Décision n° 2002-459 DC du 22 août 2002 - Réplique par 60 députés
I. Le gouvernement prétend, en effet, que l'article 3 critiqué n'est pas dépourvu de tout lien avec l'objet ou les autres dispositions de la loi dans la mesure où il s'agit, dans les deux cas, de permettre l'accès à un emploi stable et à un revenu suffisant. Qu'il est donc question de lever « des freins qui s'opposent à un accès satisfaisant à l'emploi de catégories particulières de demandeurs d'emplois » (cf. page 3 des observations en réponse du gouvernement).
Une telle argumentation ne saurait sérieusement prospérer.
II. A titre liminaire, on observera que les écritures du gouvernement sont en contradictions avec les propres déclarations de monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité au cours de la séance du 17 juillet 2002, faisant l'aveu de l'absence de lien (cf. saisine, page 2,
6). Constat obligé qui a reçu le soutien de sénateurs de la majorité gouvernementale. Ainsi, monsieur J. Legendre prenait la parole en indiquant : « En somme, cet amendement est un cavalier artistique » (Sénat, séance du 17 juillet 2002, compte-rendu analytique).
C'est donc aux termes d'arguties que le gouvernement essaye de tisser un lien que l'on cherchera vainement.
III. En premier lieu, s'agissant de l'objet de la loi en cause, il s'avère selon les mots de monsieur le ministre de « favoriser l'embauche dans le secteur marchand des jeunes de 16 à 22 ans sans qualification ou de niveau V » et qui plus est « l'emploi des jeunes sur des emplois de droit commun » (cf. Rapport n° 149, M. B. Perrut, Audition du ministre, page 23,
4 et 5).
On le voit, l'objet de la loi est très ciblé et porte sur des questions juridiquement distinctes de celle du taux de la contribution spécifique de l'indemnisation chômage des intermittents du spectacle. A cet égard, on rappellera que l'article critiqué tend à une modification de l'article L. 351-14 du code du travail pour valider un accord interprofessionnel aux fins de permettre l'augmentation de ce taux, le faisant passer ainsi de 5,8 % à 11,6 %.
La tentative de classification opérée par le gouvernement autour du critère de l'emploi de catégories particulières de demandeurs d'emplois constitue donc un pur artifice.
On ajoutera, à ce titre, que la loi vise des emplois de droit commun sur la base de contrat à durée indéterminée (voir article 1er de la loi modifiant l'article L. 322-4-6 du code du travail), ce qui est profondément étranger au statut des intermittents du spectacle.
IV. D'autant, en second lieu, que la loi organise pour favoriser l'emploi des jeunes, un mécanisme de remboursement aux entreprises, après coup, des cotisations et contributions sociales préalablement payées par elles aux organismes sociaux.
A l'inverse, l'article 3 conduit à l'augmentation des cotisations sociales salariales et patronales pour la catégorie spécifique des intermittents du spectacle. Constat de l'augmentation des charges relevé lors des travaux parlementaires (cf. Rapport n° 149, précité, page 28,
2).
Modification des conditions économiques de l'organisation d'activités culturelles qui a, d'ailleurs, inquiété plusieurs parlementaires quant à l'impact financier lourd pour les entreprises de spectacle. Ce risque paraît peu compatible avec la levée d'un frein à l'embauche.
Là encore, la différence de nature entre l'objet de la loi et celui de l'article 3 introduit par voie d'amendement est particulièrement nette.
V. Enfin, la circonstance que les articles 1er et 3 s'insèrent dans le même code est indifférente (Décision n° 2000-429 DC 30 mai 2000, considérant 25 et 26).
Il en va de la qualité de la loi, en même temps que du respect des règles constitutionnelles applicables en matière de droit d'amendement, d'empêcher qu'un texte législatif dont l'objet est particulièrement précis fasse l'objet d'adjonctions opportunistes, au risque, sinon, de transformer toute loi en texte portant diverses mesures de tous ordres.
Surtout, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque l'amendement a pour but de valider un accord dont la légalité est en elle-même douteuse.
S'agissant de la matière sociale, les conséquences de l'admission de telles pratiques pour l'équilibre des droits sociaux pourraient, en outre, s'avérer dangereuses.
Pour toutes ces raisons, les saisissants persistent de plus fort dans leurs conclusions.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, l'expression de notre haute considération.