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Décision n° 2010-107 QPC du 17 mars 2011 - Décision de renvoi CE

Syndicat mixte chargé de la gestion du contrat urbain de cohésion sociale de l'agglomération de Papeete [Contrôle de légalité des actes des communes en Polynésie française]
Non conformité partielle

Conseil d'État

N° 343800
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Olivier Henrard, rapporteur
M. Boucher Julien, rapporteur public

lecture du vendredi 17 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le jugement n° 1000308 du 28 septembre 2010, enregistré le 13 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, avant de statuer sur la demande du SYNDICAT MIXTE CHARGE DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHESION SOCIALE DE L'AGGLOMERATION DE PAPEETE tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2010 par lequel le haut-commissaire de la République en Polynésie française a annulé l'arrêté du 15 février 2010 du président de ce syndicat portant recrutement à durée indéterminée de Mme Sylvie A et du contrat à durée indéterminée en date du 22 janvier 2010 signé avec l'intéressée, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article 8 de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 août 2010 au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française, présenté par le SYNDICAT MIXTE CHARGE DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHESION SOCIALE DE L'AGGLOMERATION DE PAPEETE, dont l'adresse postale est BP 4542 à Faa'a Centre (98703), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses article 61-1, 72 et 74 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007, ratifiée par le IV de l'article 66 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009, notamment son article 2, le III de son article 7 et son article 8 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Sur l'intervention de M. B :

Considérant que M. B, qui se borne à invoquer sa prétendue qualité de président de la Polynésie française, ne justifie pas, en tout état de cause, d'un intérêt de nature à rendre recevable son intervention ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que le II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 dispose : Sont nulles de plein droit : / a) Les délibérations d'un conseil municipal portant sur un objet étranger à ses attributions ou prises hors de sa réunion légale ; / b) Les délibérations prises en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique. / La nullité de droit est déclarée par arrêté motivé du haut-commissaire. Elle peut être prononcée par le haut-commissaire et proposée ou opposée par les parties intéressées, à toute époque. ; que le SYNDICAT MIXTE CHARGE DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHESION SOCIALE DE L'AGGLOMERATION DE PAPEETE soutient que ces dispositions méconnaissent le principe de sécurité juridique et privent de garanties suffisantes l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales prévue par l'article 72 de la Constitution ;

Considérant que ces dispositions, qui ont servi de fondement à l'arrêté du 29 avril 2010 du haut-commissaire de la République attaqué par le syndicat requérant devant le tribunal administratif de la Polynésie française, sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

Considérant que le principe de sécurité juridique n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution au sens de son article 61-1 ; qu'en revanche, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales, dans les conditions prévues par la loi , s'administrent librement par des conseils élus ; que les dispositions contestées de l'ordonnance du 5 octobre 2007 confèrent au haut-commissaire de la République en Polynésie française le pouvoir de prononcer, à tout moment et en toutes matières, la nullité de plein droit des délibérations d'un conseil municipal dont il estime qu'elles portent sur un objet étranger aux attributions de ce conseil, qu'elles ont été prises hors de sa réunion légale ou en violation d'une loi ou d'un règlement d'administration publique, au cours de la période qui court de l'abrogation par l'ordonnance du 5 octobre 2007, à compter du 1er mars 2008, des dispositions du code des communes jusqu'alors applicables aux actes des communes de Polynésie française et au contrôle administratif du représentant de l'Etat sur ces actes, jusqu'à l'extension à la Polynésie française des articles L. 2131-1 à L. 2131-12 du code général des collectivités territoriales, au plus tard le 1er janvier 2012 et, au plus tôt, sur la demande des communes intéressées, le 1er janvier de l'année qui suit l'adoption de la délibération par le conseil municipal lorsque la délibération est transmise au haut-commissaire avant le 30 septembre de l'année de son adoption, ou le 1er janvier de la deuxième année qui suit son adoption lorsqu'elle lui est transmise après cette date ; que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées du II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 privent de garanties suffisantes le principe de libre administration des collectivités territoriales posé à l'article 72 de la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M. B n'est pas admise.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions du II de l'article 8 de l'ordonnance du 5 octobre 2007 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT MIXTE CHARGE DE LA GESTION DU CONTRAT URBAIN DE COHESION SOCIALE DE L'AGGLOMERATION DE PAPEETE, à Mme Sylvie A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et à M. René Georges B.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de la Polynésie française.