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Décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009 - Observations du gouvernement

Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Les auteurs des saisines critiquent, en particulier, les articles 4, 61 et 64, 62, 65 et 118 de la loi déférée.

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I/ SUR L'ARTICLE 4

A/ L'article 4 de la loi déférée a pour objet d'instituer un prélèvement fiscal sur une fraction du potentiel financier inexploité des organismes de construction de logements sociaux.

Les auteurs des saisines lui font grief, à titre principal, de mettre en œuvre un régime de sanction rétroactif et, à titre subsidiaire, si le prélèvement devait être regardé comme une imposition, d'être entaché d'incompétence négative, d'instaurer sans motif d'intérêt général suffisant un régime fiscal rétroactif et de méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt.

B/ Aucun de ces griefs ne pourra toutefois être accueilli.

1/ Contrairement à ce que soutiennent en premier lieu les auteurs des saisines, l'article 4 de la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer un régime de sanction.

La nature du mécanisme institué est, en effet, fiscale. L'article 4 vise à instaurer un régime d'imposition destiné à modifier les comportements des organismes d'habitations à loyer modéré qui disposent d'un parc locatif, afin de dissuader les comportements de sous-investissement et, à l'inverse, d'inciter à la construction de nouveaux logements et à la rénovation du parc existant.

On peut d'ailleurs relever à cet égard que le produit de cette nouvelle imposition incitative sera affecté à la caisse de garantie du logement locatif social, établissement public national à caractère administratif qui procèdera à la répartition de ces nouveaux crédits conformément à la mission d'encouragement des investissements en faveur du logement social qui lui est assignée par le nouvel article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation.

2/ En deuxième lieu, le Gouvernement considère que le législateur a défini avec suffisamment de précision l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de la nouvelle imposition prévue par l'article 4 de la loi déférée.

a) L'assiette lui paraît tout d'abord définie avec un degré de précision suffisant pour assurer sa compréhension et sa prévisibilité au regard de la catégorie de contribuables concernée et satisfaire aux exigences résultant de l'article 34 de la Constitution.

L'article 4 instaure un prélèvement sur les ressources financières des organismes d'habitations à loyer modéré lorsque leurs investissements annuels moyens au cours de deux exercices comptables successifs sont demeurés inférieurs à une fraction de leur « potentiel financier » annuel moyen, en fixant par ailleurs le plafond de cette fraction à la moitié du potentiel financier annuel moyen des deux derniers exercices.

Or, cette notion de « potentiel financier » renvoie à une réalité familière des professionnels du secteur et, plus largement, de tous ceux qui opèrent dans le domaine de la construction immobilière. Dans ces conditions, le législateur pouvait définir l'assiette de l'imposition en se référant à cette notion tirée de l'analyse financière, sans mentionner précisément les différents éléments qui sont nécessairement pris en compte pour son calcul.

Le potentiel financier constitue en effet le solde intermédiaire de gestion classiquement retenu en matière d'investissement immobilier. Comme l'indique expressément l'exposé des motifs du projet de loi déposé au Sénat le 28 juillet 2008, le potentiel financier exprime l'écart, généralement positif, entre les ressources de long terme du bilan (fonds propres, subventions, emprunts) et les emplois stables retracés par les valeurs immobilisées de ce même bilan. Il constitue ainsi une notion propre au secteur de la construction proche de celle, bien connue, de « fonds de roulement » des entreprises ; il en diffère simplement par l'exclusion des ressources non mobilisables pour l'investissement que sont, d'une part, les provisions pour gros entretien et, d'autre part, les dépôts de garantie des locataires.

Une définition précise en est donnée par l'annexe 2 de l'arrêté du 26 janvier 2009, soumis à l'avis de la commission consultative d'évaluation des normes et publié au Journal officiel du 21 février 2009, fixant le budget des offices publics de l'habitat soumis aux règles de la comptabilité publique. Des pratiques habituelles en matière de logement social prennent en outre fréquemment appui sur ce solde intermédiaire de gestion. Il sert ainsi de critère de négociation dans le cadre de l'élaboration des conventions globales de patrimoine prévues à l'article L. 445-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que le rappelle la circulaire du 4 février 2008 (et plus particulièrement son annexe 3, relative aux modalités d'analyse financière du patrimoine des organismes de construction de logements sociaux) commentant les modalités d'application de cet article et du décret n° 2007-316 du 8 mars 2007 pris pour son application. Cette notion constitue aussi l'un des éléments sur lesquels s'appuie la caisse de garantie du logement locatif social lorsqu'elle vient en aide à un organisme en difficulté en application de l'article L. 452-1 du code.

Cette notion apparaît d'ailleurs si bien identifiée que, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, le rapporteur du projet de loi, tout en rappelant la décomposition mentionnée dans l'exposé des motifs, a relevé que la représentation nationale adopterait une assiette d'imposition suffisamment précise en se bornant à prévoir qu'elle serait assise sur le potentiel financier des organismes contributeurs.

Dans ces conditions, il ne peut être valablement soutenu que le législateur serait demeuré en deçà de sa compétence en asseyant la nouvelle imposition sur le potentiel financier des organismes : la notion est en effet identifiable sans hésitation possible et les éléments qui la composent ont été mentionnés expressément au cours des travaux parlementaires.

On rappellera enfin qu'une fois déterminée la nature de l'assiette prévue pour une nouvelle imposition, le législateur ne saurait méconnaître sa compétence en renvoyant à un décret le soin d'en mentionner les contours exacts (voir en ce sens, admettant au surplus une définition fort succincte de la nature même de la contribution, la décision n°2003-488 DC du 29 décembre 2003, et plus spécialement ses considérants 6 à 13).

b) C'est sans davantage méconnaître sa compétence que le législateur a fixé le taux maximal de la nouvelle imposition en prévoyant, par ailleurs, la progressivité de cet impôt. Il lui était en effet loisible de procéder ainsi, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer le détail du barème, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

c) Quant aux modalités de recouvrement, elles ont été définies conformément aux exigences de l'article 34 de la Constitution par le jeu du renvoi exprès à l'article L. 452-5 du code de la construction et de l'habitation. Cet article fixe, de manière complète, le régime applicable aux cotisations prévues aux articles L. 452-4 et L. 452-4-1 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles viennent aussi abonder le budget de la caisse de garantie du logement locatif social.

3/ Contrairement à ce que soutiennent, en troisième lieu, les auteurs des saisines, le prélèvement ne revêt pas d'effet rétroactif susceptible de produire d'effet négatif sur une fraction des contribuables concernés par le nouveau dispositif.

Peut-être en apparence le nouveau régime d'imposition peut-il sembler présenter une dimension rétroactive, en ce qu'il prévoit de prendre en compte, au titre de l'assiette d'imposition, le potentiel financier de l'année 2008.

Mais le Gouvernement considère, en droit, que le fait générateur de l'imposition n'interviendra, pour l'ensemble de la première période de deux ans, qu'au terme de celle-ci, c'est-à-dire le 31 décembre 2009, soit postérieurement à l'intervention de la loi déférée. En outre, en tout état de cause, si une forme de rétroactivité devait être reconnue en retenant, non pas un raisonnement par période biannuelle mais par exercice, il convient d'observer que le IV de l'article 4 prévoit qu'en 2010 le prélèvement sera calculé soit en prenant en compte le potentiel des années 2008 et 2009, soit, si le calcul s'avère plus favorable, celui de la seule année 2009. Dans cette mesure, la rétroactivité supposée de l'impôt ne pourra donc jouer qu'en faveur du contribuable, ce qui rend sans portée la critique formulée dans les saisines.

4/ L'imposition prévue par l'article 4 de la loi déférée ne traduit, enfin, aucune rupture d'égalité devant l'impôt ou devant les charges publiques.

Il importe de relever, d'une part, que c'est sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt que les organismes se livrant exclusivement à une activité d'accession sociale, c'est-à-dire, en pratique, les coopératives, seront exclues de l'imposition. L'objet de la taxe étant de relancer l'investissement locatif et les dépenses de rénovation, il est objectif et rationnel d'exclure de l'assiette les organismes dont la mission est de construire pour céder à autrui, qui ne disposent ainsi d'aucun parc propre. Dans le même souci de respect du principe d'égalité devant l'impôt, les organismes pratiquant une activité mixte de logement locatif et de d'accession sociale ne seront taxés qu'à la hauteur des ressources consacrées à la première de ces missions.

Les organismes ne seront, d'autre part, assujettis à la nouvelle imposition que dans le respect des facultés contributives de chacun. Le barème d'imposition respectera cette exigence en ne prévoyant qu'une application limitée du taux maximal de 33 %. En pratique, selon les prévisions disponibles, entre 70 et 80 organismes, sur un total de 800, devraient être assujettis au prélèvement, et la plupart d'entre eux à un taux ne dépassant pas 10 %, ce qui devrait, au total, représenter un montant total de 60 millions d'euros, pour un ensemble global de ressources longues évalué à 11 milliards d'euros.

II/ SUR LES ARTICLES 61 ET 64

A/ Ces deux articles visent, pour les logements sociaux gérés respectivement par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte, à mettre fin à la garantie de maintien dans les lieux des locataires lorsque la situation qui a justifié l'attribution d'un logement social, ou d'un logement social donné, a connu de si profondes évolutions qu'une mobilité vers un autre logement, au sein du parc social ou même en dehors de celui-ci, s'impose dans l'intérêt général.

Les auteurs de la saisine font valoir que l'application, par le IV de l'article 61 et le II de l'article 64, de cette obligation de mobilité aux contrats de bail en cours méconnaîtrait les garanties qui doivent normalement s'attacher, en vertu des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, à l'exécution des contrats légalement conclus (voir en ce sens, dernièrement, la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008 et plus spécialement son considérant 18).

B/ Cette argumentation sera écartée.

1/ Avant de répondre, à titre subsidiaire, au fond à cette argumentation, le Gouvernement entend souligner que, de son point de vue, la jurisprudence invoquée ne trouve pas à s'appliquer ou, à tout le moins, pas dans tous ses effets, aux contrats en cause.

Il importe en effet de souligner que les bailleurs sociaux exercent une mission de service public correspondant à la mission d'intérêt général consistant à loger les personnes dont les ressources justifient qu'une aide leur soit apportée, ainsi que le Conseil d'Etat, par exemple, a eu l'occasion de le juger (voir, par exemple CE 31 mars 1995, Desaunay et autres, Lebon p. 150).

Dans cette mesure, les preneurs d'un logement social se trouvent donc dans une situation juridique régie, d'une part, par leur contrat de bail, et aussi, d'autre part et surtout, par un ensemble de règles de niveau législatif et réglementaire qui s'imposent à eux indépendamment de ce contrat.

Il en va ainsi de l'exigence de paiement, dans certaines hypothèses, du supplément de loyer de solidarité prévu à l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation, lequel ne se conçoit pas comme un élément du prix du contrat. Il en va de même de la règle du maintien dans les lieux, héritée des dispositions de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948. Cette règle ne découle pas du contrat de bail social mais du cadre législatif et réglementaire dont les occupants sont les sujets de droit directs, indépendamment de l'existence de la convention qui les lie au bailleur. De la même façon que les usagers du service public ne bénéficient d'aucun droit au maintien à leur profit de la réglementation existante, les occupants du parc de logement social ne peuvent ainsi se prévaloir d'un droit au maintien de leur situation juridique, lorsque la situation de fait qui a justifié leur entrée dans le parc social a fortement évolué ou même ultérieurement disparu parallèlement à l'exécution du bail.

2/ A tout le moins, la spécificité du contrat de bail conclu entre un bailleur social et son locataire doit-elle permettre l'application d'un régime plus souple que le régime du droit commun des contrats et ouvrir en particulier, au profit du bailleur, un droit de résiliation unilatérale au motif, indépendant du contrat et donc non prévu par ce dernier, que la situation du locataire a évolué de façon telle que les raisons qui ont pu justifier la signature du bail ont disparu au cours du temps.

Naturellement, pour satisfaire aux exigences constitutionnelles relatives à tous les contrats, y compris de cette catégorie particulière, des garanties devront entourer la faculté de rupture unilatérale du contrat de bail social.

Mais en l'espèce, ces garanties ont été apportées par la loi. Les causes de rupture du bail mentionnées par la loi déférée (sous-occupation du logement, départ de la personne handicapée ayant justifié l'octroi du logement, ressources du locataire supérieures à deux fois le plafond de ressources) ne s'appliquent pas aux personnes âgées de plus de 65 ans et, pour deux d'entre elles au moins, pas dans les zones urbaines sensibles. Les modalités de rupture du bail ont fait l'objet d'une attention particulière : la loi déférée prévoit en effet une procédure soumettant le bailleur à une obligation de présenter trois offres alternatives de logement avant d'envisager l'usage de son pouvoir unilatéral de résiliation ou un délai de trois ans, qui peut être modulé à la hausse en cas de baisse momentanée de revenus, pour les locataires contraints de partir en raison du dépassement du double du plafond de ressources.

3/ En tout état de cause, si la jurisprudence de droit commun devait être appliquée à ces contrats de bail, l'atteinte portée à l'exécution normale des contrats en cours peut se recommander d'un motif d'intérêt général suffisant.

Il résulte, en effet, des simulations effectuées par le ministère du logement que, même compte tenu des restrictions géographiques ou liées aux conditions d'âge, de handicap, de maladie, ou de fluctuation de revenus introduites par le Parlement, l'application immédiate du dispositif d'amélioration de la mobilité prévu par les articles 61 et 64 de la loi déférée permettra, en intégrant les importants effets d'ajustement qualitatifs au sein du parc social dans son ensemble, de libérer par mutation interne ou par départ définitif du locataire environ 170 000 logements, ce qui représente dix-huit mois de production nationale.

Ce mouvement conséquent permettra de reloger dans le parc social une partie non négligeable de la population éligible, de manière prioritaire, aux critères du droit au logement opposable entré en vigueur le 1er décembre 2008. A titre d'illustration, on peut observer qu'en 2008, après un an de fonctionnement des commissions de médiation prévues par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, et malgré 17 818 décisions favorables, seules 6 085 personnes ont pu effectivement trouver un logement ou un hébergement en application de ce dispositif.

Le Gouvernement est d'avis que l'objectif consistant à réduire un tel écart constitue un motif d'intérêt général suffisant susceptible de fonder une atteinte aux conventions légalement conclues, dans le respect de l'objectif de valeur constitutionnelle du droit au logement, tel que précisé, notamment, par la décision n°2000-436 DC du 7 décembre 2000.

4/ Contrairement aux auteurs de la saisine, le Gouvernement considère ensuite qu'il était loisible au législateur de laisser dépendre la résiliation des baux sociaux du respect de critères d'occupation des lieux ou de ressources qui relèvent du pouvoir réglementaire et peuvent ainsi varier par la seule intervention de ce dernier.

Par elle-même, cette situation ne porte aucune atteinte excessive à l'économie des conventions légalement conclues et à la sécurité juridique des locataires. Les exigences de sécurité juridique qui résultent des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 s'imposent en effet avec la même intensité au législateur et au pouvoir réglementaire, dont ce dernier sera comptable devant la juridiction administrative. En toute rigueur, ce grief devra donc être écarté comme inopérant.

Par ailleurs, en prévoyant le principe et les causes de la résiliation, le législateur a épuisé la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. Le renvoi au pouvoir réglementaire ne porte en effet que sur les conditions d'application d'un régime dont les éléments essentiels sont bien définis par la loi.

On peut enfin estimer que la différence de traitement introduite, par les articles déférés, aux articles L. 422-3-3 et L. 482-3 du code de la construction et de l'habitation, au profit des locataires habitant dans des logements sociaux entrés dans le parc social non par l'effet de leur construction mais par l'effet de leur acquisition, peut être justifiée par la différence de situation dans laquelle se trouvent ces locataires.

A l'origine, ces locataires d'un logement du parc privé n'étaient soumis à aucune condition de ressources. En principe, tel est toujours le cas aujourd'hui, dès lors qu'en droit ils ont conservé, en dépit du changement de propriétaire, le bénéfice, au moins jusqu'à son expiration, du bail qui obéit au régime fixé par l'article 10 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Mais il se peut que ces locataires aient cru devoir signer un nouveau contrat de location conformément au régime des HLM, alors que rien ne les y obligeait, dès la date du transfert de leur logement dans le parc social. Ils peuvent ainsi se trouver, au titre de la loi déférée, contraints de quitter leur logement. Leur situation est différente des locataires de droit commun qui sont entrés dans le parc HLM sous conditions de ressources : leur présence au sein du parc social est le fruit des contingences, et non l'expression de leur volonté.

Cette différence de situation justifie donc la différence de traitement qui résulte des articles 61 et 64 de la loi déférée.

III/ SUR L'ARTICLE 62

A/ L'article L. 441-4 du code de la construction et de l'habitation prévoyait que le cumul du montant du loyer et du supplément de loyer de solidarité ne peut excéder 25 % des ressources des personnes du foyer du locataire. L'article 62 de la loi déférée a ajouté un second plafond prévoyant, de son côté, que le montant serait aussi limité lorsque, cumulé avec le montant du loyer principal, le « surloyer » dépasse, par mètre carré de surface habitable, un montant fixé par décret.

Les auteurs des saisines font grief à cet ajout de méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

B/ Le Conseil constitutionnel écartera cette critique.

Le plafond fixé par décret devra, comme le laissent entendre les travaux parlementaires, fixer une grille de valeurs s'inspirant du prix pratiqué, pour un bien équivalent, dans le secteur du bien loué dans le parc social.

L'article L. 441-4 du code de la construction et de l'habitation s'inspire ainsi de deux logiques distinctes, mais qui se combinent sans difficulté de compréhension. Le régime de plafonnement comporte désormais, d'une part, une composante centrée sur les revenus du foyer et, d'autre part, une composante tournée vers l'extérieur, qui a pour objet d'éviter qu'un locataire de logement social, même grevé d'un « surloyer », ne paye davantage que la valeur locative d'un bien équivalent dans le secteur privé.

Et, dès lors que ces deux plafonds s'appliqueront simultanément, il en résulte nécessairement que le nouveau régime ne pénalisera aucun des locataires du parc existant, dont la situation ne peut en effet qu'être améliorée par l'application du nouveau dispositif, ni ne placera un nouveau locataire dans une situation moins favorable que celle qui aurait été la sienne avant l'établissement du nouveau plafond. Et, dès lors que ce dernier plafond sera différencié selon les régions, il est exclu que des locataires se trouvant dans la même situation financière et géographique puissent se voir appliquer un traitement différent.

Les griefs dirigés contre l'article 62 pourront donc être écartés.

IV/ SUR L'ARTICLE 65

L'article 65 abaisse de 10,3 % les plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux. Même si l'article ne le précise pas expressément, cette minoration doit être lue comme s'appliquant aux contrats en cours : le recours à la loi pour prévoir une telle minoration, alors que l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation renvoie normalement à un décret le soin de fixer ces plafonds annuels, s'explique avant tout par la volonté d'affecter non seulement le flux des nouveaux entrants dans le parc de logements sociaux, mais aussi ceux qui s'y trouvent déjà.

Les justifications qui sous-tendent la constitutionnalité de cette disposition sont, dans l'esprit du Gouvernement, les mêmes que celles qui fondent les articles 61 et 64.

Mais au cas d'espèce, un motif d'intérêt général supplémentaire justifie en tout état de cause le dispositif. Avant minoration, 235 000 ménages logés dans le parc social dépassaient la condition de ressources ; après minoration, ils seront 401 680. Plus décisif encore dans l'objectif de libérer effectivement des logements de ce parc disponibles pour de nouveaux entrants : par l'effet de l'application immédiate de la minoration, le nombre de ménages dépassant deux fois les plafonds de ressources, qui seront donc dans l'obligation de quitter leur logement, passera de 12 000 à 24 000, pour une grande part d'entre eux en région parisienne, où les besoins sont les plus pressants.

Dans ces conditions, le Gouvernement est d'avis que l'application de l'article 65 aux contrats en cours est justifiée par un motif d'intérêt général suffisant.

V/ SUR L'ARTICLE 118

Les auteurs de la saisine font valoir que le 1 ° de l'article 118 de la loi déférée aurait été adopté selon une procédure qui ne serait pas conforme à la Constitution.

Cet alinéa a été introduit par amendement au cours de la réunion de la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 17 février 2009. Il a été inséré dans un article restant en discussion pour lequel la commission mixte paritaire était appelée à proposer un texte. Il peut ainsi être regardé comme étant en relation directe avec une disposition restant en discussion.

Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les députés et sénateurs requérants n'est de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.