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Décision n° 2007-552 DC du 1 mars 2007 - Saisine par 60 sénateurs

Loi portant réforme de la protection juridique des majeurs
Non conformité partielle

Conseil constitutionnel
2 rue de Montpensier,
75001 Paris.
Paris, le 22 février 2007
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel,
Nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution les articles 39, 40, 41 et 42 de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs.
Les autres dispositions de cette loi n'appellent de la part des sénateurs socialistes aucune remarque quant à leur constitutionnalité.
En revanche, les sénateurs socialistes indiquent que les motifs d'intérêt général que le Gouvernement a cru devoir invoquer pour insérer sciemment des « cavaliers législatifs » en dépit d'une jurisprudence constante ne sauraient justifier la désinvolture avec laquelle le Gouvernement a géré le calendrier parlementaire de cette fin de législature, surchargé à l'excès d'initiatives diverses et désordonnées.
Comme l'ont reconnu eux-mêmes en séance publique le Gouvernement et le président de la commission des lois du Sénat, les articles ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution.
Ces articles portent respectivement sur :
- la tenue du registre du commerce et des sociétés pour substituer le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce à l'Institut National de la Propriété industrielle ;
- l'introduction du recours à l'arbitrage en droit administratif par voie d'ordonnance ;
- la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ;
- l'accès des huissiers de justice aux parties communes des immeubles d'habitation pour faciliter cet accès.
Ils résultent d'amendements déposés par le Gouvernement au Sénat, sur le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
Selon votre jurisprudence, très récemment mise en oeuvre par vos décisions n°2007-546 DC du 25 janvier 2007 et n° 2007-549 DC du 19 février 2007 - dont le Gouvernement n'a tenu aucun compte en déposant les quatre amendements précités - le droit d'amendement des parlementaires et du gouvernement inscrit dans l'article 44 de la Constitution « ne saurait être limité que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ».
Le projet de loi n°3556 déposé, en urgence, le 10 janvier 2006 sur le Bureau de l'Assemblée nationale en modifiant à la fois le code civil et le code de l'action sociale et des familles, a pour ambition, mais pour ambition unique, de rétablir la cohérence de la politique de soutien aux majeurs vulnérables qui partagent la nécessité d'être non seulement juridiquement protégés mais aussi socialement accompagnés.
En aucun cas n'étaient contenues dans le projet de loi déposé initialement à l'Assemblée nationale des dispositions autres que celles concernant directement la protection juridique des majeurs.
Les explications fournies par les différents orateurs lors de l'examen de ces amendements au Sénat confirment qu'il est patent qu'il y a une totale absence de lien entre ces quatre amendements et le projet déposé en premier lieu à l'Assemblée nationale.
Les articles 39, 40, 41 et 42 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution et doivent par conséquent être censurés.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.