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Décision n° 2010-20/21 QPC du 6 août 2010 - Décision de renvoi CE 2

M. Jean C. et autres [Loi Université]
Conformité - réserve

Conseil d'État

N° 329056
Inédit au recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Martin, président
Mme Francine Mariani-Ducray, rapporteur

lecture du mercredi 9 juin 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE Français

Vu 1 °), sous le n° 329056, le mémoire, enregistré le 26 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE, dont le siège est chez M. Olivier Beaud, … ; le COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses dispositions relatives aux enseignants-chercheurs, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 8 et 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, du dernier alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation, des articles L. 712-8 et L. 954-1 du même code, du premier alinéa de l'article L. 954-2 du même code et de certaines dispositions de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

Vu 2 °), sous le n° 329057, le mémoire, enregistré le 26 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. Olivier C, demeurant …, Mme Cécile A, demeurant …, Mme Pascale E, demeurant …, M. Jean B, demeurant … et M. Jacques D, demeurant … ; M. C et autres demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du décret n° 2009-460 du 23 avril 2009 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences et portant diverses dispositions relatives aux enseignants-chercheurs, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 8 et 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, du dernier alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation, des articles L. 712-8 et L. 954-1 du même code, du premier alinéa de l'article L. 954-2 du même code et de certaines dispositions de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 26 mai 2010, présentées par le COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE et par M. C et autres ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les articles 8 et 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, le dernier alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation, les articles L. 712-8 et L. 954-1 du même code, l'article L. 954-2 du même code et la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Francine Mariani-Ducray, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Considérant que les affaires enregistrées sous les n°s 329056 et 329057 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (…) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant, en premier lieu, que le respect du principe constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs n'implique pas que le statut particulier de ceux-ci soit fixé par le législateur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe par les dispositions des articles 8 et 10 de la loi du 11 janvier 1984 et par le dernier alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation, en tant qu'elles habilitent le pouvoir réglementaire à fixer le statut particulier des enseignants-chercheurs, ne soulève pas une question nouvelle ou présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 954-1 du code de l'éducation, prévoyant que le conseil d'administration définit les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche, sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs en tant qu'elles confient à chaque université la responsabilité de définir les obligations statutaires des enseignants-chercheurs, dont font partie les principes généraux de répartition des obligations de service, alors que le respect de ce principe impliquerait que cette responsabilité soit confiée à une autorité centrale au niveau national, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée en ce qui concerne cet article ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 712-8 du code de l'éducation, qui limitent l'application, notamment, de l'article L. 954-1 du code de l'éducation aux seules universités bénéficiant, sur leur demande, des responsabilités et compétences élargies au sens du chapitre 1er du titre III de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe constitutionnel d'égalité entre les agents d'un même corps, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée en ce qui concerne cet article ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aucune des dispositions du décret du 23 avril 2009 attaqué par les requérants n'est prise pour l'application de l'article L. 954-2 du code de l'éducation, qui, d'une part, confie au président de l'université la responsabilité de l'attribution des primes aux personnels qui sont affectés à l'établissement et, d'autre part, prévoit que le conseil d'administration peut créer des dispositifs d'intéressement ; que par conséquent l'article L. 954-2 du code de l'éducation n'est pas applicable au présent litige ;

Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que certaines des dispositions de la loi du 10 août 2007 méconnaîtraient le principe constitutionnel d'indépendance en privant les enseignants-chercheurs de garanties légales dont ils bénéficiaient auparavant n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre son renvoi au Conseil constitutionnel ;

DECIDE :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles L. 712-8 et L. 954-1 du code de l'éducation est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes du COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE et de M. C et autres jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE et par M. C et autres, en tant qu'elle concerne les articles 8 et 10 de la loi du 11 janvier 1984, le dernier alinéa de l'article L. 952-3 du code de l'éducation, l'article L. 954-2 du code de l'éducation et diverses dispositions d'abrogation contenues dans la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au COLLECTIF POUR LA DEFENSE DE L'UNIVERSITE, à M. Olivier C, à Mme Cécile CHANAIS, à Mme Pascale E, à M. Jean B, à M. Jacques D, au Premier ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.