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Décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 - Décision de renvoi CE

Mme Marie-Christine D. [Pension de réversion des enfants]
Non conformité totale - effet différé

Conseil d'État

N° 343994
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Dacosta Bertrand, rapporteur public

lecture du jeudi 30 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance n° 1003656 QPC du 26 octobre 2010 par laquelle le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur la demande de Mme Marie-Christine A veuve B, tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat du 19 juillet 2010 portant titre de pension en tant qu'il a réservé une part de réversion au profit d'un autre ayant-cause, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui délivrer un titre de pension lui octroyant la totalité de la pension de réversion comme ayant-cause de M. Serge C et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite en ce qu'il réserve au conjoint survivant une situation plus défavorable que dans le cas de la présence d'orphelins prévue à l'article 40 du même code ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Rennes, présenté par Mme Marie-Christine A veuve B, élisant domicile au cabinet de son conseil, 17, rue Amiral Courbet à Lorient (56100), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite, applicable aux ayants cause des militaires en vertu de l'article L. 47 du même code, dispose : Lorsqu'il existe une pluralité d'ayants cause de lits différents, la pension définie à l'article L. 38 est divisée en parts égales entre les lits représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. Les enfants naturels sont assimilés à des orphelins légitimes ; ceux nés de la même mère représentent un seul lit. S'il existe des enfants nés du conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, chacun d'eux a droit à la pension de 10 p. 100 dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 40. En cas de pluralité d'orphelins âgés de moins de vingt et un ans d'un même lit non représenté par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, il leur est fait application du deuxième alinéa de l'article L. 40. / Si un lit cesse d'être représenté, sa part accroît celle du ou des autres lits. ;

Considérant que Mme A soutient, pour contester le titre de pension opérant un partage à égalité de la pension de réversion due au titre de son époux décédé avec le fils de celui-ci, Maël D, issu d'un autre lit, que l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite est contraire au principe d'égalité et au droit de propriété ;

Considérant que Mme A contestant devant le tribunal administratif de Rennes les modalités de partage de la pension de réversion décidées sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite, cette disposition est applicable au présent litige ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d'égalité, présente un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

DECIDE :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la demande de Mme A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie Christine A, au ministre d'Etat, ministre de la défense et des anciens combattants, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Rennes.