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Décision n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013 - Observations du gouvernement

Loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social et au renforcement des obligations de production de logement social.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - SUR L'ARTICLE 3.

A. - Les auteurs de la saisine considèrent que l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques issu de la loi déférée porte atteinte à la liberté contractuelle et au droit de propriété du primo-acquéreur dès lors que, d'une part, le loyer de la location ainsi que le prix de cession en cas de vente sont encadrés pendant une durée de dix ans à compter de la première mise en vente du bien et que, d'autre part, est institué un droit de priorité de certains organismes lors de la vente du bien.

Par ailleurs, ils soutiennent que le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence en renvoyant au représentant de l'Etat dans la région le soin de fixer le plafond de loyer applicable.

B. - Le Gouvernement considère que ce dispositif est conforme à la Constitution.

1. - Les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux droits du primo-acquéreur dès lors que les conditions qu'elles posent sont connues dès l'origine et qu'elles ne seront donc opposables qu'aux personnes qui les auront acceptées en contrepartie des conditions d'acquisition qui leur seront proposées.

En tout état de cause, ces dispositions visent à assurer le respect des garanties constitutionnelles de la propriété des personnes publiques.

En effet, la protection constitutionnelle de la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques (v., pour son affirmation : CC, 25 et 26 juin 1986, n° 86-207 DC), ainsi que le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, « font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine » (CC, 17 décembre 2010, n° 2010-67/86 QPC). Dans tous les cas, un intérêt général doit justifier la cession à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé d'un bien d'une personne publique à un prix inférieur à sa valeur (v. nt. CE, Sect., 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473, au R.). En l'espèce, l'objectif d'intérêt général consiste à favoriser la construction de logements sociaux ; il participe de l'objectif à valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (CC, 19 janvier 1995, n° 94-359 DC, cons. 5 et 7).

L'encadrement pendant dix ans du loyer de la location ou du prix de cession en cas de revente est la contrepartie nécessaire aux conditions favorables dans lesquelles un bien faisant partie du patrimoine d'une personne publique a été aliéné pour permettre, notamment, une accession à la propriété. Le législateur devait s'assurer que le comportement des personnes ayant bénéficié d'avantages publics soit encadré afin de garantir le respect de l'objectif d'intérêt général qui préside au dispositif. Le délai d'encadrement de dix ans, qui doit être mis en lien avec l'application d'un régime d'importante décote, est à cet égard un délai qui n'est pas excessif. Il ne peut être regardé comme procédant à une conciliation manifestement inadaptée entre la protection constitutionnelle de la propriété des personnes publiques et le droit de propriété, ou la liberté contractuelle.

Par conséquent, la disposition déférée ne méconnaît ni le droit de propriété, ni la liberté contractuelle.

2. - De manière générale, le mécanisme, en son ensemble, respecte les exigences constitutionnelles en matière de propriété publique.

2.1. - Si un terrain peut être cédé par une personne publique avec une décote, cette dernière est consentie en fonction de la catégorie de logements sociaux construits et des contraintes attachées à la personne bénéficiant de la décote. C'est ainsi que la loi distingue la décote maximale trouvant à s'appliquer pour, d'une part, les catégories de logement locatif social fortement aidées (le prêt locatif aidé d'intégration et le prêt locatif à usage social) et, d'autre part, la catégorie de logement locatif social la moins aidée (le prêt locatif social) et l'accession à la propriété. Dans le premier cas, la décote peut aller jusqu'à 100 % de la valeur vénale de l'immeuble ; dans le second, elle ne peut aller que jusqu'à 50 %. Par conséquent, l'effort financier consenti par la personne publique cédante est significativement plus fort pour les catégories de logements qui répondent aux besoins les plus éloignés des conditions du marché.

Corrélativement, le législateur a distingué les durées durant lesquelles sont imposées aux bénéficiaires d'une cession avec décote des contraintes liées à l'avantage dont ils ont bénéficié.

Aux termes du III de l'article L. 3211-7 du CG3P, des clauses particulières s'imposent au primo-acquéreur d'un logement dans le cas de l'accession sociale à la propriété. Ces obligations valent pendant dix ans - cette durée avait été fixée à 5 ans dans le projet initial du Gouvernement ; elle a finalement été doublée par le Parlement. Ces clauses sont les contreparties de l'effort financier consenti par l'Etat sur le prix du terrain d'assiette du logement. La durée de dix ans est en lien avec le fait que, dans ce cas, la décote ne peut aller que jusqu'à 50 %. Ainsi, l'acquéreur ne peut pas réaliser de plus-value indue sur la revente de son logement et, s'il le met à bail, un loyer plafonné à un niveau fixé en référence aux loyers observés pour le logement social doit être pratiqué.

Par ailleurs, les bailleurs de logements locatifs sociaux, organismes HLM ou apparentés, aux termes de l'article L. 351-2 du CCH, concluent avec l'Etat des conventions qui ouvrent droit pour les locataires à l'aide personnalisée au logement (APL). Ces conventions sont contraignantes, spécialement en ce qui concerne l'occupation du parc et la durée de détention des logements. La durée minimale de cette convention est, dans le droit commun, fixée à neuf ans (art. L. 353-2 du CCH). La loi déférée porte cette durée à vingt ans en contrepartie de la décote consentie sur le prix de cession (1 ° du IV de l'article L. 3211-7 du CG3P). Cette convention est également conclue, de manière plus marginale, entre l'Etat et des bailleurs privés de logements sociaux (en prêt locatif social, la catégorie la moins aidée). Dans ce cas, la durée minimale de la convention sera là aussi portée à vingt ans. Sont ainsi garantis le maintien du bien dans le champ du logement locatif social et une utilisation du logement conforme à l'intérêt général.

2.2. - Plusieurs autres garanties sont apportées en contrepartie de l'avantage consenti par la décote :

- Les terrains pouvant être cédés de droit dans ces conditions économiques favorables sont limitativement énumérés par l'autorité administrative de l'Etat et cette cession ne peut intervenir qu'au profit d'une personne publique ou d'une personne privée chargée d'une mission de service public ;

- L'avantage financier consenti ne peut avoir que pour seule fin de réduire « le prix de revient des logements locatifs sociaux » et « le prix de cession des logements en accession (sociale, compte tenu du renvoi) à la propriété (. . .) », de sorte que le motif d'intérêt général poursuivi est établi. Cet impératif, s'appliquant au logement finalement loué ou cédé dans le cadre d'une accession sociale, s'impose à tous les acquéreurs et bailleurs successifs ;

- L'Etat doit conclure une convention avec l'acquéreur, jointe à l'acte de vente, qui fait mention des garanties et contreparties décrites ci-dessus. Au bout d'un délai de 5 ans à compter de la cession, la réalisation du programme de logements ayant ouvert droit à la décote est contrôlée et, outre le remboursement à l'Etat de l'avantage financier indu ou la résolution de la vente, des indemnités peuvent être appliquées pour sanctionner l'acquéreur n'ayant pas respecté ses engagements ;

- Une procédure de rendu compte annuel est organisée par la loi afin de garantir l'effectivité du contrôle, lequel peut conduire, à l'issu d'un contradictoire, à la mise en oeuvre des clauses résolutoires de la convention.

2.3 - Plusieurs mécanismes assurent, en outre, la pérennité dans le secteur du logement social des logements construits et acquis dans le cadre du mécanisme de cession avec décote mis en place par la loi déférée. Outre la clause anti-spéculative, déjà évoquée, qui encadre pendant dix ans toute cession ou mise en location par les acquéreurs-accédants sociaux ayant bénéficié d'un avantage financier sur le prix d'acquisition, et les conventions de vingt ans conclues avec les investisseurs et les bailleurs sociaux, il faut noter l'encadrement de la vente de logements appartenant aux organismes d'HLM (listés à l'article L 411-2 du CCH) à des personnes autres que des organismes HLM.

Une telle vente est soumise à des conditions strictes et contraignantes. Le maire de la commune doit être consulté, ainsi que les collectivités publiques qui ont accordé leur garantie aux emprunts contractés pour la construction, l'acquisition ou l'amélioration des logements. Le préfet peut s'opposer à la vente s'il estime qu'il y a un risque de réduction excessive du parc de logements locatifs sociaux sur le territoire de la commune. Le défaut de transmission de la décision d'aliéner au préfet fait l'objet d'une sanction depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012. Les logements qui peuvent être vendus sont ceux construits ou acquis depuis plus de dix ans et présents sur une liste établie annuellement par le conseil d'administration de l'organisme gestionnaire. Si le logement est occupé, il ne peut être vendu qu'à son locataire - à la demande de ce dernier, il peut être vendu à son conjoint, ou, sous conditions de ressources, à ses ascendants et descendants. Si le logement est vacant, l'organisme HLM doit le proposer en priorité à l'ensemble de ses locataires dans le département, ainsi qu'aux gardiens d'immeuble qu'il emploie. A défaut de demande, le logement peut être vendu à toute autre personne physique sans condition de ressources, à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales dès lors qu'est pris l'engagement de mettre ce logement, pendant au moins quinze ans, à la disposition de personnes défavorisées. Ces dispositions s'ajoutent aux obligations préexistantes qui s'imposent aux personnes physiques acquérant un logement vacant auprès d'un organisme HLM (v. art. L. 443-11 du CCH). L'article 9 de la loi adoptée renforce encore le contrôle exercé par l'autorité publique sur ces cessions de logements sociaux en prévoyant qu'en cas de désaccord entre le maire et le préfet, l'autorisation d'aliénation est prise par le ministre en charge du logement.

2.4. - Il résulte de toutes ces considérations que le dispositif adopté par le législateur permet de garantir que la décote sera accordée en contrepartie de l'engagement effectif de l'acquéreur public ou privé à contribuer, sous le contrôle des autorités publiques, au développement du logement social ou de l'accession sociale à la propriété. Les exigences posées par le législateur sont ainsi de nature à assurer le respect des principes constitutionnels relatifs à la propriété des personnes publiques.

C. - S'agissant du pouvoir du représentant de l'Etat dans la région de fixer le plafond de loyer applicable, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'il a posé des critères devant guider la décision du préfet, sous le contrôle du juge. L'avant-dernier alinéa du III de l'article déféré dispose ainsi que les plafonds que le loyer ne peut pas dépasser « sont arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires ».

II. - SUR L'ARTICLE 10.

A. - Les députés auteurs de la saisine estiment que le fait de relever de 20 à 25 % le quota de droit commun de logements sociaux que doit réaliser une commune et de maintenir des quotas différents méconnaît le principe d'égalité et porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, et plus particulièrement la libre disposition de leurs biens garantie par l'article 72-2 de la Constitution.

B. - Le Gouvernement considère que ces deux principes ont été respectés.

1. - L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, introduit par l'article 10 de la loi déférée, définit une part de logements sociaux dans le parc de résidences des communes en distinguant trois catégories de communes ;

­ 25 % pour les communes dont la population est de plus de 3500 habitants (1 500 habitants en Ile-de-France) et qui sont comprises dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, situés dans des territoires qui nécessitent un effort de production supplémentaire pour répondre aux besoins de se loger des ménages ;
­ 20 % pour les communes de plus de 3500 habitants, qui sont comprises dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15000 habitants, situés dans des territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire pour répondre aux besoins ;
­ 20 % pour les communes de plus de 15 000 habitants, isolées et en croissance démographique ;

2. - Le législateur a entendu, par ces mesures, renforcer l'efficacité du dispositif mis en oeuvre par la loi du 13 décembre 2000, notamment par son article 55, qui répond à l'intérêt général attaché à la mixité sociale (CC, 7 décembre 2000, n° 2000-436 DC). Le choix d'augmenter la part légale de logements sociaux dans le parc de résidences principales à 25 % vise à renforcer les obligations des communes dans les secteurs géographiques caractérisés par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements. Ce déséquilibre se traduit par une pression forte sur la demande de logements sociaux dans la mesure où les personnes aux revenus modestes peinent à se loger dans le parc privé où les loyers sont si élevés qu'ils conduisent, malgré le versement de l'allocation logement, à des taux d'effort difficilement supportables.

Cependant, les territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande ou aux capacités de se loger des ménages conservent une obligation légale de logements sociaux à 20 %.

Cette distinction, qui traduit des situations différentes, repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi. L'article déféré pose ainsi trois critères permettant de déterminer par décret la liste des agglomérations et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre situés dans des territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire, dont les communes membres conserveront une obligation à 20 %. Ces critères sont : la part des bénéficiaires de l'allocation logement dont le taux d'effort est supérieur à 30 %, le taux de vacances constaté dans le parc locatif social et enfin le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social.

Dans tous le cas, l'ensemble des communes appartenant à une même catégorie au sein d'une même agglomération ou d'un même établissement public de coopération intercommunale sont soumises aux mêmes règles quant à la détermination du seuil de logements sociaux.

Par conséquent, dès lors que des caractéristiques objectives propres à chaque catégorie justifient les différences de seuils imposés de production de logement social, le principe d'égalité n'a pas été méconnu.

3. - Si, par l'effet du relèvement de la part de construction de logements sociaux, le prélèvement sur les communes ne respectant pas l'objectif pourra être plus important qu'il ne l'est actuellement, dans tous les cas, ce prélèvement ne peut excéder 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Ce niveau est identique à celui mis en place par la loi du 13 décembre 2000. Par la décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, le Conseil Constitutionnel a déclaré un tel taux conforme à la Constitution. Il a notamment estimé que ce prélèvement, compte tenu notamment du fait que les dépenses engagées par les communes en faveur de la construction de logement sociale sont déduites du prélèvement - une règle inchangée -, n'a pas pour effet de réduire les ressources globales ou de diminuer les ressources fiscales de la commune concernée au point d'entraver sa libre administration.

Par conséquent, l'article 10 ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Les griefs portant sur l'article 10 doivent donc être écartés.

III. - SUR L'ARTICLE 15 :

A. - Les députés requérants estiment que la modification par l'article 15 du rythme selon lequel les collectivités territoriales doivent atteindre les quotas assignés méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales.

B. - Le Gouvernement ne partage pas cette opinion.

Le législateur a décidé de renforcer le rythme de rattrapage pour atteindre les objectifs de 25 % ou de 20 % de logements sociaux, en fonction des communes, de manière à garantir une mixité sociale effective à une échéance rapprochée. Du fait de la fixation de l'échéance à 2025, quand la loi du 13 décembre 2000 l'avait implicitement fixé à 2020, les communes ne disposant pas d'une offre locative sociale auront une nouvelle échéance fixée à 12 ans pour atteindre le seuil de logements sociaux.

Les objectifs assignés, appréciés à chaque période triennale, sont tout-à-fait réalisables si la commune consent l'effort nécessaire. Est fixé par période triennale un objectif de réalisation des logements sociaux manquants pour atteindre l'objectif final en 2025. Les objectifs de la prochaine période triennale, la 5ème (2014-2016), sont ainsi fixés à 25 % du déficit de logements sociaux calculé en début de période, ceux de la 6ème à 33 %, de la 7ème à 50 % et ceux de la 8ème (2023-2025) à 100 %, le déficit devant être intégralement comblé lors de cette dernière période pour atteindre, comme souhaité, l'objectif de 25 % en 2025.

Les communes peuvent remplir l'objectif qui leur est assigné soit par la construction neuve de logements sociaux, soit par l'acquisition et l'amélioration ou le conventionnement social de logements privés existants. Cette dernière possibilité permet en particulier aux communes qui auraient peu de disponibilités foncières d'accroître leur parc de logements sociaux sans avoir à produire un nombre important de logements sociaux neufs.

Par conséquent, les communes qui respecteront leurs objectifs de production à chaque période triennale et résorberont graduellement leur déficit de logements sociaux auront des objectifs de production lissés jusqu'en 2025 pour atteindre l'objectif assigné par le législateur. Par suite, en posant une telle obligation, le législateur n'a pas entravé la libre administration des collectivités territoriales.

IV. - SUR L'ARTICLE 16 :

A. - Les auteurs du recours estiment que le niveau des sanctions financières fixées par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales et constitue une sanction disproportionnée.

B. - Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1. - Le législateur a souhaité renforcer l'effet dissuasif du prélèvement opéré annuellement sur les communes qui n'ont pas atteint le taux de logements sociaux. Cette volonté se traduit, d'une part, par la possibilité donnée au préfet de multiplier par cinq le montant du prélèvement opéré sur les communes en état de carence, faute d'avoir atteint leurs objectifs triennaux de rattrapage, et, d'autre part, par l'augmentation du plafond de 5 % à 7,5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant.

2. - Ce dispositif vient renforcer celui introduit par l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (v. décision n° 2000-436 DC mentionnée avant). Le mécanisme, par conséquent, n'est pas contestable dans son principe.

Il faut souligner que le prélèvement majoré ne doit être acquitté que si le préfet a constaté la carence de la commune. Cette déclaration n'a pas de caractère automatique : il appartient au préfet, sous le contrôle du juge et à l'issue d'une procédure contradictoire, d'apprécier la situation, en tenant compte notamment « des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune », ce qui peut notamment permettre de prendre en compte, si tel est le cas, la rareté du foncier disponible dans la commune, rendant difficile la construction de logements.

Par ailleurs, la multiplication par cinq du prélèvement n'est également qu'une possibilité et non une obligation. Elle constitue un plafond, tout comme le taux de 7,5 % du prélèvement majoré. Dans les deux cas, les dépenses que réalise la commune en faveur du développement de l'offre de logements sociaux sont déduites du prélèvement majoré (art. L. 302-7 du CCH). Et il est prévu que les dépenses déductibles qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement (art. L. 302-9-1). Par suite, la commune a la faculté de ne pas acquitter de prélèvement si elle respecte ses obligations en matière de logement ou s'attache à y parvenir.

Ce prélèvement, en outre, est proportionné à la richesse de cette commune. Seules sont en effet concernées par le rehaussement du montant maximal de prélèvement les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 1083 €. Par comparaison, le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national en 2011 et retenu pour la répartition des dotations en 2012 est seulement de 764,04 €. D'ailleurs, seul un petit nombre de communes relèverait du nouveau régime. Il est estimé que treize communes seraient concernées par un prélèvement brut supérieur à 5 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement, ce qui représenterait 1 % des communes soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000, 3,5 % des communes n'ayant pas atteint leur objectif triennal pour la période 2008-2010 et 6,5 % des communes en état de carence. Plus précisément, cinq communes seraient plafonnées à 7,5 % de leurs dépenses réelles de fonctionnement.

Au demeurant, l'application cumulée de plusieurs dispositifs de prélèvement et de minoration de la dotation globale de fonctionnement, pouvant entraîner au total une diminution de plus de 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune, n'a pas été jugée contraire à la libre administration de ces collectivités, notamment parce que ces communes disposaient d'un potentiel fiscal élevé (CC, 6 mai 1991, n° 91-291 DC, cons. 13). Ce même motif est de nature à justifier que le montant maximal du prélèvement majoré passe, pour une minorité de communes, de 5 à 7,5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune.

Pour ces raisons, l'article contesté ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales et n'institue pas une sanction disproportionnée.

Par suite, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.