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Décision n° 2009-575 DC du 12 février 2009 - Saisine par 60 sénateurs

Loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés
Non conformité partielle

Paris, le 3 février 2009

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel,

Nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution la loi relative à l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés, et plus particulièrement son article 13.

Cet article 13 est issu d'un amendement déposé par le gouvernement en dernière lecture tendant à rétablir des dispositions qui avaient été repoussées aussi bien par le Sénat en première lecture que par la Commission mixte paritaire lors de sa réunion du 28 janvier 2009.

Il prévoit qu'une personne publique peut retenir un candidat pour mettre en œuvre un contrat de partenariat sans que les « modalités de financement » soient définies au moment où le candidat est retenu, puisqu'il est clairement écrit que celles-ci « présentent un caractère ajustable ».

Il est également écrit que « le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le contrat » présente le financement définitif « dans un délai prescrit par le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice ».

Il est enfin prévu que, par dérogation, ces dispositions ne s'appliquent que durant les années 2009 et 2010.

Cet article appelle de notre part les trois remarques suivantes.

1) Le fait qu'un candidat puisse être retenu sans que l'on connaisse les « modalités de financement » de son offre, puisque celles-ci sont « ajustables » et que, par définition, on ne puisse connaître, pour la même raison les « modalités de financement » des autres candidats est, à l'évidence, de nature à « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique » pour reprendre les termes de votre décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003. Rien ne permet, en effet, de présumer qu'après ajustement les « modalités de financement » du premier candidat non retenu, ou d'ailleurs d'autres candidats non retenus, ne seraient pas susceptibles d'être plus favorables que celles présentées par le candidat retenu ou qu'il est « envisagé » de retenir.

Il s'ensuit que les décisions prises en vertu du dispositif envisagé relèveraient d'une part considérable d'arbitraire et ne garantiraient en rien le respect du principe d'égalité.

2) En outre, les dispositions retenues dans cet article violent l'article 14 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen garantissant « la nécessité des dépenses publiques et le consentement à ces dépenses ». Statuant sur l'ordonnance créant les partenariats publics- privés, vous aviez pris soin de relever qu'en particulier les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelées par l'article premier du nouveau code des marchés publics (décision n° 2003-473 DC du 23 juin 2003).

Or, en l'espèce, il est certain que les personnes publiques seront exposées à un risque financier inconnu au moment du choix du candidat, risque manifestement disproportionné susceptible d'exposer les deniers publics à des aléas contraires aux termes de l'article 14 de la Déclaration de 1789.

3) Le fait que ces dispositions voient leur mise en œuvre limitée aux deux années 2009 et 2010 en fait une mesure ad hoc dont les motivations apparaissent pour le moins peu claires. Il n'est, de surcroît, nullement établi que la dérogation temporaire ainsi créée aurait par rapport au dispositif en vigueur un quelconque effet sur l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés.

Il serait, tout au contraire, de nature à allonger les procédures de mise en œuvre des partenariats publics et privés, compte tenu des contentieux que ne manquerait pas d'entraîner une législation induisant une aussi grande part d'arbitraire. En conséquence, l'article 13 apparaît être en contradiction avec l'objet même du projet de loi.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames les membres du Conseil Constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.