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Décision n° 2013-3 LP du 1 octobre 2013 - Présidente de la Province Sud

Loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie
Conformité

FAITS ET PROCEDURE

I.- Le 25 septembre 2012, l'Autorité de la concurrence a remis au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie deux rapports, qui avaient été sollicités par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, portant respectivement sur « les mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation » et « les structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie ».

Sur le fondement de ces rapports, le groupe « Calédonie Ensemble » a déposé au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, en février 2013, une proposition de loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie.

Cette proposition de loi prévoyait notamment de confier à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle- Calédonie, autorité administrative indépendante dont la création supposait au préalable une modification de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, un pouvoir de contrôle des opérations de concentration (chapitre premier du titre premier) « lorsque le chiffre d'affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie par les entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 500 000 000 F. CFP » (1) (article 2).

A l'article 10, qui figurait sous un chapitre relatif au « contrôle de l'accroissement des surfaces exploitées dans le secteur du commerce de détail » (compris lui aussi dans le titre premier intitulé « de la concentration économique »), la proposition de loi prévoyait de soumettre à un régime de déclaration auprès de l'autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie les opérations suivantes :

« 1 ° Toute mise en exploitation d'un nouveau magasin de commerce de détail, lorsque sa surface de vente est supérieure à 300 m2 ;

2 ° Toute mise en exploitation, dans un magasin de commerce de détail déjà en exploitation, d'une nouvelle surface de vente, lorsque la surface totale de vente de ce magasin est ou devient supérieure à 300 m2 ;

3 ° Tout changement d'enseigne commerciale d'un magasin de commerce de détail dont la surface de vente ( … ) est supérieure à 300 m2, et tout changement de secteur d'activité d'un tel magasin ;

4 ° Toute reprise, par un nouvel exploitant, d'un magasin de commerce de détail dont la surface de vente (. . .) est supérieure à 300 m2 ».

L'article 16, figurant sous le chapitre trois du titre premier - intitulé « résorption des situations soulevant des préoccupations de concurrence » - confiait en outre un pouvoir d'injonction structurelle à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, notamment « lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises détient, dans une zone de chalandise, une part de marché dépassant 25 % ».

Aux termes de l'article 26, relatif aux dispositions finales, les attributions confiées à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie devaient être exercées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans l'attente de l'installation de cette autorité administrative indépendante après modification de loi organique n° 99-209 du 19 mars 2009.

En application de l'article 155 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la proposition de loi qui vient d'être présentée a été transmise pour avis au Conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie (production n° 4). Puis, en application de l'article 100 de la même loi organique, la proposition de loi du pays a été soumise pour avis au Conseil d'Etat, avant sa première lecture. Aux termes de son avis émis le 2 avril 2013 (production n° 5), le Conseil d'Etat (Section des finances) a notamment souligné :

- que le seuil d'entrée dans le dispositif de contrôle des opérations de concentration, fixé à 500 000 000 F. CFP de chiffre d'affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie, était inférieur à celui applicable dans les départements et collectivités d' outre-mer et aurait pour conséquence de faire entrer dans le champ du contrôle un grand nombre d'opérations dont beaucoup n' auront aucune influence négative sur la concurrence ;

- que le seuil de 300 mètres carrés de surface de vente à compter duquel trouvait à s'appliquer le régime de déclaration pour toute opération de mise en exploitation, de changement d'enseigne ou de reprise pouvait être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi au regard de la liberté d'entreprendre ; le Conseil d'État a en conséquence proposé de retenir un seuil de 600 m2 de surface de vente (production) ;

- que la possibilité d'adresser des injonctions structurelles à des entreprises détenant une part de marché de 25 % dans leur zone de chalandise, sans qu'un plafond exprimé en chiffres des entreprises ne soit mentionné, pouvait également être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi au regard de la liberté d'entreprendre.

Le texte a été modifié en première lecture, le seuil prévu à l'article 10 étant notamment porté à 500 m2, tendant à se conformer aux recommandations du Conseil d'État.

Cependant, cet article a de nouveau été modifié par le Congrès en seconde lecture, le seuil précité étant notamment ramené à 350 m2.

La rédaction définitive de l'article 10 de la loi du pays est ainsi la suivante :

« Est soumise au régime d'autorisation défini par le présent chapitre :

1 ° Toute mise en exploitation d'un nouveau magasin de commerce de détail, lorsque sa surface de vente est supérieure à 350 m2 ;

2 ° Toute mise en exploitation, dans un magasin de commerce de détail déjà en exploitation, d'une nouvelle surface de vente, lorsque la surface totale de vente de ce magasin est ou devient supérieure à 350 m2 ;

3 ° Tout changement d'enseigne commerciale d'un magasin de commerce de détail dont la surface de vente (. . .) est supérieure à 350 m2 , et tout changement de secteur d'activité d'un tel magasin ;

4 ° Toute reprise, par un nouvel exploitant, d'un magasin de commerce de détail dont la surface de vente est supérieure à 350 m2».

Le seuil de contrôle des opérations de concentration figurant à l'article 2 de la loi a pour sa part été porté à 600 000 000 F. CFP. L'article 16 a quant à lui été modifié afin de préciser que les injonctions structurelles peuvent être mises en œuvre, notamment, « lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises détient, dans une zone de chalandise, une part de marché dépassant 25 %, représentant un chiffre d'affaires supérieur à 600 000 000 F. CFP ». Enfin, la loi du pays ne mentionne plus une future autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, mais confie directement au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'ensemble des attributions qu'elle prévoit.

En application de l'article 103 de la loi organique du 19 mars 1999, 11 membres du Congrès ont sollicité une nouvelle délibération sur cette loi du pays. Cette nouvelle délibération, qui a eu lieu le 25 juin 2013, n'a pas permis d'obtenir les modifications souhaitées du texte proposées.

C'est dans ces conditions que, sur le fondement de l'article 104 de la même loi organique, la Présidente de l'assemblée de la province-Sud de la Nouvelle-Calédonie, exposante, entend déférer au Conseil constitutionnel la loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie, dont plusieurs dispositions lui apparaissent susceptibles de méconnaître la Constitution, pour les motifs développés ci-après.

DISCUSSION

Les articles 2, 10 à 16 et 24 de la loi du pays relative à la concurrence n'apparaissent pas conformes à la Constitution.

SUR L'ARTICLE 2

II.- En droit, aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ».

Depuis sa décision du 16 janvier 1982, le Conseil constitutionnel reconnaît, sur ce fondement, valeur constitutionnelle à la liberté d'entreprendre :

« (. . .) la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre » (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, cons. 16).

Plus précisément, le Conseil constitutionnel juge de façon constante depuis 2001 « qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (p. ex. décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l'archéologie préventive, cons. 13 ; décision n°2010-55 QPC du 18 octobre 2010, cons. 4 ; décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, cons. 8).

Il est en outre acquis, depuis une décision récente, que la liberté d'entreprendre « comprend non seulement la liberté d'accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l'exercice de cette profession ou de cette activité » (décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, cons. 7).

Le Conseil constitutionnel a, sur le fondement des règles ainsi posées, censuré à plusieurs reprises des atteintes inconstitutionnelles à la liberté d'entreprendre.

Ainsi, par une décision du 7 décembre 2000, il a retenu que la disposition imposant une autorisation administrative pour tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal entraînant un changement d'activité, portait à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi :

« Considérant que le souci d'assurer » la sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers « répond à un objectif d'intérêt général ; que, toutefois, en soumettant à une autorisation administrative tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal entraînant une modification de la nature de l'activité, le législateur a apporté, en l'espèce, tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi » (décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, Loi relative à la solidarité et au développement urbain, cons. 20).

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a retenu que méconnaissait la liberté d'entreprendre la disposition du code de l'environnement qui habilitait le pouvoir réglementaire à fixer les conditions dans lesquelles certaines constructions nouvelles devaient comporter une quantité minimale de matériaux en bois, sans aucune limitation notamment quant à la détermination du niveau de la part minimale de bois à incorporer :

« Considérant qu'en donnant la compétence, de façon générale, au Gouvernement pour fixer les conditions dans lesquelles « certaines constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois », le paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de l'environnement a porté aux exigences découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789, notamment à la liberté d'entreprendre, une atteinte qui n'est pas justifiée par un motif (d'intérêt général en lien direct avec l'objectif poursuivi ; qu'il en résulte que le paragraphe V de l'article L. 224-1 du code de l'environnement doit être déclaré contraire à la Constitution » (décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013, cons. 10, soulignement ajouté).

Il résulte de ce qui précède qu'une limitation apportée par la loi à la liberté dans l'exercice d'une profession ou d'une activité économique ne peut être conforme à la Constitution qu'à condition, d'une part, qu'elle soit justifiée par un motif d' intérêt général en lien direct avec l'objectif poursuivi par la loi, d'autre part, que la limitation soit proportionnée à cet objectif.

III.- Au cas présent, les dispositions de l'article 2 de la loi du pays déférée au Conseil constitutionnel méconnaissent la liberté d'entreprendre.

Plus précisément, en soumettant à un régime d'autorisation les opérations de concentration lorsque le chiffre d'affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie par les entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 600 000 000 F. CFP, la loi du pays porte une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre.

Par son avis du 2 avril 2013 précité, le Conseil d'Etat (Section des Finances) a retenu en ce sens :

« le montant du chiffre d'affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie retenu comme seuil d'entrée dans le dispositif de contrôle (500 000 000 F CFP, soit environ 4,2 millions d'euros) est inférieur à celui applicable dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (15 millions d'euros). Le montant proposé aura pour conséquence de faire entrer dans le champ du contrôle un grand nombre d'opérations dont beaucoup n'auront aucune influence négative sur la concurrence.

L'Autorité de la concurrence avait proposé, dans son rapport remis au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au mois de septembre 2012, de retenir un montant de chiffre d'affaires équivalent à celui applicable dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il est suggéré de retenir ce montant. Par ailleurs, le montant du chiffre d'affaires total mondial pourrait être fixé à un niveau équivalent à 75 millions d'euros » (p. 3 de l'avis).

Le Congrès n'a pas suivi la recommandation du Conseil d'Etat et s'est contenté de relever le montant du chiffre d'affaire total réalisé en Nouvelle-Calédonie retenu comme seuil d'entrée dans le dispositif de contrôle de 500 000 000 à 600 000 000 F. CFP. Soit à peu près 5 millions d'euros, au lieu d'un montant de 15 millions d'euros comme le préconisait le Conseil d'Etat.

IV.- L'objectif poursuivi par le dispositif de contrôle a priori des opérations de concentration institué par l'article 2 de la loi du pays consistait pourtant à prévenir les atteintes à la concurrence susceptibles de résulter de ces opérations. Or, en retenant un seuil de chiffre d'affaires total en Nouvelle-Calédonie aussi bas que celui de 600 000 000 F. CFP, la loi du pays soumet à ce dispositif des opérations qui ne peuvent être susceptibles d'affecter en elles-mêmes le libre jeu de la concurrence. Sous ce rapport, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre n'apparaît pas justifiée par un motif d'intérêt général en lien direct avec l'objectif poursuivi.

Pour cette raison déjà, l'article 2 de la loi du pays déférée n'est pas conforme à la Constitution.

V.- A supposer même que le seuil de chiffre d'affaires retenu puisse être justifié par un motif d'intérêt général en lien direct avec l'objectif de régulation des marchés, il n'en demeure pas moins que l'instauration d'un régime d'autorisation préalable est disproportionnée par rapport à un tel objectif.

Comme il a été rappelé ci-dessus, le Conseil constitutionnel a considéré, par sa décision du 7 décembre 2000, que soumettre à un régime d'autorisation administrative tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal entraînant une modification de la nature de l'activité constituait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Un régime d'autorisation administrative préalable est en effet particulièrement attentatoire, en soi, au libre exercice des activités économiques. Il doit demeurer une mesure ultime et ne peut être proportionné à l'objectif poursuivi qu'en présence de justifications circonstanciées qui le rendent strictement nécessaire pour atteindre cet objectif.

En l'espèce, au regard de l'objectif poursuivi, il n'apparaît ni nécessaire ni justifié de soumettre à autorisation préalable les opérations de concentration lorsque le chiffre d'affaires total réalisé en Nouvelle-Calédonie par les entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 600 000 000 F. CFP.

La contrariété à la Constitution n'en est que plus certaine.

SUR LES ARTICLES 10 A 15

Il sera démontré que les dispositions des articles 10 à 15 de la loi du pays relative à la concurrence, d'une part, méconnaissent la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces déterminée par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, d'autre part, sont attentatoires à la liberté d'entreprendre.

En ce qui concerne l'atteinte à la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces.

Quant à la compétence du Conseil constitutionnel pour examiner la conformité des dispositions de la loi du pays relative à la concurrence à la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie du 19 mars 1999.

VI.- L'article 77 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose :

« Après approbation de l'accord lors de la consultation prévue à l'article 76, la loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en œuvre :

- les compétences de l'État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ;

- les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;

- les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ;

- les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté.

Les autres mesures nécessaires à la mise en œuvre de l'accord mentionné à l'article 76 sont définies par la loi [. . .] ».

Ces dispositions font expressément référence à la loi organique prise pour la mise en œuvre des accords de Nouméa signés le 5 mai 1998 et destinée à assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord. La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, conformément aux dispositions précitées, organise la répartition des compétences entre l'Etat, la Nouvelle-Calédonie et les collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie.

Il est acquis que les lois organiques, qui sont régies par l'article 46 de la Constitution, font partie intégrante des normes de référence au regard desquelles le Conseil constitutionnel exerce le contrôle a priori des règlements d'Assemblée (2), des lois de finances (3) (LOLF n° 2001-692 du 1er août 2001) et des lois de financement de la sécurité sociale (LO n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques codifiée aux articles L.O. 111-3 et suivants du code de la sécurité sociale).

Si, par construction, les dispositions de la loi organique du 19 mars 1999 précitée n'ont pas valeur constitutionnelle, il n'en reste pas moins que la Constitution opère un renvoi exprès à ces dispositions.

Par le biais de ce renvoi, ces dispositions deviennent des normes de référence du contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires.

Ainsi, par une décision du 27 janvier 2000 , saisi en application de l'article 104 de la loi organique du 19 mars 1999 de la conformité à la Constitution d'une loi du pays relative à l'institution d'une taxe générale sur les services, le Conseil constitutionnel a, après avoir visé ladite loi organique, examiné la conformité des articles contestés de la loi du pays à la loi organique.

Il ne fait donc guère de doute que le Conseil constitutionnel est compétent pour examiner la conformité des dispositions de la loi du pays relative à la concurrence à la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.

Quant à la méconnaissance de la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces telle que prévue par la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

VII.- L'article 22 de la loi organique, qui énumère les compétences de la Nouvelle-Calédonie, dispose qu'elle est compétente en matière de « 19 ° Réglementation des poids et mesures ; consommation, concurrence et répression des fraudes, droit de la concentration économique ; 20 ° Réglementation des prix et organisation des marchés, sous réserve de la compétence des provinces en matière d'urbanisme commercial » (souligné par l'exposante).

Il en résulte que si la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de droit de la concurrence et de droit des concentrations économiques lui permettant de réglementer ces domaines d'activité, elle ne l'est pas en matière d'urbanisme commercial. Celle-ci ressort de la compétence des provinces qui sont, par conséquent, seules habilitées à réglementer cette matière.

Or, l'article 10 de la loi du pays relative à la concurrence entend instaurer un régime d'autorisation auquel seraient notamment soumises toutes les exploitations de nouveaux magasins de commerce de détail dont la surface de vente serait supérieure à 350 m2, ainsi que toutes mises en exploitation, dans un magasin de commerce de détail déjà en exploitation, d'une nouvelle surface de vente, lorsque la surface de vente est ou devient supérieure à 350 m2.

Exerçant sa compétence, la province Sud a adopté une délibération n° 41-2006/APS du 28 septembre 2006 relative à l'urbanisme commercial dans la province Sud (production n° 6). Il ressort de cette délibération que le président de l'assemblée de province se prononce, après avis de la commission provinciale d'urbanisme et en fonction de critères mentionnés à l'article 2, sur :
- les demandes de projets de création de magasins de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m2, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ;
- d'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil de 300 m2 ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;
- de création ou d'extension d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale supérieure à 300 m2 ou devant dépasser ce seuil par la réalisation du projet, sauf pour les extensions n'excédant pas 300 m2 de surface de vente au total dans un ensemble commercial déjà dûment autorisé et ce par périodes de cinq ans ;
- de réutilisation à usage de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m2 libérée à la suite d'une création de magasin par transfert d'activité existante, quelle que soit la date à laquelle a été autorisé ce transfert ;

- de changement de secteur d'activité d'un commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m2.

Aux termes du même article, le président de l'assemblée de province doit se prononcer au regard notamment des « conditions d'une concurrence effective au sein du commerce dans la zone de chalandise, l'agglomération du Grand Nouméa et la province Sud, en prenant en compte l'existence éventuelle d'une position dominante d'un groupe ou d'une enseigne ».

La province Nord de la Nouvelle-Calédonie a, elle aussi, exercé sa compétence en adoptant une délibération n° 54-2005/APN du 15 avril 2005 relative à l'urbanisme commercial (production n° 7), dont l'article premier dispose :
« Préalablement au dépôt de la demande de permis de construire s'il y a lieu, et avant réalisation, si le permis de construire n'est pas exigé, sont soumis pour autorisation au président de 1 'assemblée de province Nord, les projets :
1 ° - de constructions nouvelles entraînant création de magasins ou de commerces de détail d'une surface de plancher hors œuvre brute supérieure ou égale à 1. 000 m2, ou d'une surface de vente supérieure ou égale 500 m2.
2 ° - d'extension de magasins ou d'augmentation des surfaces de vente des établissements commerciaux ayant déjà atteint les surfaces prévues au 1 ° ci-dessus ou devant les atteindre ou les dépasser par la réalisation du projet si celui-ci porte sur une surface de vente supérieure à 200 m2.
3 ° - de transformation d'immeubles existants en établissements de commerce de détail dont la surface de plancher hors œuvre nette ou la surface de vente est supérieure ou égale aux surfaces définies au 1 ° ci-dessus ».

Le régime d'autorisation institué par l'article l 0 de la loi du pays se superpose donc, à compter de 350 m2, à celui déjà prévu par les provinces en matière d'urbanisme commercial pour le même type d'opérations à compter d'un seuil de 300 m2 dans la province Sud et de 500 m2 dans la province Nord.

Ce faisant, le Congrès a en partie excédé les compétences de la Nouvelle-Calédonie empiété sur celles des provinces, au demeurant exercées, qu'elles résultent de la loi organique.

Le « contrôle de l'accroissement des surfaces exploitées dans le secteur du commerce de détail », selon l'intitulé du chapitre 2 du titre premier de la loi du pays déférée, ne peut en effet se rattacher dans sa totalité aux matières dévolues à la Nouvelle-Calédonie par l'article 22 de la loi organique.
Notamment, dès lors qu'il s'applique même à des opérateurs économiques qui n'exploitent encore aucune activité, il est étranger au « droit de la concentration économique » confié à la Nouvelle-Calédonie par le 19 ° de l'article 22. Par ailleurs, s' il résulte de l'article 13 de la loi du pays que le dispositif est destiné à prévenir des atteintes à la concurrence, « notamment par création ou renforcement d'une position dominante ou par création ou renforcement d'une puissance d'achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique », le champ d'application retenu excède manifestement la compétence dévolue à la Nouvelle-Calédonie en matière de concurrence par le même 19 ° de l'article 22 de la loi organique. L'article 10 de la loi du pays soumet en effet à un contrôle a priori toute opération portant sur une surface de vente de commerce de détail supérieure à 350 m2 quand bien même aucun élément objectif ne permettrait de craindre une quelconque atteinte à la concurrence.

L'article 10 de la loi du pays, et par voie de conséquence les articles 11 à 15, apparaissent contraires à la Constitution de ce premier chef.

En ce qui concerne l'atteinte à la liberté d'entreprendre

VIII.- La proposition de loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie prévoyait de soumettre à déclaration auprès de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie toute mise en exploitation d'une nouvelle surface commerciale (qu'il s'agisse de l'ouverture d'un nouveau magasin ou d'une extension d'un magasin existant) ainsi que tout changement d'affectation ou d'enseigne d'un magasin existant, ou encore toute reprise dès lors que la surface de vente concernée était supérieure à 300 m2.

Ces prescriptions ne sont pas cohérentes avec les objectifs poursuivis par la loi du pays et peuvent même, à certains égards, être en contradiction avec ceux-ci. La loi du pays relative à la concurrence ambitionne de prévenir les potentielles atteintes à la concurrence et plus précisément les abus de position dominante. Cela nécessite de délimiter des marchés pertinents et de fixer des critères relatifs à la taille des entreprises concernées en fonction de leur nombre de salariés, de leur chiffre d'affaires, de leurs filiales ou autre indicateur probant permettant d' identifier les entreprises susceptibles d'être en position dominante. Il convient également de rappeler que la simple position dominante d'une entreprise n'emporte pas nécessairement un abus. Mais avant d'envisager de telles pratiques anticoncurrentielles, encore faut-il établir que les entreprises concernées sont en position dominante sur le marché.

Au cas présent, les articles 10 et suivants de la loi du pays prévoient uniquement un seuil en termes de surface commerciale, ce qui implique une mise en œuvre indistincte à tous les opérateurs économiques quels qu'ils soient, peu important leur taille et leur influence réelle ou potentielle sur le marché. Sous ce rapport, les dispositions litigieuses sont dépourvues de lien direct avec la recherche et la prévention de pratiques anticoncurrentielles tels que les abus de position dominante.

Elles encourent donc la censure du Conseil constitutionnel dès ce premier stade de l'analyse, au regard de la jurisprudence précédemment rappelée (cf. point II supra).

IX.- Si le Conseil constitutionnel venait néanmoins à considérer que les dispositions contestées répondent bien aux objectifs poursuivis par la Nouvelle-Calédonie, il devra tout de même les censurer en ce qu'elles sont disproportionnées par rapport à ces objectifs.

Le Conseil d'Etat, par son avis rendu le 2 avril 2013, a retenu que le seuil de 300 m2 initialement retenu par la proposition de loi du pays pouvait être regardé comme portant à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi :

« L'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie pourra s'opposer aux projets qui lui sont déclarés lorsque la situation le justifie au regard du risque d'atteinte à la concurrence. Ce seuil de 300 mètres carrés de surface de vente, qui correspond à la surface moyenne d'une supérette de quartier, aura pour conséquence de soumettre au dispositif de contrôle un très grand nombre de situations, dont beaucoup n'auront aucune influence négative sur la concurrence. L'autorité de la concurrence a suggéré, dans son rapport de septembre 2012, de fixer le seuil d'entrée du dispositif de contrôle à 600 mètres carrés de surface de vente. Afin de limiter le risque que le dispositif soit regardé comme portant une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi d'assurer en Nouvelle-Calédonie une concurrence suffisante dans le commerce de détail, le Conseil d'Etat (section finances) recommande de retenir le seuil de 600 mètres carrés de surface de vente ».

Or, il ressort du premier alinéa de l'article 10 de la loi du pays déférée (« est soumise au régime d'autorisation défini par le présent chapitre (…) ») que les opérations concernées sont soumises à un régime d'autorisation et non plus à un régime de déclaration tel qu'il était prévu par la proposition de loi. Cela est confirmé par l'article 12 :

« Dans un délai de quarante jours ouvrés à compter de la publication visée au IV de 1'article 11, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie prend un arrêté motivé :
- si l'opération qui lui a été déclarée en application de l'article JO présente un doute sérieux d'atteinte à la concurrence, notamment au regard des critères mentionnés au premier alinéa du I de 1 'article 13, il engage un examen approfondi ;
- sinon, il autorise l'opération ».

Et l'article 13 de la loi du pays prévoit qu'à l'issue de l'examen approfondi mentionné en application de l'article 12, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie « prend un arrêté pour, soit autoriser, soit interdire l'opération déclarée ».

Un dispositif de contrôle a priori exercé sur les opérations concernant le commerce de détail est donc institué, similaire à celui relatif aux opérations de concentration. C'est en outre le gouvernement de la Nouvelle Calédonie qui exerce ce contrôle, la création d'une autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie n'étant plus envisagée par le texte.

Au surplus, alors que le Conseil d'Etat préconisait, en se référant au rapport de l'Autorité de la concurrence, de porter le seuil des opérations soumises à déclaration de 300 mètres carrés de surface de vente à 600 mètres carrés, l'article 10 de la loi du pays se borne à porter ce seuil à 350 mètres carrés de surface de vente, soit seulement cinquante mètres carrés de plus.

Or, rien ne justifie de soumettre à un régime d'autorisation préalable toutes les mises en exploitation d'une nouvelle surface commerciale (qu'il s'agisse de l'ouverture d'un nouveau magasin ou d'une extension d'un magasin existant) ainsi que tout changement d'affectation ou d'enseigne d'un magasin existant ou encore toute reprise dès lors que la surface de vente concernée est supérieure à 350 mètres carrés.

Ce seuil d'entrée dans ce dispositif de contrôle, qui est particulièrement bas, aura pour effet de soumettre à autorisation tout projet, même modeste, d'agrandissement, de changement de secteur d'activités ou de reprise.

Le seuil retenu de 350 mètres carrés de surface de vente introduit ainsi un frein considérable au développement du commerce de détail et ce, alors même qu'un grand nombre de projets ne sera aucunement susceptible d'avoir une incidence négative sur la concurrence, notamment au regard du risque de situations de position dominante.

Un tel système est loin d'être satisfaisant tant pour les entrepreneurs que pour la bonne marche de la concurrence et des marchés. Des opérations économiques sans conséquences néfastes se trouveront indûment retardées, au détriment également des consommateurs.

A titre de comparaison, il résulte de l'article L. 752-l du code de commerce qu'en métropole, dans la rédaction issue de 1 'ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012, les projets soumis à autorisation, au titre de la législation sur l'équipement commercial, sont ceux qui portent sur une surface de vente supérieure à 1.000 mètres carrés.

Enfin, la disproportion est d'autant plus certaine qu'aucun recours suspensif n'est prévu à l'encontre d'un éventuel refus opposé à un opérateur économique.

SUR L'ARTICLE 16

X.- Cet article prévoit qu'en « cas d'existence d'une position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés que l'entreprise ou le groupe d'entreprises pratique, en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, ou lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises détient, dans une zone de chalandise, une part de marché dépassant 25 %, représentant un chiffre d'affaires supérieur à 600 000 000 F.CFP., le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie peut faire connaître ses préoccupations de concurrence, à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause, qui peut dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements.
Si 1'entreprise ou le groupe d'entreprises ne propose pas d'engagement ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie peut, par un arrêt motivé, leur enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder deux mois, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui permet les pratiques constatées en matière de prix ou de marges. Il peut, dans les mêmes conditions, leur enjoindre de procéder à la cession d'actifs si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective ».

Ces dispositions, à l'instar des précédentes, méconnaissent la liberté d'entreprendre. L'exposante entend se référer aux développements précédents afférents à l'interprétation à l'application de cette liberté par le Conseil constitutionnel.

Les dispositions de l'article 16 de la proposition de loi du pays ne prévoyaient pas de seuil en termes de chiffre d'affaires mais uniquement un seuil de 25 % relatif à la part de marché détenue par l'entreprise ou le groupe d'entreprises concerné. Le Congrès a certainement entendu prendre en compte l'avis du Conseil d'Etat du 2 avril 2013 précité qui préconisait l'instauration de ce double seuil. Cela étant, le Congrès n'a suivi la recommandation du Conseil d'Etat que de façon formelle, et non substantielle, puisque celui-ci était d'avis de limiter l'application du dispositif des injonctions structurelles aux seules « entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires suffisamment important ».

En effet, le Conseil d'Etat avait considéré que le texte risquait, en l'état, d'être attentatoire à la liberté d'entreprendre en estimant que « l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par ce dispositif peut être justifiée par le motif d'intérêt général consistant à assurer en Nouvelle-Calédonie un niveau de concurrence suffisant. Toutefois, le seuil de 25 % pourrait avoir pour conséquence de soumettre au dispositif de contrôle un très grand nombre de situations et pourrait, en outre, pénaliser la création d'entreprise ou la mise sur le marché de nouveaux produits correspondant des filières peu développées. Afin de limiter le risque que le dispositif soit regardé comme portant une atteinte disproportionnée à l'objectif d'intérêt général poursuivi, le Conseil d'Etat (section des finances) recommande de limiter l'application de ce dispositif aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires suffisamment important » (p. 5 de l'avis).

L'atteinte à la liberté d'entreprise par la seule mention du seuil de 25 % des parts de marché faisait effectivement peu de doute. Afin d'assurer la conformité à la Constitution et d'éviter toute atteinte à la liberté d'entreprendre disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis, il eut fallu, soit élever le seuil de part de marché, en le portant par exemple à 50 %, soit prévoir, en sus de ce premier seuil, que seules les entreprises réalisant un chiffre d'affaires suffisamment élevé seraient concernées. Or, la Nouvelle-Calédonie a choisi de fixer un seuil de chiffre d'affaires à 600 000 000 F. CFP, soit environ 5 millions d'euros.

De toute évidence, il ne s'agit pas d'un chiffre d'affaires suffisamment important. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux dispositions du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique, dont l'article 3 dispose que la catégorie des petites et moyennes entreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et qui ont un chiffre d'affaires n'excédant pas 50 millions d'euros. Il ressort également de cette disposition que la catégorie des micro-entreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 10 personnes et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 2 millions d'euros.

Au vu de ces données, il apparaît sont concernées par la disposition litigieuse que des entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires à peine supérieur à celui d'une micro-entreprise et largement inférieur à celui d'une petite ou moyenne entreprise.
L'ajout opéré par la Nouvelle-Calédonie est donc de pure forme et ne saurait avoir pour effet de pallier l'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre relevée par le Conseil d' Etat.

SUR L'ARTICLE 24

XI.- L'article 24 de la loi du pays déférée modifie un certain nombre d'articles de la délibération n° 14 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie du 6 octobre 2004 portant réglementation économique (production n° 8).

Il est singulier qu'une loi du pays modifie ainsi une simple délibération du Congrès. Celui-ci a manifestement pris conscience que certaines dispositions de la délibération n° 14 du 6 octobre 2004 affectaient les « principes fondamentaux concernant le régime (. . .) des obligations civiles et commerciales » au sens de l'article 99, 10 °, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et qu'elles ne pouvaient par conséquent être valablement édictées que par une loi du pays et non par une simple délibération du Congrès.

Mais le Congrès aurait dû en conséquence abroger l'ensemble des dispositions en cause pour les remplacer par une loi du pays. En se contentant d'apporter quelques modifications, très limitées, aux dispositions de la délibération n° 14 du 6 octobre 2004, le Congrès a commis une forme d'incompétence négative au regard de l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 qui devra être censurée par le Conseil constitutionnel, selon l'approche précédemment développée (cf. point VI ci-dessus).

PAR CES MOTIFS, l'exposante conclut qu'il plaise au Conseil constitutionnel :

DECLARER contraire à la Constitution les articles 2, 10 à 16 et 24 de la loi du pays relative à la concurrence en Nouvelle-Calédonie.

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(1) Soit environ 4,2 millions d'euros.
(2) Décision n° 66-28 DC du 8 juillet 1966, Résolution tendant à modifier les articles 18, 42, 54 et 60 du règlement du Sénat et à compléter celui-ci par l'adjonction d'un article 21 bis, Rec. p. 15 : « Considérant que la conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires doit s'apprécier tant au regard de la Constitution e/le-même que des lois organiques prévues par elle [. . .] ».
(3) Décision n° 60-8 DC du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960, Rec. p. 25.
(4) Décision n° 2000-1 LP du 27 janvier 2000, Loi du pays relative à l'institution d'une taxe générale sur les services, Rec. p. 53.