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Décision n° 2013-372 QPC du 7 mars 2014 - Décision de renvoi Cass.

M. Marc V. [Saisine d'office du tribunal pour la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire]
Non conformité totale

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du vendredi 20 décembre 2013
N° de pourvoi : 13-40060
Arrêt n° 1253
Non publié au bulletin Qpc seule - renvoi au cc

M. Espel (président), président
SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE Français

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que la question, soulevée dans le mémoire spécial et motivé déposé devant la cour d'appel de Toulouse telle qu'elle l'a transmise, est ainsi rédigée : « La disposition de I'article L. 626-27 II du code de commerce prévoyant la possibilité pour le tribunal de se saisir d'office en vue de la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire par voie de continuation lorsque le débiteur n'exécute pas ses engagements et d'ouverture consécutive d'une liquidation judiciaire est-elle conforme à la Constitution, alors que celle-ci apparaît contraire à I'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et qu'elle ne garantit pas le respect du principe d'impartialité du juge » ;

Attendu que l'article L. 626-27 II du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause, dispose que : « II. - Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I (cessation des paiements du débiteur constatée au cours de l'exécution du plan entraînant une décision du tribunal de résolution de ce plan et ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire), le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Il peut également se saisir d'office. » ;

Attendu que cette disposition est applicable au litige ou à la procédure, en ce que c'est en vertu du texte critiqué que, par jugement du 25 juin 2013, le tribunal s'est saisi d'office afin de constater l'état de cessation des paiements de M. X… et de prononcer la résolution de son plan de redressement en cours d'exécution et l'ouverture corrélative de sa liquidation judiciaire ;

Attendu que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que la question, ne portant pas sur des dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Mais attendu que la faculté pour une juridiction de se saisir elle-même en vue de prononcer la résolution du plan de redressement en cours d'exécution et l'ouverture corrélative de la liquidation judiciaire du débiteur peut apparaître contraire au droit du débiteur à pouvoir bénéficier d'une juridiction impartiale garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors que le juge, en prenant l'initiative de l'introduction de l'instance, peut être perçu comme une partie ; que la disposition invoquée, si elle répond à la nécessité d'une surveillance de la bonne exécution des plans de redressement par les débiteurs et au but d'éliminer au plus vite les débiteurs dont le redressement économique est manifestement impossible, est susceptible de constituer une atteinte au principe d'impartialité des juridictions, en ce qu'elle ne comporte pas, par elle-même, un mécanisme permettant d'assurer la pleine effectivité des droits du débiteur ; que la question posée présente donc un caractère sérieux ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille treize, signé par M. Espel, président et Mme Arnoux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.