'un abonnement au gaz ou à l'électricité - il n'y a pas lieu d'additionner les consommations de toutes les résidences des membres d'un même foyer. Aucun intérêt général ne pouvait cependant justifier que certains sites de consommation soient exemptés de taxation au motif du caractère occasionnel de l'occupation du logement. En conséquence, la loi couvre l'ensemble des sites de consommation, qu'ils soient principaux ou secondaires. Le malus s'applique ainsi dans tous les cas.

En revanche, les résidences occasionnelles ne profitent pas du bonus. Ce choix résulte de ce que le taux d'occupation très variable des résidences secondaires ne permet pas de déterminer un niveau de consommation en deçà duquel il y aurait lieu de récompenser les efforts de l'abonné. Les résidences secondaires sont en revanche soumises à un malus qui s'applique à partir d'un volume minoré pour limiter l'avantage pouvant découler de la moindre consommation réalisée sur la résidence principale du fait de l'occupation de la résidence secondaire. Ainsi, le dispositif, loin de méconnaître l'égalité, permet d'en assurer le respect en réduisant la distorsion qui résulte de la possibilité pour les occupants de résidences multiples de répartir leur consommation d'énergie entre leurs logements.

d) En dernier lieu, le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas non plus méconnu par le traitement réservé aux immeubles collectifs.

Lorsque l'immeuble est en copropriété et que le système de chauffage est collectif, l'abonné - et, par suite, le redevable du malus - est le syndicat de copropriété, personne morale titulaire du contrat d'abonnement. Du point de vue des copropriétaires, ce malus constitue alors nécessairement une charge de copropriété. De ce fait, elle a vocation à être répartie selon les règles de droit commun, c'est-à-dire en fonction de la participation aux frais de chauffage résultant du règlement de copropriété.

Cependant, afin d'épouser au plus près l'objectif d'incitation à la maîtrise des consommations, le législateur a décidé que la répartition du bonus-malus entre les logements tiendrait compte des niveaux de consommation individuels de chaque logement mesurés par les installations individuelles de comptage, dont le déploiement est d'ores et déjà prévu. Actuellement, on estime que sur 33,3 millions de logements en France, 14,5 millions se trouvent dans des immeubles collectifs et parmi ceux-ci 5,4 millions de logements sont équipés d'un chauffage collectif, dont 4,6 millions alimentés par des énergies de réseau (gaz et chaleur principalement). Au sein de cette dernière catégorie, le taux d'équipement en dispositifs de comptage individuel est de l'ordre de 10 % . La loi prévoit leur généralisation à l'horizon 2015.

Toutefois, lorsque la mise en place de ces installations est techniquement impossible, les règles de droit commun applicables à la répartition des charges ont vocation à s'appliquer, sans pour autant que l'incitation à la maîtrise des consommations disparaisse. Il faut noter que la loi permet aux propriétaires réunis en assemblée générale d'en disposer autrement et de retenir un mode de répartition du bonus-malus qui assure une meilleure prise en compte des niveaux de consommation individuels en faisant application de l'article 24-7 ajouté à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

A cet égard, la situation n'est pas comparable avec celle ayant donné lieu à la décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 (cons. 18 et 19). Avait été censurée une contribution individuelle à raison des comportements de l'ensemble des membres d'une même profession. Le raisonnement n'est pas transposable : le régime de copropriété, librement consenti et dont les contraintes de mutualisation de certaines charges sont acceptées en toute connaissance de cause, constate l'existence d'un lien indissociable entre les différents lots d'un immeuble, inexistant entre les différents membres d'une même profession. Ces liens entraînent nécessairement entre les différents lots ou leurs propriétaires des interactions juridiques - possibilité pour chaque copropriétaire d'évoquer les cas de surconsommations au cours des assemblées générales, et d'y envisager des actions correctives. Les liens sont aussi physiques - ainsi par exemple des transferts calorifiques entre appartements permettant in fine à un copropriétaire de bénéficier indirectement de certaines surconsommations. Au demeurant, la mutualisation des incidences de certains comportements individuels est inhérente au régime de copropriété.

Dans le cas particulier des résidences occasionnelles situées dans un immeuble pourvu d'un chauffage collectif dans lequel n'existeraient pas d'appareils de mesures des consommations individuelles, le législateur a apporté un tempérament de nature à assurer au mieux l'égalité. Le volume de base des immeubles collectifs, aux termes de l'article L. 230-4, est calculé en fonction tant du volume annuel de référence valable pour les résidences principales que du volume de référence valable pour les résidences secondaires - soit la moitié du premier quartile de référence. La particularité de ces dernières est donc pleinement prise en compte. Quant à la répartition du bonus et du malus dans ce cas, elle ne méconnaît comme il a été dit aucun principe ou exigence constitutionnel. En tout état de cause, cette situation ne concerne que 0,3 % de logements français (116 000 logements) - ou 2,5 % des logements avec chauffage collectif alimenté par des énergies de réseaux . Au regard de cette situation très minoritaire et des montants des bonus et malus, faibles et proportionnés aux comportements, on ne peut estimer que le traitement spécifique de ce cas particulier constitue une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Par conséquent, le traitement des immeubles munis d'un chauffage collectif est en rapport avec l'objectif poursuivi et ne méconnaît aucun principe ou exigence constitutionnels.

    • Les auteurs des saisines estiment enfin que la mise en oeuvre d'une base de données permettant de faire fonctionner le dispositif méconnaît le droit au respect de la vie privée.

L'article L. 230-5 du code l'énergie prévoit qu'un organisme désigné par l'autorité administrative - qui pourra être un groupement d'intérêt public voire une personne privée chargée d'une mission de service public - sera chargé de la collecte et de la mise à jour des données nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif. Ces données sont limitées et ne sont pas attentatoires à la vie privée : la localisation du site résidentiel, le caractère occasionnel ou principal de la résidence, le nombre de personnes déclarées y vivre et le mode de chauffage. Elles ne sont pas substantiellement différentes de celles dont disposent déjà les fournisseurs d'énergie de réseau. Seul cet organisme, qui sera responsable du traitement, aura accès à ces données ; les fournisseurs recevront uniquement une information agrégée (le volume de base attribué à chaque consommateur). Et, ainsi que le dispose l'article L. 230-30, ces dispositions seront précisées par un décret pris après avis motivé et rendu public de la commission nationale de l'informatique et des libertés, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. De manière générale, il importe de rappeler que la création de cette base de données suivra les procédures d'autorisation ou de déclaration requises par la loi du 6 janvier 1978 et que les garanties exigées par cette dernière, notamment en cas d'interconnexion entre plusieurs traitements, seront respectées.

Il est prévu, au VIII de l'article L. 230-5, que l'administration fiscale communiquera des informations à l'organisme pour le contrôle des paramètres du calcul des volumes de base. Cette communication contribuera à l'appréciation de la fiabilité des informations transmises, mais ne pourra donner lieu ni à enquête ni a fortiori à une procédure de sanction.

S'agissant enfin du 1 ° du II de l'article 7, son objet est de permettre un ciblage plus fin des consommateurs en situation de précarité, en prenant en compte un critère supplémentaire, le revenu fiscal de référence. Il est envisagé que l'administration fiscale puisse transmettre aux fournisseurs la liste des foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence par part fiscale est inférieur à un certain seuil, afin de permettre l'attribution automatique des tarifs sociaux à ces consommateurs. Une procédure analogue existe déjà aujourd'hui pour les organismes d'assurance maladie qui transmettent la liste des bénéficiaires de la couverture maladie universelle - complémentaire (CMUC) et de l'aide pour l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire (ACS) aux fournisseurs pour l'attribution des tarifs sociaux.

Dans ces conditions, la mise en oeuvre de cette base, collectant des données pertinentes au regard de l'objectif d'intérêt général de sobriété énergétique que vise le dispositif, est adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi (2012-652 DC, 22 mars 2012, cons. 8).

***

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement considère que l'article 2 est conforme à la Constitution.

II. - SUR L'ARTICLE 14.

    • Les députés auteurs de la saisine estiment que cet article, qui autorise un opérateur d'effacement à procéder à des effacements indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité, et à les valoriser en contrepartie d'un versement au profit du fournisseur, porte atteinte au droit de propriété et transfère un pouvoir de police à une personne morale de droit privé. Le législateur, par ailleurs, n'aurait pas exercé toute sa compétence.
    • Le Gouvernement ne partage pas cet avis.

A. - Il faut souligner la particularité du marché de l'électricité. Cette énergie est par nature une énergie qui se stocke difficilement. Il est par conséquent nécessaire d'assurer à tout moment l'équilibre entre la production et la consommation d'électricité sur le réseau. Le code de l'énergie (art. L. 321-10, anciennement l'art. 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000) prévoit à cette fin un principe de responsabilisation des producteurs et des consommateurs pour les écarts entre les injections et les soutirages d'électricité auxquels ils procèdent. Pour assurer l'équilibre réel sur le réseau à tout instant, les fournisseurs d'électricité sont libres de procéder eux-mêmes à l'effacement de leurs propres clients - ou encore d'utiliser l'énergie non consommée pour corriger leurs propres écarts ou de vendre l'énergie correspondante sur les marchés.

A défaut, est confiée au gestionnaire du réseau public de transport, Réseau Transport d'Electricité (RTE), la mission de garantir l'équilibre. Il peut modifier les programmes d'appel, en choisissant parmi les propositions d'ajustement qui lui sont soumises à l'avance par les fournisseurs d'électricité. Il peut aussi conclure des contrats de réservation de puissance avec certains consommateurs raccordés.

Un nouveau mode de résorption des déséquilibres s'est par ailleurs développé. Cette technique, qualifiée d'effacement diffus et proposée par certains opérateurs, passe par l'installation, chez des consommateurs individuels, de boîtiers permettant d'optimiser et de moduler la consommation par régulation du fonctionnement de certains appareils électriques. En cas d'excédent constaté de la demande sur l'offre de fourniture, un rééquilibrage par réduction de la demande est ainsi possible.

B. - Par une délibération du 9 juillet 2009, la commission de régulation de l'énergie (CRE) avait estimé que la loi du 10 février 2000 imposait, dans le cadre du mécanisme d'ajustement, que l'opérateur d'effacement diffus rémunère les fournisseurs dont les clients sont effacés pour l'énergie injectée par ces fournisseurs et valorisée par l'opérateur en question.

Cette délibération a été annulée par le Conseil d'Etat. Ce dernier a considéré (3 mai 2011, SA Voltalis, n°s 331858, aux T.) qu'il ne résultait ni des dispositions de l'article 15 ni d'aucune autre disposition de la loi du 10 février 2000 que l'appréciation économique d'une offre puisse porter sur ses effets indirects sur la collectivité dans son ensemble. Par suite, il a jugé que la CRE avait méconnu la portée de la loi en estimant que cette dernière imposait une rémunération des fournisseurs dont les clients avaient accepté de réduire temporairement leur consommation d'énergie pour l'électricité injectée par ces fournisseurs dans le réseau électrique et valorisée par un opérateur d'effacement.

C. - L'article 14 contesté vient précisément donner un cadre juridique aux opérations de valorisation des effacements de consommation d'électricité sur les marchés de l'énergie.

Le nouvel article L. 271-1 encadre ainsi l'intervention des opérateurs d'effacement, notamment diffus. Ils sont autorisés à procéder à des effacements de consommation, indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité des sites concernés. En contrepartie, l'opérateur d'effacement doit procéder à un versement vers les fournisseurs concernés. Un décret en Conseil d'Etat, pris sur proposition de la CRE, doit fixer la méthodologie pour établir ces règles de valorisation.

Ce dispositif concilie la liberté contractuelle et l'intérêt général qui s'attache à assurer l'équilibre permanent du marché de l'électricité par des mécanismes d'ajustement en vue de garantir la continuité du service public - l'article L. 121-1 du code de l'énergie (anciennement l'article 2 de la loi du 10 février 2000) dispose, à cet égard, que «. . . le service public de l'électricité assure les missions de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que de fourniture d'électricité . . . » ; le Conseil d'Etat a également reconnu l'existence d'un service public de la sécurité de l'approvisionnement en électricité (CE, Ass., 29 avril 2010, M. et Mme B., n° 323179, au R.). De manière générale, l'atteinte portée aux contrats conclus entre le fournisseur d'électricité et ses clients du fait de l'intervention, autorisée par la loi, de l'opérateur d'effacement sans l'accord du fournisseur doit être appréciée en fonction de la particularité du marché de l'électricité, un bien non stockable. On notera qu'en matière d'énergie, le Conseil constitutionnel a déjà jugé conforme à la Constitution une limitation apportée à la liberté contractuelle en raison des enjeux propres au secteur de l'énergie (30 novembre 2006, n° 2006-543 DC, cons. 29 à 31, Rec. p. 120).

Ce dispositif, par ailleurs, ne méconnaît en tout état de cause pas le droit de propriété. La loi prévoit en effet, lorsqu'un opérateur d'effacement efface les clients d'un fournisseur qui a injecté de l'électricité pour laquelle il n'a pas été rémunéré, un régime de compensation. Ce faisant, le législateur a entendu garantir que l'indemnité du fournisseur ne soit pas inférieure au prix que celui-ci aurait obtenu de ses clients à raison de l'électricité injectée dans le réseau en l'absence d'effacement.

D. - Le législateur a posé le principe de l'intervention du tiers opérateur d'effacement sans autorisation du fournisseur d'électricité et d'une indemnisation effective de ce dernier, ainsi qu'il y était tenu par l'article 34 de la Constitution. Il lui était alors loisible de renvoyer au pouvoir réglementaire la méthodologie de mise en oeuvre de ces principes, d'autant plus que la loi encadre la fixation du régime de versement : il doit être « établi en tenant compte des quantités d'électricité injectées par ou pour le compte des fournisseurs des sites effacés et valorisées par l'opérateur d'effacement sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement ».

Il faut noter, enfin, que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, la loi ne procède, ni directement ni indirectement, à une délégation de compétences de police administrative à une personne privée.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que l'article 14 est conforme à la Constitution.

III. - SUR LES ARTICLES 24, 26 et 29.

    • Les auteurs de la saisine considèrent, de manière générale, que ces trois articles sont sans lien avec la proposition de loi initialement déposée. Ils estiment, plus particulièrement, que l'article 24 porte atteinte à l'article 72 de la Constitution, les communes voyant leurs prérogatives ainsi que leurs recettes remises en cause, et que les articles 26 et 29 méconnaissent la Charte de l'environnement, notamment son article 6.
    • Ces griefs ne sont pas fondés.

A. - En premier lieu, ces trois articles - qui sont tous issus d'amendements présentés par le Gouvernement en première lecture - présentent, un lien, au moins indirect, avec le texte initial, ainsi que l'exige le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution lors de la première lecture d'une proposition ou d'un projet de loi.

Ces articles visent à clarifier et à simplifier l'implantation des éoliennes en vue de faire baisser le coût global des énergies renouvelables, l'énergie éolienne étant une des moins chères parmi ces dernières. Leur développement a donc un effet certain sur la tarification des énergies de réseau. Or la proposition de loi déposée visait à améliorer la sobriété énergétique en envoyant un signal de prix aux consommateurs individuels par le jeu de l'offre et de la demande d'énergies de réseaux. Plus globalement encore, le développement de la filière éolienne, qui permet l'optimisation du système de production des énergies renouvelables, concourt à l'objectif du législateur d'assurer la transition vers un régime énergétique sobre. Il participe également de la meilleure maîtrise des coûts d'investissement et de développement des infrastructures des énergies de réseau qui est un des objectifs principaux du dispositif.

Le lien de ces trois articles avec la proposition de loi ne peut par conséquent être contesté.

B. - En deuxième lieu, l'article 24 ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales, aucune disposition ne portant atteinte aux prérogatives ou aux recettes des communes.

Il convient au demeurant de souligner que les communes ne pourront se voir imposer des implantations d'éoliennes par les schémas régionaux éoliens. Ces schémas définissent en effet des zones favorables à l'implantation d'éoliennes mais n'imposent pas ces implantations. Les communes restent compétentes pour l'élaboration des documents d'urbanisme, qui peuvent réglementer les lieux d'installation.

Le nouveau dispositif n'instaure donc en rien une « quasi-tutelle » de la région sur les communes et n'a pas d'effet, direct ou indirect, sur les recettes de ces collectivités.

C. - En dernier lieu, les articles 26 et 29 ne méconnaissent par la Charte de l'environnement, notamment son article 6.

L'article 26 modifie la loi « littoral » dans les départements d'outre-mer pour permettre l'installation d'éoliennes dans ces territoires, tandis que l'article 29 supprime la règle selon laquelle seules les unités de production d'éoliennes comprenant au moins cinq mâts peuvent bénéficier d'une obligation d'achat.

Ces dispositions suppriment des contraintes d'installation que le législateur a estimées disproportionnées et redondantes, afin de favoriser l'installation d'éoliennes et ainsi le déploiement des énergies renouvelables. A raison de leur objet participant du développement durable, ces articles ne peuvent être regardés comme méconnaissant un des intérêts mentionnés à l'article 6 de la Charte de l'environnement aux termes duquel : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social » (v. n° 2005-516 DC, 7 juillet 2005, cons. 25).

En tout état de cause, le législateur a assuré une conciliation adéquate entre les impératifs de protection et de mise en valeur de l'environnement et le développement économique (v. n ° 2005-514 DC du 28 avril 2005, cons. 37 et 38). S'il a entendu permettre l'implantation d'éoliennes dans les communes littorales des départements d'outre-mer, l'installation reste étroitement encadrée par les règles d'urbanisme, de protection du paysage et des espaces classés et la législation propre aux installations classées pour la protection de l'environnement. Ainsi, sont exclus du champ de l'exception instituée par les articles contestés les espaces proches du rivage, qui font l'objet d'une protection très stricte. Par ailleurs, l'autorisation préfectorale accordant une dérogation pour l'implantation des ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées relève d'une procédure spécifique. Il faut aussi préciser que l'autorisation d'implantation doit être refusée si les constructions projetées portent atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables ou si elles sont incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière. Enfin, l'octroi de la dérogation fera donc l'objet d'un strict contrôle du juge s'agissant de l'atteinte éventuelle portée à l'environnement, aux sites et aux paysages.

Par conséquent, les articles 24, 26 et 29 sont conformes à la Constitution.

***

Par suite, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.