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Décision n° 2004-508 DC du 16 décembre 2004 - Réplique par 60 députés

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2005
Non conformité partielle

Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous présenter les observations en réplique suivantes pour répondre aux observations du Gouvernement sur la saisine relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
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Sur l'article 42 et la prévision de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie constitue effectivement, comme l'indique le gouvernement dans ses observations, un objectif d'évolution, défini en fonction des choix de santé publique, dont le dépassement justifie la mise en oeuvre de mesures de régulation des dépenses.
Ce rappel renforce les requérants dans leur raisonnement. En effet, la détermination de l'ONDAM, compte tenu des mécanismes d'alerte et de régulation issus de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ne peut être d'autant moins entachée d'erreurs d'appréciation, c'est-à-dire, selon votre jurisprudence en la matière, d'une volonté de dissimulation qui ne permet pas au Parlement de voter la loi en toute connaissance de cause, que les mesures de redressement qui pourraient être appliquées en cours d'exécution, le seraient sans que le Parlement ne soit nécessairement amené à se prononcer.
Le gouvernement tente de démontrer la sincérité dont il fait preuve dans la détermination de l'ONDAM en mettant en avant les changements de comportements qu'induirait par la loi du 13 août dernier, en omettant soigneusement d'évoquer les mesures nouvelles annoncées qui ne sont manifestement pas intégrées dans l'objectif de dépenses (plan Alzheimer, plan pour lutter contre les maladies rares, plan périnatalité,...) et en négligeant le fait que les mesures dont il attend des économies ne seront pas toutes en application.
L'insincérité de l'ONDAM ne peut faire aucun doute. L'annonce intervenue depuis le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 d'un plan et de moyens supplémentaires pour prendre en charge l'autisme en apporte une preuve nouvelle.
Le gouvernement indique que le mécanisme du comité d'alerte, créé par l'article 40 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ne saurait inciter à une sous-estimation manifeste de l'ONDAM, qui impliquerait inévitablement un dépassement en cours d'année.
Il n'en reste pas moins que toute sous-estimation de l'ONDAM au-delà de 0,75 % de l'objectif, conduit l'Union nationale des caisses d'assurance maladie à prendre des mesures de correction sans intervention du gouvernement ni vote du Parlement.
Nous sommes face à une sorte d'arme fatale qui renforce l'exigence de sincérité pour que le Parlement au moment où il se prononce sur l'ONDAM, puisse le faire en toute connaissance de cause.
Toute insincérité conduirait finalement à masquer deux fois la réalité au Parlement, au moment du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale et au moment de la décision par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie des mesures de régulation sur les dépenses.
Certes, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie dispose d'autres moyens de régulation et de maîtrise des dépenses que l'augmentation de la participation forfaitaire sur les actes et consultations, et que toute mesure de maîtrise des dépenses, quelle qu'en soit l'ampleur et le nombre, ne doit pas être prise en méconnaissance des principes constitutionnels de protection de la santé.
Il n'en reste pas moins que le gouvernement cite cette participation forfaitaire comme un moyen de sensibiliser les assurés sociaux aux coûts et qu'elle constitue un instrument d'effet immédiat.
Il s'agit effectivement, pour reprendre les expressions du gouvernement dans ses observations, d'une mesure de nature à obliger les assurés sociaux à contribuer à un plan d'économies ou à induire un changement de comportement de leur part. Cette participation forfaitaire ne pouvant être prise en charge par une assurance complémentaire peut s'avérer ainsi être un véritable frein à l'accès aux soins.
En cas de dépassement de l'ONDAM, la nécessité de sensibiliser davantage les assurés sociaux à l'évolution des dépenses de santé ne peut se faire au détriment de l'accès aux soins constitutionnellement garanti, comme vous l'avez rappelé dans les réserves d'interprétation très fortes formulées dans la décision n°2004-504 DC du 12 août 2004 sur la loi relative à l'assurance maladie (considérant 13 et 19).
Les observations du gouvernement renvoient ainsi à la question évoquée dans la décision citée ci-dessus de la limite au-delà de laquelle le montant de la participation forfaitaire porterait atteinte au principe constitutionnel d'accès aux soins et de protection de la santé.
A la lecture des observations du gouvernement, il apparaît que cette question se pose finalement avec acuité.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.