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Décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011 - Observations du Gouvernement

Loi de finances rectificative pour 2011
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2011.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I- SUR LE GRIEF TIRE DU DEFAUT DE SINCERITE DE LA LOI DEFEREE DANS SON ENSEMBLE

A- Les députés requérants soutiennent que la loi déférée méconnaît le principe de sincérité des lois de finances, rappelé par l'article 32 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, en ce qu'elle sous-estime le coût des opérations extérieures du ministère de la défense et ne prend pas en compte celui des mesures, annoncées par le Président de la République et le Gouvernement, destinées à soutenir les agriculteurs victimes de la sécheresse.

B- Ce grief n'est pas fondé.

À titre liminaire, le Gouvernement entend rappeler qu'il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que, dans le cas des lois de finances autres que la loi de règlement, « la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre » que ces lois déterminent (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 61). En ce qui concerne en particulier les dépenses, le Conseil estime que, dans la mesure où il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, il ne lui appartient pas d'apprécier le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement votés, dès lors que celui-ci n'est pas « manifestement incompatible avec les besoins prévisibles » (décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, cons. 7). Il convient en outre de tenir compte, dans le cas particulier des lois de finances rectificatives, de la circonstance que, grâce à la fongibilité des crédits au sein de chaque programme, toute dépense non prévue par la loi de finances initiale ne nécessite pas l'ouverture de crédits supplémentaires.

1- Au cas d'espèce, s'agissant des opérations extérieures du ministère de la défense, il convient de souligner que, depuis 2005, selon un principe consacré par la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, le financement de ces opérations repose sur une provision ouverte par la loi de finances initiale, complétée le cas échéant en cours d'année sur la base des coûts réellement engagés. En effet, le coût réel de ces opérations ne peut être connu qu'ex post.

Or l'année 2011 est marquée, à cet égard, par de fortes incertitudes. Il en va ainsi, d'abord, en ce qui concerne l'opération « Harmattan », en Libye : les prévisions relatives à la durée de cette opération, déclenchée à la fin du mois de mars 2011, à son dispositif géographique, à son intensité ainsi qu'à la répartition des missions entre les différents pays qui y participent évoluent en permanence en fonction de la situation opérationnelle et politique. Dans une moindre mesure, les contours du dispositif français en Afghanistan sont également tributaires de la situation sur place, et notamment de l'évolution du dispositif allié. Enfin, le dispositif présent en République de Côte d'Ivoire au titre de l'opération « Licorne » a fait et fera encore l'objet d'évolutions au cours de l'année 2011.

Dans ces conditions, il n'était pas possible, à l'occasion de l'examen par le Parlement de la loi déférée, d'estimer avec une précision suffisante le surcoût des opérations extérieures de l'année, ni, a fortiori, la part de ce surcoût ne pouvant être couverte par des redéploiements internes.

2- En ce qui concerne les mesures de soutien à la filière agricole pour faire face à la sécheresse, le Gouvernement a d'abord fait le choix, conformément aux orientations arrêtées par le Président de la République, de recourir, pour l'indemnisation des éleveurs, au fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Les zones ou départements éligibles à l'indemnisation sont déterminés par arrêté, après la réunion du comité national de l'assurance agricole (CNAA), qui rassemble des représentants de l'administration et des organisations professionnelles agricoles : trois réunions de ce comité sont ainsi prévues cet été, la première ayant eu lieu le 12 juillet. Ce n'est qu'une fois ce processus achevé que les agriculteurs pourront solliciter une indemnisation, les premiers acomptes devant être versés aux éleveurs sinistrés à partir du 15 septembre prochain.

Le paiement du solde des indemnités interviendra quant à lui en 2012, sur la base du coût effectif de la sécheresse. Ce n'est qu'en 2012, en effet, que ce coût pourra être apprécié, une fois connu, en particulier, le niveau de pluviométrie observé aux mois de juillet et d'août 2011, lequel conditionnera la deuxième coupe de foin (voire la troisième coupe de fourrage) et la récolte de maïs fourrager, destinés à nourrir le bétail durant l'hiver.

Au surplus, l'abondement du FNGRA se fera d'abord en usant des marges de redéploiement existant sur le programme 154 (« Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires »), et ce n'est qu'une fois ces marges utilisées que d'autres voies seront, le cas échéant, explorées.

S'agissant ensuite du dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti en faveur des agriculteurs victimes de la sécheresse, la prise en compte de l'impact de cette mesure dans la loi déférée n'était pas davantage envisageable, celle-ci ne pouvant être mise en œuvre et son coût déterminé avec précision avant qu'aient été définies les zones concernées et les cultures éligibles et que, comme pour les indemnisations par le FNGRA, ait été constaté le niveau des pertes, lequel conditionnera le taux du dégrèvement.

Ainsi, compte tenu des incertitudes affectant l'évolution des dépenses en question et de la volonté réaffirmée du Gouvernement de financer celles-ci sans excéder la limite du plafond global voté par le Parlement dans la loi de finances initiale, aucune intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi déférée ne peut sérieusement être alléguée par les requérants. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de sincérité des lois de finances ne pourra donc qu'être écarté par le Conseil constitutionnel.

II- SUR L'ARTICLE 1er

A- Les députés requérants soutiennent que l'article 1er de la loi déférée méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques et l'exigence constitutionnelle de bon usage des deniers publics, en ce que, d'une part, il modifie le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune dans des conditions conduisant, selon eux, à « réduire massivement la progressivité de cet impôt », et, d'autre part, il porte à 300 € par personne à charge la réduction d'impôt prévue par l'article 885 V du code général des impôts.

B- Ces griefs ne pourront qu'être écartés.

En premier lieu, en effet, il ne résulte nullement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le respect du principe d'égalité devant les charges publiques implique la progressivité d'un impôt qui, tel l'impôt de solidarité sur la fortune, ne figure pas au nombre des impositions sur le revenu mais frappe « la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits » (v., en dernier lieu, la décision n° 2010-99 QPC du 11 février 2011, cons. 5). Le juge constitutionnel est en revanche attentif à ce que le taux d'un tel impôt ne confère pas à celui-ci un caractère confiscatoire, en violation de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Or, au cas d'espèce, la modification du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui tient compte du rendement réel des actifs inclus dans l'assiette de cet impôt, a notamment eu pour objet d'éviter que la suppression concomitante du plafonnement prévu par l'article 885 V bis du code général des impôts et du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu (« bouclier fiscal ») aboutisse à faire peser sur une catégorie de contribuables, en méconnaissance des exigences découlant de l'article 13 de la Déclaration de 1789, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

Au demeurant, le Gouvernement entend rappeler que le barème qui résulte de la loi déférée conserve un caractère progressif, le taux de l'impôt étant de 0,25 % pour les patrimoines compris entre 1 300 000 et 3 millions d'euros, et de 0,50 % pour les patrimoines supérieurs à ce dernier montant.

En deuxième lieu, s'agissant de la réduction d'impôt pour personne à charge prévue par l'article 885 V du code général des impôts, celle-ci, contrairement à ce que suggèrent les requérants, ne poursuit pas un objectif incitatif, mais a pour seul objet de tenir compte, dans une certaine mesure, des charges de famille des personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune en vue d'apprécier leur capacité contributive.

Or ce choix repose, conformément aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sur des critères objectifs et rationnels, et il ne résulte de la modification par la loi déférée du montant de la réduction d'impôt, dont les requérants soulignent eux-mêmes la modestie, aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

En dernier lieu, sous couvert d'invocation de l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics, les députés requérants entendent, en réalité, remettre en cause la liberté que le Conseil constitutionnel reconnaît au Parlement de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives.

Dès lors que, ainsi qu'il a été dit, aucun principe constitutionnel n'a été méconnu par l'article 1er de la loi déférée, ce dernier grief devra donc également être écarté.

III- SUR LES ARTICLES 12 ET 39

A- Les députés requérants soutiennent que, faute que le coût des mesures fiscales prévues par les articles 12 et 39 de la loi déférée ait été chiffré, ces articles doivent être regardés comme ayant été adoptés en méconnaissance des dispositions du 4 ° de l'article 53 et de l'article 55 de la loi organique relative aux lois de finances.

B- Cette absence de chiffrage n'est toutefois pas, au cas d'espèce, de nature à affecter la régularité de la procédure d'adoption des articles contestés.

Certes, ainsi que le rappellent les requérants, le 4 ° de l'article 53 de la loi organique relative aux lois de finances exige que soit jointe à tout projet de loi de finances rectificative, en ce qui concerne certaines dispositions de ce projet, une évaluation préalable comportant les documents mentionnés aux dix derniers alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, parmi lesquels figure « l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées », avec l'indication de la méthode de calcul retenue. L'article 55 de la loi organique du 1er août 2001 dispose, quant à lui, que « chacune des dispositions d'un projet de loi de finances affectant les ressources ou les charges de l'État fait l'objet d'une évaluation chiffrée de son incidence au titre de l'année considérée et, le cas échéant, des années suivantes ».

Le respect de ces exigences ne saurait toutefois être apprécié indépendamment de l'objectif poursuivi par le législateur organique, qui est de « permettre aux parlementaires de discuter et de voter la loi de finances en disposant des informations nécessaires à l'exercice du pouvoir législatif » (décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, cons. 7). Or l'information des parlementaires n'est pas assurée uniquement par les documents joints au projet de loi de finances, mais aussi par les éléments qui leur sont communiqués dans le cours de la procédure législative, notamment à l'occasion de l'examen en commission du projet de loi de finances (décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, cons. 11 ; décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, cons. 16). D'éventuelles insuffisances des documents joints au projet de loi de finances ne pourraient donc fonder une critique de constitutionnalité que si, par leur nombre et par leur ampleur, elles étaient de nature à remettre en cause la régularité d'ensemble de la procédure législative (décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 5).

Au cas d'espèce, l'article 12 de la loi déférée assouplit les conditions de l'exonération partielle de droits de mutation applicable à la transmission par décès ou entre vifs de parts ou actions d'une société soumise à un engagement de conservation, ainsi que de l'exonération applicable en matière d'impôt de solidarité sur la fortune aux parts et actions de sociétés soumises à un tel engagement. L'article 39, quant à lui, assouplit le régime d'exonération des biens professionnels en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.

Si, sur ces deux points, l'évaluation préalable jointe au projet de loi de finances rectificative, dont il n'est pas contesté qu'elle comportait par ailleurs l'ensemble des informations requises à l'exception de celles qui étaient dénuées d'objet, ne comportait pas d'évaluation du coût budgétaire des mesures concernées, c'est en raison de l'impossibilité de procéder au chiffrage de ce coût, faute de données suffisamment fiables. En ce qui concerne en particulier le régime des biens professionnels en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, cette impossibilité résulte du fait que la modification proposée avait pour objet de prendre en compte des situations particulières qui se présentent dans un nombre limité de dossiers.

Ces raisons ont été exposées aux parlementaires, auxquels il a en outre été indiqué que, en tout état de cause, le coût des mesures en question, qui constituent des aménagements de portée limitée de dispositifs préexistants, n'était pas significatif (v. par ex. le rapport de M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances du Sénat, n° 620, p. 286).

Le Gouvernement estime donc que le Parlement a été mis à même de se prononcer sur ces mesures en toute connaissance de cause, et que, dès lors notamment qu'il était établi que, eu égard au caractère limité des aménagements proposés, ce coût était nécessairement très faible, l'impossibilité de procéder au chiffrage de celui-ci n'a pas pu affecter la régularité d'ensemble de la procédure d'adoption des articles contestés.

IV- SUR L'ARTICLE 20

A- Les députés requérants soutiennent que l'article 20 de la loi déférée méconnaît tant le principe d'égalité devant les charges publiques que l'exigence constitutionnelle de bon usage des deniers publics, dans la mesure où il prévoit que les nouvelles dispositions relatives au crédit d'impôt en faveur de l'intéressement, issues de la loi de finances initiale pour 2011, ne s'appliqueront pas aux primes dues en application d'accords d'intéressement conclus avant le 1er janvier 2011 par les entreprises employant moins de 250 salariés.

B- Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue.

Il importe à titre liminaire de rappeler que c'est l'article 2 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail qui a, en vue de renforcer le pouvoir d'achat des salariés, institué un crédit d'impôt bénéficiant aux entreprises qui allouent des primes d'intéressement à leurs salariés en exécution d'un accord d'intéressement. L'article 131 de la loi de finances initiale pour 2011 a, quant à lui, limité le bénéfice de ce dispositif, par ailleurs rendu plus attractif, aux entreprises de moins de 50 salariés, à l'égard desquelles son effet incitatif apparaissait le plus marqué et, par suite, le plus utile.

Afin d'éviter que les modalités d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions conduisent à leur conférer, en réalité, un caractère rétroactif, l'article 20 de la loi déférée précise que ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux primes d'intéressement dues au titre d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011, et non à celles dues au titre d'exercices antérieurs, même si elles sont versées après cette date.

Il prévoit également, en ce qui concerne les seules entreprises employant moins de 250 salariés, qu'elles pourront continuer de bénéficier du dispositif antérieur, même si elles emploient 50 salariés ou plus, en ce qui concerne les primes dues en application d'accords conclus ou renouvelés avant le 1er janvier 2011. Il s'agit, sans remettre en cause, dans son principe, la limitation du bénéfice du crédit d'impôt aux entreprises de moins de 50 salariés, d'aménager une sortie progressive du dispositif au profit des entreprises qui, tout en dépassant ce seuil, n'en constituent pas moins des petites et moyennes entreprises, au regard notamment du critère retenu au niveau de l'Union européenne pour la définition de cette catégorie d'entreprises. À l'égard de ces entreprises, en effet, l'existence du crédit d'impôt institué par la loi du 3 décembre 2008 avait pu jouer, dans la conclusion d'un accord d'intéressement, un effet incitatif important.

Selon les députés auteurs de la saisine, l'article 20 de la loi déférée serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques et à l'exigence de bon usage des deniers publics, en ce qu'il réserve l'avantage ainsi prévu aux seules entreprises de 50 à 250 salariés ayant conclu un accord d'intéressement. Ce faisant, les requérants critiquent donc en réalité dans son principe l'institution d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui allouent des primes d'intéressement à leurs salariés en exécution d'un tel accord.

Un tel grief ne saurait prospérer. En effet, il est de jurisprudence constante que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, pour des motifs d'intérêt général, des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux (v. par ex. la décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, cons. 23). Or il n'est pas contestable que constitue un motif d'intérêt général la volonté d'encourager la conclusion d'accords d'intéressement : celle-ci permet en effet d'améliorer le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise au profit des salariés, et de favoriser la motivation de ces derniers, ainsi intéressés aux résultats. Le législateur s'est ainsi assigné comme objectif d'inciter en particulier les petites et moyennes entreprises, qui ont trop rarement recours à ce dispositif, à conclure des accords d'intéressement.

La différence de traitement dénoncée par les requérants, qui est en rapport avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, ne méconnaît donc en rien le principe d'égalité devant l'impôt, ni, en tout état de cause, l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics, lequel, ainsi qu'il a été dit, ne saurait être utilement invoqué pour contester le bien-fondé des choix faits par le législateur fiscal dans le respect des autres principes constitutionnels.

V- SUR L'ARTICLE 38

A- Les députés requérants soutiennent que l'article 38 de la loi déférée, qui modifie le plafond du taux de la cotisation obligatoire versée par les communes, les départements, les régions et leurs établissements publics au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en application du 1 ° de l'article 12-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, n'a pas sa place dans la loi déférée.

B- Ce grief n'est pas fondé.

En vertu du a) du 7 ° du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, en effet, une loi de finances rectificative peut, comme la loi de finances de l'année, « comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ». Or la cotisation obligatoire versée par les communes, les départements, les régions et leurs établissements publics au CNFPT constitue une imposition de toute nature, et non une redevance pour service rendu.

Comme le rappellent les députés requérants, en effet, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que constitue une redevance pour service rendu un prélèvement sur les usagers dont l'objet est de couvrir les charges d'un service public ou les frais d'établissement ou d'entretien d'un ouvrage public, et qui trouve sa contrepartie dans des prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage (décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005, cons. 14).

Or tant les caractéristiques de la cotisation prévue par le 1 ° de l'article 12-2 de la loi du 26 janvier 1984 que l'affectation de son produit interdisent de la regarder comme trouvant sa contrepartie dans des prestations fournies par le CNFPT aux collectivités qui en sont redevables.

En effet, la mission de formation qui incombe principalement à cet établissement en application de l'article 12-1 de la même loi ne saurait être réduite à une prestation fournie aux collectivités territoriales, même si celles-ci bénéficient évidemment de l'accomplissement de cette mission : les usagers du service public dont la gestion est ainsi assurée par le CNFPT sont, au premier chef, les agents bénéficiaires des formations. En tout état de cause, force est de constater que l'assiette de la cotisation, qui est constituée par la masse des rémunérations versées aux agents relevant de la collectivité ou de l'établissement concerné, est sans rapport avec la mesure réelle dans laquelle le personnel de cette collectivité ou de cet établissement bénéficie des actions de formation du CNFPT.

Au surplus, la cotisation participe au financement de l'ensemble des missions du CNFPT telles qu'elles sont définies par l'article 12-1 de la loi du 26 janvier 1984, comme, par exemple, la prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d'emploi, dont on ne peut sans artifice considérer qu'elle constitue une prestation fournie aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

La cotisation en question constitue donc, non une redevance pour service rendu, mais une imposition de toute nature. Dans ces conditions, l'article 38 de la loi déférée a pu modifier le plafond de son taux sans excéder le domaine assigné aux lois de finances par la loi organique du 1er août 2001.

VI- SUR L'ARTICLE 41

A- Les députés requérants soutiennent que l'article 41 de la loi déférée, qui prévoit l'imposition des pensions en capital à un taux proportionnel de 7,5 %, libérant celles-ci de l'assujettissement au barème progressif de l'impôt sur le revenu, méconnaît le principe d'égalité entre les bénéficiaires de pensions de retraite selon que celles-ci sont versées sous forme de rente ou de capital, et contrevient au principe de progressivité qui, s'agissant de l'impôt sur le revenu, est, selon les requérants, « susceptible de constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».

B- Ce grief n'est pas fondé.

D'une part, en effet, en distinguant le mode d'imposition des pensions de retraite selon qu'elles sont versées en capital ou en rente, le législateur s'est fondé, pour déterminer la capacité contributive des bénéficiaires de ces pensions, sur des critères objectifs et rationnels. L'application du barème progressif est mal adaptée à certains types de revenus qui, comme les pensions en capital, revêtent un caractère occasionnel et peuvent être exceptionnels dans leur montant. Ceci explique que le législateur ait également recouru à la taxation proportionnelle, par exemple, en ce qui concerne les gains de cessions de valeurs mobilières ou de biens immobiliers.

D'autre part, si le Conseil constitutionnel s'assure, au regard de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que les dispositions fiscales soumises à son examen ne remettent pas en cause « le caractère progressif du montant de l'imposition globale du revenu des personnes physiques » (décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993, cons. 32), il n'a jamais jugé que l'exigence d'une telle progressivité résulterait d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. L'ampleur des exceptions que, depuis l'origine, le législateur a apportées à la progressivité de l'impôt sur le revenu des personnes physiques permet d'ailleurs de penser que les conditions de reconnaissance de l'existence d'un tel principe ne sont pas remplies.

En tout état de cause, la disposition critiquée, eu égard à sa portée étroitement circonscrite, ne saurait être regardée comme portant atteinte, globalement, au caractère progressif de l'impôt sur le revenu.

Le grief articulé par les requérants sur ce point pourra donc être écarté par le Conseil constitutionnel.

VII- SUR L'ARTICLE 48

A- Les députés requérants soutiennent enfin que l'article 48 de la loi déférée, qui permet de taxer à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux certaines plus-values latentes sur valeurs mobilières et droits sociaux constatées avant le transfert à l'étranger du domicile fiscal d'une personne physique, est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, dans la mesure où, d'une part, il exclut de son champ d'application les participations dans des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), et, d'autre part, il ne s'applique que dès lors que la personne concernée détient dans une entreprise une participation supérieure à 1 % des droits dans les bénéfices sociaux ou dont la valeur excède 1,3 millions d'euros.

B- Ce grief ne pourra être accueilli par le Conseil constitutionnel.

Il convient en effet de rappeler que l'objectif du dispositif mis en place par l'article 48 de la loi déférée, communément désigné par l'expression d'« exit tax », est de décourager certains comportements considérés comme abusifs. Sont visées les personnes qui décideraient de modifier leur domiciliation fiscale pour organiser la vente de leur patrimoine détenu sous forme d'actions à un acquéreur identifié avant leur changement de domiciliation, dans le seul but d'échapper à l'imposition sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières et de droit sociaux. Actuellement, la fiscalité peut en effet être un déterminant du choix du domicile pour les personnes qui projettent de vendre l'entreprise qu'elles ont fondée ou développée.

Cet objectif spécifique justifie que le dispositif ne s'applique que dans le cas où le risque d'abus est réel, compte tenu de l'importance et de la nature des participations détenues, laissant présumer que, en règle générale, le changement de domicile fiscal répond à des motivations essentiellement fiscales.

C'est dans cette perspective que, d'une part, l'article 48 de la loi déférée subordonne l'application du dispositif à la détention d'une participation représentant plus de 1 % des droits dans les bénéfices sociaux ou excédant une valeur de 1,3 million d'euros, d'autre part, il exclut la prise en compte des parts des SICAV. Le législateur a entendu, ce faisant, laisser en dehors du dispositif les simples épargnants et, plus généralement, les personnes dont, eu égard à la composition de leur portefeuille de titres - que ces derniers soient détenus sous la forme de comptes de titres ou de SICAV -, il est peu vraisemblable qu'elles décident de s'expatrier pour vendre, en une unique occasion, l'ensemble de leurs actifs financiers. En pratique, en effet, les personnes ainsi exclues du champ d'application de l'« exit tax » procèdent à des cessions au moment le plus propice pour maximiser le rendement de telle ou telle ligne de leur portefeuille, ou pour faire face à des besoins précis.

C'est donc en fonction de critères objectifs et rationnels, en rapport avec le but poursuivi, que le législateur a défini le champ d'application du dispositif mis en place par l'article 48 de la loi déférée. Il n'a, dès lors, pas méconnu les exigences découlant du principe d'égalité devant les charges publiques.

Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.