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Décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009 - Observations du gouvernement

Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

Les recours font grief à la loi de méconnaître les 10ème et 11ème alinéas du Préambule de 1946, de ne pas respecter l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, d'introduire une rupture d'égalité entre salariés et entre collectivités territoriales et de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I/ SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA PROTECTION DU DROIT AU REPOS ET DU DROIT A UNE VIE FAMILIALE NORMALE

A/ Les requérants estiment qu'en élargissant le champ de la dérogation au repos dominical dans les zones et communes touristiques et en y apportant une exception nouvelle dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnelle, la loi déférée aurait méconnu les 10ème et 11ème alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.

B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.

Le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit, au plan constitutionnel, le droit au repos. On peut, sans doute, déduire de la formulation de ce 11ème alinéa que l'existence, pour le travailleur, d'au moins un jour de repos par semaine participe de la protection constitutionnelle de ce droit au repos. Pour autant, cet alinéa ne paraît pas impliquer, par lui-même, que ce jour de repos soit nécessairement donné le dimanche. Le Gouvernement estime qu'il ne fait pas obstacle à ce que le jour de repos soit donné un autre jour de la semaine.

Le rapprochement de ce 11ème alinéa avec l'alinéa précédent du même Préambule, qui proclame que la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, peut inciter à considérer que le repos hebdomadaire devrait être, en principe, accordé un jour où la plupart des institutions de la vie sociale sont fermées.

Pour autant, on ne peut considérer que les termes du Préambule de 1946 impliqueraient que le repos hebdomadaire soit systématiquement donné le dimanche. Si on peut soutenir qu'ils devraient conduire à privilégier le schéma du repos dominical, on doit nécessairement admettre que le législateur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, peut décider d'y déroger dans une mesure limitée et justifiée.

Par ailleurs, contrairement aux auteurs de la saisine, le Gouvernement considère qu'on ne peut déduire des législations successives ayant réglementé le droit au repos l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République consacrant le repos dominical. Dès l'intervention de la loi du 13 juillet 1906, le principe a connu, en effet, des dérogations et des exceptions qui lui ôtent tout caractère inconditionnel.

1/ La nouvelle dérogation de plein droit aménagée pour l'ensemble des commerces, toute l'année, dans les zones et communes touristiques ne constitue tout d'abord qu'un aménagement raisonnable du régime qui y était déjà applicable. Elle ne concernera que 150 000 salariés au maximum, nombre qui peut être rapporté aux 6,5 millions de personnes qui travaillent déjà habituellement ou occasionnellement le dimanche.

L'extension matérielle de la dérogation à l'ensemble des commerces de détail est justifiée au regard de l'objet de la dérogation, qui vise à favoriser le tourisme. Elle a, en effet, pour objet de mettre fin à certaines situations absurdes où, pour échapper aux contraintes excessives de la loi, certaines enseignes commerciales prisées par les touristes ont créé, de manière factice, des enceintes culturelles pour les besoins de la cause ou ont revendiqué abusivement le statut de créateur de mode pour entrer dans les dérogations permises.

Dans un objectif d'intérêt général, la loi déférée met fin à ces faux-semblants en assouplissant le critère matériel qui figurait autrefois à l'article L. 3132-25 du code du travail. Le législateur a estimé qu'il était aujourd'hui légitime de permettre plus généralement aux commerces susceptibles d'accueillir une clientèle touristique d'être ouverts toute la semaine, dans les communes où l'activité touristique est importante. On peut d'ailleurs relever que les dispositions adoptées n'impliqueront pas, pour autant, pour les salariés de travailler tous les dimanches, mais seulement certains dimanches de l'année, en roulement avec leurs collègues.

La fin de la limitation temporelle de la dérogation aux seules « périodes touristiques » autrefois visées par la loi répond à l'évolution des modes de vie depuis l'intervention de la loi du 20 décembre 1993 à l'origine du premier dispositif dérogatoire de cette nature.

Dans la plupart des zones touristiques, la notion de « saison » a fortement changé depuis lors et s'étale désormais de manière très variable sur des périodes différentes de l'année. Il était donc justifié de ne plus limiter a priori, sous le régime d'une autorisation administrative malhabile à saisir par avance une réalité économique fluctuante, les périodes de l'année propices à l'ouverture dominicale des commerces. Il reste que, dans les faits, les salariés ne travailleront probablement le dimanche qu'au cours des périodes de forte affluence touristique de l'été ou de l'hiver. Pas davantage que son extension matérielle, l'extension temporelle de la dérogation ne conduira donc à la généralisation du travail du dimanche dans les zones touristiques.

2/ La création par la loi des périmètres d'usage de consommation exceptionnelle (les « Puce ») n'apportera, pour sa part, qu'une exception très limitée au principe du repos dominical.

La mise en œuvre du dispositif adopté par le législateur supposera, tout d'abord, de démontrer l'existence d'usages de consommation dominicale. La création des Puce par le préfet sera subordonnée à une demande préalable du conseil municipal. Surtout, les autorisations d'ouverture des commerces ne pourront être accordées qu'au vu d'un accord collectif fixant les contreparties octroyées aux salariés privés du repos dominical.

Ces conditions et cet encadrement donnent à penser que seule une vingtaine de zones sera concernée, pour un effectif de salariés évalué à une quinzaine de milliers de personnes.

Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la saisine, la création des Puce n'a pas pour seul objet de régulariser les pratiques jusqu'alors illicites constatées dans certaines zones commerciales. La loi ne saurait être interprétée comme ayant pour objet, ou même simplement pour effet, de valider, de manière rétroactive, les activités pratiquées sans autorisation qui auraient fait l'objet de poursuites pénales sur le fondement de l'article R. 3152-2 du code du travail.

Rien ne fait obstacle, en revanche, à ce que le législateur autorise pour l'avenir des activités autrefois regardées comme illégales, dès lors qu'il estime qu'un motif d'intérêt général les justifie désormais.

Or, tel est bien le cas aujourd'hui dans certaines zones de forte densité urbaine où, comme le soulignent les deux rapports rédigés sous l'égide du Conseil économique, social et environnemental en 2007, le dimanche, désormais banalisé par rapport au samedi ou aux autres jours de la semaine, ne constitue plus seulement un temps de repos collectif, mais aussi un moment de consommation culturelle ou de loisirs propice à des achats en famille ou à la réalisation de comportements de consommation plus individuels.

Indépendamment des pratiques constatées, notamment dans la zone de Plan de Campagne, à côté de Marseille ou à Eragny, dans le Val d'Oise, il a ainsi été observé l'émergence de tels besoins, qui ont pu donner lieu à l'intervention d'arrêtés préfectoraux pris en application de la loi en vigueur. Il en est ainsi par exemple dans l'Essonne : dans ce département, trois zones regroupent déjà des commerces ayant obtenu des dérogations préfectorales individuelles d'ouverture dominicale, régulièrement reconduites, et non contestées devant les tribunaux. Ces périmètres, définis en accord avec les acteurs locaux, et dont la pérennité a permis de faire émerger une habitude de consommation dominicale, ont vocation à recevoir la nouvelle qualification de Puce au sens de la loi déférée. Il peut en aller de même pour certaines zones de l'agglomération lilloise, marquées par d'importantes pratiques frontalières de consommation de fin de semaine.

L'objet de la loi est de répondre à ces situations bien particulières, sans viser à la généralisation du travail le dimanche dans les grandes zones urbaines. Il convient de signaler en outre que, pour bien marquer le caractère exceptionnel du dispositif, le législateur a souhaité limiter à cinq ans la durée des autorisations individuelles ou collectives délivrées dans le cadre de la création d'un Puce. L'économie générale du nouveau régime repose ainsi sur une logique de réexamen périodique des habitudes de consommation dominicale, de l'importance de la population concernée et de l'éloignement de celle-ci par rapport à la zone concernée, c'est-à-dire du respect des critères énoncés au nouvel article L. 3132-25-1 du code du travail.

Dérogation de plein droit mais limitée dans un cas, exception très encadrée et temporaire dans l'autre : les deux nouveaux régimes mis en œuvre par la loi respectent les principes fixés aux 10ème et 11ème alinéas du Préambule de 1946. Les premiers griefs des auteurs de la saisine pourront donc être écartés.

II/ SUR LES GRIEFS TIRÉS D'UNE ABSENCE DE CLARTÉ ET D'INTELLIGIBILITÉ DE LA LOI

A/ Les auteurs des saisines reprochent à la loi déférée d'avoir laissé indéterminés, par l'emploi de notions floues et polysémiques, les concepts de zones ou de communes touristiques et le périmètre des Puce.

B/ Cette argumentation ne saurait être retenue.

1/ S'agissant tout d'abord de la détermination du périmètre des communes touristiques qui seront concernées par la dérogation de plein droit figurant au nouvel article L. 3132-25 du code du travail, les principes les plus classiques d'interprétation de la loi, et notamment celui de l'indépendance des législations, conduisent naturellement à ne faire entrer dans le dispositif que les seules communes regardées comme touristiques au sens et pour l'application du code du travail, dès lors que ce code offre déjà une définition autonome de la notion à son article R. 3132-20, issu du décret en Conseil d'Etat auquel renvoie l'article L. 3132-25 dans sa rédaction actuellement applicable.

La loi déférée ne souffre ainsi d'aucun défaut de clarté sur ce point alors surtout, comme l'a d'ailleurs indiqué le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville au cours des débats parlementaires, que les critères énoncés par la voie réglementaire demeureront inchangés.

2/ Quant à la définition des critères permettant de définir les Puce, aucun reproche ne peut lui être sérieusement adressé.

Les trois notions d'unité urbaine de plus d'un million d'habitants, d'habitudes de consommation dominicale et, pris ensemble, d'importance de la clientèle concernée et d'éloignement de celle-ci du périmètre commercial, paraissent en effet d'un maniement aisé.

La première notion se borne à reprendre l'un des concepts utilisés par l'INSEE lors du recensement de la population. Celui-ci est de notoriété publique et d'un accès facile, par une simple consultation du site Internet de l'INSEE : est considérée comme une unité urbaine un ensemble d'une ou plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti, marqué par une absence de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions et comptant au moins 2 000 habitants. La condition de reconnaissance est que chaque commune de l'unité urbaine possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie.

La deuxième notion fait appel à l'usage. Il s'agit de constater une pratique continue, durable et non interrompue de consommation le dimanche ainsi qu'une demande et une offre clairement établies.

La dernière tient enfin au constat d'un mode de vie particulier à certaines agglomérations à forte densité de population et à l'organisation des équipements commerciaux en périphérie. Même si le concept revêt une acception propre à la loi, il s'apparentera en réalité au critère de chalandise, bien connu des services chargés de la concurrence et de la consommation, appliqué à un segment de clientèle marquée par ses habitudes de déplacement. Pour l'apprécier, le préfet chargé de définir les Puce pourra donc se fonder notamment sur des comptages de fréquentation routière d'accès à la zone et sur les chiffres d'affaires comparés, réalisés respectivement en semaine et le dimanche.

Il va de soi, enfin, que les critères d'identification respectifs d'une zone touristique et d'un Puce sont si différents que, sinon en droit, du moins dans les faits, aucun cumul ne qualification ne paraît envisageable. A supposer toutefois, un instant de raison, qu'un tel concours soit possible, le Gouvernement considère qu'il ressort clairement de l'économie générale de la loi que seule la dérogation de plein droit valable en zone touristique trouverait alors à s'appliquer, à l'exclusion du régime, exceptionnel et temporaire, et donc subsidiaire, régissant les Puce.

III/ SUR LES GRIEFS TIRÉS D'UNE MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITE DEVANT LA LOI

A/ Les auteurs de saisine font grief à la loi déférée d'introduire, en prévoyant deux régimes différents selon que le salarié travaille le dimanche en zone touristique ou dans un Puce, une rupture d'égalité entre les salariés.

Ils reprochent aussi à la loi de méconnaître le principe d'égalité entre les collectivités territoriales en prévoyant qu'à Paris l'initiative du bénéfice des dispositions relatives aux communes et aux zones touristiques est confiée au préfet de Paris et non au conseil municipal.

B/ Ces reproches n'emportent pas la conviction.

1/ En ce qui concerne l'égalité entre les salariés, le Gouvernement entend faire valoir à titre liminaire, indépendamment des considérations relatives au repos dominical, que la nature de plus en plus conventionnelle du droit du travail débouche souvent sur des différences de traitement entre salariés, y compris entre ceux travaillant dans deux endroits différents au sein de la même enseigne commerciale. De ce point de vue, la circonstance que des accords puissent ou non prévoir des compensations salariales ou sous d'autres formes, comme le repos par exemple, relève de la liberté conventionnelle et des effets mêmes de la négociation.

Ceci dit, la différence de traitement retenue par le législateur entre les salariés obéissant respectivement aux régimes des nouveaux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 et suivants se justifie en l'espèce par la différence des situations dans lesquelles se trouvent ces salariés.

Dans le premier cas, le travail dominical constitue une caractéristique intrinsèque des emplois concernés. Pour les salariés, il est une dimension totalement intégrée de la semaine de travail, une composante normale, anticipée, certaine et durable. C'est la raison pour laquelle le législateur a aménagé dans cette hypothèse une dérogation de plein droit, identique par ses effets à celle en vigueur pour les emplois dans lesquels le travail du dimanche découle des caractéristiques de l'activité même, comme pour les restaurants, les fleuristes, les pompes à essence ou les cinémas.

Dans cette hypothèse, il est donc normal qu'aucune compensation particulière ne soit fixée par la loi, qui prend tout de même le soin, alors que tel n'était pas le cas auparavant, de prévoir le principe, au IV de l'article 2, d'une négociation de branche ou d'entreprise entre partenaires sociaux à l'effet de prévoir des contreparties au travail dominical.

Dans le cas des Puce, la situation du salarié apparaît très différente. Dans cette hypothèse en effet, le travail du dimanche, loin de constituer une dérogation de plein droit, est subordonné à l'octroi d'une autorisation administrative temporaire qui revêtira, dans la plupart des cas, un caractère strictement individuel au profit de l'employeur.

Le salarié occupera donc un emploi ou exercera son activité dans une zone qui n'implique pas, par nature, le travail dominical. La situation de ce salarié étant différente de celui travaillant dans une zone touristique où il apparaît aujourd'hui normal que les commerces soient ouverts le dimanche, il était loisible au législateur de prévoir au bénéfice des seuls salariés des Puce l'octroi d'un régime spécifique de contreparties légales.

Au bénéfice des ces considérations, le grief tiré d'une rupture d'égalité entre salariés sera donc écarté.

2/ Il pourra en être de même de celui tiré d'une rupture d'égalité entre collectivités territoriales, s'agissant du cas particulier de la ville de Paris.

Il est exact que, contrairement à ce qui prévaudra dans toutes les autres communes, y compris à Lyon et à Marseille, l'initiative tendant à bénéficier du statut de commune touristique à l'effet de permettre de plein droit le travail dominical des salariés est confiée par la loi déférée non pas au conseil de Paris mais au préfet de Paris.

Ce traitement spécial se justifie par la situation particulière dans laquelle se trouve Paris par rapport à l'ensemble des autres communes de France, même les plus importantes, au regard de l'afflux touristique dont est l'objet la capitale.

Près d'une trentaine de millions de touristes ont séjourné à Paris en 2007 contre 2,4 millions à Lyon et 3,5 millions à Marseille. Les installations, équipements culturels, manifestations diverses ont accueilli à la même époque 74 millions de visiteurs à Paris, contre 1,4 millions à Lyon et à Marseille.

Dans ces conditions, il apparaît légitime, au regard de l'objet de la loi, de confier à l'un des représentants de l'Etat dans la capitale et non au conseil de Paris, le soin de prendre l'initiative du classement en zone touristique, en raison des considérations d'ordre public qui s'attachent à l'organisation de l'accueil de cette très importante population touristique pour laquelle il convient de permettre une possibilité d'achats dans les lieux qu'elle fréquente, mais aussi d'assurer la sécurité ainsi que la gestion des déplacements. L'influence de Paris sur le plan touristique est donc loin de se limiter au seul intérêt communal défendu par le conseil de Paris.

Il convient de signaler en outre que, faute d'initiative du conseil de Paris tendant à classer certains quartiers de la capitale en zone touristique, certaines demandes d'ouverture dominicale demeurent aujourd'hui dépourvues de toute chance de succès. Il en est ainsi notamment dans le quartier Opéra-Madeleine, celui du Champ de Mars, à proximité de la Tour Eiffel, ainsi que dans les parties limitrophes de Saint-Germain-des-Prés.

Il était ainsi loisible au législateur, compte tenu de la situation particulière de la capitale, de confier la compétence au préfet et non au Conseil de Paris, suivant la même répartition des compétences que celle déjà en vigueur dans le cadre des « cinq dimanches du maire » prévus à l'article L. 3132-26 du code du travail, lesquels sont précisément à Paris de la compétence du préfet.

Le Gouvernement souhaite souligner, en tout état de cause, que le décret mentionné au dernier alinéa de l'article L. 3132-35 prévoira, dans le cadre de la nouvelle procédure d'instruction menée sous l'égide du préfet, que le conseil de Paris ainsi que les conseils d'arrondissement seront consultés sur la proposition émanant du représentant de l'Etat - ce qui permettra, au demeurant, de donner toute sa portée utile à un régime confiant à la même autorité les pouvoirs d'initiative et de décision, en intercalant un temps de consultation entre deux phases administratives qui se trouveront ainsi opportunément séparées l'une de l'autre.

Le grief tiré de ce que la loi introduirait une rupture d'égalité injustifiée à l'encontre de Paris pourra donc, dans ces conditions, être écarté.

IV/ SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A/ Les auteurs de la saisine soutiennent, d'une part, qu'en permettant à une commune de demander la création d'un Puce contre l'avis d'une autre commune faisant partie d'un même ensemble commercial au sens de l'article L. 752-3 du code du commerce, le nouvel article L. 3132-25-2 du code de travail contribuerait à permettre la tutelle d'une commune sur une autre et, d'autre part, qu'en permettant au seul préfet de Paris de prendre l'initiative et la décision de création d'une commune ou d'une zone touristique à Paris, l'article L. 3132-25 méconnaîtrait le principe de la libre administration de la capitale, sur le fondement d'un texte antérieur au nouveau statut de Paris.

B/ Ces griefs ne pourront être retenus.

1/ Il résulte tout d'abord de l'économie générale du nouvel article L. 3132-25-2 du code du travail que la commune qui formule une demande de classement ne peut emporter aucune décision quant à l'inclusion dans le périmètre concerné par le Puce d'une partie de territoire qui n'est pas le sien.

C'est au seul préfet, statuant au vu des avis émis par les conseils municipaux concernés qu'il reviendra, par son arbitrage, et sous le contrôle du juge, de fixer le ressort territorial de la zone concernée. La loi déférée n'organise, en tout état de cause, aucune forme de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.

Le grief manque ainsi en fait.

2/ Le choix de confier au préfet à Paris l'initiative de la demande tendant à bénéficier du statut de zone touristique n'est par ailleurs pas contraire au principe de libre administration de la capitale.

Il est inutile de rappeler qu'à Paris, de nombreuses compétences municipales ne sont pas exercées par le conseil de Paris ou le maire mais par le préfet de police ou le préfet de Paris. Le principe de cette répartition particulière de compétences n'est pas nouveau et n'a pas fait l'objet de critiques sur le plan constitutionnel.

Au cas présent, en confiant au préfet compétence pour déclencher le classement en zone touristique, la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de porter une atteinte au principe de libre administration de la capitale qui serait contraire à la Constitution, alors d'ailleurs qu'une procédure de consultation sera bientôt fixée par le décret pris en application du dernier alinéa de l'article L. 3132-25.

Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés dans les saisines n'est de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.