Décision n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 349657
Inédit au recueil Lebon
6ème sous-section jugeant seule
Mme Christine Maugüé, président
Mme Marie-Françoise Lemaître, rapporteur
M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats
lecture du lundi 18 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 10MA04589 du 25 mai 2011, enregistrée le 27 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, avant qu'il soit statué sur l'appel de M. A tendant à l'annulation du jugement n° 0901158 en date du 26 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un arrêté du 25 septembre 2009 du préfet de la Haute-Corse, ayant créé une servitude de passage et d'aménagement sur les parcelles 170 et 171 dont il est propriétaire sur le territoire des communes de Calenzana et Moncale, pour l'implantation d'une zone d'appui à la lutte contre les incendies, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 321-5-1 du code forestier ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présenté pour M. A, demeurant ... ; il soutient que l'article L. 321-5-1 du code forestier, applicable au litige, porte une atteinte excessive à la garantie des droits et au droit de propriété, protégés respectivement par les articles 16, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et méconnaît le droit à l'information et à la participation du public garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'article L. 321-5-1 du code forestier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que l'article L. 321-5-1 du code forestier, qui institue une servitude de passage et d'aménagement des voies de défense contre l'incendie, est applicable au présent litige ; que cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
DECIDE :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 321-5-1 du code forestier est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean A, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et au Premier ministre.
Copie en sera adressée à la cour administrative d'appel de Marseille.