Décision n° 2010-102 QPC du 11 février 2011 - Décision de renvoi CE
Conseil d'État
N° 343752
Mentionné au tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
SCP BARADUC, DUHAMEL, avocats
Lecture du vendredi 17 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance n° 1005044 du 8 octobre 2010, enregistrée le 11 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille, avant qu'il soit statué sur la demande de M. A tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnisation d'un montant de 3 048 318 euros en réparation de ses préjudices, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1er de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Marseille, présenté par M. Pierre A, demeurant ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Pierre A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. Pierre A,
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports a supprimé le privilège dont bénéficiaient les courtiers interprètes et conducteurs de navire en vertu de l'article L. 131-2 du code de commerce qui, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à son abrogation, prévoyait que ces officiers ministériels font le courtage des affrètements. Ils ont, en outre, seuls le droit de traduire, en cas de contestations portées devant les tribunaux, les déclarations, chartes-parties, connaissements, contrats, et tous actes de commerce dont la traduction serait nécessaire. Ils constatent le cours du fret ou du nolis. / Dans les affaires contentieuses de commerce, et pour le service des douanes, ils servent seuls de truchement à tous étrangers, maîtres de navires, marchands, équipages de vaisseau et autres personnes de mer. ; que si la loi litigieuse, qui est applicable au litige, a été déférée au Conseil constitutionnel en application de l'article 61 de la Constitution et si celui-ci a, dans les motifs de sa décision n° 2000-440 DC du 10 janvier 2001, mentionné l'article 1er de cette loi, seul l'article 4 de celle-ci a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision ; que, dès lors, les deux premières conditions rappelées ci-dessus doivent être regardées comme remplies ;
Considérant que M. A soutient que les dispositions de l'article 1er de la loi du 16 janvier 2001 méconnaissent l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 janvier 2001, la suppression du monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires résulte de la volonté du législateur de mettre le droit national en conformité avec le règlement communautaire du 12 octobre 1992 ; que la question de savoir si, ce faisant, l'article 1er de la loi du 16 janvier 2001 a obéi à un motif d'intérêt général suffisant de nature à justifier l'atteinte portée à des situations légalement acquises peut être regardée comme présentant un caractère nouveau, au sens de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, alors même que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de faire application de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'ainsi, il y a lieu de lui renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
DECIDE :
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 1er de la loi du 16 janvier 2001 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A, à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Premier ministre.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Marseille.