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Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 - Décision de renvoi CE

Banque populaire Côte d'Azur [Pouvoir disciplinaire de la Commission bancaire]
Non conformité totale

Conseil d'État

N° 336839
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Bernard Stirn, président
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Mattias Guyomar, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP DEFRENOIS, LEVIS, avocats

lecture du vendredi 23 septembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le mémoire, enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'État, présenté pour la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, dont le siège est au 457, Promenade des Anglais à Nice (06292), représentée par son directeur général, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR demande au Conseil d'État, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2009 par laquelle la Commission bancaire a, sur le fondement de l'article L. 613-21 du code monétaire et financier, prononcé à son encontre, d'une part, un blâme, d'autre part, une sanction pécuniaire de 600 000 euros et rejeté sa demande tendant à ce que cette décision ne fasse l'objet d'aucune mesure de publicité faisant apparaître son nom, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-1, du premier alinéa de l'article L. 613-3, des articles L. 613-4, L. 613-6, et L. 613-21 et du I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ;

Vu la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, et les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code monétaire et financier précisent la composition du collège de la Commission bancaire ; que celles du premier alinéa de l'article L. 613-1 du même code donnent compétence à la Commission bancaire pour contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et pour sanctionner les manquements constatés ; que les dispositions des articles L. 613-4, L. 613-6 et L. 613-21 ainsi que du I de l'article L. 613-23 du même code définissent les modalités et conditions d'exercice des pouvoirs ainsi reconnus à la Commission bancaire ; que l'ensemble de ces dispositions sont applicables au litige dont le Conseil d'État est saisi ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 613-3 du code monétaire et financier, issues de l'article 38 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984, à l'exception des mots le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et pour une durée de cinq ans dont le mandat est renouvelable une fois introduits à l'article L. 613-3 respectivement par les articles 14 de la loi du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance et 34 de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière ; que lesdites modifications de l'article L. 613-3 du code monétaire et financier ne constituent pas, au regard de la question de constitutionnalité soulevée, un changement des circonstances de droit justifiant le réexamen de la conformité de cette disposition aux droits et libertés garantis par la Constitution ; que ces modifications, qui se bornent à adapter la composition de la Commission bancaire et à modifier la durée du mandat de ses membres, ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à méconnaître les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code monétaire et financier porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Considérant que les autres dispositions contestées n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-3 du code monétaire et financier.

Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 613-1, des articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et du I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, à l'Autorité de contrôle prudentiel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.