Contenu associé

Décision n° 2007-548 DC du 22 février 2007 - Observations du gouvernement

Loi relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense
Conformité

Paris, le 15 février 2007
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs, d'un recours dirigé contre la loi relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense, adoptée le 6 février 2007.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
***
I/ SUR L'ARTICLE 1er :
A/ L'article 1er de la loi déférée crée, en premier lieu, un nouvel article L. 141-3 du code de l'urbanisme, qui confère un caractère d'intérêt national à la modernisation du quartier d'affaires de La Défense et prévoit, d'une part, qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les orientations générales d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et, d'autre part, que les constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à leur mise en œuvre peuvent être qualifiés par l'autorité administrative de projets d'intérêt général, dans les conditions définies par le décret en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme. L'article 1er crée, en second lieu, dans le même code, un nouvel article L. 141-4 selon lequel un décret en Conseil d'Etat pris sur le fondement de l'article L. 111-1 précise les règles d'urbanisme applicables aux zones du périmètre qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou tout autre document en tenant lieu.
Les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi faute de préciser ce que recouvre la notion de « quartier d'affaires » et, en particulier, d'indiquer si son périmètre se confond avec celui de l'opération d'intérêt national de La Défense. En ne prenant pas, par ailleurs, le soin de déterminer, d'une part, les conditions de l'harmonisation exigée par les dispositions de l'article L. 110 du code de l'urbanisme et, d'autre part, une procédure encadrant l'institution, par les règles d'urbanisme prévues par son nouvel article L. 141-4, de servitudes d'urbanisme, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité et n'aurait pas épuisé sa compétence. Il aurait également méconnu sa compétence en ne déterminant pas la hiérarchie entre les normes édictées en vertu de l'article L. 141-3 et le schéma directeur de la région Ile-de-France ou les autres documents d'urbanisme applicables dans le périmètre considéré.
B/ Ces critiques ne sont pas fondées.
Il résulte, en premier lieu, de la combinaison des deux premiers alinéas du nouvel article L. 141-3 du code de l'urbanisme que le « quartier d'affaires » de la Défense et l'opération d'intérêt national de la Défense ont un périmètre strictement identique. Ces deux notions désignent un territoire unique défini dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 490-5 du code de l'urbanisme. Il suit de là que le grief d'une atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi adressé aux dispositions de l'article 1er de la loi déférée manque en fait.
Le principe d'égalité n'impose pas, en deuxième lieu, au législateur, lorsqu'il prévoit, pour la réalisation d'une opération d'aménagement présentant un caractère d'intérêt national, l'élaboration d'orientations générales d'urbanisme et de projets d'intérêt général, au sens de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme, d'organiser une procédure particulière destinée à garantir l'harmonisation des prévisions et des décisions d'utilisation de l'espace des collectivités publiques concernées dont le principe figure à l'article L. 110 du même code. Le respect de cette exigence d'harmonisation est, au demeurant, assuré par l'élaboration des documents d'urbanisme nécessaires à la réalisation de l'opération considérée dans les conditions fixées par les articles L. 121-2 et L. 121-4 du code de l'urbanisme qui prévoient l'association des différentes collectivités publiques concernées.
En troisième lieu, les règles d'urbanisme prévues par l'article L. 141-4 créé par l'article 1er de la loi déférée et devant être fixées par décret en Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme, sont de même nature que les règles générales d'urbanisme minimum que ce même article L. 111-1 autorise le pouvoir réglementaire à édicter sur l'ensemble du territoire et qui cessent de s'appliquer dès qu'est approuvé un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. De même que ces règles générales d'urbanisme, ou « Règlement national d'urbanisme », les règles d'urbanisme particulières prévues par les dispositions de l'article L. 141-4 ne sont aucunement susceptibles de comporter des servitudes d'urbanisme. Le législateur n'était, par suite, pas tenu d'organiser une procédure spécifique destinée à encadrer l'institution de telles servitudes.
En quatrième lieu, ni les orientations générales d'urbanisme mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 141-3 du code de l'urbanisme issu de la loi déférée, ni les projets d'intérêt général cités à son troisième alinéa et dont la nature est précisée par le décret en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article L. 121-9 du même code ne constituent des règles d'urbanisme opposables devant s'insérer dans la hiérarchie des normes d'urbanisme prévues par le code de l'urbanisme.
Les orientations générales d'urbanisme définissent, en effet, un programme d'aménagement du secteur dont la modernisation et le développement présentent un caractère d'intérêt national. Ces orientations générales ont pour seule portée de permettre à l'autorité administrative de déterminer les projets nécessaires à leur mise en œuvre et de qualifier ceux-ci de projets d'intérêt général dans les conditions fixées par les article R. 121-3 et R. 121-4 du code de l'urbanisme, pris pour l'application de son article L. 121-9.
La définition de ces projets d'intérêt général autorise ensuite le préfet à demander aux communes concernées de modifier, le cas échéant, leurs plans locaux d'urbanisme pour permettre la réalisation des travaux, constructions, installations ou aménagements qu'ils rendent nécessaires, dans le périmètre de l'opération d'intérêt national.
Il suit de là que les orientations générales d'urbanisme et les projets d'intérêt général prévus par les dispositions du nouvel article L. 141-3 du code de l'urbanisme n'ont pas le caractère de règles d'urbanisme opposables devant s'insérer dans la hiérarchie des normes définie en particulier par les dispositions de l'article L. 111-1-1 du même code. Seuls les documents d'urbanisme des communes situées dans le périmètre de l'opération d'intérêt national et susceptibles d'être modifiés, en tant que de besoin, pour permettre l'aménagement de la zone conformément aux prévisions des projets d'intérêt général, doivent respecter les prescriptions des documents de valeur supérieure, schémas de cohérence territoriale ou schéma directeur de la région Ile-de-France.
Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que font valoir les sénateurs auteurs de la saisine, l'article 1er de la loi déférée n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en ne précisant pas la valeur des orientations générales d'urbanisme ou des projets d'intérêt général dans la hiérarchie des documents d'urbanisme.
II/ SUR L'ARTICLE 2 :
A/ L'article 2 de la loi déférée complète le titre II du livre III du code de l'urbanisme par un chapitre VIII formé par les nouveaux articles L. 328-1 à L. 328-10.
Les dispositions de ces articles créent un établissement public local à caractère industriel et commercial dénommé Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense qui est habilité à gérer les ouvrages et espaces publics ainsi que les services d'intérêt général situés dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense lui appartenant, appartenant à l'établissement public pour l'aménagement de la région de la Défense (EPAD) ou appartenant aux communes de Courbevoie et de Puteaux ou à l'Etat.
Pour l'exercice de ces missions, les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général en cause sont soit mis à disposition, soit transférés en pleine propriété, par l'EPAD, les communes concernées ou l'Etat, au nouvel établissement qui assume alors l'ensemble des obligations du propriétaire et possède les pouvoirs de gestion définis à l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales. Les ouvrages et espaces publics appartenant ou mis à la disposition de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense peuvent être mis à la disposition de l'EPAD pour l'exercice de sa mission.
Le nouvel établissement public est administré par un conseil d'administration composé des représentants des communes de Courbevoie et de Puteaux et du département des Hauts de Seine. L'article L. 328-5 fixe, en outre, les compétences de ce conseil. Les modalités de répartition des charges pour les collectivités publiques membres sont fixées par les dispositions de l'article L. 328-6.
L'article L. 328-7 énumère les ressources dont dispose le nouvel établissement public. Les articles L. 328-8 et L. 328-9 fixent les pouvoirs de son directeur et prévoient que le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire des actes et délibérations de l'établissement public sont exercés par le préfet des Hauts-de-Seine dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales.
Les sénateurs saisissants font valoir que ces dispositions ne satisferaient pas à l'exigence de précision qui s'impose au législateur de fixer avec précision les règles constitutives d'un établissement public et que, ce faisant, elles méconnaîtraient en outre l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ils soutiennent aussi que les dépenses obligatoires qui résulteront, pour les collectivités publiques intéressées, de la gestion du nouvel établissement public ne seraient pas définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et que les dispositions critiquées méconnaîtraient, par suite, les articles 34 et 72 de la Constitution. Les auteurs du recours critiquent également l'absence de précision des missions de l'établissement public de gestion. Les auteurs des recours ajoutent que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence en ne définissant pas le « site » mentionné à l'article L. 328-2. Ils font encore valoir que le recours aux notions imprécises de « quartier d'affaires » et d'amélioration de la qualité de vie méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. La création par l'article 2 de la loi déférée d'un nouveau régime de transfert en pleine propriété, qui s'ajoute à celui prévu par les dispositions de l'article L. 318-2 du code de l'urbanisme, méconnaîtrait par ailleurs le principe d'égalité au motif qu'il n'est justifié par aucune spécificité de l'établissement ou du site considéré. Les sénateurs saisissants estiment, enfin, que les articles L. 328-7, L. 328-8 et L. 328-9 du code de l'urbanisme présentent un caractère réglementaire.
B/ Aucun de ces griefs ne peut être accueilli.
A titre liminaire, on doit préciser que l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense ne constitue pas une nouvelle catégorie d'établissements publics mais qu'il se rattache à une catégorie existante. Il s'agit en effet d'un établissement public appartenant à la catégorie des syndicats mixtes dont les dispositions des articles L. 5721-1 et suivants du code général des collectivités territoriales fixent l'organisation et le fonctionnement. En vertu de ces dispositions, un syndicat mixte est un établissement public constitué par accord, notamment, entre des départements et des communes, en vue d'œuvres ou de services présentant une utilité pour chacune des personnes morales qui le constituent. Il est vrai qu'au cas présent la création de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense ne résulte pas directement d'un accord des collectivités parties prenantes recueilli conformément à la procédure prévue par le code général des collectivités territoriales. Mais cette particularité n'est pas au nombre des critères des catégories d'établissements publics dégagés par le Conseil constitutionnel. Elle justifie toutefois l'intervention du législateur au titre des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales. L'intervention du législateur pour constituer l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense est, ainsi, justifiée par le caractère obligatoire de la participation des trois collectivités concernées et non par la volonté de créer une nouvelle catégorie d'établissements publics au sens de l'article 34 de la Constitution.
Le grief tiré, en premier lieu, de l'imprécision des dispositions des articles L. 328-1 et suivants créés par l'article 2 de la loi déférée quant aux règles constitutives de l'établissement public est ainsi inopérant. Il manque en tout état de cause en fait, le législateur ayant indiqué notamment, le cadre général de la mission qui lui est impartie ainsi que ses organes de direction, les collectivités publiques représentées et les ressources dont il peut bénéficier.
La critique qui porte, en deuxième lieu, sur les obligations financières mises à la charge des collectivités territoriales concernées ne pourra pas davantage être accueillie. Celles-ci sont en effet, contrairement à ce qui est soutenu, définies avec une précision suffisante. D'une part, les équipements et les espaces que le nouvel établissement public est habilité à gérer sont ceux qui ont été réalisés par l'EPAD dans le cadre de sa mission d'aménagement. Ils sont identifiés et inventoriés dans les documents budgétaires et comptables de l'EPAD sur lesquels figurent également précisément les charges de gestion actuellement assumées à ce titre par ce dernier établissement. Les trois collectivités territoriales intéressées disposent, par ailleurs, de représentants au conseil d'administration de l'EPAD. D'autre part, les dispositions de l'article L. 328-6 du code de l'urbanisme créées par l'article 2 de la loi déférée prévoient que les charges résultant pour ces collectivités de l'exercice par l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense sont réparties entre ses membres dans les conditions fixées par ses statuts qui sont, en vertu de l'article L. 328-5, fixés et modifiés par décret en Conseil d'Etat après avis du département et des communes intéressées. Une majorité qualifiée des deux tiers des administrateurs présents ou représentés est, par ailleurs, requise pour modifier la répartition de ces contributions entre les membres. Enfin, les ressources de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense sont énumérées à l'article L. 328-7.
Les missions de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense sont, en troisième lieu, suffisamment précisées. Aucun des reproches adressés par les sénateurs saisissants à cet égard n'est fondé.
Le législateur n'était ainsi nullement tenu de définir plus spécifiquement les services d'intérêt général mentionnés à l'article L. 328-2, qui visent les services d'intérêt commun ou d'équipements, tels que les parkings, actuellement gérés par l'EPAD, qui seront transférés au nouvel établissement public. Il ne saurait, par ailleurs, être tiré aucune conséquence de la différence de rédaction entre les troisième et quatrième alinéas du nouvel article L. 328-2 du code de l'urbanisme : le nouvel établissement public est appelé à gérer les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général appartenant à l'EPAD, dès lors que ce dernier en fait la demande, comme il est expressément prévu, à l'alinéa suivant, s'agissant des communes de Courbevoie, de Puteaux ou de l'Etat.
On doit observer, en outre, que contrairement à ce qui est soutenu, l'Etablissement public créé par les dispositions de l'article 2 de la loi déférée ne pourra refuser d'exercer les pouvoirs de gestion qui lui seront confiées, dès lors que, ce faisant, il renoncerait à exercer les missions qui lui sont confiées par le législateur. Les dispositions de l'article L. 328-3 doivent, ensuite, être interprétées comme prévoyant que l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense possède sur les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général qui lui sont transférés, que ceux-ci lui soient transférés en pleine propriété ou mis à sa disposition, les pouvoirs de gestion définis à l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que dans les deux hypothèses visées par l'article L. 328-3, le nouvel établissement public est tenu de maintenir l'affectation des ouvrages, espaces ou services qui lui sont transférés.
Enfin, les dispositions de l'article 2 de la loi déférée ne méconnaissent pas le principe d'égalité en organisant un régime spécifique de transfert en pleine propriété des immeubles appartenant à l'EPAD, distinct de celui prévu par les dispositions de l'article L. 318-2 du code de l'urbanisme. Elles se bornent à adapter, pour l'opération d'intérêt national de la défense et compte tenu de la situation de l'EPAD, l'application des dispositions de cet article L. 318-2, pour la zone considérée.
En dernier lieu, compte tenu du caractère obligatoire, pour les trois collectivités territoriales concernées, de la création de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense et du caractère local de cet établissement, le Gouvernement considère que les dispositions des articles L. 328-7, L. 328-8 et L. 328-9 qui fixent respectivement les ressources de l'établissement, les compétences de son directeur et les modalités de contrôle de ses actes et délibérations ne sauraient être regardées comme présentant un caractère manifestement réglementaire. On peut observer, en particulier, que les dispositions relatives aux ressources et au contrôle des actes des établissements publics locaux relèvent du domaine de la loi en vertu de l'alinéa de l'article 34 de la Constitution relatif à la libre administration des collectivités territoriales.
***
Pour ces raisons, le Gouvernement considère qu'aucun des griefs articulés par les sénateurs requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de la défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de la défense. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.