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Décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 - Décision de renvoi CE

Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement]
Non conformité partielle - effet différé - réserve

Conseil d'État

N° 339110
Inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Stirn, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
RICARD ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats

Lecture du vendredi 24 septembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mlle Danielle A, demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; Mlle A soutient, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 23 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles, qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 du code de la santé publique, désormais repris aux articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du même code ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment le Préambule et l'article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de Mlle A et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Mutuelle générale de l'éducation nationale,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de Mlle A et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Mutuelle générale de l'éducation nationale ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que les articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351, désormais repris aux articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du code de la santé publique, sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que les moyens tirés de ce que, compte tenu du caractère insuffisant tant de l'intervention de l'autorité judiciaire dans la procédure permettant de maintenir, à la demande d'un tiers, une personne en hospitalisation sans son consentement que des garanties accordées à cette personne pendant l'hospitalisation, les dispositions précitées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté individuelle ainsi qu'à la protection de celle-ci par l'autorité judiciaire en vertu de l'article 66 de la Constitution, soulèvent une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

DECIDE :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351, désormais repris aux articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du code de la santé publique, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mlle A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Danielle A, à la Mutuelle générale de l'Education nationale, à la ministre de la santé et des sports et au Premier ministre.
Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel.