Contenu associé

Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 - Observations du gouvernement

Loi pour la sécurité intérieure
Conformité

Paris, le 3 mars 2003
Observations du gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la sécurité intérieure

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi pour la sécurité intérieure, adoptée le 13 février 2003.
Les requérants articulent, à l'encontre des articles 3, 11, 12, 13, 21 à 25, 28, 30, 50, 51, 53, 64, 65, 75, 76, 96, 113, 122, 123, 141 et 142 de la loi, différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I/ Sur les article 3, 122 et 123
A/ L'article 3 de la loi pour la sécurité intérieure, complétant l'article L 2215-1 du code général des collectivités locales relatif aux pouvoirs de police administrative du représentant de l'Etat dans le département, a pour objet de permettre au représentant de l'Etat, en cas d'urgence, de réquisitionner les biens et services et de requérir les personnes nécessaires au fonctionnement de ces services ou à l'usage de ces biens, tant que l'exige une atteinte à l'ordre public et lorsque les moyens dont il dispose ne permettent pas de maintenir l'ordre public. L'article 3 précise que le préfet peut procéder à l'exécution d'office des mesures qu'il a ordonnées, organise la rétribution par l'Etat des personnes requises, prévoit une double intervention du juge administratif pour accorder une provision sur le montant de la rétribution et pour prononcer une astreinte en cas d'inexécution volontaire, et réprime comme délit le fait de refuser d'exécuter les mesures prescrites.
Les articles 122 et 123 de la loi déférée insèrent des dispositions analogues au code des communes applicable en Nouvelle-Calédonie et dans la loi n°77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française.
Les auteurs des recours font valoir que les dispositions de l'article 3 sont imprécises et ont un champ d'application trop large, qu'elles sont entachées d'incompétence négative, et qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 66 de la Constitution. Ils soutiennent, en outre, que le cumul d'une astreinte susceptible d'être prononcée par le juge administratif et d'une sanction pénale méconnaît le principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Les députés, auteurs du second recours, critiquent en outre, par les mêmes motifs, les dispositions des articles 122 et 123.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1) En l'état du droit applicable, le représentant de l'Etat dans le département peut déjà procéder à des réquisitions civiles, dans des domaines déterminés, en application de textes spécifiques relatifs à des pouvoirs de polices administratives spéciales. Il en va ainsi, par exemple, en vertu de la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, qui autorise la réquisition de moyens privés de secours en cas de catastrophes naturelle ou industrielle, des lois du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes et du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution maritime, qui autorisent des réquisitions de biens et de personnes en vue d'assurer la protection maritime, ou de la loi du 20 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions qui permet la réquisition de logements vacants destinés à reloger des personnes sans abri.
En matière de police administrative générale, il existe un régime de réquisitions civiles de personnes et de services fondé sur des textes relatifs à la défense nationale. Ce régime résulte du titre II de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre, qui a été maintenu en vigueur par la loi n° 50-244 du 28 février 1950 et complété par l'ordonnance n° 59-63 du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et de services. Ces textes autorisent le Gouvernement, et par délégation le préfet, à prendre des réquisitions civiles dans le cadre « de la préparation, en temps de paix, de mesures ayant pour objet l'organisation de la nation pour le temps de guerre » ou « pour assurer les besoins du pays ». L'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense autorise le Gouvernement, et par délégation le préfet, à « requérir les personnes, les biens et les services » selon les modalités du titre II de la loi du 11 juillet 1938, en cas de mobilisation générale ou « en cas de menace portant notamment sur une partie du territoire, sur un secteur de la vie nationale ou sur une fraction de la population ».
Ces dispositions entendent répondre à des situations de troubles particulièrement graves. L'article 2 du décret du 28 novembre 1938, pris en application de la loi du 11 juillet 1938, et qui précise également les dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, dispose qu'un décret en Conseil des ministres doit autoriser les réquisitions. Il a été fait application de ces dispositions, pour la dernière fois, à l'occasion de la guerre du Golfe de 1991 (décrets n° 91-42 du 14 janvier 1991 et n° 91-60 du 17 janvier 1991), afin de réquisitionner des personnes et des moyens matériels des compagnies aériennes et des compagnies d'armements maritimes françaises.
Le préfet peut, encore, prendre des réquisitions de police administrative générale par substitution au maire dans les conditions prévues à l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales. La jurisprudence administrative admet que le maire puisse, en vertu de son pouvoir de police administrative générale, décider de requérir des personnes et des biens. Le pouvoir de substitution du préfet ne peut cependant être exercé qu'en cas de carence, et en réponse à des troubles à l'ordre public limités au territoire d'une seule commune. En revanche, si le trouble concerne plusieurs communes, la possibilité pour le préfet de fonder des réquisitions sur les pouvoirs de police administrative générale qu'il tient du 3 ° de l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales apparaissait, au vu de la jurisprudence administrative, plus incertaine. Un tel trouble ne présente, par ailleurs, pas le caractère de gravité extrême qui seul peut justifier la mise en oeuvre des dispositions de la loi de 1938 ou de l'ordonnance de 1959.
C'est pourquoi le législateur a décidé de confier au préfet explicitement de tels pouvoirs, en déterminant précisément les conditions dans lesquelles il pourra procéder à des réquisitions, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative générale, en vue de répondre à des troubles à l'ordre public dépassant le cadre d'une seule commune. Ces réquisitions pourront avoir, en pratique, des objets variés mais ils seront nécessairement circonscrits par les exigences du maintien de l'ordre public. On peut citer, à titre d'exemples, la réquisition de moyens de levage de véhicules, la réquisition de locaux permettant d'entreposer des marchandises (par exemple des farines animales), la réquisition de stations d'essence, la réquisition de certaines entreprises (par exemple pour des opérations d'équarrissage ou de nettoyage de terrains après une « rave partie » clandestine).
2) En adoptant ce dispositif, le législateur n'est pas, contrairement à ce que soutiennent les recours, demeuré en deçà de sa compétence. Il n'a pas davantage porté une atteinte excessive à des droits et libertés constitutionnellement garantis.
L'article 3 de la loi déférée définit précisément le champ d'application de la nouvelle procédure de réquisition, les conditions légales de sa mise en oeuvre, les conditions de rétribution des personnes requises ainsi que les modalités d'exécution. Le préfet ne pourra avoir recours à cette procédure qu'en cas d'urgence et dans la stricte mesure où elle sera nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, laquelle constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Elle ne pourra être mise en oeuvre qu'à titre subsidiaire, sous le contrôle du juge administratif, dans la mesure où le préfet aura épuisé tous les moyens dont il disposait pour répondre au trouble à l'ordre public.
S'agissant de mesures de réquisitions s'inscrivant dans un cadre de police administrative, le législateur n'était tenu par aucune règle de valeur constitutionnelle de prévoir l'intervention de l'autorité judiciaire dans la mise en oeuvre du dispositif. Ce dernier conduit à limiter, pour une période de temps déterminée, la liberté d'aller et de venir des personnes requises ou le droit d'usage des biens ou services réquisitionnés. Il ne porte pas atteinte à la liberté individuelle ni n'emporte dépossession des biens considérés. Les atteintes limitées qu'il peut porter à d'autres droits et libertés constitutionnellement garantis sont justifiées par l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.
Il faut, de plus, souligner que le législateur a expressément déterminé le principe et les modalités de la rétribution des personnes requises et institué plusieurs garanties. Ainsi, la décision préfectorale doit prendre la forme d'un arrêté motivé fixant la nature des prestations requises, la durée de la réquisition et les modalités de son application. Cette décision pourra naturellement faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, lequel peut être assorti d'une demande de référé dans les conditions du droit commun. La loi prévoit explicitement la possibilité pour la personne requise de former devant le juge administratif une demande de référé provision pour obtenir, sous de très brefs délais, une provision sur tout ou partie de la rétribution correspondant à la réquisition.
3) Le législateur a prévu que le préfet pourrait faire exécuter d'office les mesures prescrites par l'arrêté de réquisition. Il a mis en place un mécanisme permettant au préfet de saisir le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue aux fins de prononcé d'une astreinte à l'encontre de la personne requise, si elle refuse volontairement d'exécuter les obligations qui résultent de la mesure de réquisition. Le refus d'exécuter constitue, en outre, un délit réprimé de six mois d'emprisonnement et de 10.000 euros d'amende.
Contrairement à ce que soutiennent les recours, le législateur n'a, ce faisant, pas méconnu les exigences constitutionnelles qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Outre qu'aucune règle à valeur constitutionnelle n'interdit par principe au législateur de prévoir le cumul d'une sanction administrative avec une sanction pénale, dès lors que le cumul de ces sanctions n'est pas excessif et ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines (décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 ; décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997), il faut souligner en l'espèce que le mécanisme d'astreinte organisé par la loi déférée devant le juge administratif ne présente pas le caractère d'une sanction.
Le juge administratif est investi de plein droit du pouvoir d'adresser des injonctions, assorties le cas échéant d'astreintes, à des personnes privées. On en trouve des illustrations en matière d'expulsion du domaine public ou dans le cadre de litiges contractuels (CE Sect 13 juillet 1956, Office public d'HLM de la Seine, Rec. p.343 ; CE 30 octobre 1963, SARL Sonetra, p.520 ; CE Ass 3 mars 1978, Lecoq, p.116 ; CE Sect 28 novembre 1980, Société d'exploitation des sous-produits des abattoirs, Rec. p.452 ; CE 14 novembre 1997, Communauté urbaine de Lyon, p.421 ; CE 29 juillet 2002, Centre hospitalier d'Armentières, n°243500 à paraître au recueil). Un tel pouvoir d'astreinte vise à contraindre à exécuter une décision, en l'espèce administrative, et non à réprimer un comportement. De même que ne peuvent être qualifiées de sanctions les astreintes susceptibles d'être prononcées par le juge administratif à l'encontre des personnes publiques en application du livre IX du code de justice administrative, afin de contraindre ces personnes à exécuter les décisions rendues par les juridictions administratives, les astreintes prononcées par le même juge à l'égard des personnes privées ne présentent pas le caractère d'une sanction.
La détermination par le juge du montant de l'astreinte n'est, d'ailleurs, pas fonction du comportement passé de la personne visée, mais résulte de l'appréciation par le juge du niveau de menace nécessaire pour la conduire à exécuter effectivement la décision qu'elle doit appliquer. De même, une liquidation provisoire de l'astreinte a pour objet de contraindre à exécuter si l'exécution n'a toujours pas eu lieu. La liquidation définitive, lorsqu'elle intervient pour un montant différent des éventuelles liquidations provisoires, prend là encore en considération les conditions dans lesquelles finalement a été exécutée la décision.
Dès lors qu'un mécanisme d'astreinte ne présente pas le caractère d'une sanction, l'invocation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen apparaît inopérante. Au demeurant, on peut relever que la conjonction d'une astreinte et d'une sanction pénale n'est pas sans précédents. Plusieurs législations organisent, en effet, le cumul d'un mécanisme d'astreinte destiné à contraindre une personne à se conformer à une obligation légale et une condamnation pénale sanctionnant la méconnaissance de cette même obligation. Ainsi, en matière de communication, l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 organise une procédure de référé assortie d'une possibilité d'astreinte devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat pour contraindre une personne à se conformer aux obligations de la loi, lesquelles font par ailleurs l'objet de sanctions pénales instituées par les articles 74 à 79-6 de la même loi. Il en va de même en matière d'affichage et de publicité en vertu des articles L 581-30 et L 581-34 du code de l'environnement. En matière de protection du domaine public, le juge administratif des référés peut aussi ordonner sous astreinte l'évacuation du domaine public, sans qu'y fasse obstacle l'engagement d'une procédure répressive de contravention de grande voirie (CE Sect 25 janvier 1980, Société des terrassements mécaniques et Mariani, Rec. p.49 ; 16 janvier 1985, Codorniu, Rec. Tables p.626) ; de même cette procédure de contravention de grande voirie fait coexister une action répressive et une action domaniale qui peut comporter une obligation de faire éventuellement assortie d'une astreinte (CE 24 juin 1961, Société d'études et de constructions de garages, Rec. p.436).
Il n'apparaît dès lors pas qu'un principe de valeur constitutionnelle interdise au législateur d'instituer un mécanisme d'astreinte destiné à contraindre une personne requise à exécuter une décision administrative et une sanction pénale réprimant le fait de n'avoir pas exécuté la décision. Les deux mécanismes n'ont ni la même nature, ni la même portée ; leur cumul n'est pas contraire aux exigences issues de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
II/ Sur les articles 11, 12 et 13
A/ L'article 11 de la loi déférée, rétablissant un article 78-2-2 au code de procédure pénale, a pour objet d'habiliter les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, par les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, à procéder, sur réquisitions écrites du Procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite de certaines infractions, à des contrôles d'identité et à la visite de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.
L'article 12, insérant un article 78-2-3 au code de procédure pénale, a pour objet d'habiliter ces officiers et agents à procéder à la visite de véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public, lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit flagrant.
L'article 13, pour sa part, ajoutant au code de procédure pénale un article 78-2-4, habilite les officiers de police judiciaire et, sur leur ordre et sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints, à procéder à la visite de véhicules pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République.
Les sénateurs et les députés requérants soutiennent que ces articles porteraient une atteinte excessive à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée garantis par les articles 1er, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de même qu'à l'article 8 de cette Déclaration et à l'article 66 de la Constitution. Selon les auteurs des recours, ces dispositions méconnaîtraient la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la fouille des véhicules. Les parlementaires requérants relèvent aussi que les articles 11 et 12 seraient entachés d'incompétence négative en ce que leurs dispositions seraient trop imprécises, qu'elles porteraient sur un nombre et des catégories d'infractions trop larges, que l'autorisation délivrée par le ministère public pourrait être renouvelée sans limite réelle de durée et qu'elles ne garantiraient pas que l'autorité judiciaire puisse exercer un contrôle direct et permanent sur ces opérations.
B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1) Il est vrai que le Conseil constitutionnel a marqué, de façon solennelle, que le législateur ne peut habiliter les officiers de police judiciaire et leurs agents à procéder à la visite de véhicules sans déterminer de manière précise les cas dans lesquels de tels pouvoirs peuvent être exercés et sans instituer des garanties appropriées.
Par la décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977, le Conseil a déclaré une disposition législative qui avait conféré aux officiers de police judiciaire de larges pouvoirs de visite des véhicules non conforme à la Constitution, au nom de la protection de la liberté individuelle, en raison de l'étendue des pouvoirs conférés, du caractère très général des cas dans lesquels ils pouvaient être exercés et de l'imprécision de la portée des contrôles auxquels ils seraient susceptible de donner lieu. Par la décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, le Conseil a, de même, s'agissant d'opérations de fouille de véhicules relevant de la police judiciaire, censuré une disposition législative qui n'avait pas prévu l'autorisation préalable de ces opérations par l'autorité judiciaire. La décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, qui traite notamment de la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France, relève, pour sa part, d'une problématique différente en ce que la disposition législative alors examinée excluait formellement les voitures particulières du champ des visites sommaires et que ces visites avaient pour seule finalité de rechercher et constater des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers.
Mais, en l'espèce, le Gouvernement entend souligner que les dispositions adoptées par les articles 11, 12 et 13 de la loi déférée satisfont aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle : inspirées par un double souci de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, qui constituent des objectifs de nature constitutionnelle, les dispositions critiquées sont suffisamment précises et instituent des garanties appropriées. Elles ne portent pas d'atteinte excessive à l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis.
2) L'article 11 a pour objet de pérenniser, en en élargissant légèrement le champ, des dispositions de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Ce dispositif, qui vise à la recherche des infractions à caractère terroriste ou à la législation sur les armes ou sur les stupéfiants, ainsi qu'à la recherche des infractions de vol et de recel, relève de la police judiciaire. Il ne peut être mis en oeuvre que sur réquisitions écrites du procureur de la République. Il conserve les garanties pour les libertés résultant de la loi relative à la sécurité quotidienne et les renforce même, notamment en excluant du champ de cette disposition les véhicules à usage d'habitation.
Conformément à ce qu'exige la jurisprudence constitutionnelle, ces opérations relevant de la police judiciaire sont décidées par le procureur de la République, qui fait partie de l'autorité judiciaire. Il en apprécie seul l'opportunité, en détermine le lieu et la durée, prend à cette fin des réquisitions écrites pour la recherche d'infractions déterminées, et en surveille l'exécution. Il dispose de toute latitude pour se rendre sur place pour s'assurer du déroulement de la visite des véhicules.
Le législateur a, en outre, suffisamment précisé et encadré la mise en oeuvre de ces opérations. Il faut souligner, à cet égard, que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que certaines infractions limitativement énumérées et particulièrement graves : il s'agit des infractions liées au terrorisme, au trafic de stupéfiants, à la violation de la législation sur les armes, ainsi qu'au vol et au recel. On peut relever que la lutte contre ces dernières infractions, qui ont un retentissement particulier sur la sécurité au quotidien, constitue aujourd'hui un enjeu important de la sécurité publique et que la visite des véhicules est un moyen adapté et efficace pour les prévenir et les réprimer.
Les termes utilisés par le législateur circonscrivent avec suffisamment de précisions le champ de ces opérations et les cas dans lesquels il peut être fait usage de ces pouvoirs. Il n'est pas douteux que le législateur pouvait autoriser les visites de véhicules stationnant dans des lieux accessibles au public : il serait en effet paradoxal - et altérerait fortement l'efficacité du dispositif - de permettre la visite de véhicules stationnant sur la voie publique mais de l'exclure lorsque les véhicules stationnent dans un parc de stationnement ouvert au public. Par ailleurs, la référence faite par le législateur aux véhicules spécialement aménagés à usage d'habitation et effectivement utilisés comme résidence, pour exclure ces véhicules du champ des visites organisées par l'article critiqué, n'est pas sérieusement contestable : le législateur a pris particulièrement en considération la protection du domicile et imposé pour la visite de ces véhicules les règles qui s'appliquent aux perquisitions domiciliaires déterminées par le code de procédure pénale (notamment la condition tenant au constat préalable d'un crime ou délit flagrant de l'article 56 de ce code ou celle tenant aux heures légales résultant de l'article 59).
La durée de ces opérations est déterminée par le procureur de la République dans la limite, fixée par la loi, de vingt quatre heures. Cette limite constitue d'ailleurs une innovation par rapport tant aux dispositions antérieures issues de la loi relative à la sécurité quotidienne qu'aux dispositions applicables à d'autres contrôles dont la durée est généralement laissée par le législateur à la discrétion des magistrats qui les ordonnent (ainsi en matière de contrôles d'identité ordonnés en vertu de l'article 78-2 du code de procédure pénale). En tout état de cause, prévoir un mécanisme de renouvellement pour accompagner le terme initial de vingt quatre heures, ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive aux libertés constitutionnellement garanties. A défaut de disposition légale autorisant ce renouvellement, le procureur de la République pourrait, de toute façon, être éventuellement conduit à prendre de nouvelles réquisitions si les nécessités liées à la recherche des infractions le justifiaient. Au demeurant, on peut observer que la loi impose au procureur de la République de prendre une décision expresse de renouvellement, de motiver cette décision et de respecter les mêmes formes que celles présidant à l'édiction des réquisitions initiales. Cela implique nécessairement que la durée du renouvellement est pareillement limitée à vingt quatre heures.
Enfin, on peut relever que la disposition figurant au dernier alinéa de l'article 78-2-2, selon laquelle le fait de révéler des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures, présente le caractère d'une disposition classique de procédure pénale. Une telle disposition figure, par exemple, à l'article 78-2 du code de procédure pénale relatif aux contrôles d'identité et s'inscrit dans le cadre de l'obligation générale faite par l'article 19 du code de procédure pénale à tout officier de police judiciaire d'informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont il a connaissance. Le Conseil constitutionnel a déjà admis la conformité à la Constitution de telles dispositions (décision n° 93-323 DC du 5 août 1993).
3) L'article 12 de la loi déférée a pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale un article 78-2-3 autorisant les officiers de police judiciaire, et les agents de police judiciaire sur leur ordre et sous leur contrôle, à procéder à la visite d'un véhicule circulant ou arrêté sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public lorsqu'il existe à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre, comme auteur ou complice, un crime ou un délit flagrant. Il autorise ainsi les forces de l'ordre à procéder immédiatement à la visite des véhicules dès lors que le crime ou le délit vient d'être commis ou est sur le point d'être commis.
Le champ de cette disposition, qui relève également de la police judiciaire, est strictement limité à la flagrance et les garanties instituées par les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 résultant de l'article 11 de la loi déférée (interdiction de procéder à la visite des véhicules servant à l'habitation, temps de visite limité, procès-verbal adressé sans délai au procureur de la République) s'appliquent en vertu d'une mention expresse.
En matière de flagrance, il faut rappeler que les dispositions générales de procédure pénale confèrent, ce qui se comprend aisément, une part importante d'initiative aux officiers de police judiciaire. Il en va ainsi pour les perquisitions domiciliaires ou pour les saisies dès lors que sont constatées une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit. Il incombe cependant à l'officier de police judiciaire d'aviser sans délai le procureur de la République des infractions dont il a connaissance (art. 19 du code de procédure pénale) et l'arrivée sur les lieux du procureur dessaisit les officiers de police judiciaire au bénéfice du magistrat qui accomplit tous les actes utiles (art. 68 du code de procédure pénale). En outre, la loi précise qu'en cas de découverte d'une infraction, il est établi un procès-verbal dont un exemplaire est remis à l'intéressé et un autre transmis sans délai au procureur de la République. L'autorité judiciaire est pleinement compétente pour contrôler la validité des actes effectués d'initiative par les officiers de police judiciaire.
La visite des véhicules organisée par l'article 12 de la loi déférée pour les cas de flagrance est soumise au respect de ces dispositions générales de la procédure pénale. En particulier, l'intervention de l'autorité judiciaire s'exercera selon les conditions qui sont déterminées pour les circonstances de flagrance.
On peut observer, en outre, que la notion de « raison plausible » de soupçonner la commission d'un crime ou d'un délit flagrant, qui est critiquée par les recours, est celle qui gouverne le placement en garde à vue par l'officier de police judiciaire en vertu des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale. Elle est, au demeurant, en harmonie avec les termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4) L'article 13 de la loi déférée a, pour sa part, pour objet de permettre aux officiers de police judiciaire et, sous la responsabilité de ceux-ci, aux agents de police judiciaire et aux agents de police judiciaire adjoints, de procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République communiquées par tous moyens, à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur des lieux publics, dans le but de prévenir une atteinte grave à l'ordre public. Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule pourra être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes. Les garanties établies par les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale résultant de l'article 11 de la loi déférée s'appliquent en vertu d'une mention expresse.
A la différence des dispositifs institués par les articles précédents, les pouvoirs conférés par l'article 78-2-4 du code de procédure pénale résultant de l'article 13 ne relèvent pas de la police judiciaire, mais s'inscrivent dans un cadre de police administrative. Conformément à ce qu'exige dans un tel cas la jurisprudence constitutionnelle (décision n° 76-75 DC du 12 janvier 1977 précitée), la loi a subordonné ces contrôles à la nécessité de prévenir une atteinte grave à l'ordre public. Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la protection de la liberté individuelle n'implique pas, dans un tel cas qui n'emporte aucune mesure privative de liberté, l'autorisation préalable de l'autorité judiciaire. En matière de police administrative, il apparaît que la jurisprudence ne réserve une compétence exclusive aux magistrats professionnels de l'autorité judiciaire que lorsque les mesures déterminées par la loi conduisent à s'assurer physiquement de la personne des intéressés et à les priver de liberté (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, considérant 20 ; décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002, considérant 19).
L'article 78-2-4 institue, au demeurant, plusieurs garanties. Il ne peut, d'abord, être mis en oeuvre qu'en cas de menace d'atteinte grave à l'ordre public. La visite du véhicule ne peut, ensuite, avoir lieu qu'avec l'accord préalable du conducteur ou, s'il s'y oppose, sur décision du procureur de la République. La loi précise enfin que l'immobilisation du véhicule ne peut excéder trente minutes dans l'attente des instructions du procureur de la République.
On peut aussi, d'une part, relever que le mécanisme de visite instituée par la loi déférée comporte des garanties analogues à celles qui entouraient le dispositif de visite sommaire destiné rechercher, dans le cadre de la police judiciaire, les infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers et que le Conseil constitutionnel a jugé suffisantes (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 précitée). On peut, d'autre part, souligner que les opérations de visite des véhicules avec l'accord du conducteur ne sont pas sans analogie avec le mécanisme de l'enquête préliminaire non coercitive qui permet de pratiquer une perquisition domiciliaire ou des saisies d'objets avec le consentement préalable de la personne concernée (art. 76 du code de procédure pénale).
III/ Sur les articles 21 à 25
A/ Les articles 21 à 25 de la loi pour la sécurité intérieure édictent plusieurs dispositions relatives à des traitements automatisés d'informations.
L'article 21 a pour objet de déterminer les règles générales qui président à la mise en oeuvre des fichiers d'élucidation de police judiciaire. Le I de cet article dispose que les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en oeuvre des applications automatisées d'informations nominatives recueillies dans le cadre des procédures judiciaires concernant tout crime ou délit, ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant notamment un trouble à la sécurité, afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Le II détermine les catégories de personnes sur lesquelles les traitements en cause peuvent contenir des informations. Le III institue des mesures de contrôle du traitement de ces informations par le procureur de la République, ainsi que les modalités de mise à jour, voire d'effacement de ces données, selon l'évolution des situations. Enfin, l'article 21 précise les catégories de personnes qui ont accès aux traitements et renvoie à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la CNIL, la fixation des modalités d'application de la loi.
L'article 22, modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, détermine les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'accès aux informations figurant dans les traitements intéressant la sécurité de l'Etat, la défense ou la sécurité publique.
L'article 23 détermine les informations inscrites dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires.
L'article 24 prévoit que les données contenues dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les services de police et de gendarmerie nationales peuvent être transmises, dans le cadre des engagements internationaux de la France, à des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou à des services de police étrangers qui présentent des garanties de protection des données personnelles équivalentes à celle du droit français.
L'article 25 prévoit que certaines décisions administratives peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou missions faisant l'objet de ces décisions administratives. Il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer la liste des enquêtes qui donnent lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 21. L'article 25 prévoit aussi la possibilité de consulter ces fichiers pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers, ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux. Il dispose que la consultation pourra être effectuée par des agents de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que par des personnels de l'Etat investis de missions de police administrative, spécialement désignés. Il précise, enfin, que la consultation des fichiers de police judiciaire pourra être effectuée au titre des mesures de protection ou de défense prises dans les secteurs de sécurité des installations prioritaires de défense visés à l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.
Les auteurs des saisines soutiennent que ces dispositions, faute de prévoir toutes les garanties requises, portent atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée garanties par les articles 1er, 2, 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils soutiennent, en outre, qu'elles méconnaissent le principe fondamental reconnu par les lois de la République de protection pénale spéciale des mineurs, de même que le principe de la présomption d'innocence, le principe d'égalité et le principe du droit au recours.
B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter ces critiques.
1) En ce qui concerne les traitements automatisés d'informations nominatives recueillies dans le cadre de procédures judiciaires, on peut souligner, d'abord, que l'édiction de règles législatives répond au voeu de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), exprimé dans son rapport d'activité pour l'année 2000 à propos du fichier national de police judiciaire (STIC). La CNIL y déplorait, en effet, que seule la loi du 6 janvier 1978 régisse ce fichier et appelait une intervention législative de portée générale sur le fonctionnement et le contrôle des fichiers de police judiciaire. L'article 21 détermine ainsi les règles applicables aux fichiers d'élucidation de police judiciaire qui sont à ce jour au nombre de deux : le fichier STIC (système de traitement des infractions constatées, géré par la Police nationale) et le fichier JUDEX (système d'information judiciaire Judex, géré par la Gendarmerie).
Le Gouvernement entend souligner que les dispositions législatives adoptées par le Parlement sont suffisamment précises et comportent les garanties requises par les règles et principes de valeur constitutionnelle. La loi détermine elle-même la nature des informations visées ainsi que les règles selon lesquelles elles sont modifiées ou effacées, place les traitements sous le contrôle du procureur de la République qui peut, notamment, demander que les informations soient effacées, complétées ou rectifiées, énumère limitativement les catégories de personnes susceptibles d'être inscrits ou d'avoir accès à ces informations.
Il faut relever, en outre, que la loi déférée n'a pas entendu déroger aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : conformément aux règles de combinaison des textes juridiques, dans le silence de la loi déférée, les dispositions de la loi générale du 6 janvier 1978 s'appliquent de plein droit aux traitements considérés. Il n'était, dans ces conditions, pas nécessaire que la loi déférée fasse expressément référence à la loi du 6 janvier 1978 pour en garantir l'application. On peut d'ailleurs remarquer que la loi prévoit que le décret en Conseil d'Etat visé au V de l'article 21 devra être soumis pour avis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
2) Contrairement à ce qui est soutenu, le législateur a déterminé avec suffisamment de précision la finalité des fichiers, les règles de consultation, la durée de conservation des données et la procédure d'effacement de ces données.
L'article 21 indique très précisément la finalité des fichiers considérés : faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Il mentionne aussi leur finalité statistique.
Il détermine également, avec l'article 25, les règles de consultation de ces fichiers, d'une part et principalement par les autorités agissant dans le cadre de procédures judiciaires, d'autre part par les autorités administratives dans le cadre de missions de police administrative. Il convient d'observer qu'il s'agit toujours de personnels spécialement habilités. L'habilitation précisera la nature des données auxquelles ces personnes auront accès et la consultation de ces fichiers fait l'objet de procédures de traçabilité.
La durée de conservation des données sera prévue par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL, comme c'est le cas actuellement : il s'agit en effet de dispositions techniques qui varient selon les crimes, délits et contraventions concernées, selon l'âge des auteurs et selon la qualité des personnes inscrites dans le fichier, les victimes ne pouvant naturellement pas être régies par les mêmes dispositions que les auteurs d'infractions ; sur ce point, le législateur a expressément prévu que les données ne pouvaient être conservées sans limitation de temps ; il pouvait, pour le surplus, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer avec précision les modalités applicables.
Les règles d'effacement des données sont, de même, très précisément déterminées. S'agissant des décisions juridictionnelles se prononçant sur la culpabilité des personnes, il est prévu un principe d'effacement en cas de décisions de relaxe et d'acquittement, sauf si le procureur de la République ordonne la conservation des données pour des raisons liées à la finalité du fichier. Cette exception vise les cas de relaxe ou d'acquittement en raison de l'état de démence de l'auteur des faits. S'agissant des décisions de non-lieu et de classement sans suite pour insuffisance de charges, il est prévu que le principe est la conservation des données avec mention de la décision au fichier, sauf dans le cas où le procureur de la République prescrit l'effacement. Les décisions de non-lieu sont en effet sans incidence sur l'exactitude des faits constatés qui ne sont pas poursuivis pour des raisons liées à l'état de démence de l'auteur des faits ou à la prescription. Quant aux décisions de classement sans suite pour insuffisance de charges, il ne s'agit pas de décisions de juridictions de jugement se prononçant sur la culpabilité de l'auteur des faits enregistré au fichier. Les autres - et très nombreuses - décisions de classement sans suite ne sauraient conduire à l'effacement des données enregistrées dans les fichiers d'élucidation dès lors qu'il s'agit de classements sans suite en opportunité ou de classements sans suite consécutifs à la prise de mesures alternatives aux poursuites pénales. Le texte prévoit également les règles d'effacement des données relatives aux victimes, lesquelles ne sont à l'évidence pas dans la même situation que les auteurs d'infraction.
Il est à noter, s'agissant des règles d'effacement et de mise à jour de ces données, que ces règles sont celles qui sont déjà prévues dans le décret relatif au STIC pris après avis conforme de la CNIL et du Conseil d'Etat. La CNIL n'a d'ailleurs fait aucune observation critique sur ce point lorsqu'elle a pris position sur les dispositions de la loi déférée. On peut aussi relever que les règles retenues par le législateur pour régir l'effacement, la mise à jour ou la conservation des données sont cohérentes et justifiées au regard de la finalité du fichier : doivent être conservées dans le fichier toutes les données relatives à des faits commis ; en cas de doutes sur ceux-ci (hypothèse du classement sans suite pour insuffisance de charges), il y a lieu de le préciser dans le fichier (principe de la mise à jour ou de la « mention ») ; en cas de décisions des juridictions de jugement dotées de l'autorité de chose jugée décidant la relaxe ou l'acquittement de l'intéressé, le principe de l'effacement doit naturellement prévaloir.
3) S'agissant de l'intervention du procureur de la République, de l'atteinte alléguée à la présomption d'innocence et à la spécialité du droit pénal des mineurs, il y a lieu de rappeler que les fichiers d'élucidation ne sont pas des fichiers d'antécédents judiciaires mais des fichiers visant à faciliter les enquêtes judiciaires. C'est la raison pour laquelle le traitement des informations nominatives est opéré sous le contrôle du Procureur de la République chargé, aux termes de l'article 41 du code de procédure pénale, de procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale et qui, à cette fin, en application de l'article 12 du même code, dirige la police judiciaire.
Dans le cadre de ce contrôle, le procureur de la République procède aux rectifications et requalifications nécessaires. Eu égard à la finalité d'enquête judiciaire du fichier, il doit pouvoir apprécier les conséquences des décisions de relaxe, acquittement, non-lieu ou classement sans suite sur l'effacement ou non des faits inscrits dans un fichier. Il peut être saisi par l'intermédiaire de la CNIL d'une difficulté pour toute personne figurant dans un fichier de sécurité publique dans le cadre du droit d'accès indirect organisé par l'article 22 de la loi déférée : ce droit d'accès permet d'ailleurs à tout personne de saisir la CNIL afin qu'elle mène les investigations utiles et procède aux modifications nécessaires.
S'agissant des mineurs, on doit rappeler que les fichiers d'élucidation sont susceptible de faciliter les enquêtes judiciaires portant sur des faits dont les victimes sont des mineurs. Il est donc nécessaire de permettre l'enregistrement de données concernant des mineurs victimes. Et, pour ce qui concerne les mineurs mis en cause comme auteurs de faits, il ne faut pas perdre de vue que les fichiers en cause sont des fichiers d'élucidation et non des fichiers d'antécédents judiciaires : alors même qu'un mineur ne pourrait pas être pénalement poursuivi pour des actes qu'il aurait commis très jeune, il est utile pour les services de police et de gendarmerie de conserver la trace des faits constatés et le nom de leur auteur pour élucider éventuellement d'autres infractions commises au même moment ou ultérieurement. On peut, dès lors, admettre d'enregistrer les informations relatives aux mis en cause sans considération d'âge, eu égard à la finalité des traitements en cause. Le fichier STIC et le fichier JUDEX ne conservent d'ailleurs aucune information sur la nature des peines infligées aux auteurs qui y sont inscrits ; la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs n'est dès lors pas méconnu par ces fichiers qui constituent des outils d'aide à l'investigation policière.
4) S'agissant des enquêtes administratives qui font l'objet des dispositions de l'article 25, le Gouvernement entend relever que le principe de telles enquêtes confiées aux services de police et de gendarmerie nationales est admis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 87-240 DC du 19 janvier 1988 ; décision n° 89-267 DC du 22 janvier 1990 ; décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997) et par la jurisprudence du juge administratif. L'objet de ces enquêtes administratives est de vérifier que le comportement des personnes intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions qu'on entend leur confier ou avec l'obtention de certaines autorisations ou distinctions qui peuvent être refusées pour des motifs tenant à l'ordre public. Dans ces conditions, la consultation des données relatives à des procédures judiciaires en cours peut constituer à l'évidence un élément d'information utile.
On peut relever que la loi a prévu que les personnes intéressées seront informées de ce que ces données auront été consultées. Il appartiendra au décret en Conseil d'Etat mentionné au deuxième alinéa de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, résultant de l'article 25 de la loi déférée, de déterminer les conditions dans lesquelles les personnes concernées seront informées de cette consultation.
Il faut souligner, au surplus, que la consultation ne constitue qu'un élément livré à l'autorité administrative. Il va de soi que l'appréciation de cette autorité n'est pas liée par les éléments révélés par l'enquête administrative. Elle doit être portée, sous le contrôle du juge, au vu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, compte tenu de la nature des faits susceptibles d'être pris en considération. La décision administrative qui en résulte pourra faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, et le cas échéant d'une procédure de référé.
On peut enfin noter que le législateur a déterminé avec précision, et de façon restrictive, les motifs de consultation des fichiers : ils sont strictement circonscrits par la loi aux domaines tenant à la préservation de l'ordre public, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. Le législateur a, de même, circonscrit la liste des personnes susceptibles de consulter les fichiers de police judiciaire, en la limitant aux agents de la police et de la gendarmerie nationales spécialement habilités à cet effet et aux personnels investis de missions de police administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. De telles précisions permettent de considérer que la disposition en cause ne porte pas atteinte à des garanties constitutionnelles (décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998).
IV/ Sur l'article 28
A/ L'article 28 de la loi déférée introduit un article 706-47-1 au code de procédure pénale qui habilite les officiers de police judiciaire agissant au cours d'une enquête ou sur commission rogatoire à faire procéder à un examen médical et à une prise de sang sur toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants qu'elle a commis un viol ou certaines atteintes sexuelles, afin de déterminer si elle est atteinte d'une maladie sexuellement transmissible. Cette opération peut être effectuée sans le consentement de l'intéressé sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d'instruction, à la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie.
Selon les saisissants, cette disposition serait disproportionnée, porterait atteinte à la présomption d'innocence, à la liberté individuelle ainsi qu'au respect des droits de la défense. Ils relèvent, en particulier, que la liste des infractions permettant la mise en oeuvre de ces examens serait trop large, que le pouvoir accordé à la victime ne serait pas justifié et qu'il serait susceptible d'affecter le déroulement de la procédure pénale ultérieure.
B/ Le Conseil constitutionnel ne saurait faire droit à cette argumentation.
Il faut souligner, en premier lieu, qu'en vertu du premier alinéa de l'article 706-47-1 résultant de l'article 28 de la loi déférée, il ne pourra être procédé à un examen médical ou à une prise de sang que sur une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis l'infraction. En exigeant « des indices graves ou concordants », le texte fixe un niveau d'indices similaire à celui exigé pour la mise en examen de la personne, pouvant par surcroît entraîner son placement en détention provisoire (art. 80-1 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000). Lorsqu'il existe à l'encontre d'une personne « une ou plusieurs raisons plausibles » qu'elle a commis l'infraction, cette personne peut être placée en garde à vue mais non être mise en examen. Dès lors, le simple fait qu'une enquête soit diligentée, voire même que la personne ait été interpellée et placée en garde à vue, ne permet pas, en l'absence d'indices graves ou concordants, de procéder à un examen médical ou à une prise de sang.
On doit observer, en deuxième lieu, que les infractions énumérées par l'article critiqué visent toutes des hypothèses dans lesquelles des actes de pénétration peuvent avoir été commis, s'agissant des faits de viol ou d'atteinte sexuelle. Ainsi, les articles 222-23 à 222-26 du code pénal répriment des faits de viol et de viols aggravés. Les articles 227-25 à 227-27 sont relatifs aux faits d'atteintes sexuelles qui, contrairement à ce qui est soutenu, peuvent tous recouvrir des hypothèses où ont été commis des actes de pénétration sexuelle susceptibles d'entraîner une contamination.
Il convient de relever, en troisième lieu, que l'article critiqué n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer un examen médical ou une prise de sang dans toutes les hypothèses où les faits visés auront été commis. Le premier alinéa dispose, en effet, que l'officier de police judiciaire, agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire, peut faire procéder sur l'intéressé à un examen médical et à une prise de sang. Mais il ne s'agit que d'une faculté, l'officier de police judiciaire agissant sous le contrôle du procureur de la République au cours de l'enquête ou celui du juge d'instruction au cours de l'information judiciaire. Il ne sera procédé à ces examens que lorsqu'ils seront nécessaires, c'est à dire en cas de risque de contamination. De même, en vertu du troisième alinéa de l'article, en l'absence du consentement de l'intéressé, c'est le procureur de la République au cours de l'enquête ou le juge d'instruction au cours de l'information judiciaire qui autorisera ces examens, à la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie. Ainsi, en cas de refus de l'intéressé, l'officier de police judiciaire ne pourra seul décider d'un examen médical ou d'une prise de sang, cette décision devant être prise par le procureur de la République ou le juge d'instruction.
Enfin, on doit souligner que, contrairement à ce que soutiennent les recours, les examens en cause ne sont pas effectués de plein droit au vu de la demande de la victime. En application des termes mêmes du troisième alinéa de l'article 706-47-1, la décision de pratiquer ces examens appartient au procureur de la République au cours de l'enquête ou au juge d'instruction au cours de l'information judiciaire. Ce sont ces magistrats qui apprécieront, en cas de refus de l'intéressé et dans les circonstances de chaque affaire, l'utilité et la nécessité de pratiquer des examens.
V/ Sur l'article 30
A/ L'article 30 de la loi pour la sécurité intérieure, modifiant le code de procédure pénale, permet à l'officier de police judiciaire au cours de l'enquête de flagrance (nouvel article 55-1), au procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, à l'officier de police judiciaire au cours de l'enquête préliminaire (nouvel article 76-1) et l'officier de police judiciaire au cours de l'information judiciaire (nouvel article 154-1) de procéder ou de faire procéder, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, à des opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête.
A l'encontre de ces dispositions, les députés auteurs du second recours font valoir qu'elles seraient imprécises et entachées d'incompétence négative.
B/ Ces critiques devront être écartées.
En premier lieu, la notion de « prélèvement externe » utilisée par le législateur ne peut être regardée comme imprécise. Elle s'oppose, en effet, aux « investigations corporelles internes » visées à l'article 63-5 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000. Ces dispositions ont prévu l'intervention d'un médecin afin de garantir le respect de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine. Elles peuvent être mises en oeuvre, notamment, en matière de répression du trafic de stupéfiants. C'est dans ce cadre que des circulaires du garde des sceaux ont pu préciser que les dispositions de l'article 63-5 ne concernent que les investigations corporelles internes et non les simples prélèvements buccaux, qui peuvent être réalisés par un enquêteur avec l'accord de la personne (circulaire CRIM 11-13 du 4 décembre 2000, présentant les dispositions de la loi du 15 juin 2000 ; circulaire CRIM 00-8 F1 du 10 octobre 2000, présentant les dispositions relatives au fichier automatisé des empreintes génétiques et au service central de préservation des prélèvements biologiques).
Les prélèvements externes peuvent ainsi être définis comme des opérations de prélèvement indolores réalisées de manière non invasive - c'est-à-dire ne créant aucune lésion - et qui ne sont susceptible de mettre en cause ni l'intégrité physique ni la dignité de la personne humaine.
Les travaux parlementaires ont livré des illustrations de ce que peut recouvrir la notion de prélèvements externes. Il peut ainsi s'agir de prélèvements de salive, aux fins d'une expertise par empreintes génétiques, d'empreintes digitales, de photographies voire de prélèvements de spécimens d'écriture. Il est vrai que la prise d'empreintes digitales ou de photographies était déjà prévue à l'article 78-3 du code de procédure pénale, qui sanctionnait d'ailleurs pénalement le fait de refuser de s'y soumettre, mais la notion de prélèvement externe est plus large et permet de donner une base légale générale, au-delà des prélèvements de salive, au recueil d'indices et de matières (prélèvements de poussières, de pollens, de poudre) auquel procèdent depuis longtemps les enquêteurs.
En second lieu, s'agissant des personnes susceptibles d'être concernées par ces prélèvements, il faut relever que l'article critiqué vise d'une part la personne susceptible de fournir des renseignements - c'est-à-dire le témoin - et, d'autre part, la personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction. Les formules utilisées à cet égard par le législateur correspondent à des notions établies en droit de la procédure pénale (voir notamment l'article 62 du code de procédure pénale). Le champ fixé par le législateur est exactement adapté aux nécessités liées au déroulement des enquêtes.

VI/ Sur l'article 50
A/ L'article 50 a pour principaux objets, d'une part, ajoutant un article 225-10-1 au code pénal, de punir de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, d'autre part, complétant l'article 225-12-1 du code pénal, de réprimer le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'une personne qui se livre à la prostitution lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité.
Les sénateurs et les députés requérants soutiennent que ces dispositions seraient contraires aux principes de légalité et de nécessité des peines énoncés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'au principe de dignité de la personne humaine. Ils relèvent, en particulier, que la disposition révèlerait un détournement de procédure, que les éléments constitutifs des infractions ne seraient pas définis de façon suffisamment claire et précise, que la disposition en cause aurait pour conséquence de soumettre des personnes se livrant à la prostitution à des traitements inhumains et dégradants, que le fichage de ces personnes porterait atteinte à la liberté individuelle. Ils font valoir, en outre, que les peines déterminées par le législateur seraient disproportionnées.
B/ Le Gouvernement considère, pour sa part, que ces critiques ne sont pas fondées.
1) Il entend souligner, s'agissant en premier lieu du délit de racolage, que le législateur a déterminé les éléments constitutifs de l'infraction en des termes clairs et précis qui satisfont aux exigences issues de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme relatives à la légalité des délits et des peines (décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 ; décision n° 84-176 DC du 25 juillet 1984 ; décision n° 84-183 DC du 18 janvier 1985).
On peut relever, en premier lieu, que la notion de racolage figure déjà au code pénal, dont l'article R 625-8 punit comme contravention de 5ème classe le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles.
Il faut souligner, en second lieu, que l'article critiqué a précisément déterminé les éléments constitutifs du nouveau délit de racolage public. Ainsi, pour que l'infraction puisse être regardée comme constituée, il faudra qu'il soit prouvé que la personne concernée, même en adoptant une attitude passive, a incité publiquement autrui à des relations sexuelles moyennant une rémunération ou une promesse de rémunération. Le législateur a circonscrit l'application du délit de racolage à ces seules situations. Ce faisant, il a entendu réprimer des comportements précis, traduisant des faits de prostitution qui sont de nature à troubler l'ordre public sans prohiber la prostitution en tant que telle dès lors qu'elle s'exerce sans nuisance pour la société.
A cet égard, la notion « d'attitude même passive » ne peut être qualifiée de floue ou d'imprécise, dès lors qu'elle ne peut être dissociée des autres éléments constitutifs de l'infraction. Même s'il ne sera plus nécessaire de prouver que la personne poursuivie aura adressé la parole à une autre personne pour lui proposer des relations sexuelles, il appartiendra, en tout état de cause, au ministère public de prouver l'existence d'une incitation d'autrui à des relations sexuelles tarifées.
Dans ces conditions, on ne peut se référer, comme le font les recours, à la jurisprudence ancienne des juridictions pénales qui ont refusé, s'agissant de la répression d'« attitudes de nature à provoquer la débauche », de prononcer des condamnations sur le fondement de la contravention de la 5ème classe réprimant le racolage ; les juridictions pénales s'étaient, en effet, bornées à prendre acte de l'abrogation de la contravention de 3ème classe qui réprimait le racolage dit passif et avaient logiquement refusé d'appliquer à d'autres hypothèses les dispositions de la contravention de 5ème classe réprimant uniquement le racolage dit actif. Cette jurisprudence apparaît insusceptible d'être transposée au délit créé par l'article critiqué, d'autant que le législateur a expressément introduit un élément constitutif supplémentaire tenant en la contrepartie financière de la relation sexuelle, que l'on ne peut détacher de « l'attitude même passive » constituant l'une des expressions possibles du racolage.
Il faut, enfin, relever que la disposition en cause n'a ni pour objet ni pour effet de conduire au fichage des personnes qui se livrent à la prostitution. Outre qu'elle est inopérante dès lors qu'elle se fonde sur l'invocation d'une convention internationale qui n'est pas au nombre des normes que prend en considération le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, la critique formulée sur ce point par les recours manque donc en fait.
2) Au regard du principe de la nécessité des peines, résultant également de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel juge constamment qu'il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement et que, en l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, il ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du législateur (décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 ; décision n° 84-176 DC du 25 juillet 1984 ; décision n° 86-215 DC du 3 septembre 1986 ; décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 ; décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999).
On peut aussi relever que la disposition en cause est inspirée par des considérations liées à la sauvegarde de l'ordre public, qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, lutter, par l'institution de dispositions pénales adaptées, contre les phénomènes de prostitution actuellement observés sur le territoire français - qui montrent que de nombreux prostitués de nationalité étrangère sont victimes de réseaux criminels de traite des êtres humains -, ne peut que contribuer au respect de la dignité de la personne humaine, qui présente le caractère d'un principe constitutionnel (décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994). De fait, la loi déférée comporte plusieurs dispositions visant à assurer la protection et la réinsertion sociale des personnes se livrant à la prostitution (voir les articles 42, 43 et 76 de la loi pour la sécurité intérieure).
Le législateur a estimé que la répression organisée par l'article R 625-8 s'avérait aujourd'hui insuffisante, compte tenu de l'accroissement significatif des phénomènes de prostitution, notamment d'origine étrangère, constatés sur le territoire national. Il faut relever que de plus en plus souvent, du fait de leur nombre comme des conditions dans lesquelles ils sont conduits à se livrer à leur activité sur le territoire français, ces prostitués ont un comportement plus agressif et plus outrancier et sont présents dans des lieux particulièrement inadéquats. Ces troubles répétés à l'ordre et à la tranquillité publics ont certes conduit plusieurs maires à prendre des arrêtés municipaux anti-prostitution, sanctionnés seulement de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la première classe en vertu de l'article R 610-5 du code pénal. Mais cette réponse apparaît insuffisante et inadaptée, en ce qu'elle a pour seul effet de déplacer le lieu des troubles. C'est pourquoi le législateur a décidé le renforcement de l'incrimination pénale, afin de lutter sur l'ensemble du territoire national contre des phénomènes nouveaux qui étaient inconnus lorsqu'il avait précédemment, en 1992, supprimé l'incrimination de racolage passif.
3) En ce qui concerne l'incrimination du client d'une personne prostituée vulnérable, on peut faire observer que l'article 225-12-1 du code pénal réprime d'ores et déjà le client d'un mineur qui se livre à la prostitution. Le législateur a, en outre, estimé opportun de punir les personnes qui profiteraient de l'état de faiblesse de prostitués qui présentent une particulière vulnérabilité, apparente ou connue, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, ou à un état de grossesse.
La notion de vulnérabilité ne constitue nullement une innovation de la loi déférée, mais présente classiquement le caractère d'une circonstance aggravante pour de nombreuses incriminations pénales, par exemple pour le meurtre (art. 221-4 du code pénal), les tortures ou actes de barbarie (art. 222-3 et 222-4 du code pénal), les violences (art. 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-14 du code pénal), le viol (art. 222-24 du code pénal), les agressions sexuelles (art. 222-29 du code pénal), le vol (311-4 du code pénal), l'extorsion de fonds (312-2 du code pénal), ou l'escroquerie (313-2 du code pénal).
VII/ Sur l'article 51
A/ L'article 51 de la loi pour la sécurité intérieure vise, en complétant l'article 225-10 du code pénal, à réprimer le fait de vendre, de louer ou de tenir à la disposition d'une ou plusieurs personnes des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.
Les auteurs des saisines critiquent cette disposition en soutenant qu'elle méconnaîtrait la liberté individuelle, le principe de dignité de la personne humaine et le principe de nécessité des peines et porterait, en outre, atteinte à la liberté d'entreprendre.
B/ Cette argumentation ne peut qu'être écartée.
Il importe de souligner que la disposition critiquée n'a, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet d'interdire aux personnes se livrant à la prostitution d'acquérir ou de détenir un véhicule. Elle vise à incriminer les personnes qui mettent des véhicules à la disposition des prostitués en connaissance de cause, sachant que les prostitués se serviront de ces véhicules pour se livrer à la prostitution. Des dispositions de cet ordre, figurant à l'article 225-10 du code pénal précisément complété par l'article critiqué, répriment déjà des formes particulières de proxénétisme comme le proxénétisme hôtelier.
Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le législateur a estimé devoir réprimer spécifiquement ces comportements en raison de l'évolution constatée des phénomènes de prostitution. Il faut savoir que la mise à disposition de véhicules constitue aujourd'hui, dans certaines parties du territoire national, une forme de proxénétisme particulièrement développée et en constante augmentation. Il est apparu indispensable au législateur, afin qu'une lutte efficace puisse être menée contre ces pratiques, d'assimiler cette forme de délinquance à celles qualifiées de proxénétisme hôtelier. Des peines de dix ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende assureront ainsi, comme en matière de proxénétisme hôtelier, une dissuasion et une répression que n'autorisaient pas les dispositions générales réprimant le proxénétisme simple prévoyant cinq ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende (art. 225-5 du code pénal).
En décidant de réprimer de façon spécifique ces comportements, le législateur ne saurait être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation. Pour le surplus, eu égard à l'objet de la disposition critiquée, on peine à voir en quoi elle porterait atteinte à la liberté individuelle, au respect de la dignité de la personne humaine ou à la liberté d'entreprendre.
VIII/ Sur l'article 53
A/ L'article 53 de la loi pour la sécurité intérieure, insérant au code pénal des articles 322-4-1 et 322-15-1, a pour objet de réprimer le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations qui lui incombent en vertu de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, soit à tout autre propriétaire, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain.
Selon les auteurs des recours, ces dispositions méconnaîtrait le principe de nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le droit au logement, le droit de propriété et la liberté d'aller et venir, ainsi que le principe de la responsabilité pénale personnelle.
B/ Une telle argumentation n'est pas fondée.
1) La disposition incriminée vise à protéger le droit de propriété, constitutionnellement garanti, qui est aujourd'hui souvent mis en cause par des installations illégales sur des terrains appartenant soit à des collectivités publiques, soit à des propriétaire privés. La loi distingue les terrains appartenant aux communes qui n'ont pas respecté les obligations que leur impose le schéma départemental prévu par l'article 2 de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000, des terrains des autres propriétaires. Cette distinction obéit à des motifs légitimes, proportionnés et pertinents au regard de l'objectif visé par la loi : il s'agit de ne pas réprimer l'occupation de terrains communaux lorsque les communes n'ont pas satisfait à leurs obligations d'accueil des gens du voyage, ce qui témoigne de l'équilibre de la disposition et devrait permettre d'accélérer la mise en oeuvre des schémas départementaux afin de garantir le droit au logement des gens du voyage par la réalisation d'aires communales d'accueil.
On doit indiquer que les autorités de l'Etat et celles des collectivités territoriales sont fréquemment saisies de difficultés liées à des installations illégales sur des terrains privés, qui peuvent concerner un grand nombre de véhicules et de caravanes et qui s'accompagnent souvent d'effractions, d'atteintes aux biens, voire aux personnes propriétaires. L'institution par la loi déférée d'un délit spécifique permettra de sanctionner efficacement ces comportements et présentera un caractère dissuasif, dont sont actuellement dépourvues les procédures que les propriétaires sont susceptibles d'engager devant les juridictions civiles ou administratives.
Les peines instituées par l'article 53 de la loi ne peuvent être regardées comme manifestement disproportionnées. La peine principale de six mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende est proportionnée à l'infraction qu'elle entend sanctionner qui est une violation du droit de propriété. On peut rappeler, à cet égard, que l'article 322-1 du code pénal punit la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger. L'article L 428-1 du code de l'environnement sanctionne le fait de chasser sur le terrain d'autrui sans son consentement de trois mois d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende ; si le délit est commis pendant la nuit, la peine encourue est portée à deux ans d'emprisonnement.
Les peines complémentaires prévues par l'article déféré, notamment celle de suspension du permis de conduire, ont un lien direct avec la commission de l'infraction lorsque cette dernière est réalisée au moyen d'un véhicule. Le prononcé de ces peines complémentaires n'est nullement automatique ou obligatoire : il appartiendra au juge pénal, conformément aux dispositions générales du code pénal relatives aux peines complémentaires, de déterminer dans chaque espèce s'il y a lieu de prononcer un des peines complémentaires prévues.
Il faut aussi relever que le législateur a borné à trois ans la durée maximale de suspension du permis. Et, s'agissant de la peine complémentaire de confiscation des véhicules, il faut souligner que le législateur a exclu de son champ d'application les véhicules destinés à l'habitation, en considération du principe de l'inviolabilité du domicile constitutionnellement protégé. On connaît d'autres exemples de peines complémentaires qui apparaissent particulièrement adaptées à la répression des comportements que l'on entend réprimer : ainsi, pour s'en tenir à l'exemple précédemment cité du code de l'environnement qui sanctionne le fait de chasser sur le terrain d'autrui, l'article L. 428-9 de ce code prévoit, à titre de peines accessoires et complémentaires, la confiscation des armes, des filets, engins et autres instruments de chasse, ainsi que des avions, automobiles ou autres véhicules utilisés par les délinquants.
On ne saurait, dès lors, soutenir que les peines prévues à l'article 53 de la loi déférée sont entachées de disproportion manifeste.
2) S'il est vrai que les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen impliquent que nul n'est punissable que de son propre fait (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999), ce principe, d'ailleurs rappelé par l'article 121-1 du code pénal, n'est pas méconnu par la disposition critiquée.
Le principe n'interdit, en effet, pas de prendre en compte la circonstance qu'un délit a été commis en réunion comme élément constitutif ou comme circonstance aggravante de ce délit. Il faut observer, s'agissant d'un délit, que les dispositions de l'article 121-3 du code pénal, selon lequel « il n'y a point de délit sans intention de le commettre », s'appliqueront de plein droit à l'infraction prévue par l'article déféré. Il appartiendra donc à l'accusation, dans le respect des droits de la défense, d'établir l'intention de chaque personne poursuivie. Les personnes mises en cause pourront invoquer les dispositions de l'article 122-3 du code pénal qui précisent que « n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte » qu'elle a commis. En aucun cas, les dispositions introduites au code pénal par l'article 53 de la loi pour la sécurité intérieure ne conduiront à la condamnation de personnes qui n'auraient pas concouru de façon intentionnelle à la commission de l'infraction.
IX/ Sur les articles 64 et 65
A/ L'article 64 de la loi déférée, qui insère au code pénal des articles 225-12-5 à 225-12-7, a pour objet de définir et de réprimer l'exploitation de la mendicité. L'article 65, pour sa part, réprime le fait de solliciter sur la voie publique la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux.
Les sénateurs et députés saisissants soutiennent que ces dispositions seraient contraires aux principes énoncés aux articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils relèvent, en particulier, que les faits punis par l'article 65 tombent déjà sous le coup des articles 312-1 et R 623-3 du code pénal et soulignent que l'adoption des dispositions en cause serait constitutive d'un détournement de procédure.
B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
Les articles 64 et 65 de la loi pour la sécurité intérieure visent à réprimer des formes nouvelles et spécifiques de mendicité qui se sont fortement développées, ces dernières années, dans de nombreuses villes de France. Ces formes de mendicité traduisent l'exploitation de la misère par des filières criminelles.
1) La nouvelle incrimination créée par l'article 64 a pour objet de permettre de réprimer ceux qui, de manière habituelle, encadrent, assistent ou facilitent le transport des mendiants pour en tirer profit ; elle prévoit des circonstances aggravantes pour tenir compte de la jeunesse des personnes se livrant à la mendicité et de leur vulnérabilité, du caractère international du réseau criminel d'exploitation de la mendicité, ou du comportement violent des personnes poursuivies.
Au regard du principe de légalité des délits et des peines, on peut rappeler que la jurisprudence constitutionnelle énonce, s'agissant des crimes et délits, que la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés et, en conséquence, que la définition d'une incrimination en matière délictuelle doit inclure, outre l'élément matériel de l'infraction, l'élément moral, intentionnel ou non, de celle-ci (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999).
En l'espèce, l'article 64 de la loi déférée satisfait à ces exigences en cherchant à sanctionner l'enrichissement personnel résultant de l'exploitation de la mendicité. Cet enrichissement personnel indu constitue l'élément central de la nouvelle incrimination, ainsi qu'il résulte de la dénomination même du délit, intitulé « exploitation de la mendicité », des termes des 1 ° et 2 ° de l'article 225-12-5 ajouté au code pénal mentionnant le fait de « tirer profit » de la mendicité d'autrui, de ceux du 3 ° du même article (« d'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité ») ou du 4 ° (« d'embaucher, d'entraîner ou de détourner à des fins d'enrichissement personnel »). On peut souligner aussi que l'article critiqué s'inspire de dispositions qui existent déjà en matière de proxénétisme (art. 225-5 du code pénal).
Il est clair, dans ces conditions, que la personne susceptible d'être incriminée pour exploitation de la mendicité ne saurait être celle qui, vivant dans les mêmes conditions de précarité que le mendiant, se bornerait à partager des ressources mises en commun : l'élément intentionnel lié à la volonté d'opérer « un enrichissement personnel » ferait à l'évidence défaut pour entrer en voie de condamnation. Au surplus, s'agissant de la situation d'un couple en état de précarité ou celle de deux amis en détresse il faut souligner que l'infraction n'est constituée, comme l'a expressément indiqué le législateur, que si la personne ne peut justifier de l'origine de ses ressources. Si cette personne mendie elle-même ou si elle a d'autres ressources, même précaires, le délit ne sera pas constitué.
Au regard du principe de nécessité des peines, il faut relever que le législateur a déterminé, sans erreur manifeste d'appréciation, le quantum des peines prévues en fonction des circonstance objectives de commission du délit. Ainsi, le législateur a pris soin de fixer des peines progressives : l'infraction principale d'exploitation de la mendicité d'autrui est réprimée à hauteur de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende ; lorsque le délit s'accompagne des circonstances aggravantes telles que la minorité ou la particulière vulnérabilité de la personne exploitée, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende ; si les faits sont commis en bande organisée, le délit est assorti de sanctions de dix ans d'emprisonnement et de 1,5 Meuros d'amende.
Compte tenu de l'ampleur et de la gravité des phénomènes d'exploitation de la mendicité actuellement constatés dans de nombreuses zones urbaines, l'institution de ces peines n'apparaît pas manifestement disproportionnée.
2) L'incrimination instituée par l'article 65 vise, pour sa part, à combattre les demandes de fonds sous contrainte effectuées sur la voie publique, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d'un animal dangereux. Elle permettra de lutter contre des comportements en nette augmentation et de plus en plus difficilement tolérés par la société, alors que la demande de fonds sous contrainte n'était plus réprimée par la loi pénale générale depuis l'abandon en 1994 de l'incrimination de mendicité. La disposition nouvelle ne vise que des formes de mendicité ciblées qui se caractérisent par l'intimidation. A cette fin, l'incrimination repose sur des critères objectifs que sont la menace d'animaux dangereux ou la mendicité agressive en réunion.
Eu égard à la définition de ses éléments constitutifs, cette nouvelle incrimination ne recouvre pas à l'identique d'autres incriminations pénales, en particulier celle d'extorsion de fonds réprimé par l'article 312-1 du code pénal. En effet, le champ de ces infractions diffère sur deux points : d'une part, en ce que l'incrimination instituée par l'article 65 de la loi déférée est limitée aux faits se déroulant sur la voie publique et, d'autre part, en ce qu'elle permet de saisir des attitudes d'intimidation qui ne tomberaient pas nécessairement sous le coup du délit d'extorsion de fonds.
Au demeurant, il a été jugé que l'instauration de deux incriminations pénales réprimant un même fait n'est pas, par elle-même, contraire à la Constitution, même si l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique que dans un tel cas les sanctions subies ne puissent excéder le maximum légal le plus élevé. Il appartient alors aux autorités juridictionnelles de respecter le principe de proportionnalité des peines dans l'application de la loi pénale (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 ; décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002). Mais en l'espèce et en tout état de cause, comme il en va pour d'autres dispositions du code pénal (par exemple le second alinéa de l'article 322-1 qui réprime spécifiquement le fait de tracer des inscriptions, signes et dessins sur les façades, voies publiques, mobilier urbain ou véhicules), le juge pénal serait conduit à faire application des dispositions spéciales réprimant la demande de fonds sous contrainte sur la voie publique, à l'exclusion des dispositions générales réprimant l'extorsion de fonds.
On peut enfin relever que le grief tiré d'un prétendu « détournement de procédure » est dénué de fondement. S'il est vrai que la commission du délit de demande de fonds sous contrainte sur la voie publique permettra d'envisager le placement en garde à vue d'une personne soupçonnée, il faut relever qu'une telle faculté est ouverte pour tous les délits passibles d'une peine d'emprisonnement. Conformément aux règles générales de la procédure pénale, l'officier de police judiciaire sera tenu d'informer immédiatement l'autorité judiciaire et le contrôle de la mesure de garde à vue par le procureur de la République ou, le cas échéant, par le juge d'instruction, s'exercera pleinement comme pour toute autre infraction donnant lieu à ce type de mesure coercitive.
X/ Sur l'article 75
A/ L'article 75 de la loi déférée, modifiant l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, a pour objet d'étendre la liste des cas permettant le retrait de la carte de séjour temporaire. Le retrait sera possible lorsque l'étranger aura commis des faits, constitutifs d'un trouble à l'ordre public, tels que le proxénétisme, la traite des êtres humains, l'exploitation de la mendicité, le vol à la tire dans les transports collectifs, ou le racolage.
Selon les députés, auteurs du second recours, ces dispositions seraient imprécises et porteraient une atteinte excessive aux principes de la présomption d'innocence, des droits de la défense, de respect de la vie privée et familiale, ainsi qu'à la liberté individuelle.
B/ Cette argumentation n'est pas fondée.
Le retrait de la carte de séjour temporaire pour des motifs liés à l'ordre public, prévu par l'article critiqué, présente le caractère d'une mesure de police administrative. Il ne sera susceptible d'être prononcé par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'à la condition qu'il soit établi que les personnes concernées ont effectivement commis les faits susceptibles de justifier la mise en oeuvre de la mesure. Certes, la loi ne subordonne pas l'intervention d'une mesure de retrait à la condition que les personnes concernées, « passibles de poursuites pénales », aient fait l'objet d'une condamnation prononcée par les juridictions pénales, mais il sera nécessaire, à peine d'illégalité des décisions de retrait, sanctionnée par le juge administratif, que la matérialité des faits pénalement sanctionnables et leur imputabilité soient établies par l'autorité administrative.
De telles décisions de retrait sont au nombre des décisions individuelles défavorables qui constituent des mesures de police et qui abrogent des actes créateurs de droit. Elles doivent, par suite, être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 et ne peuvent légalement intervenir, en vertu de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qu'après une procédure contradictoire. On peut également observer qu'il appartiendra à l'autorité administrative, lorsqu'elle appréciera dans chaque espèce s'il y a lieu de prononcer le retrait de la carte de séjour temporaire, de concilier les impératifs liés à la préservation de l'ordre public avec les autres règles qui s'imposent à elle, en particulier le droit au respect de la vie privée et familiale protégé notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Dans ces conditions, il apparaît que les griefs tirés de la méconnaissance de la présomption d'innocence, de l'atteinte à la vie privée et familiale, de la violation des droits de la défense doivent être écartés comme manquant en fait. Il en va de même pour le grief tiré de l'imprécision de la disposition, dès lors qu'il ressort des termes mêmes utilisés par le législateur qu'il a précisément déterminé la liste des cas susceptibles de justifier le retrait de la carte de séjour temporaire. La même réponse devrait être apportée si l'on regardait la mesure non comme une simple mesure de police mais comme une sanction administrative (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997).
XI/ Sur l'article 76
A/ L'article 76 de la loi déférée permet de délivrer à l'étranger qui dépose plainte ou témoigne contre une personne accusée de proxénétisme ou d'infractions assimilées une autorisation provisoire de séjour, sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, ainsi qu'une carte de résident en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités de protection, d'accueil et d'hébergement de l'étranger auquel est délivrée une autorisation provisoire de séjour.
Les sénateurs, auteurs du premier recours, soutiennent que ces dispositions porteraient atteinte à la liberté individuelle, que la condition relative à la menace à l'ordre public serait excessivement restrictive et que ne serait pas justifié le fait de subordonner la délivrance d'une carte de résident à l'issue de la procédure pénale.
B/ Ces critiques paraissent devoir être écartées.
Les deux premiers alinéas de l'article critiqué se bornent à mettre l'accent sur la possibilité, déjà ouverte, de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'étranger qui porte plainte contre l'auteur de faits de proxénétisme ou de traite des êtres humains. Un tel titre était déjà susceptible d'être délivré par l'autorité administrative dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Mais, en explicitant ces pouvoirs, le législateur a entendu permettre aux personnes qui souhaiteraient faire valoir leur qualité de témoin ou de victime dans le cadre d'une procédure judiciaire, de se maintenir en situation régulière sur le territoire national. Le fait de stabiliser leur situation au regard des règles de séjour apparaît, en effet, comme de nature à leur permettre effectivement de porter plainte ou de témoigner, ce qui ne pourra que favoriser la conduite des enquêtes visant à démanteler les réseaux criminels.
La référence, dans l'article critiqué, à l'absence de menace pour l'ordre public résultant de la présence de l'intéressé sur le territoire national ne peut être jugée contraire à la Constitution. Elle ne fait que rappeler la condition générale de préservation de l'ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle et qui figure déjà dans plusieurs dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il s'agit d'une condition habituelle d'exclusion ou de remise en cause du droit au séjour de l'étranger, qui est appréciée par l'autorité administrative au regard de l'ensemble des circonstances liées à la situation de l'intéressé. Elle se justifie en l'espèce en ce qu'elle permet de s'assurer que les personnes intéressées ont rompu avec le milieu de la prostitution.
La circonstance que l'article 76 ne prévoit la délivrance de la carte de résident que pour les seules hypothèses de condamnation définitive de la personne mise en cause n'est pas davantage contraire à la Constitution. L'économie de la disposition vise à instaurer un équilibre entre la protection de l'auteur de la plainte ou du témoin, voulue par le législateur à titre humanitaire et pour les nécessités de la procédure judiciaire, et la protection de la personne mise en cause par la procédure pénale. Il s'agit tout à la fois d'éviter les témoignages abusifs et de permettre à l'auteur de la plainte, que son témoignage exposerait à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine, de demeurer en France. Il importe, à cet égard, de déterminer un critère objectif pour décider de la délivrance de la carte de résident, qui est un titre de longue durée offrant un statut très protecteur au regard du séjour. En tout état de cause, il demeure que la mention faite par le législateur de la condamnation de la personne mise en cause pour la délivrance de la carte de résident n'a pas pour effet de priver l'autorité administrative du pouvoir de délivrer à l'intéressé un titre de longue durée, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, notamment lorsque que sa qualité de victime aura été clairement établie à l'occasion de la procédure judiciaire.
XII/ Sur l'article 96
A/ L'article 96 de la loi déférée, reprenant des dispositions résultant de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, habilite des agents de sécurité privée agréés à procéder à l'inspection visuelle des bagages à main et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. Il autorise également des personnes spécialement habilitées et agréées par le représentant de l'Etat dans le département à procéder à des palpations de sécurité, avec le consentement exprès des personnes concernées, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique et constatées par arrêté préfectoral communiqué au procureur de la République. L'article 96 prévoit également que des agents de sécurité privée et les membres des services d'ordre visés à l'article 23 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité pourront procéder à des palpations de sécurité à l'occasion de manifestations sportives, récréatives ou culturelles organisées dans une enceinte et qui rassemblent plus de 1500 spectateurs.
Les sénateurs et députés requérants critiquent ces dispositions qu'ils estiment contraires aux articles 34 et 66 de la Constitution.
B/ Cette argumentation ne pourra être retenue.
Le grief d'incompétence négative ne peut qu'être écarté dès lors que le législateur a précisément déterminé la teneur des opérations qu'il entendait autoriser ainsi que les circonstances qui permettent d'y procéder. La référence à des « circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique » est particulièrement restrictive et exigeante, et correspond, pour l'essentiel, à la prise en considération de menaces terroristes faisant craindre des attentats dans des lieux publics. On doit observer, au surplus, que la loi exige que ces circonstances particulières soient constatées par un arrêté préfectoral qui doit déterminer la durée et les lieux des contrôles et qui est communiqué au procureur de la République.
La disposition critiquée ne méconnaît pas davantage les termes de l'article 66 de la Constitution qui fait de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. Les mesures autorisées par l'article 96, dans le but de préserver l'ordre public et dans un cadre de police administrative, ne conduisent nullement à s'assurer physiquement des personnes concernées. Elles ne visent qu'à permettre de procéder à des palpations de sécurité, qui sont distinctes de la fouille à corps dont le régime est pour sa part assimilable à la perquisition (Cass. crim. 22 janvier 1953, bull. crim. n°24 p.36) ; ces palpations de sécurité ne peuvent être effectuées qu'avec le consentement exprès des personnes en cause, avec la seule conséquence, en cas de refus, de ne pouvoir accéder aux lieux considérés.
XIII/ Sur l'article 113
A/ L'article 113 insère un article 433-5-1 au code pénal réprimant le fait d'outrager publiquement l'hymne national ou le drapeau tricolore au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques.
Selon les sénateurs et députés saisissants, cet article porterait une atteinte grave à la liberté d'expression, de conscience et d'opinion garantis par les articles 1er, 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ils soutiennent également qu'il méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines et celui de nécessité des peines énoncés par l'article 8 de cette Déclaration.
B/ Le Gouvernement ne souscrit pas à cette analyse.
Il ne fait pas de doutes que la liberté de communication et d'expression proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen présente le caractère d'une liberté fondamentale et essentielle. Il appartient toutefois au législateur de concilier cette liberté constitutionnellement garantie avec d'autres règles ou principes constitutionnels, de même qu'avec des objectifs de valeur constitutionnelle comme la sauvegarde de l'ordre public (décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 ; décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 ; décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000). S'agissant de la détermination des crimes et délits, au regard du principe de nécessité des peines, il faut aussi rappeler que le législateur dispose d'un pouvoir d'appréciation qui n'est susceptible d'être remis en cause par le Conseil constitutionnel qu'en cas de disproportion manifeste.
Au cas présent, le législateur a précisément procédé à cette conciliation entre la liberté de communication et la sauvegarde de l'ordre public. Il a considéré, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, que l'outrage public causé dans certaines circonstances au drapeau tricolore ou à l'hymne national, qui sont inscrits à l'article 2 de la Constitution, est de nature à porter atteinte à la cohésion nationale et à l'ordre public. En décidant de réprimer comme délit un tel outrage, il n'a pas porté d'atteinte excessive à la liberté d'expression et de communication.
On peut relever que le droit pénal français connaît déjà des incriminations qui soit entendent protéger des symboles nationaux, soit portent une atteinte justifiée à la liberté d'expression ou de communication. Ainsi, l'article 433-5 du code pénal punit l'outrage commis à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, afin de protéger, au-delà de la personne même, la représentation de l'Etat ou de l'autorité publique incarnée par cette personne. L'article 440 du code de justice militaire punit de cinq ans d'emprisonnement tout militaire ou individu embarqué qui commet un outrage au drapeau ou à l'armée ; si le coupable est un officier, il est en outre destitué de son grade. L'article 322-2 du code pénal réprime de façon spécifique les dégradations de bâtiments publics ou les biens destinés à l'utilité ou à la décoration publiques. Par ailleurs, les dispositions de l'article 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 répriment notamment des faits d'apologie ou de contestation de crimes contre l'humanité dans des conditions que la Cour de cassation n'a pas jugé contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Cass. crim. 23 février 1993, bull. crim. n°86 ; Cass. crim. 20 décembre 1994, bull. crim. n°424).
En ce qui concerne le principe de la légalité des délits et des peines, on doit relever que le législateur a déterminé de façon précise les éléments constitutifs de l'infraction qu'il entend réprimer. La notion d'outrage public figure déjà au code pénal et s'entend des paroles, gestes ou menaces, des écrits ou images de toute nature susceptibles de porter atteinte à la dignité ou au respect. Le législateur a expressément limité le champ de l'incrimination aux cas d'outrages publics commis au cours de manifestations organisées ou réglementées par les autorités publiques, ce qui exclut la répression en dehors de ces hypothèses. Le législateur n'a, enfin, pas entendu déroger au principe de la responsabilité pénale personnelle, rappelé à l'article 121-1 du code pénal : il appartiendra au ministère public d'apporter la preuve, pour chaque personne poursuivie, qu'elle a personnellement commis les faits constitutifs de l'infraction.
XIV/ Sur les articles 141 et 142
A/ Les articles 141 et 142, modifiant l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, adaptent certaines des dispositions de cette ordonnance applicables en Guyane et dans la commune de Saint Martin.
Les députés, auteurs du second recours, soutiennent que ces articles ont pour objet de pérenniser des dispositions temporaires et pour conséquence de priver d'effet, en Guyane et à Saint Martin, de droits et garanties constitutionnelles comme le principe des droits de la défense.
B/ Cette argumentation devra être écartée.
L'article 141 de la loi déférée, modifiant l'article 40 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a pour effet de limiter à la Guyane et à la commune de Saint Martin l'application de dispositions particulières relatives aux arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et aux voies de recours contre ces arrêtés. Ces dispositions dérogent, sans limitation de durée, à celles de l'article 22 bis de l'ordonnance organisant un régime de recours suspensif à bref délai devant le tribunal administratif. L'article 142, pour sa part, pérennise les dispositions de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui écartaient l'application en Guyane et dans la commune de Saint Martin des dispositions relatives à la commission du titre de séjour.
Ces dérogations limitées à l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans le département de la Guyane et sur le territoire de la commune de Saint Martin (Guadeloupe) sont justifiées par les particularités d'ordre géographique de ces territoires. La situation particulière du département de la Guyane en matière de circulation des personnes a été reconnue par le Conseil constitutionnel (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997). La circonstance que l'île de Saint Martin relève à la fois de la France et des Pays-Bas, sans contrôle aux frontières entre les deux zones, et que l'aéroport de l'île est placé sous souveraineté hollandaise, justifie pareillement l'application sur le territoire de la commune de Saint Martin de règles particulières.
Au demeurant, les règles applicables dans ces territoires ne rompent pas l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde des droits et libertés constitutionnellement garantis. En particulier, s'agissant des voies de recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière, il faut relever que si le régime de recours suspensif organisé par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne s'applique pas, les décisions administratives en cause sont susceptibles de faire l'objet de recours devant la juridiction administrative dans les conditions de droit commun, incluant la mise en oeuvre des procédures de référé. Quant à la consultation de la commission du titre de séjour, il a déjà été expressément jugé qu'il était loisible au législateur, sans méconnaître aucune règle constitutionnelle, de supprimer une consultation consultative de cet ordre (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997).
En définitive, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les parlementaires requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions de la loi pour la sécurité intérieure. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.