Contenu associé

Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 - Observations du gouvernement

Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours identiques dirigés contre la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I/ SUR L'ARTICLE 1ER.

A/ Les auteurs des saisines font grief à l'article 1er de la loi, approuvant le rapport sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013 qui lui est annexé, d'être dépourvu de valeur normative, ce qui justifierait sa censure au regard des exigences issues de la décision n°2005-512 DC du 21 avril 2005 relative à la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Ce débat est toutefois inopérant en l'espèce. La loi déférée revêt en effet le caractère d'une loi de programmation prise sur le fondement de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution. Dans ces conditions, les objectifs qui y sont présentés n'ont pas à être revêtus de la portée normative qui doit en principe s'attacher à la loi. C'est ainsi dans le respect des exigences constitutionnelles que l'article 1er a pu approuver le rapport annexé à la loi, sans que le caractère rétrospectif de certains éléments qu'il contient ou l'absence en son sein de dispositions de nature budgétaire revêtent d'incidence sur la régularité de cette approbation.

II/ SUR L'ARTICLE 4.

A/ Les auteurs des saisines font grief à l'article 4 de la loi déférée, qui confère à l'autorité administrative le pouvoir d'empêcher l'accès à certains sites internet diffusant des images ou des représentations à caractère pédopornographique, d'avoir opté pour un dispositif inefficace au regard de l'objectif poursuivi et de porter une atteinte excessive à la liberté de communication en ne prévoyant pas une intervention préalable du juge pour encadrer ce pouvoir.

B/ Le Gouvernement estime que ces griefs devront être écartés.

1/ Sur l'efficacité du régime retenu.

L'article 4 crée un mécanisme de blocage de l'accès à certains sites précisément identifiés par l'entremise des fournisseurs d'accès à internet. Il s'inspire de dispositifs analogues déjà en vigueur dans certains pays, comme la Suède, la Norvège, le Danemark ou les Pays-Bas. Il est né de la concertation avec les représentants des fournisseurs d'accès. Sa faisabilité technique a été expertisée, notamment par le conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies.
En pratique, le ministre de l'intérieur adressera aux fournisseurs d'accès à internet une liste des adresses des sites dont l'accès doit être interdit à raison des contenus à caractère pédopornographique qu'ils diffusent.
Cette façon de procéder est la seule adaptée, en l'état actuel de la technique, pour bloquer l'accès à des sites hébergés à l'étranger. Les mécanismes de coopération judiciaire internationale sont encore trop lourds à mettre en œuvre et inaptes à perturber le fonctionnement de sites nombreux et volatils. Au surplus, le risque, évoqué par les auteurs des saisines, de « surblocage » d'un site entier alors que seule l'une des pages de ce site diffuserait un contenu pédopornographique, ne doit pas être surestimé. Il dépend en effet de la technique de blocage mise en œuvre (par DNS, par adresse IP, par serveur). Le décret prévu par la loi prévoira le mode de blocage le plus fin possible assurant par ailleurs le respect d'un bon usage des deniers publics, dès lors que, comme le prévoit expressément l'article 4, les éventuels surcoûts résultant des obligations mises à la charge des opérateurs seront intégralement compensés.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les modalités retenues par le législateur ne sont pas manifestement inappropriées au but poursuivi.

2/ Sur l'atteinte à la liberté de communication.

Sans doute l'article 4 de la loi déférée affecte-t-il la liberté de communication. Mais contrairement à ce qu'estiment les auteurs des saisines, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en ne subordonnant pas l'exercice du pouvoir conféré au ministre de l'intérieur à l'intervention préalable d'un juge.
La compétence reconnue au ministre s'analyse en effet comme un pouvoir de police administrative spéciale, destiné à prévenir les comportements contraires à l'ordre public. De ce point de vue, la référence opérée par l'article 4 de la loi déférée à l'article 227-13 du code pénal ne doit pas se comprendre comme traduisant la volonté d'inscrire le dispositif prévu par cet article dans une procédure répressive, mais comme une limitation du champ matériel d'intervention de l'autorité administrative pour exercer la compétence préventive qui lui est octroyée.
Le Gouvernement estime que ce pouvoir de police spéciale a pu être instauré sans priver de garantie légale le respect de la liberté de communication.
Contrairement à ce que font valoir les auteurs des saisines, il ne lui apparaît pas, en particulier, que l'article 4 de la loi déférée puisse être assimilé au dispositif examiné par le Conseil constitutionnel à l'occasion de la décision n°2009-580 du 10 juin 2009 relative à la loi dite « Hadopi ».
Dans cette décision, il a été jugé que, pour l'exercice d'un pouvoir de sanction à l'encontre de l'ensemble de la population et au regard de l'objectif poursuivi qui était de protéger les droits d'auteur et les droits voisins, l'intervention préalable d'un juge était requise pour assurer le respect de la liberté de communication par internet.
Or en l'espèce, aucun pouvoir de sanction n'est reconnu à l'autorité administrative. Le pouvoir de police spéciale ne s'exercera pas à l'encontre de l'ensemble de la population mais uniquement à l'encontre des animateurs de sites diffusant des contenus pédopornographiques. Il n'aura par ailleurs ni pour objet ni pour effet de priver les personnes concernées de leur accès à l'Internet mais uniquement de bloquer l'accès des tiers à certains contenus mis en ligne. En outre, l'objectif poursuivi par le législateur obéit à un objectif éminent de protection de l'ordre public. Dans ces conditions le législateur a pu, sans méconnaître aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle, faire le choix de ne pas subordonner la possibilité de bloquer un site internet diffusant un contenu pédopornographique à l'intervention préalable d'un juge.

Il convient de signaler au demeurant que les mesures décidées par le ministre de l'intérieur pourront faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge administratif qui vérifie traditionnellement dans ce type de situation la proportionnalité des moyens retenus au but poursuivi, y compris lorsqu'il est saisi en référé sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qui lui ouvre le pouvoir d'ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales, au nombre desquelles figure la liberté de communication. Et le recours revêtira un caractère effectif approprié à la matière : dans ce cas, le juge se prononce en effet dans un délai de quarante-huit heures.
Au bénéfice de ces considérations, les griefs des auteurs des saisines pourront être écartés.

III/ SUR L'ARTICLE 11.

A/ L'article 11 de la loi déférée a notamment pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale des dispositions qui figuraient jusqu'alors aux articles 21 et 21-1 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, respectivement relatifs au régime des fichiers de police d'antécédents et des fichiers de police servant à l'analyse sérielle.
Les auteurs de la saisine n'articulent de critique expresse que contre le régime des fichiers d'antécédents. Ils font tout d'abord valoir que l'imprécision du fichier STIC constatée par la CNIL dans son rapport pour 2009 justifie que les réserves d'interprétation sous le bénéfice desquelles l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 avait été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003 soient renforcées. Ils soutiennent en outre que le régime différencié d'effacement des classements sans suite selon leurs motifs prévu par l'article 11 est contraire au principe d'intelligibilité de la loi et au principe d'égalité. Il est par ailleurs demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer expressément sur la conformité à la Constitution du régime des fichiers d'analyse sérielle.

B/ Le Gouvernement estime que les régimes prévus pour ces deux types de fichiers de police judiciaire sont conformes à la Constitution.

1/ S'agissant des fichiers d'antécédents.

a/ Il convient tout d'abord de signaler que les exigences fixées par la décision n°2003-467 DC du 13 mars 2003 sont respectées par les dispositions que l'article 11 introduit dans le code de procédure pénale.
Les principales garanties prévues par la loi du 6 janvier 1978 continueront de s'appliquer aux traitements créés en application de ces dispositions.
Il en est ainsi du principe de finalité des fichiers, qui se traduit notamment, lorsque ceux-ci seront utilisés à des fins administratives, par la règle selon laquelle les éléments contenus dans les fichiers ne constituent, dans chaque cas, qu'un élément de la décision prise, sous le contrôle du juge, par l'autorité administrative.
Le principe de proportionnalité conserve lui aussi toute sa rigueur : il est toujours fait obligation au décret qui interviendra désormais en application de l'article 230-11 du code de procédure pénale de prévoir une durée de conservation limitée par la nécessité première des fichiers qui est d'identifier les auteurs d'infraction.
Le droit d'accès et de rectification est pour sa part renforcé par l'intervention, désormais prévu par le nouvel article 230-6 du code de procédure pénale, d'un magistrat chargé de suivre la mise à jour des données contenues dans les fichiers. Dans le régime à venir, il incombera toujours au procureur de la République de contrôler dans le fichier les données relatives à telle ou telle affaire dont il a à connaître. Il disposera désormais pour cette mission d'un accès direct au fichier, de sorte que la célérité de son contrôle ne sera plus subordonnée à la diligence du gestionnaire du fichier. Le rôle du magistrat « référent » spécialement désigné sera pour sa part de contrôler, dans sa globalité et au quotidien, le fonctionnement du fichier. Sa compétence est nationale. Il pourra agir sur la requête d'un particulier ou d'office et disposera, comme le procureur de la République, d'un accès direct au fichier. La CNIL continuera enfin d'exercer son contrôle a posteriori, dans le cadre de son programme de contrôle ou de manière inopinée, mais aussi dans le cadre des procédures d'accès et de rectification à l'initiative des particuliers.
Ces fichiers d'antécédents seront également soumis au principe d'exactitude énoncé à l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 aux termes duquel les données « sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ».
Cette exigence a notamment été prise en compte dans le fonctionnement du futur fichier TPJ, résultat de la fusion du ficher STIC de la police nationale et du fichier Judex de la gendarmerie nationale. Ce fichier, qui devrait être mis en œuvre au cours du second semestre de l'année 2011, sera directement relié au fichier Cassiopée du ministère de la justice et permettra ainsi une actualisation automatique des données relatives aux suites judiciaires données aux enquêtes. La principale carence du fichier STIC, relevée par la CNIL dans son rapport du 20 janvier 2009 (mis en ligne sur le site de la Commission) évoqué par les auteurs des saisines, sera ainsi résorbée. D'ores et déjà, le ministère de l'intérieur a entrepris d'actualiser le contenu de l'actuel fichier, ce qui permettra de résoudre aussi les difficultés apparues dans le cadre des consultations à visée administrative de ce dernier. Les propositions 9 à 11 formulées par la CNIL dans son rapport du 20 janvier 2009 trouveront ainsi une traduction concrète.
Il convient de signaler en outre que le Gouvernement a également entrepris de mettre en œuvre les huit autres recommandations formulées par la CNIL dans ce rapport. Il en est ainsi des recommandations préconisant de sécuriser et d'harmoniser les procédures d'enregistrement des données dans le fichier (ce qui correspond aux propositions 1 à 5). L'enregistrement des données dans le STIC se fait sous le contrôle strict des services régionaux de documentation criminelle, lesquels ont été renforcés afin d'exercer un contrôle de la qualité des modes d'enregistrement, en particulier de la rectitude des codes qualifiant les infractions et de l'usage du thésaurus applicable. La mise en œuvre par la police et la gendarmerie nationales de nouveaux logiciels de rédaction des procédures permet par ailleurs de supprimer les risques d'erreurs de saisie qui résultaient d'une alimentation manuelle du STIC (pour la gendarmerie, ce nouveau logiciel est utilisé depuis le décret n°2011-111 du 27 janvier 2011 autorisant la mise en œuvre par le ministère de l'intérieur d'un traitement automatisé de données à caractère personnel d'aide à la rédaction des procédures). De son côté, le futur logiciel TPJ sera alimenté automatiquement par les logiciels de rédaction des procédures de la police et de la gendarmerie nationales.
Le Gouvernement a également veillé à mieux encadrer les modalités de consultation du fichier, et notamment l'utilisation à tort du mode judiciaire lors de consultations pour une enquête administrative, la garantie de traçabilité des accès et le contrôle de l'utilisation du fichier (ce qui correspond aux propositions 6 à 8 figurant dans le rapport de la CNIL). Une circulaire du directeur général de la police nationale du 30 mai 2010 rappelle ainsi aux préfets et aux services de police l'obligation de n'utiliser le STIC que dans son mode administratif lorsque sont instruites les demandes administratives permettant d'avoir recours à ce fichier.
Toutes les connexions au STIC sont en outre enregistrées grâce au module de traçabilité externe du portail d'accès aux fichiers de police, dit CHEOPS (régi par l'arrêté du 19 octobre 2001 relatif à la création d'un traitement automatisé de gestion sécurisée des habilitations permettant l'accès aux applications du ministère de l'intérieur). Les données de connexion sont ainsi conservées pendant cinq ans et, en cas de contrôle, peuvent être mises à la disposition de la hiérarchie ou de la CNIL.
Les administrateurs du portail CHEOPS effectuent des contrôles réguliers sur les relevés mensuels du volume de connexions et procèdent à des audits ponctuels et aléatoires sur les connexions. Surtout, depuis mai 2009, et pour faire directement suite aux observations de la CNIL, l'inspection générale de la police nationale effectue des contrôles inopinés dans les services territoriaux de police afin de vérifier les conditions d'utilisation des fichiers de police, en particulier du STIC. Six contrôles inopinés ont eu lieu en 2009 et une vingtaine ont eu lieu en 2010. Ces contrôles permettent de relever des pratiques inadaptées, d'orienter en conséquence les consignes données aux services et de les assister dans la mise en œuvre quotidienne des règles d'utilisation des fichiers de police. Dans le cadre de la modernisation en cours, TPJ comportera lui aussi un module de traçabilité interne, garantissant ainsi une surveillance encore plus précise des accès au fichier.
Il sera observé enfin que l'article 11 de la loi déférée prévoit, outre la création du magistrat référent, deux garanties supplémentaires qui ne figuraient pas dans la loi du 18 mars 2003. Le procureur de la République a désormais l'obligation de se prononcer sur les suites à donner aux demandes d'effacement ou de rectification des particuliers dans un délai d'un mois. En cas de classement sans suite, les données relatives à la personne concernée ne pourront pas faire l'objet d'une consultation administrative dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.

b/ C'est en second lieu de manière intelligible et sans méconnaître le principe d'égalité que l'article 230-8 du code de procédure pénale résultant de l'article 11 de la loi déférée distingue le régime des mentions des décisions de classement sans suite selon qu'elles sont motivées ou non par une insuffisance de charges.
Il convient en effet de distinguer deux situations bien différentes.
Les classements sans suite motivés par une insuffisance de charges recouvrent trois hypothèses : une absence d'infraction, une insuffisante caractérisation de cette dernière ou un auteur finalement inconnu.
Quant aux classements sans suite non motivés par une insuffisance de charges, ils correspondent à plusieurs cas de figure d'une nature différente (poursuites inopportunes, procédures alternatives mises en œuvre par les parquets, irrégularité de la procédure, irresponsabilité de l'auteur, etc.).
La distinction opérée par l'article 11 est ainsi nécessaire à la finalité même des fichiers d'antécédents, qui est de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs : les informations sur des faits de délinquance, même lorsqu'ils ont fait l'objet d'un classement sans suite (autres que ceux donnant lieu à effacement), constituent la mémoire du service d'enquête et sont nécessaires à l'identification des auteurs de ces faits. A titre d'exemple, il est important, pour les parquets et les services de police, lorsqu'une personne est mise en cause pour des faits de violences conjugales, de savoir qu'elle a été déjà mise en cause dans le passé pour des faits similaires - quand bien même l'affaire a été classée suite au refus de la victime de porter plainte - et de pouvoir accéder aux circonstances exactes des affaires précédentes. De même, il est particulièrement utile, pour les besoins des enquêtes, de disposer des informations relatives à une personne précédemment mise en cause dans le cadre d'une affaire de stupéfiants même si elle a bénéficié d'une mesure d'alternative aux poursuites.
Il convient de signaler, au demeurant, que toutes les demandes d'effacement formulées par les procureurs de la République aux gestionnaires des fichiers se font par des « fiches-navettes » comportant une nomenclature détaillée des différents cas de classements sans suite. Cette nomenclature est connue des parquets et des services de police, qui l'utilisent en commun ; elle est aussi utilisée vis-à-vis des justiciables auxquels est notifié un classement sans suite.
Une circulaire du Garde des Sceaux sera prise pour préciser aux procureurs de la République que dans le cadre du pouvoir que leur ouvre l'article 230-8 du code de procédure pénale, la règle sera, sauf exception, d'effacer les mentions des infractions se soldant par un classement sans suite pour insuffisance de charges et qu'une règle inverse devra présider à la mention des autres types de classement sans suite.
Aucun problème de compréhension de la loi ne se pose enfin, contrairement à ce que font valoir les auteurs de la saisine, quant au champ des éléments qu'il est possible de consulter dans le cadre administratif. Au nombre des garanties nouvelles apportées par le législateur dans la mise en œuvre des fichiers d'antécédents, il a été décidé, ainsi qu'il est dit plus haut, que toutes les décisions de classement sans suite feront désormais obstacle en toute hypothèse à la connaissance des faits en cause dans le cadre d'une consultation administrative.

2/ S'agissant des fichiers d'analyse sérielle.
Aucune critique n'est expressément dirigée contre l'insertion dans le code de procédure pénale de dispositions qui figuraient jusqu'alors à l'article 21-1 de la loi du 28 mars 2003, sans que le Conseil constitutionnel ne relève d'office le moindre grief à leur encontre lorsqu'il a eu à en connaître à l'occasion de sa décision n°2005-527 DC du 8 décembre 2005.

La finalité des fichiers d'analyse sérielle est de faciliter la constatation des crimes et délits présentant un caractère répétitif, d'en rassembler les preuves et d'en identifier les auteurs, grâce à l'établissement de liens entre les individus, les événements ou les infractions. Ils respecteront eux aussi les garanties essentielles prévues par la loi du 6 janvier 1978.
Il convient simplement de signaler que, conformément à leur finalité, le nouvel article 230-12 du code de procédure pénale autorise dans ces fichiers l'enregistrement de données faisant apparaître le cas échéant les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle. Cette autorisation est justifiée par le fait que ces éléments sont structurellement liés, dans certains cas, à la définition d'infractions dont les éléments constitutifs font référence à l'état de santé d'une personne (par exemple, la vulnérabilité tenant à un handicap), son orientation sexuelle (délits motivés par des considérations homophobes) ou encore son origine raciale (violences volontaires déterminées par l'appartenance réelle ou supposée d'une personne à une race ou à un groupe ethnique).
Il sera toutefois observé que, comme le prévoit expressément la loi, de telles informations ne pourront être enregistrées que si leur présence dans un fichier est strictement justifiée au regard de la finalité poursuivie par ce dernier.
Les fichiers pourront comporter, conformément aux 1 ° et le 2 ° de l'article 230-13 du CPP des données relatives respectivement aux personnes mises en examen ou placées en garde à vue. La mention, figurant au 1 °, selon laquelle « l'enregistrement des données concernant ces personnes peut intervenir, le cas échéant, après leur condamnation » permettra d'enregistrer dans un fichier le « stock » des identités des personnes déjà condamnées, ce qui est décisif pour l'efficacité du système. Le 3 ° de l'article 230-13 ne vise enfin que la seule catégorie des personnes entendues comme témoins. Une personne qui ne serait ni suspecte ni victime ni témoin ne peut donc figurer dans un fichier d'analyse sérielle.

Par rapport au régime figurant à l'article 21-1 de la loi du 18 mars 2003, deux caractéristiques ont, en outre, été modifiées par le législateur.
Celui-ci a tout d'abord autorisé l'abaissement du seuil permettant l'inscription de données dans les fichiers d'analyse sérielle. Alors que l'article 21-1 de la loi du 28 mars 2003 ne visait que les atteintes aux personnes punies de plus de cinq ans d'emprisonnement et les atteintes aux biens punies de plus de sept ans, le nouvel article 230-12 du code de procédure pénale fait mention d'un seuil unique d'au moins 5 ans d'emprisonnement, ce qui permettra de recourir à ces fichiers dans un nombre plus élevé de cas de figure.
Cette extension est justifiée par le caractère fortement répétitif des délits nouvellement concernés. Elle répond à la caractéristique de ces fichiers d'investigation dont le propre est de mettre à jour le modus operandi d'un délinquant tel qu'il apparaît au fil des réitérations. Pour autant, les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'ouvrir de manière excessive la possibilité de recourir à des fichiers d'analyse sérielle. Ne sont concernés que les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Il s'agit ainsi d'infractions graves.
La loi prévoit aussi, comme pour les fichiers d'antécédents, que les fichiers d'analyse sérielle seront soumis au magistrat référent national. Celui-ci sera chargé de veiller à temps plein au respect des règles qui régissent ces fichiers, ce qui confère une intensité jusqu'alors inédite au contrôle des fichiers d'analyse sérielle. En l'état du droit en vigueur, ces fichiers ne sont en effet soumis qu'à des contrôles ponctuels diligentés par la CNIL ou les procureurs de la République, au gré des saisines qui leur sont adressées. Ce magistrat représente une garantie supplémentaire accompagnant l'ouverture de ces fichiers à de nouveaux délits.
Dans ces conditions le législateur n'a pas entaché de disproportion manifeste la conciliation qu'il lui revenait d'opérer entre les exigences liées au respect de la vie privée et celles découlant de la nécessité de permettre la recherche des auteurs d'infractions, spécialement de celles connaissant le taux de récidive le plus important.

IV/ SUR L'ARTICLE 18.

A/ L'article 18 de la loi déférée permet, d'une part, par une modification du III de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, à des agents d'une société gérant un système de vidéoprotection pour le compte d'une personne publique, de visionner des images prises sur la voie publique, et d'autre part, par une modification du II du même article, aux personnes morales de droit privé de mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection aux fins d'assurer la protection des abords de leurs bâtiments et installations dans le cas où ces lieux seraient particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.
Les requérants font grief à la première modification de déléguer à des personnes privées une mission de souveraineté en contrariété avec la Constitution et à la seconde de priver de garantie légale le respect de la vie privée.

B/ Le Gouvernement ne partage ni l'un ni l'autre de ces points de vue.

1/ Sur la possibilité de déléguer le visionnage d'images prises sur la voie publique à des personnes privées.
Il est exact que l'article 18 de la loi déférée ouvre aux personnes publiques responsables de systèmes de vidéoprotection la possibilité de confier le visionnage des images prises sur la voie publique à une personne morale de droit privé.
Mais cet article 6 ne saurait être entendu comme permettant de déléguer à une personne privée l'exercice d'une mission de souveraineté, en méconnaissance de l'interdiction semble-t-il posée par le considérant n°19 de la décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003. La seule activité dont la délégation est autorisée consiste à visionner en temps réel les images d'un système de vidéoprotection pour le compte du responsable de ce système, qui ne saurait être qu'une personne publique. Pour le cas où les agents chargés du visionnage seraient témoins d'une infraction, leur rôle se limitera à avertir les forces de l'ordre. La mission de souveraineté consistant à assurer le maintien de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions demeurera ainsi de l'exclusive compétence de l'autorité publique.
Il faut signaler, en outre, que le législateur a entouré la faculté de délégation du visionnage de garanties formulées notamment aux nouveaux troisième et quatrième alinéas du III de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995.
La délégation sera tout d'abord formalisée par la signature d'une convention, soumise à l'agrément de l'autorité préfectorale, entre la personne publique et l'opérateur privé. Cette convention devra obéir à un modèle-type arrêté par voie réglementaire après consultation de la commission nationale de vidéoprotection. Il est donc exclu que la conclusion d'une délégation puisse s'affranchir des règles régissant les systèmes de vidéoprotection et limitant les finalités poursuivies ou le régime d'utilisation ou de conservation des images. Le législateur a ajouté une garantie supplémentaire en prévoyant que les agents en cause ne pourront pas visionner les enregistrements des images : leur tâche sera limitée à un visionnage de ces dernières en temps réel.
D'autres garanties résultent du régime d'agrément et d'autorisation spécialement édicté par le législateur.
Ne pourront visionner les images que des personnels agréés d'entreprises autorisées. L'activité de l'opérateur privé chargé de l'exploitation du système de vidéoprotection a en effet été soumise par le législateur aux dispositions du titre Ier de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, et en particulier à celles de son article 6. Il en résulte que les personnes morales délégataires devront être autorisées à exercer leur activité par l'autorité publique. En application de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1983, l'autorisation sera refusée si l'exercice de l'activité « est de nature à causer un trouble à l'ordre public ». Les agents de l'opérateur privé feront pour leur part l'objet d'un régime d'agrément après une enquête au cours de laquelle leur absence de passé pénal, leur moralité et leur aptitude professionnelle seront vérifiées. Il faut signaler enfin que les agents chargés du visionnage seront tenus au secret professionnel, ce qui les rend passibles de la sanction prévue à l'article 226-13 du code pénal, c'est-à-dire un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Au regard de la portée limitée de la délégation et des garanties dont elle se trouve entourée, le grief tiré de ce que le visionnage des images de vidéoprotection par les agents d'une personne morale de droit privé contreviendrait à la Constitution apparaît mal fondé.

2/ Sur la méconnaissance du droit de chacun au respect de sa vie privée par l'extension donnée aux personnes morales de droit privé de surveiller les abords de certains lieux où elles exercent leur activité.
Le onzième alinéa du II de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 modifié par l'article 18 de la loi déférée permet à des personnes morales de droit privé de mettre en œuvre sur la voie publique des systèmes de vidéoprotection aux fins d'assurer la protection des abords de leurs établissements et installations et non plus seulement des abords « immédiats » de ceux-ci et élargit par ailleurs le champ des motifs légaux d'installation en ajoutant au cas de la menace d'actes terroristes celui de l'exposition particulière à des risques d'agression ou de vol.
Cette extension, qui demeure limitée dans son ampleur, répond à l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public en contribuant à prévenir la commission d'infractions et, le cas échéant, à faciliter l'identification des auteurs de ces dernières (l'accroissement des possibilités d'identification ayant par lui-même un effet préventif).
L'extension de la vidéoprotection par des personnes privées aux lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol répond à une nécessité. Les personnes privées, et plus particulièrement celles qui exercent des professions « à risque », comme les banquiers, les bijoutiers ou les pompistes sont trop fréquemment confrontées à tentatives de vols, souvent accompagnées de violences. En l'état du droit en vigueur, elles ne peuvent installer un système de vidéo-protection pour prévenir ce risque. Certains lieux de culte se trouvent eux aussi particulièrement exposés sans pouvoir se protéger efficacement. La loi déférée a pour objet, ainsi que l'a très clairement exprimé le ministre de l'intérieur devant la représentation nationale, de réparer cette lacune portant préjudice au maintien de l'ordre public.
L'extension concomitante du périmètre susceptible d'être couvert par un système de vidéoprotection mis en œuvre par des personnes privées est liée à la nouvelle finalité poursuivie.
La seule possibilité de filmer les abords immédiats d'un bâtiment ne suffit pas à assurer une protection efficace contre des tentatives de vols ou d'agression. Lorsque des malfaiteurs se trouvent aux abords immédiats d'un bâtiment, il est souvent déjà trop tard pour envisager une quelconque réaction. Or le visionnage des images en temps réel rend possible une réaction ou, à tout le moins, des mesures de protection. En élargissant de façon limitée le périmètre surveillé, la loi donne à une personne privée qui visionne ces images en temps réel une chance de prévenir une tentative d'infraction dirigée contre elle. La consultation des images enregistrées par les forces de police contribuera en outre à faciliter l'identification des auteurs des infractions qui n'auront pu être évitées.
Par ailleurs, l'extension prévue par l'article 18 de la loi déférée permet de résoudre les difficultés tenant à la configuration de certains bâtiments enclavés. A titre d'exemple, lorsqu'un bâtiment est situé au fond d'une impasse, se limiter à filmer ses abords immédiats est de peu de portée. L'implantation de caméras donnant une vision un peu plus large apparaît dans de tels cas comme une nécessité.
Eu égard aux motifs qui justifient l'élargissement des possibilités légales de vidéosurveillance de la voie publique, le Gouvernement est d'avis que le législateur n'a pas concilié de manière manifestement disproportionnée le respect dû à la vie privée et la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'ordre public.

V/ SUR L'ARTICLE 37.

A/ L'article 37 de la loi déférée introduit un nouvel article 132-19-2 dans le code pénal, reposant sur une logique analogue à celle de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Il étend le dispositif des « peines planchers » aux délits les plus graves commis par des primo-délinquants.
Les auteurs des saisines estiment que ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles de nécessité et d'individualisation des peines ainsi que celles relatives au droit pénal spécial des mineurs.

B/ Cette argumentation ne saurait prospérer.
Il convient de signaler, à titre liminaire, que le dispositif des peines minimales pris en application de la loi du 10 août 2007 a été mis en oeuvre sans difficulté par les juridictions.
Le bilan de l'application des peines minimales du 10 août 2007 au 1er janvier 2011 fait ressortir un nombre total des poursuites éligibles à ces peines de 61 342 (sur ce total, 55 781 poursuites ont concerné des juridictions de premier degré). Un peu plus de 29 000 peines minimales ont effectivement été prononcées (dont 25 692 en première instance). Cela représente un taux prononcé de peines minimales de 47,5 % (46,1 % pour la seule première instance).
Sur la totalité de la période de collecte des données, la majorité des peines prononcées (58,2 %) est mixte (assortissant peine avec sursis et peine ferme). Les peines minimales entièrement fermes représentent plus du tiers des peines prononcées et la part des peines entièrement avec sursis (simple ou avec mise à l'épreuve) n'est que résiduelle, avec moins de 5 %.
Le taux d'appel du parquet est de 7,8 %, ce qui représente un taux légèrement supérieur au taux d'appel moyen en matière correctionnelle, qui s'élève à 5,3 %.
1/ Sur le principe de nécessité des peines.
Il résulte de la décision n°2007-554 DC du 9 août 2007 que, dans leur principe, les « peines-planchers » ne peuvent trouver à s'appliquer qu'aux comportements délictuels présentant un caractère de particulière gravité. Celui-ci peut être révélé par la commission d'infractions en état de récidive ou de nouvelle récidive légale. Mais le Conseil constitutionnel n'a pas fait de cet élément une condition de la conformité de la loi du 10 août 2007 à la Constitution.
Dans ces conditions, un dispositif de peines minimales pouvait donc être instauré à l'encontre de primo-délinquants dès lors que les infractions en cause présentent un caractère de forte gravité et que les dispositions contestées visent à dissuader la commission des infractions les plus susceptibles de connaître une réitération si elles ne sont pas punies sévèrement dès le premier comportement délictuel.
Tel est le cas du régime prévu au nouvel article 132-19-2 du code pénal.
Celui-ci ne concernera en effet que certains délits de violences volontaires aggravées passibles d'au moins sept années d'emprisonnement. Sont ainsi éligibles au nouveau dispositif les violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-9 du code pénal), les violences volontaires aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours (article 222-12 du code pénal), les violences volontaires aggravées mentionnées à l'article 222-13 du code pénal, lorsque trois des circonstances aggravantes mentionnées à cet article sont réunies (il est à noter sur ce point que contrairement à ce qui est affirmé dans les saisines, une violence n'ayant entraîné aucune ITT n'est pas susceptible d'être aggravée par une ou deux circonstances), les violences volontaires habituelles sur mineur de quinze ans ou sur personne vulnérable ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours (3 ° de l'article 222-14 du code pénal), les violences volontaires avec arme en bande organisée ou avec guet-apens sur une personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours (4 ° de l'article 222-14-1 du code pénal) et enfin le délit d'embuscade (article 222-15-1 du code pénal).
Ne sont ainsi concernés que des faits spécialement graves, limitativement énumérés, correspondant à des infractions en augmentation sur les dernières années et dont il importe de prévenir la première commission car l'observation de la pratique pénale montre qu'ils sont sujets à des taux de réitération particulièrement élevés.
Il faut signaler enfin que le choix des seuils de peine ne traduit aucune erreur manifeste du législateur au regard de la proportionnalité des peines aux infractions commises. Le plancher de peine applicable aux délits concernés a été fixé à deux ans lorsque ces délits sont passibles de 10 ans d'emprisonnement et à 18 mois lorsque ces délits sont passibles de 7 ans d'emprisonnement. Les peines minimales représentent ainsi environ un cinquième de la peine maximale encourue. Ce seuil est de moitié moins élevé que celui actuellement prévu en cas de récidive par l'article 132-19-1 du code pénal. Cette gradation préserve la cohérence de l'échelle des peines et maintient un juste équilibre entre les faits commis en état de récidive et les autres.
Dans ces conditions, le principe de nécessité des peines se trouve pleinement respecté.

2/ Sur le principe d'individualisation des peines.

Le grief sera écarté sans difficulté.
L'ensemble des garanties relevées dans la décision n°2007-554 DC du 9 août 2007 sont aussi réunies en l'espèce.
La loi prévoit que la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure aux seuils prescrits ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
Pas davantage qu'en 2007, le législateur n'a par ailleurs modifié le pouvoir de la juridiction d'ordonner qu'il soit sursis, au moins partiellement, à l'exécution de la peine.
En instaurant des peines minimales pour certains primo-délinquants, le législateur n'a enfin pas dérogé aux dispositions spéciales du deuxième alinéa de l'article 122-1 du code pénal permettant à la juridiction de prononcer, en raison de l'état psychique de l'intéressé, une peine autre que l'emprisonnement.

3/ Sur la méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Il est exact que les mineurs commettant les infractions mentionnées au nouvel article 132-19-2 du code pénal seront éligibles au mécanisme des « peines-planchers ». Mais en aucun cas ces dispositions ne sauraient être interprétées comme écartant les dispositions des articles 2 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 en vertu desquelles la juridiction compétente à l'égard d'un mineur prononce une mesure de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation et peut simplement appliquer une sanction pénale, y compris une peine minimale, si elle l'estime nécessaire.
Dans ces conditions, les griefs des auteurs des saisines pourront être écartés.

VI/ SUR L'ARTICLE 38.

A/ L'article 38 de la loi déférée prévoit un allongement à 30 ans de la période de sûreté pour les auteurs de meurtre en bande organisée ou d'assassinat commis à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique.
Les auteurs des saisines estiment que ces dispositions contreviennent au principe de nécessité des peines.

B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
On sait que la durée de la peine de sûreté est contrôlée par le Conseil constitutionnel au regard de l'article 8 de la Déclaration de 1789 mais que son contrôle est restreint sur ce point (voir en ce sens la décision n°93-334 DC du 20 janvier 1994).
Le législateur n'a en l'espèce commis aucune disproportion manifeste en prévoyant un allongement de 22 à 30 ans de la peine de sûreté qu'il est possible à une cour d'assises de prononcer à l'encontre d'une personne perpétrant un assassinat ou un meurtre en bande organisée sur une personne dépositaire de l'autorité publique.
Le Gouvernement est d'avis que le critère d'appréciation doit être la gravité toute particulière des faits en cause, révélée par la qualité de la victime et les circonstances particulières présidant à la commission de l'infraction.
Ces deux critères sont remplis en l'espèce.
Il était loisible au législateur de distinguer, au sein des victimes, le cas particulier des dépositaires de l'autorité publique, au nombre desquels figurent, outre les magistrats, les fonctionnaires de la police nationale, les militaires de la gendarmerie ou les personnels de l'administration pénitentiaire mentionnés par la loi, le Président de la République, les ministres, les préfets, les directeurs d'administration centrale, les présidents d'université, les maires et les jurés.
Et l'assassinat, qui constitue un meurtre avec la circonstance aggravante de la préméditation ou le meurtre en bande organisée revêtent une gravité accrue par l'intention caractérisée des auteurs.
Dans ces conditions, le principe de nécessité des peines se trouve pleinement respecté.

VII/ SUR L'ARTICLE 41.

A/ L'article 41 de la loi déférée insère dans l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante un article 8-3 ouvrant au procureur de la République la possibilité de saisir directement le tribunal pour enfants par voie de convocation délivrée par un officier de police judiciaire.
Les auteurs des saisines soutiennent que cette disposition méconnaît les principes constitutionnels applicables à la justice des mineurs.

B/ Le Gouvernement estime au contraire que le mécanisme prévu par l'article 41 respecte les règles spéciales qui doivent s'appliquer aux mineurs délinquants.
Celles-ci impliquent notamment que les réponses aux infractions commises par les mineurs soient prononcées par une juridiction spécialisée et selon des procédures appropriées.
Mais le principe fondamental reconnu par les lois de la République prévoyant une justice spéciale pour les mineurs ne prohibe pas, en eux-mêmes, les modes de saisine directe de la juridiction de jugement des mineurs.
C'est la raison pour laquelle a déjà été validée dans son principe la faculté de saisir le tribunal pour enfants sans passer par une phase d'instruction préliminaire devant le juge pour enfants.
La procédure de jugement à délai rapproché a ainsi été jugée conforme à la Constitution notamment en ce qu'elle répond à la situation particulière des mineurs en raison de l'évolution rapide de leur personnalité (voir en ce sens la décision n°2002-461 DC du 29 août 2002).
La procédure de présentation immédiate a également été jugé conforme à la Constitution dans la mesure où les mineurs ne peuvent être traduits que devant une juridiction pour mineurs, à la condition que des investigations sur la personnalité aient été accomplies à l'occasion de la procédure en cours ou d'une procédure antérieure de moins d'un an et que le quantum des peines permettant de recourir à cette procédure demeure supérieur à celui de la comparution immédiate (voir en ce sens la décision n°2007-553 DC du 3 mars 2007).
Or en l'espèce, la convocation par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants est moins contraignante que la procédure de présentation immédiate : contrairement à cette dernière, elle n'emporte pas pour conséquence le jugement immédiat du mineur ou son placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire le temps qu'il comparaisse devant le tribunal pour enfants.
Elle se trouve par ailleurs entourée de garanties propres à assurer le respect du principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il convient de souligner en effet que la convocation est limitée aux cas dans lesquels les investigations sur la personnalité ont déjà été accomplies « si des investigations supplémentaires sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant à l'occasion d'une procédure engagée dans les six mois précédents ou d'une procédure ayant donné lieu à une condamnation dans les six mois précédents ». Se trouve ainsi respecté le principe d'instruction obligatoire figurant dans l'ordonnance du 2 février 1945.
Conformément aux principes édictés par les articles 390-1 et 552 du code de procédure pénale, un délai de dix jours devra en outre être respecté entre la date de la convocation et le jour de l'audience.
Il est enfin prévu que figure sur la convocation la précision selon laquelle le mineur doit obligatoirement être assisté d'un avocat et que cette convocation soit notifiée aux parents.
Dans ces conditions, les griefs des requérants pourront être écartés.