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Décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 - Observations du gouvernement

Loi relative aux contrats de partenariat
Non conformité partielle

Paris, le 18 juillet 2008
OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT SUR LES RECOURS DIRIGES CONTRE LA LOI RELATIVE AUX CONTRATS DE PARTENARIAT
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative aux contrats de partenariat, adoptée le 9 juillet 2008.
Les recours mettent en cause les articles 2, 8, 10, 14, 18, 19, 26, 28, 33 et 45 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I/ SUR LES ARTICLES 2 et 19 :
A/ Les articles 2 et 19 de la loi déférée modifient respectivement l'article 2 de l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales et fixent, en termes très voisins, les conditions de la passation de contrats de partenariat par l'Etat et ses établissements publics, d'une part, et les collectivités territoriales, de l'autre. Ils prévoient ainsi, d'abord, au I de l'article 2 de l'ordonnance et de l'article L. 1414-2, que les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable réalisée avec le concours de l'un des organismes experts créés par décret. Chacun de ces organismes conçoit une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de l'évaluation dans les conditions fixées par le ministre chargé de l'économie. L'évaluation peut être succincte lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible. Les II des articles 2 de l'ordonnance et L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales issus de la loi déférée dressent, ensuite, la liste des hypothèses dans lesquelles des contrats de partenariat peuvent être conclus au regard de l'évaluation. La première tient à la complexité du projet, la deuxième à l'urgence et le troisième cas est celui où le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique. Les III des deux mêmes articles critiqués dans leur rédaction issue de la loi adoptée réputent, enfin, jusqu'au 31 décembre 2012, que certains projets qu'ils énumèrent présentent un caractère d'urgence sous réserve que les résultats de l'évaluation ne soient pas défavorables.
Les députés requérants soutiennent qu'en accordant la faculté de ne procéder qu'à une évaluation préalable succincte en cas de situation imprévisible, la loi déférée aurait méconnu la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue des décisions n°2003-473 DC du 26 juin 2003 et n°2004-506 DC du 2 décembre 2004. Sur l'article 19 de la loi critiquée, ils ajoutent que la définition par le ministre chargé de l'économie de la méthodologie selon laquelle est menée l'évaluation porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. Ils font également valoir, s'agissant de la condition relative à l'urgence du projet, que les dispositions de la loi déférée méconnaîtraient la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qu'elles ne reprennent pas l'exigence selon laquelle l'urgence devrait résulter de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs. En ce qui concerne la possibilité de conclure un contrat de partenariat lorsque le bilan est plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique, les députés saisissants soutiennent que la loi déférée ne pouvait prévoir une telle hypothèse sans méconnaître les exigences constitutionnelles propres au droit de la commande publique. Ils ajoutent que le législateur aurait, ce faisant, étendu de manière excessive un dispositif qui doit demeurer dérogatoire et qu'il aurait, par ailleurs, méconnu l'étendue de sa propre compétence en ne fixant pas lui-même les éléments devant être retenus pour la détermination du bilan. Les députés reprochent également à la loi de méconnaître la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l'égal accès à la commande publique en tant qu'elle a fixé une liste de projets pour lesquels l'urgence est réputée.
Les sénateurs saisissants, pour leur part, soutiennent que le législateur aurait excessivement étendu un dispositif dérogatoire au droit de la commande publique et critiquent les dispositions relatives au bilan coût-avantage et à la liste des projets pour lesquels l'urgence est réputée sur les mêmes fondements que les députés auteurs du premier recours. Ils ajoutent que les dispositions critiquées méconnaîtraient le droit au recours dès lors que le juge du référé précontractuel ne serait pas en mesure d'apprécier le bilan coûts-avantages.
B/ Le Gouvernement estime que les critiques ainsi formulées par les auteurs des recours devront être écartées. Il considère en effet que les conditions posées à la passation de contrats de partenariat par les articles 2 et 19 de la loi déférée sont conformes aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n°2003-473 DC du 26 juin 2003 et n°2004-506 DC du 2 décembre 2004.
1/ On doit rappeler, de manière liminaire, les conditions auxquelles les dispositions critiquées subordonnent la conclusion de contrats de partenariat.
Ces contrats donnent lieu à une évaluation préalable destinée à faire apparaître les motifs qui justifient le recours à cette catégorie particulière de contrat. On doit souligner que cette condition conduit les personnes publiques à devoir justifier que l'emploi d'un contrat de partenariat obéit aux conditions légales dans le cadre tracé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le législateur a prévu que, compte tenu de cette évaluation, les contrats de partenariat peuvent être conclus dans trois hypothèses. Les deux premières répondent à des motifs d'intérêt général qui figuraient déjà dans l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et tiennent à l'urgence, d'une part, et à la complexité, de l'autre. La loi déférée a, par ailleurs, réputé urgents différents projets sectoriels, pour une période limitée dans le temps, à la condition que les résultats de l'évaluation ne soient pas défavorables.
Le troisième cas, issu de la loi déférée et qui ne figurait pas dans l'ordonnance du 17 juin 2004, est celui dans lequel compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un contrat de partenariat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique.
2/ S'agissant, en premier lieu, des griefs adressés par les auteurs des saisines aux dispositions des articles 2 et 19 de la loi déférée relatives à la condition d'une évaluation préalable, ils ne pourront qu'être écartés.
D'une part, en effet, le législateur n'a méconnu aucune règle constitutionnelle en prévoyant que lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévisible, l'évaluation pourra être succincte. Ce faisant, il n'a en effet pas dispensé la personne publique de vérifier que les conditions du recours au contrat de partenariat sont satisfaites mais s'est borné, dans un cas spécifique, à proportionner les exigences de l'évaluation préalable aux nécessités tenant au caractère d'urgence d'une situation imprévisible.
D'autre part, s'agissant de l'article 19 de la loi critiquée, la disposition selon laquelle l'évaluation est menée selon une méthodologie définie par le ministre chargé de l'économie ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Le législateur, sur ce point, s'est borné à renvoyer à un acte réglementaire du ministre le soin de définir le cadre d'évaluation pour aider les collectivités territoriales à procéder à la vérification que le recours à un contrat de partenariat est justifié. Il s'agit d'une grille d'analyse destinée à guider les choix auxquels les collectivités peuvent procéder. Sa détermination ne peut, par suite, être regardée comme de nature à méconnaître le principe de la libre administration des collectivités locales. On doit, en outre, souligner que la méthodologie selon laquelle est menée l'évaluation contribue à assurer le respect des conditions légales du recours au contrat de partenariat dans le cadre défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
3/ En ce qui concerne, en deuxième lieu, la condition d'urgence prévue par les 2 ° des II des articles 2 et 19 critiqués, le législateur n'a aucunement entendu s'écarter de la jurisprudence du Conseil constitutionnel issue des décisions des 26 juin 2003 et 2 décembre 2004.
On doit rappeler que le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l'article 6 de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 conformes à la Constitution sous la réserve, figurant au considérant 18, que le recours aux contrats de partenariat soit réservé « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ». Dans sa décision du 2 décembre 2004, le Conseil a relevé « que l'urgence qui s'attache à la réalisation du projet envisagé est au nombre des motifs d'intérêt général pouvant justifier la passation d'un contrat de partenariat, dès lors qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs ».
Au cas présent, les dispositions critiquées énoncent qu'un projet présente un caractère d'urgence « lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, quelles que soient les causes de ce retard, ou de faire face à une situation imprévisible ». Aux yeux du Gouvernement, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu se conformer à la jurisprudence précitée. Les notions de « retard préjudiciable à l'intérêt général », employée par la loi déférée, et de « retard particulièrement grave », qui figure dans le dernier état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, doivent en effet, de l'avis du Gouvernement, être regardées comme identiques.
Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au législateur d'avoir méconnu la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
4/ S'agissant, en troisième lieu, de la nouvelle justification du recours aux contrats de partenariat, créée par la loi déférée et qui figure désormais aux 3 ° du II de l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales, le Gouvernement considère qu'elle ne se heurte à aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle.
On doit souligner, de manière liminaire, qu'il ne fait pas de doute que la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel, si elle a réservé le recours aux contrats de partenariat à des situations répondant à des motifs d'intérêt général, n'a néanmoins pas limité ces situations à celles dans lesquelles l'urgence ou la complexité sont caractérisées. En particulier, la décision n°2003-473 du 26 juin 2003 ne saurait être interprétée comme excluant d'autres justifications d'intérêt général que celles qu'elle mentionne tenant à l'urgence ou à la complexité. Contrairement à ce qui est soutenu par les députés auteurs de la première saisine, l'emploi de la locution « tels que » dans cette décision n'a qu'une portée illustrative et non limitative.
Dès lors, sur le principe, le législateur dispose de la faculté de prévoir des motifs d'intérêt général distincts de ceux mentionnés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions précitées des 26 juin 2003 et 2 décembre 2004.
Au cas présent, les dispositions ici critiquées n'ont, contrairement à ce que font valoir les auteurs des recours, ni pour objet ni pour effet de généraliser le recours à un instrument juridique dérogatoire au droit de la commande publique ou de la domanialité publique. Il convient en effet de leur restituer leur exacte portée.
Jusqu'à l'intervention de la loi déférée, le recours au dispositif particulier des contrats de partenariat était, en substance, réservé aux hypothèses limitées dans lesquelles la personne publique ne disposait pas du temps ou de la compétence nécessaires à la réalisation du projet, compte tenu de son urgence ou de sa complexité.
La nouvelle justification introduite par le législateur a pour seul objectif de déterminer certains cas spécifiques dans lesquels l'emploi du contrat de partenariat est plus avantageux que celui d'autres formes de contrats de la commande publique. Elle n'est pas destinée à banaliser le recours au contrat de partenariat mais seulement à inclure dans son champ d'application certains cas particuliers dans lesquels il apparaît être l'instrument juridique le plus conforme à l'intérêt général.
Ainsi, lorsque l'évaluation préalable conduite conformément à la méthodologie dont les conditions sont fixées par le ministre chargé de l'économie fait apparaître qu'un projet particulier ne présente pas les caractères d'urgence ou de complexité requis par les dispositions de la loi déférée, seul un bilan approfondi prenant en compte les caractéristiques particulières du projet, les exigences spécifiques à un service public déterminé ou les insuffisances et les difficultés observées dans la réalisation de projets comparables est de nature à permettre le recours à un contrat de partenariat de préférence à un autre mode de commande publique.
En subordonnant ainsi le recours au contrat de partenariat à des considérations d'intérêt général justifiant le recours à cette forme particulière de contrat, le législateur s'est inscrit dans le droit fil de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel.
Il ne saurait, en outre, être reproché au législateur d'avoir méconnu l'étendue de sa propre compétence : ainsi qu'il vient d'être dit il a, au contraire, déterminé avec précision les éléments dont il doit être tenu compte pour établir le bilan approfondi susceptible de justifier le recours à un contrat de partenariat lorsque l'évaluation préalable ne fait pas apparaître l'urgence ou la complexité d'un projet particulier.
On doit, enfin, ajouter que, contrairement à ce que font valoir les sénateurs auteurs de la seconde saisine, les dispositions ici critiquées de la loi déférée ne méconnaissent aucunement le droit au recours constitutionnellement garanti. D'une part, en effet, il revient à la personne publique, dans chaque cas, de justifier du recours au contrat de partenariat devant le juge de la passation des contrats, y compris devant le juge du référé précontractuel, si celui-ci est saisi. D'autre part, la situation du juge du référé précontractuel est, en pareil cas, très comparable à celle qui est la sienne s'agissant d'un marché ou d'une délégation de service public : l'appréciation qu'il doit porter sur le bilan établi pour l'usage d'un contrat de partenariat le place dans une situation similaire à celle qu'il connaît lorsqu'il doit examiner les modalités de financement d'autres contrats de la commande publique.
5/ En ce qui concerne, en quatrième lieu, les dispositions de la loi déférée selon lesquelles l'urgence est réputée pour différents projets sous réserve que les résultats de l'évaluation ne soient pas défavorables, le Gouvernement est d'avis qu'elles ne contreviennent à aucune exigence constitutionnelle.
Le législateur a en effet décidé de présumer l'urgence qui s'attache au rattrapage d'un retard préjudiciable dans différents secteurs. Il lui est apparu, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que si, sans doute, la plupart des projets dont la liste est dressée aux III des articles 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales issus de la loi déférée pourraient remplir les autres conditions énoncées par les dispositions examinées plus haut, celle tenant à l'urgence devait être réputée satisfaite pour faciliter le rattrapage des retards importants constatés dans les secteurs considérés. Dans des cas voisins, le traitement différencié de certains secteurs a au demeurant déjà été admis par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n°2002-460 DC du 22 août 2002 et n°2002-461 DC du 29 août 2002. Le législateur pouvait, dans ces conditions, réputer acquise la condition légale d'urgence dans les cas qu'il a limitativement énumérés.
Les dispositions réputant la condition d'urgence satisfaite revêtent, en outre, un caractère provisoire dès lors qu'il résulte des termes mêmes de la loi déférée que le législateur a fixé un butoir au 31 décembre 2012.
Enfin, le législateur a prévu que les projets dont il a dressé la liste ne présentent un caractère d'urgence que si les résultats de l'évaluation ne sont pas défavorables, condition dont la satisfaction est susceptible d'être vérifiée par le juge de la passation du contrat.
Il ne peut ainsi être reproché au législateur d'avoir étendu de manière excessive l'usage d'une procédure dérogatoire contrairement au cadre tracé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il a, au contraire, pris soin de maintenir les précautions nécessaires au recours à un dispositif spécial, destiné à répondre à des besoins spécifiques, et s'est borné, pour l'essentiel, à aménager ses conditions d'emploi, pour accélérer le rattrapage des retards les plus graves et les plus préjudiciables constatés dans certains secteurs.
6/ Enfin, le Gouvernement tient à rappeler que la procédure du contrat de partenariat respecte les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l'article 1er du nouveau code des marchés publics, aux termes duquel : « Les marchés publics … respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». En particulier, les dispositions relatives aux contrats de partenariat garantissent le respect de ces principes ainsi que ceux de l'efficacité de la commande publique et de la bonne utilisation des deniers publics en respectant les règles de base des marchés publics : la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. Le contrat de partenariat est également strictement conforme aux exigences du droit communautaire. Les dispositions de l'ordonnance de 2004 ainsi que celles prévues dans le projet de loi ne font que reproduire les procédures les plus exigeantes prévues, en ce qui concerne les marchés de travaux, par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiée relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics et par la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux.
Pour les raisons qui viennent d'être indiquées, le Gouvernement est d'avis que le Conseil constitutionnel devra écarter l'ensemble des critiques adressées aux articles 2 et 19 de la loi déférée par les auteurs des recours.
II/ SUR LES ARTICLES 8 et 26 :
A/ Les articles 8 et 26 de la loi déférée modifient respectivement l'article 8 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-19 du code général des collectivités territoriales pour prévoir que la définition des petites et moyennes entreprises est fixée par voie réglementaire.
Les députés saisissants soutiennent que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence en confiant au pouvoir réglementaire le soin de prévoir la définition des petites et moyennes entreprises au sens des textes en cause.
B/ Cette critique n'est pas fondée.
La notion de « petites et moyennes entreprises » est très fréquemment employée en droit positif. Le plus souvent, les textes de droit interne renvoient à la définition communautaire qui, en la matière, mentionne des seuils d'effectif, de chiffre d'affaires et de composition du capital. Le décret prévu par les dispositions de la loi déférée fera d'ailleurs en principe référence à cette définition que l'on trouve en particulier en annexe au règlement (CE) n° 70 / 2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises (v. également la recommandation 2003/361/CE du 6 mai 2003 de la Commission).
S'agissant d'une notion commune caractérisée par des éléments quantitatifs, le législateur pouvait, sans se méprendre sur l'étendue de sa compétence, renvoyer la détermination de ces éléments au pouvoir réglementaire.
On doit ajouter qu'un tel renvoi répond à des considérations pratiques qui tiennent à ce que la définition communautaire est susceptible d'évolutions.
Le grief sera, par suite, écarté.
III/ SUR LES ARTICLES 10 et 28 :
A/ Les articles 10 et 28 de la loi déférée modifient respectivement les articles 10 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et L. 1414-10 du code général des collectivités territoriales. Ils disposent que la communication à la personne publique d'une idée innovante, qui serait suivie du lancement d'une procédure de contrat de partenariat, peut donner lieu au versement d'une prime forfaitaire.
Les députés auteurs du premier recours font valoir que la notion d' « idée innovante » est vague et peu intelligible, de sorte que les dispositions de la loi déférée méconnaîtraient le principe de bonne utilisation des deniers publics et seraient entachées d'incompétence négative.
B/ Les reproches ainsi formulés par les saisissants sont dépourvus de portée.
Les dispositions critiquées ont pour objet de faciliter la conclusion de projets innovants en permettant de rémunérer l'auteur d'une proposition inventive, lorsque la personne publique lance ensuite une procédure de contrat de partenariat. Les entreprises seront ainsi encouragées à proposer des projets originaux aux personnes publiques.
On doit d'abord relever que la critique adressée par les parlementaires saisissants aux articles 10 et 28 de la loi déférée sur le terrain de l'incompétence négative apparaît vaine dès lors que le versement d'une prime forfaitaire et ses conditions d'octroi relèvent du pouvoir réglementaire.
Ensuite, aux yeux du Gouvernement, l'expression « idée innovante » est claire et sans équivoque même si elle appelle une appréciation subjective. Si des difficultés d'application devaient apparaître, le Gouvernement apprécierait s'il y a lieu de mieux définir cette notion par voie réglementaire. Le moyen doit, par suite, être écarté.
IV/ SUR LES ARTICLES 14 et 33 :
A/ Les articles 14 et 33 de la loi déférée modifient respectivement le I de l'article 13 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-16 du code général des collectivités territoriales. Ils prévoient de manière identique que si le titulaire du contrat est autorisé à valoriser une partie du domaine de la personne publique dans le cadre du contrat de partenariat, cette dernière procède, s'il y a lieu, à une délimitation des biens appartenant au domaine public. La personne publique peut autoriser le titulaire à consentir des baux dans les conditions du droit privé, en particulier des baux à construction ou des baux emphytéotiques, pour les biens qui appartiennent au domaine privé et à y constituer tous types de droits réels à durée limitée. L'accord de la personne publique doit être expressément formulé pour chacun des baux consentis au titulaire du contrat de partenariat. Avec l'accord de la personne publique, ces baux ou droits peuvent être consentis pour une durée excédant celle du contrat de partenariat.
Les députés saisissants soutiennent que ces dispositions porteraient atteinte aux exigences constitutionnelles relatives à la propriété publique en ce qu'elles autorisent, sur le domaine privé, d'une part la constitution de droits réels au bénéfice d'une personne privée et, d'autre part, que soient consentis des baux ou des droits pour une durée excédant celle du contrat de partenariat.
B/ Cette argumentation doit être écartée.
En premier lieu, aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à la constitution de droits réels au bénéfice d'une personne privée sur le domaine privé d'une personne publique. Cette dernière gère librement les biens, soumis à un régime de droit privé, qui composent son domaine privé selon les règles qui leur sont applicables.
En second lieu, il résulte des termes de la loi déférée que la personne publique peut autoriser le titulaire du contrat de partenariat à consentir, sur son domaine privé, des baux dans les conditions du droit privé. Il s'agira ainsi, pour l'essentiel, de baux commerciaux, dans les cas où le partenaire privé ne souhaitera pas exploiter directement l'activité commerciale. Par ailleurs, la loi est dépourvue d'ambiguïté : dans le cas où, avec l'accord de la personne publique, les baux ou droits réels sont consentis pour une durée qui excède celle du contrat de partenariat, à l'expiration de cette durée le bail sera transféré à la personne publique en application des règles du droit privé auxquelles le législateur a expressément fait référence. Dans l'hypothèse de biens de retour, leur sort serait réglé par le bail approuvé par la personne publique. Dans ces conditions, les dispositions critiquées ne sauraient davantage être regardées, sur ce point, comme contraires à une règle ou un principe constitutionnel protecteur de la propriété publique.
V/ SUR L'ARTICLE 18 :
A/ L'article 18 de la loi déférée modifie notamment l'article 1414-1 du code général des collectivités territoriales. Il crée en particulier un III selon lequel lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre elles qui réalisera l'évaluation préalable, conduira la procédure de passation, signera le contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme.
Les députés saisissants font valoir que le législateur aurait méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution en renvoyant à une convention le soin de préciser les conditions d'un transfert de compétences entre personnes publiques. Il n'aurait par ailleurs pas épuisé l'exercice de sa compétence et aurait enfin méconnu le principe constitutionnel d'égalité.
B/ Le Gouvernement estime que de telles critiques ne peuvent être retenues.
Les dispositions contestées ont pour objet d'offrir aux collectivités territoriales la possibilité de conclure une convention pour passer un contrat de partenariat lorsque le projet relève simultanément de la compétence de plusieurs d'entre elles. Il s'agit d'un mécanisme dont la portée est similaire à celui des groupements de commandes pour les marchés publics. Cette faculté facilitera en particulier le recours au contrat de partenariat pour les communes, qui ne bénéficient pas toujours de la surface financière ou des compétences techniques nécessaires à la réalisation de certains projets de la nature de ceux susceptibles d'entrer dans les prévisions de la loi déférée.
En adoptant ces dispositions, le législateur n'a ainsi aucunement prévu l'exercice d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre prohibée par les dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
Il s'est borné à prévoir la possibilité pour les collectivités territoriales de constituer un groupement d'achat, sur le fondement de ce même cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution qui prévoit que lorsque l'exercice d'une compétence nécessité le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
Au cas présent, la loi déférée autorise celle des collectivités territoriales désignée par la convention à organiser les modalités - évaluation préalable, conduite de la procédure de passation, signature du contrat, suivi de l'exécution - selon lesquelles leur projet commun fait l'objet d'un contrat de partenariat, en fonction des prévisions de la convention à laquelle la loi prescrit de préciser les conditions de ce groupement de compétences et d'en fixer le terme.
Le législateur, en adoptant ces dispositions, n'a pas méconnu la compétence qu'il tient de la Constitution et n'a aucunement porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité.
V/ SUR L'ARTICLE 45 :
A/ L'article 45 de la loi déférée modifie les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances. Il dispense d'assurance de dommages obligatoire les personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat conclu en application de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004.
Les députés auteurs du premier recours soutiennent que ces dispositions seraient contraires aux principes constitutionnels d'égalité, de libre administration des collectivités locales et de libre concurrence. Ils font en particulier valoir que la loi déférée traite ainsi différemment deux situations identiques, d'une part celle du cocontractant de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics, dispensé de l'obligation d'assurance de dommages obligatoire, d'autre part celle du cocontractant d'une collectivité territoriale qui est tenu de la souscrire.
B/ Cette critique appelle les observations suivantes.
L'article L. 242-1 du code des assurances prévoit qu'en principe toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage ou de mandataire de celui-ci, fait réaliser des travaux de construction doit souscrire une assurance de dommages.
Les dispositions attaquées ont pour effet de rendre facultative la souscription d'une telle assurance par les personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat conclu avec l'Etat ou l'un de ses établissements publics. Le législateur, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, n'a toutefois pas étendu cette dispense aux cocontractantes des collectivités territoriales.
Contrairement à ce qui est soutenu, une telle distinction ne méconnaît aucunement le principe constitutionnel d'égalité.
L'objet de l'article L. 242-1 du code des assurances est de garantir la réparation directe d'un dommage relevant de la responsabilité civile décennale, préalablement à la mise en jeu de celle-ci.
Au regard de cet objet, en premier lieu, la situation de l'Etat, d'une part, et des collectivités territoriales, d'autre part, est différente. L'équilibre financier des secondes, et en particulier des plus faibles d'entre elles, serait susceptible d'être mis en péril en cas de survenance d'un risque et de défaillance de leur cocontractant, ce qui n'est pas le cas pour l'Etat qui ne serait pas en situation délicate dans l'hypothèse où un maître d'ouvrage ne disposerait pas de garanties suffisantes pour couvrir les difficultés susceptibles de survenir au cours de l'exploitation de l'ouvrage. Le législateur a, par suite, pris en considération une différence de situation pertinente au regard de l'objet de l'article L. 242-1 du code des assurances pour traiter différemment les situations de l'Etat et des collectivités territoriales.
S'agissant, en second lieu, du traitement différencié des cocontractants, il est également justifié par une différence de situation. Les personnes qui contractent avec l'Etat ne sont en effet pas dans la même situation que celles qui contractent avec les collectivités territoriales. La loi prévoit en effet l'application de règles identiques à l'ensemble des personnes susceptibles de conclure avec l'Etat un contrat de partenariat, et réserve un traitement égal à celles qui entendent conclure un tel contrat avec les collectivités territoriales, assurant de la sorte le respect de la libre concurrence. Le législateur n'était cependant aucunement tenu, pour respecter le principe d'égalité, de ne procéder à aucune distinction entre les cocontractants des collectivités territoriales, d'une part, et ceux de l'Etat, d'autre part.
Sans doute, la disposition contestée est de nature à avoir à un coût pour les collectivités territoriales, mais elle a pour objet et pour effet de maintenir toutes les précautions qui entourent le recours par ces personnes publiques, qui sont plus vulnérables que l'Etat en cas de défaillance de leur partenaire, au contrat de partenariat. Dans ces conditions, elle ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, ni à aucune autre règle de valeur constitutionnelle.
***
Pour ces raisons, le Gouvernement considère qu'aucun des griefs articulés par les députés et sénateurs requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi relative aux contrats de partenariat. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.