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Décision n° 2013-310 QPC du 16 mai 2013 - Décision de renvoi Cass.

M. Jérôme P. [Conseil de discipline des avocats en Polynésie française]
Conformité - réserve

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 20 février 2013
N° de pourvoi : 12-40093
Non publié au bulletin Qpc seule - renvoi au cc

M. Charruault (président), président
SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., avocat au barreau de Papeete, a été sanctionné disciplinairement pour manquement à l'obligation de délicatesse et à la déontologie par le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Papeete qui, par décision du 23 mars 2012, a prononcé contre lui l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de huit mois, avec sursis ; qu'ayant interjeté appel de cette décision, il a, devant la cour d'appel, présenté, par mémoire distinct et motivé, une question prioritaire de constitutionnalité dont, par arrêt du 8 novembre 2012, la juridiction a ordonné la transmission à la Cour de cassation ; que la question transmise, reçue au greffe de la Cour de cassation le 21 novembre 2012, est ainsi libellée :

« La loi n° 2004-130 du 11 février 2004 qui a modifié l'article 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (en instituant des conseils de discipline distincts des conseils de l'ordre) en excluant toutefois de son bénéfice les avocats inscrits au barreau de Papeete, a t-elle, ainsi que les articles 22 et 81 de la loi du 31 décembre 1971 en son texte initial, porté atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, faute d'accès effectif à un juge indépendant et impartial, au travers des principes d'égalité des armes et du respect des droits de la défense, ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice - en violation des articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789  »

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige dès lors qu'elles concernent la procédure disciplinaire diligentée contre l'avocat concerné, inscrit au barreau de Papeete, en ce qu'elles prévoient l'organe qui, siégeant comme conseil de discipline, connaît des infractions et fautes qui lui sont imputées ;

Que, si, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité libellée dans les mêmes termes et fondée sur l'allégation d'une pareille atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, portée par les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 en ce qu'elles soumettent les avocats inscrits au barreau de Paris à un organe disciplinaire composé selon des règles différentes de celles applicables aux autres barreaux, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré cet article conforme à la Constitution par sa décision n° 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, les motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement ont exclusivement trait au dispositif propre au barreau de Paris, au regard de la situation et de l'importance particulières de celui-ci, par rapport à celles des autres barreaux ; que, dès lors, la déclaration de conformité au principe d'égalité devant la justice ainsi qu'aux droits de la défense et aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions, qui n'est envisagée qu'en ce qui concerne le maintien des attributions disciplinaires du conseil de l'ordre du barreau de Paris, ne saurait faire obstacle à la transmission de la même question au regard de circonstances différentes tenant à la situation et à l'importance d'un barreau tel celui de Papeete comportant moins de cent avocats inscrits ;

Que la question posée présente un caractère sérieux en ce qu'elle allègue une atteinte au principe d'égalité devant la justice ainsi qu'aux droits de la défense et aux principes d'indépendance et d'impartialité en raison du maintien des attributions disciplinaires du conseil de l'ordre du barreau de Papeete, siégeant comme conseil de discipline, pour connaître des infractions et fautes commises par un avocat qui y est inscrit et qui, au au regard du faible nombre d'avocats de ce barreau et contrairement à l'intention du législateur de garantir, par l'institution d'un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d'appel, l'impartialité de l'instance disciplinaire, est exposé aux risques de proximité avec les membres qui la composent dans le ressort de la cour d'appel de Papeete ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.