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Décision n° 2010-623 DC du 28 décembre 2010 - Observations du gouvernement

Loi de finances rectificative pour 2010
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2010.
Ce recours, dont la seule critique expressément formulée concerne le respect des règles posées par la loi organique relative aux lois de finances quant à l'affectation des surplus de recettes fiscales à la réduction des déficits, appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

Les auteurs de la saisine estiment que la règle d'affectation des surplus de recettes fiscales, prévue dans son principe par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances et précisée par le IV de l'article 67 de la loi de finances pour 2010 mentionnant que, dans le cadre de l'exercice budgétaire en cours, ces surplus devront être utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit, n'a pas été respectée à l'occasion du vote de la quatrième loi de finances rectificative pour 2010, qui fait l'objet du présent recours.
Cette analyse ne saurait être retenue.
Le Gouvernement considère tout d'abord que le grief manque en fait. Ainsi que cela apparaît à l'article d'équilibre (article 6) de la loi déférée, les recettes fiscales nettes sont marquées par une diminution de 0,3 Md€ par rapport à la précédente loi de finances rectificative (loi n°2010-606 du 7 juin 2010).

Aucun surplus de recettes n'étant prévu par la présente loi, aucune règle d'affectation de ces surplus n'a pu être méconnue à l'occasion de son adoption.
On notera en outre que le solde budgétaire s'améliore de 3,5 Md€, principalement du fait de l'évolution des recettes autres que les recettes fiscales nettes.
Ceci étant dit, le Gouvernement souhaite formuler deux observations complémentaires.
1/ Il sera observé en premier lieu qu'en dehors des deux opérations exceptionnelles et non reconductibles, présentées dans deux collectifs budgétaires ad hoc concernant respectivement le programme des investissements d'avenir et les prêts à la Grèce, adoptés par le Parlement et pour lesquels toute l'information disponible a été fournie à ce dernier, le solde budgétaire a été amélioré au-delà des surplus de recettes fiscales nettes constatés.
Il est exact que, par rapport à la loi de finances initiale, la loi de finances rectificative adoptée définitivement le 21 décembre 2010 présente un déficit budgétaire augmenté de 31,1 Md€ (et de 28,9 Md€ en prenant en compte la perte de recettes liée à la déclaration de non conformité à la Constitution de la « taxe carbone » et d'une fraction du nouveau régime des bénéfices non commerciaux).
Néanmoins, en excluant le programme d'investissements d'avenir (34,6 Md€) et les crédits destinés aux prêts à la Grèce (5,8 Md€), qui représentent à eux deux un total de 40,4 Md€, le solde budgétaire s'améliore de 9,3 Md€ (et de 11,5 Md€ en prenant en compte la perte de recettes mentionnée au précédent alinéa), soit davantage que le surplus de recettes fiscales nettes constaté (2,9 Md€ par rapport à l'état A de la loi de finances initiale et 5,1 Md€ en prenant en compte la perte de recettes mentionnée ci-dessus).
2/ En outre, le Gouvernement fait l'analyse que l'insertion en loi de finances d'une règle d'affectation des éventuels surplus de recettes fiscales, en application du 10 ° du I de l'article 34 de la LOLF, ne saurait être lue comme ayant pour objet ou pour effet de contraindre le législateur à affecter tout surplus de recettes fiscales à une destination spécifique.
Elle fait certes peser une contrainte particulière sur le Gouvernement dans l'exercice de sa compétence en matière budgétaire. C'est ainsi que les ouvertures opérées par les deux décrets d'avance pris en 2010, en date du 29 septembre et du 30 novembre, ont été intégralement gagées par des annulations de dépenses à due concurrence, alors même que des surplus de recettes avaient déjà été constatés.
Mais aucune obligation similaire n'est fixée dans le chef du législateur.
Ainsi que l'indiquent tant les travaux préparatoires de la loi organique du 12 juillet 2005 que la décision du Conseil constitutionnel sur cette loi, ces dispositions « sont destinées à améliorer la gestion des finances de l'État et tendent à renforcer l'information du Parlement », sans revêtir d'autre portée normative. Cette interprétation est corroborée par le fait que le 10 ° du I de l'article 34 de la LOLF appartient au domaine exclusif, mais non obligatoire, des lois de finances, dès lors que cet alinéa ne se trouve pas mentionné au III du même article 34 définissant ce domaine obligatoire.

Dans ces conditions, le Gouvernement considère que le grief articulé dans la saisine n'est pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.