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Décision n° 2013-665 DC du 28 février 2013 - Saisine par 60 députés

Loi portant création du contrat de génération
Non conformité partielle

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi portant contrat de génération, définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 14 février 2013.

A l'appui de cette saisine, nous développons les griefs suivants, relatifs à l'article 6 du projet de loi.

Le projet de loi initial avait pour objet précis la transcription d'un accord national interprofessionnel, signé par l'ensemble des partenaires sociaux en octobre 2012, pour les dispositions relevant du domaine de la loi. Or, plusieurs dispositions ont été adoptées en première lecture, tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat, en méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution aux termes duquel : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Ainsi en est-il de l'article 6, introduit par un amendement du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre d'un examen en procédure accélérée, qui institue, pendant une période de trois ans, un examen professionnel ouvert aux contrôleurs du travail pour accéder au corps des inspecteurs du travail.

Outre qu'il est paradoxal qu'à l'occasion de la validation d'un accord national interprofessionnel issu du dialogue social, le gouvernement introduise une mesure touchant au statut des contrôleurs et inspecteurs du travail qui n'a fait l'objet d'aucune concertation ni accord préalable, cet article additionnel n'a pas de lien direct ou indirect avec le projet de loi initial.

Il s'agit en effet d'une très importante réforme du système d'inspection du travail puisqu'à delà du plan de 3 ans d'intégration des contrôleurs du travail dans le corps des inspecteurs prévu à l'article 6, le Ministre de la Fonction publique a annoncé devant le Sénat lors de la séance du 6 février 2013 : « Dans ce cadre, tous les postes de contrôleur du travail seront concernés dans les dix prochaines années. Nous proposons 130 passages en 2013, 540 dans les trois ans, et 3 234, en équivalents temps plein de contrôleurs, dans les dix ans »

Le dispositif, dont les auteurs de la saisine demandent la censure, est d'autant moins lié au texte initial que la rapporteure de la Commission des affaires sociales du Sénat a dû reconnaître la précipitation à agir du gouvernement : « Compte tenu des délais séparant l'adoption de l'amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale et l'examen du texte en commission au Sénat, votre rapporteure n'a pas été en mesure d'organiser des auditions sur ce nouvel article ». Rapport no 317 (2012-2013) de Mme Christiane DEMONTÈS, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 30 janvier 2013.

L'art 6 est un« cavalier législatif », adopté selon une procédure contraire à l'article 45 premier alinéa de la Constitution, sans lien, même indirect, avec le texte initial.

Il doit donc être déclaré contraire à la Constitution comme tel, ainsi que vous le faites avec constance et d'office et encore très récemment dans vos décisions 2011-640 DC du 4 août 2011 et 2012-649 DC du 15 mars 2012.

Souhaitant que cette question soit tranchée en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur ce point et tous ceux qu'il estimera pertinents de soulever d'office, eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution.