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Décision n° 2013-370 QPC du 28 février 2014 - Décision de renvoi CE

M. Marc S. et autre [Exploitation numérique des livres indisponibles]
Conformité

Conseil d'État

N° 368208
ECLI : FR : CESSR : 2013 : 368208.20131219
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Romain Godet, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public

lecture du jeudi 19 décembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. B...D..., demeurant..., et Mme C...A..., demeurant ...; M. D...et Mme A...demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2013-182 du 27 février 2013 portant application des articles L. 134-1 à L. 134-9 du code de la propriété intellectuelle et relatif à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1er de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle, notamment les articles L. 134-1 à L. 134-8 dans leur rédaction issue de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) » ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article 1er de la loi du 1er mars 2012, en créant les articles L. 134-1 à L. 134-9 du code de la propriété intellectuelle, a institué un dispositif destiné à favoriser l'exploitation numérique d'oeuvres reproduites dans des livres publiés en France avant le 1er janvier 2001, ne faisant plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur et ne faisant pas actuellement l'objet d'une publication sous une forme imprimée ou numérique ; que, sauf pour les auteurs ou éditeurs de ces oeuvres, qualifiées par la loi de « livres indisponibles », à exercer un droit d'opposition ou de retrait dans les conditions prévues par cette même loi, le droit d'autoriser leur reproduction ou leur représentation sous une forme numérique est exercé, à l'issue d'un délai de six mois à compter de leur inscription au sein d'une base de données accessible au public placée sous la responsabilité de la Bibliothèque nationale de France, par des sociétés de perception et de répartition des droits agréées à cet effet par le ministre chargé de la culture ;

3. Considérant que la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit doit être regardée, en l'état du dossier, comme justifiant d'un intérêt suffisant pour intervenir en défense sur la requête de M. D...et Mme A...; que, dès lors, leur intervention en défense sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par eux à l'appui de cette requête, présentée par un mémoire distinct, doit être admise pour l'examen de cette question prioritaire de constitutionnalité ;

4. Considérant que l'article 1er de la loi du 1er mars 2012 est applicable au litige dont est saisi le Conseil d'Etat, en tant qu'il insère dans le code de la propriété intellectuelle les seuls articles L. 134-1 à L. 134-8 ; qu'il n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 1er de la loi du 1er mars 2012, en tant qu'il insère dans le code de la propriété intellectuelle les articles L. 134-1 à L. 134-8, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. D...et Mme A...jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...D..., à Mme C...A..., à la ministre de la culture et de la communication ainsi qu'à la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.