Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000 - Observations du gouvernement
I - Sur la procédure d'adoption de la loi
A) La procédure parlementaire qui a abouti à la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a eu pour origine un projet de loi dont la rédaction a été complétée par une saisine rectificative. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi adopté au Conseil des ministres du 10 novembre 1998 se bornait à modifier les dispositions du titre III de la loi du 30 septembre 1986, relatif au secteur public de la communication audiovisuelle, et à transposer des dispositions de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 révisée par la directive 97/36/CE du 30 juin 1997. Ce projet de loi a ensuite été complété par une lettre rectificative, adoptée au Conseil des ministres du 19 avril 1999.
Au cours de la discussion parlementaire, des amendements ont été déposés, d'abord à l'initiative de la commission des affaires culturelles du Sénat, puis par le Gouvernement, afin de définir un cadre juridique pour la diffusion d'émissions audiovisuelles en mode numérique par voie hertzienne terrestre.
Pour contester la procédure d'élaboration de la loi, les auteurs de la saisine soutiennent que le projet de lettre rectificative n'a pas été soumis pour avis au Conseil d'Etat, ce qui constituerait une violation de l'article 39 de la Constitution. Ils estiment en outre que les articles relatifs aux services diffusés en mode numérique par voie hertzienne terrestre ont été adoptés en méconnaissance des règles relatives au droit d'amendement, eu égard à l'ampleur et à l'importance des dispositions en cause.
B) Ces moyens ne sont pas fondés.
Le premier manque en fait. En effet, le projet de lettre rectificative a été examiné par l'assemblée générale du Conseil d'Etat le 15 avril 1999.
Quant au second, il appelle les remarques et précisions suivantes.
- Actuellement, les programmes d'émissions audiovisuelles sont diffusés en mode analogique, ce qui signifie que, sur une bande de fréquence donnée, il n'est possible de transmettre qu'une seule chaîne. Il est donc logique de prévoir, comme c'est le cas aux articles 25 et suivants de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi soumise au Conseil constitutionnel, que chaque service de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre (c'est-à-dire, en langage commun, chaque chaîne de télévision ou de radio) doit obtenir l'autorisation d'utiliser à titre exclusif une portion du spectre hertzien.
Le déploiement des technologies numériques va profondément modifier cet état de fait. En effet, la numérisation de l'image et du son va permettre de « comprimer le signal » et, ainsi, de diffuser simultanément plusieurs programmes sur une même bande de fréquences. En l'état actuel de la technique, on estime que six chaînes de télévision pourraient être diffusées sur la portion de spectre hertzien qui est actuellement nécessaire pour retransmettre le programme d'une seule chaîne.
Dès lors, il n'est plus possible de maintenir l'état actuel du droit, aux termes duquel chaque chaîne de télévision ou de radio est autorisée à utiliser pour elle seule une bande de fréquence donnée.
Toutefois, l'élaboration du nouveau cadre juridique qu'implique, à terme, l'évolution des techniques de diffusion exigeait des études préalables, d'autant que la numérisation du signal va profondément modifier le paysage audiovisuel, puisque le nombre de chaînes disponibles par voie hertzienne terrestre passera d'une demi-douzaine à une trentaine. Or, en avril 1999, lorsque le Gouvernement a déposé son projet de loi, complété par la lettre rectificative, les études techniques et les analyses juridiques indispensables n'étaient pas disponibles.
Lors de la discussion du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, la ministre de la culture et de la communication annonçait le lancement d'une consultation publique au terme de laquelle le Gouvernement arrêterait sa position sur les différentes questions liées au développement futur de la télévision diffusée en mode numérique. Cette consultation s'est achevée, en janvier 2000, par un rapport de synthèse rédigé par un groupe de travail que présidait M. Raphaël HADAS-LEBEL, conseiller d'Etat.
Lors de la discussion du projet de loi en première lecture devant le Sénat, du 18 au 26 janvier 2000, le rapport de M. HADAS-LEBEL venait d'être rendu public et le Gouvernement n'avait pas encore arrêté ses orientations. Sans attendre de connaître celles-ci, la commission des affaires culturelles du Sénat a pris l'initiative d'élaborer un cadre juridique d'ensemble pour la diffusion en mode numérique par voie hertzienne terrestre. Les amendements proposés par la commission furent adoptés par le Sénat malgré l'avis défavorable de la ministre de la culture et de la communication qui avait invoqué la nécessité d'examiner l'ensemble des solutions proposées par le rapport du groupe de travail avant de déterminer le parti à prendre.
C'est dans ces conditions que le Gouvernement, après avoir déterminé les orientations qu'il entendait suivre, a été amené à déposer, lors de la deuxième lecture du projet à l'Assemblée nationale, une série d'amendements ayant pour objet de définir le cadre juridique dans lequel se déploieront les services diffusés en mode numérique par voie hertzienne terrestre. - Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, en agissant ainsi, le Gouvernement n'a pas excédé les limites inhérentes au droit d'amendement.
D'une part, en effet, le lien entre les dispositions introduites par voie d'amendement et le texte en discussion est manifeste puisqu'il s'agit de faire évoluer le régime d'autorisation des services de communication audiovisuelle pour tenir compte de l'évolution des techniques de diffusion. Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les saisissants.
D'autre part, les adjonctions au texte en discussion ne dépassent nullement, par leur objet ou leur portée, les limites inhérentes au droit d'amendement.
Le régime juridique qui est mis en place pour les services diffusés en mode numérique par voie hertzienne terrestre s'inscrit dans le prolongement du mécanisme d'autorisation prévu par la loi actuellement en vigueur pour les services diffusés en mode analogique. Il se borne à adapter les règles existantes, sans remettre en cause le principe selon lequel il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'organiser des appels à candidatures et de sélectionner, au vu de critères posés par la loi, les services qui seront autorisés à diffuser leur programme après conclusion d'une convention (cf. articles 30-1 à 30-5 nouveaux de la loi du 30 septembre 1986).
Quant au nombre d'amendements déposés par le Gouvernement, il n'était que de 29 en ce qui concerne les dispositions de fond, les 29 autres amendements ne portant que sur des mesures de coordination rédactionnelle.
Les adjonctions ainsi apportées au texte en discussion ne s'exposent donc pas à la censure. On soulignera, à cet égard, que celle que le Conseil constitutionnel a prononcée par la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, dont se prévalent les requérants, visait un cas très particulier relevant de la notion de détournement de procédure. Depuis lors, la jurisprudence a admis qu'un texte fasse l'objet d'amendements d'une certaine ampleur, dès lors qu'ils présentaient un lien suffisant avec le projet déposé (cf. par ex., à propos des dispositions réformant le régime des ouvertures de pharmacies, la décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999).
II - Sur la compétence du législateur A) Le VI de l'article 53 nouveau de la loi du 30 septembre 1986 ; dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi déférée, prévoit que : « pour chacune des sociétés France 2 et France 3, le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à huit minutes par périodes de soixante minutes ».
Les auteurs de la saisine soutiennent que cette disposition encourt la censure du Conseil constitutionnel dans la mesure où elle ne relève pas du domaine de la loi.
Par ailleurs, le dernier alinéa du III de l'article 53 nouveau inséré dans la loi du 30 septembre 1986 par l'article 15 de la loi déférée prévoit que : « A compter du 1er janvier 2001, tout redevable peut, à sa demande, effectuer le paiement fractionné de la taxe dénommée redevance (...) dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et sans que puisse en résulter une perte de ressources pour les organismes affectataires ». Le V de ce même article dispose que : « Les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'Etat au compte d'emploi de la redevance audiovisuelle ». Les auteurs de la saisine soutiennent que ces deux dispositions relèvent du domaine exclusif de la loi de finances.
B) Ces moyens ne peuvent être accueillis. - S'agissant de l'article 15, le moyen est inopérant puisque le fait que le législateur adopte, avec l'accord du Gouvernement ou à l'initiative de celui-ci, des dispositions de nature réglementaire ne rend pas la loi inconstitutionnelle (n° 82-143 DC du 30 juillet 1982).
En l'espèce, c'est le Gouvernement qui a proposé au Parlement d'inclure dans la loi une disposition limitant fortement la durée maximale des messages publicitaires sur les deux principales chaînes de télévision publiques. Il s'agit en effet, dans le cadre de la réforme des structures de l'audiovisuel public, de garantir une identité forte aux programmes diffusés par le service public. - Les critiques adressées aux dispositions relatives à la redevance audiovisuelle ne sont pas davantage fondées.
On rappellera en premier lieu que la redevance audiovisuelle est une taxe parafiscale perçue au profit des sociétés nationales de radio et de télévision (cf. décisions n° 79-111 DC du 21 novembre 1979 et 91-302 DC du 30 décembre 1991). Conformément à l'article 4 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, les dispositions concernant le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des taxes parafiscales relèvent normalement du domaine réglementaire et non du domaine législatif. Elles sont a fortiori étrangères à l'objet des lois de finances (cf. décision n° 91-302 DC précitée).
L'amendement sur le paiement fractionné de la redevance audiovisuelle, qui a été introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale à l'initiative de la commission des affaires culturelles et avec l'aval du Gouvernement, concerne les modalités de recouvrement de cette taxe parafiscale. Le fait que cette disposition figure dans une loi ordinaire et non dans un texte réglementaire ne l'expose pas à la censure.
Quant à la disposition sur les exonérations de redevance audiovisuelle et leur compensation par le budget de l'Etat, elle se borne à poser un principe dont l'application concrète s'effectuera chaque année en loi de finances et ne saurait être interprétée comme édictant des prescriptions à la place de celle-ci. III - Sur l'exercice d'un pouvoir de sanction par le conseil supérieur de l'audiovisuel
A) Les dispositions de la loi déférée relatives à ce pouvoir de sanction sont contestées à un double titre. - Est d'abord en cause l'article 42-4, introduit dans la loi du 30 septembre 1986 par le VI de l'article 71 de la loi déférée, qui prévoit que :
« Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore ou de télévision, le CSA ordonne l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes, la durée et les conditions de diffusion. Le CSA demande à l'intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l'article 42-7. Le refus de se conformer à cette décision est passible d'une sanction pécuniaire dans les conditions fixées aux articles 42-2 et 42-7 ».
Cet article s'applique aux chaînes privées. L'article 72 de la loi déférée introduit une disposition identique à l'article 48-3 de la loi du 30 septembre 1986 qui s'applique aux chaînes publiques.
Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe de nécessité des peines en tant qu'elles instituent une sanction automatique. - Ils mettent également en cause le VIII de l'article 71 et le III de l'article 72 de la loi déférée, qui suppriment les dispositions des actuels articles 42-7 et 48-6 de la loi du 30 septembre 1986 qui imposent, lorsque le CSA envisage d'infliger certaines sanctions, la désignation par le vice-président du Conseil d'Etat d'un membre de la juridiction administrative chargé d'instruire le dossier et d'établir un rapport.
Les requérants estiment que ces dispositions sont contraires à la Constitution en tant qu'elles suppriment une garantie procédurale pour les titulaires d'autorisation qui encourent une sanction.
B) Ces critiques appellent les remarques suivantes. - S'agissant du pouvoir d'appréciation du CSA, on rappellera, à titre liminaire, que le caractère automatique d'une sanction n'est pas, en soi, un motif d'inconstitutionnalité dès lors que sont respectés les principes de nécessité et de proportionnalité des peines (cf. par ex., à propos du mécanisme du « permis à points », la décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999).
Cela étant, le Gouvernement n'était pas favorable à la rédaction retenue par le VI de l'article 71 qui semble prévoir un certain automatisme pour les décisions du CSA relatives à l'insertion d'un communiqué en cas de manquement aux obligations des éditeurs de services audiovisuels. Au demeurant, ce dispositif s'insère difficilement dans le reste de l'article qui dispose que l'intéressé est auparavant invité à présenter ses observations. Le texte ne peut donc se comprendre que comme réservant en tout état de cause au CSA la possibilité de ne pas donner suite à son intention de prendre une telle mesure, en fonction des observations ainsi recueillies. - Quant à la suppression de l'intervention d'un rapporteur désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, elle ne méconnaît pas les exigences de la jurisprudence dont se prévalent les requérants.
Contrairement, en effet, à ce qu'ils soutiennent, le Conseil constitutionnel n'a jamais consacré une sorte d' « effet-cliquet » qui interdirait, de manière générale, au législateur de revenir sur ce qu'il a antérieurement décidé. Le principe est, au contraire, que le législateur peut toujours modifier ou abroger des textes antérieurs en leur substituant, ou non, d'autres dispositions. Il peut, en particulier, définir des règles nouvelles en supprimant des dispositions qui ne lui paraissent plus utiles. La seule contrainte qui encadre ce pouvoir est que son exercice ne doit pas aboutir à priver de garanties légales des exigences constitutionnelles, ce qui conduit à porter une appréciation globale sur un dispositif donné, sans attacher nécessairement une importance déterminante à telle ou telle règle particulière. Or en l'espèce, la suppression contestée par la saisine ne met en cause aucune des garanties essentielles devant nécessairement entourer le prononcé d'une sanction par une autorité administrative indépendante. On remarquera d'ailleurs qu'aucune procédure analogue n'existe dans les régimes applicables à des organismes comparables, notamment à la Commission des opérations de bourse ou à l'Autorité de régulation des télécommunications, dont les procédures ont été jugées conformes à la Constitution par les décisions n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 et n° 96-378 DC du 23 juillet 1996.
En l'espèce le législateur a simplement estimé, comme il lui appartenait de le faire en opportunité, que l'intervention d'un rapporteur extérieur - au demeurant non prévue pour toutes les sanctions énumérées à l'article 42-1 de la loi de 1986 - ne se justifiait plus compte tenu, d'une part, de l'expérience acquise par le CSA, d'autre part des inconvénients que présentait cette intervention en termes d'allongement des procédures.
IV - Sur le respect de la liberté d'entreprendre
A) Le 3 ° de l'article 66 de la loi déférée ajoute un alinéa à l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 qui déroge à la règle selon laquelle « nul ne peut être titulaire de deux autorisations relatives chacune à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre, ni être simultanément titulaire d'une autorisation relative à un service de même nature autre que national ». L'alinéa nouveau, ajouté par la loi déféré, prévoit « qu'une même personne, éventuellement titulaire d'une autorisation pour un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode analogique, peut placer sous sons contrôle jusqu'à cinq sociétés titulaires d'autorisations relatives chacune à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique pourvu que ces services restent édités par des sociétés distinctes. »
Pour contester cette disposition, les auteurs de la saisine font valoir qu'elle porte atteinte à la liberté d'entreprendre en tant qu'elle ne déroge pas au I de l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 qui interdit à une même personne, physique ou morale, agissant seule ou de concert, de détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre. Selon les saisissants, cette restriction, qui interdit à une chaîne de télévision diffusée en mode analogique de détenir plus de 49 % du capital de ses filiales éditant des programmes diffusés en mode numérique, est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir la préservation du pluralisme, dans la mesure où la loi impose déjà que le capital de la société mère ne puisse être détenu à plus de 49 % par une même personne.
En outre, les requérants estiment que cette disposition introduit une discrimination non justifiée entre les chaînes publiques, qui pourront détenir 100 % du capital de leurs filiales chargées d'éditer des programmes diffusés en mode numérique, et les chaînes privées.
B) Ces moyens ne peuvent être accueillis. - A titre liminaire, on rappellera que les dispositions des articles 39 à 41-3 de la loi relative à la liberté de communication ont été introduites dans celle-ci par le loi n° 86-1210 du 27 novembre 1986, après que le Conseil constitutionnel eut déclaré non conforme à la Constitution les articles 39 à 41 figurant initialement dans la loi du 30 septembre 1986 parce qu'ils ne satisfaisaient pas, à eux seuls, à l'exigence de préservation du pluralisme dans le secteur de la communication. a) La loi du 27 novembre 1986 précitée a donc édicté un ensemble d'interdictions visant à garantir le pluralisme dans le secteur privé de la communication audiovisuelle. Ces interdictions ne se sont jamais appliquées dans le secteur public de la communication audiovisuelle car, pour ce dernier, la préservation du pluralisme est assurée par des règles concernant l'organisation et le fonctionnement des chaînes (modalités de nomination des présidents, composition des conseils d'administration, cahiers des missions et des charges, etc.) et non par des mécanismes mettant en jeu la détention du capital des sociétés (le capital des sociétés nationales de programme doit, selon la loi, être possédé à 100 % par l'Etat) ou le nombre d'autorisations obtenues (les chaînes publiques n'ayant d'ailleurs pas à solliciter d'autorisation de diffuser de la part du CSA).
S'agissant des chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre, le dispositif issu de la loi du 27 septembre 1986 précitée se résumait comme suit : - aucune personne ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote d'une société éditant un service national de télévision (I de l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986) ;
- aucune personne ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une société éditant un service local de télévision, c'est-à-dire desservant un bassin de population compris entre 200 000 et 6 000 000 d'habitants (III de l'article 39) ;
- aucune personne ne peut détenir, de manière directe ou indirecte, plus de 15 % du capital ou des droits de vote dans deux sociétés éditant un service national de télévision, ni de plus de 5 % du capital ou des droits de vote dans trois sociétés de même nature (I de l'article 39) ;
- aucune personne ne peut détenir plus d'une autorisation d'éditer un service national de télévision, ni détenir simultanément une telle autorisation et une autorisation d'éditer un service local de télévision, ni détenir deux autorisations d'éditer un service local de télévision portant sur une même zone géographique, ni enfin détenir un nombre d'autorisations d'éditer un service local de télévision si le bassin de population desservi dépasse 6 millions d'habitants (article 41).
Enfin, selon le 2 ° de l'article 41-3 toute personne qui contrôle, au regard des critères figurant à l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, une société titulaire d'une autorisation ou qui a placé cette société sous son autorité ou sa dépendance doit être regardée comme étant elle-même titulaire de l'autorisation en cause.
b) En 1994, le législateur a partiellement assoupli ce dispositif en portant de 25 % à 49 % la fraction du capital ou des droits de vote qu'une même personne pouvait détenir dans une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre. Le Conseil constitutionnel, auquel cette disposition a été déférée, ne l'a pas estimée contraire à la Constitution en relevant que, si la loi rehaussait le plafond fixé antérieurement à 25 %, elle renforçait par ailleurs la portée du contrôle des concentrations en soumettant explicitement au nouveau seuil tout « concert » d'actionnaire et qu'en outre elle ne dérogeait pas aux nombreuses autres règles édictées en 1986 afin de préserver le pluralisme. - En introduisant dans la loi relative à la liberté de communication un régime juridique propre aux services diffusés en mode numérique par voie hertzienne terrestre, le législateur se devait d'apporter des aménagements aux dispositions qui viennent d'être rappelées ci-dessus. En effet, la diffusion en mode analogique et celle en mode numérique vont coexister pendant une période assez longue, le temps que tous les téléspectateurs s'équipent en postes de télévision susceptibles de recevoir des signaux numériques. Durant cette période de transition, il faut que les chaînes actuellement diffusées en mode analogique puissent aussi être captées en mode numérique. Cela implique qu'une même chaîne puisse détenir deux autorisations d'éditer des services nationaux (l'une en mode numérique, l'autre en mode analogique).
C'est pour cette raison que le III de l'article 30-1 nouveau de la loi du 30 septembre 1986 (dans sa rédaction issue de l'article 45 de la loi déférée) prévoit que les services de télévision ayant obtenu, avant l'entrée en vigueur de la loi, une autorisation de diffuser par voie hertzienne terrestre (en mode analogique) devront bénéficier de droit, s'ils en font la demande, d'une autorisation de diffuser en mode numérique.
En plus de cet aménagement du dispositif anti-concentration qui était commandé par des considérations techniques, il est apparu que l'augmentation du nombre de chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre, rendue possible par la technologie numérique, permettait d'assouplir certaines des règles édictées en 1986 pour un paysage audiovisuel beaucoup plus marqué par la rareté des ressources hertziennes. En effet, alors qu'en raison de la rareté des fréquences disponibles, il n'a été possible jusqu'à maintenant de délivrer que trois autorisations pour des services de télévision diffusés en mode analogique sur l'ensemble du territoire, la numérisation du signal, qui autorisera la transmission de six programmes différents sur une même bande de fréquences, devrait aboutir à une multiplication des chaînes disponibles par voie hertzienne terrestre. Selon les études techniques réalisées dans le cadre de la préparation des arbitrages gouvernementaux sur le régime juridique de la télévision numérique, il serait possible, en l'état actuel du spectre hertzien, de dégager six bandes de fréquences de diffusion en mode numérique. Quatre de ces réseaux auraient une couverture géographique permettant de desservir 80 % de la population métropolitaine, les deux derniers ayant une couverture moindre et ne desservant que 60 % de la population. Ainsi, dans quelques années, une majorité de téléspectateurs pourra avoir accès (à condition de disposer d'une récepteur adapté à la diffusion en mode numérique) à une trentaine de chaînes publiques ou privées au lieu des six actuellement diffusées en mode analogique par voie hertzienne terrestre.
Compte tenu de cette évolution, il n'apparaissait plus indispensable, pour préserver le pluralisme, d'interdire l'apparition de groupes contrôlant plusieurs chaînes diffusées en mode analogique sur la plus grande partie du territoire national. Cependant, comme les fréquences numériques demeurent une ressource rare et que le nombre de chaînes diffusées en mode numérique restera limité, il convenait de maintenir un ensemble de règles ayant pour objet d'interdire à une même personne physique ou morale de maîtriser une part trop importante du paysage audiovisuel.
Le législateur a donc procédé, à l'invite du Gouvernement, à un assouplissement proportionné des règles posées par la loi du 30 septembre 1986, qui tire les conséquences de l'accroissement du nombre des chaînes disponibles, tout en tenant compte de l'existence d'opérateurs puissants.
C'est ainsi que l'article 65 de la loi déférée a complété les 2ème et 3ème alinéas du I de l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 pour limiter aux seules chaînes diffusées en mode analogique, l'interdiction faite à une même personne de détenir plus de 15 % du capital ou des droits de vote dans deux sociétés et celle de détenir plus de 5 % du capital ou des droits de vote dans trois sociétés.
C'est ainsi également que la disposition contestée par les saisissants a permis à une même personne physique ou morale de contrôler, notamment au sens de l'article 355-1 de la loi de 1966, jusqu'à cinq sociétés titulaires d'autorisation de diffusion en mode numérique. Dans un paysage audiovisuel composé d'une trentaine de chaînes, une même personne pourra donc contrôler un sixième des canaux.
Le législateur a en revanche fait le choix, afin de conserver un corps de règles visant, comme l'impose la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à préserver le pluralisme, de maintenir pour la diffusion numérique les autres interdictions qui s'appliquent à la diffusion analogique. En particulier, il lui a paru nécessaire de garder la disposition interdisant à une même personne de posséder plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société éditant un service de télévision à vocation nationale. Ce faisant, le législateur a procédé, comme il lui appartenait de le faire, à une conciliation entre les exigences constitutionnelles tenant à la préservation du pluralisme et celles relatives à la liberté d'entreprendre, sans porter aucune atteinte excessive à cette dernière.
Cette interdiction, qui s'appliquera aussi bien aux chaînes hertziennes actuellement existantes qu'aux nouveaux opérateurs qui vont se porter candidats à l'attribution d'autorisations de diffusion en mode numérique, évitera l'apparition de structures éditoriales trop fortement intégrées dont le fonctionnement pourrait nuire à la diversité des programmes.
V - Sur le respect du principe d'égalité
A) Trois séries de dispositions sont contestées sur le terrain du principe d'égalité. - Le I de l'article 26 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi déférée, transfère aux chaînes publiques le droit d'usage des ressources radioélectriques qui étaient précédemment assignées à la société Télédiffusion de France (TDF). Le II de l'article 26 nouveau, qui s'inspire très étroitement de la rédaction des alinéas 4 et suivants de l'actuel article 26, prévoit que le CSA et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), pour les fréquences de télécommunications, accordent en priorité aux chaînes publiques (auxquelles il faut ajouter la chaîne culturelle européenne ARTE et la chaîne parlementaire) « le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public ».
Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions introduisent une discrimination injustifiée entre les chaînes publiques et les chaînes privées, lesquelles doivent participer à une procédure d'appel à candidatures pour obtenir une autorisation de diffusion et ne peuvent obtenir, en tout état de cause, plus de cinq canaux. - L'article 58 de la loi déférée, qui modifie la rédaction de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, apporte quelques changements au régime applicable aux opérateurs qui distribuent par câble une offre de services de communication audiovisuelle (les câblo-opérateurs), sans remettre en cause l'économie générale de ce régime. En particulier, l'autorisation d'exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une commune devra, comme aujourd'hui, être initialement délivrée par le CSA sur proposition de la commune concernée.
L'article 60 de la loi déférée, qui modifie la rédaction des articles 34-1 et 34-2 de la loi du 30 septembre 1986, instaure quant à lui un régime nouveau pour les opérateurs qui distribuent par satellite une offre de services de communication audiovisuelle (les opérateurs de bouquet satellitaire). Aux termes de ces nouvelles dispositions, les opérateurs doivent, avant de commencer leur activité, déposer une déclaration auprès du CSA, lequel peut, dans le mois suivant la réception de celle-ci, s'opposer à l'exploitation.
Selon les requérants, la coexistence de ces régimes distincts est contraire au principe d'égalité dans la mesure où, au regard du droit de la concurrence, les cablo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire s'adressent à un même marché. - Enfin, le 4ème alinéa du I de l'article 34 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 58 de la loi déférée, prévoit que : « Pour le territoire de la Polynésie française, un tel réseau [c'est-à-dire un réseau distribuant par câble des services de communication audiovisuelle] peut comporter une ou plusieurs liaisons radioélectriques permettant la réception directe et individuelle par les foyers abonnés des signaux transportés. » Les auteurs de la saisine prétendent que cette disposition, dont l'introduction dans la loi déférée n'aurait pas été justifiée, porte atteinte au principe d'égalité.
B) Pour sa part, le Gouvernement considère que les dispositions en cause sont conformes au principe d'égalité. - S'agissant de la distinction entre chaînes publiques et chaînes privées, on observera, à titre liminaire, que la dernière affirmation des requérants est inexacte. En vertu des dispositions figurant dans la loi déférée, une même société ne peut pas détenir directement cinq autorisations de diffusion en mode numérique. Chaque autorisation doit en effet être détenue par une société distincte. La loi permet simplement à une société mère d'exercer son contrôle sur cinq sociétés détentrices chacune d'une autorisation de diffusion en mode numérique.
Sur le fond, il apparaît que les saisissants se méprennent sur la portée de la disposition qu'ils contestent. En réalité, celle-ci ne change rien à l'état du droit qui, depuis 1986, prévoit des régimes distincts d'attribution des fréquences pour les chaînes publiques et les chaînes privées.
L'article 26 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction actuellement en vigueur, dispose déjà que le CSA et l'ART doivent attribuer aux chaînes publiques les fréquences nécessaires à l'accomplissement par celles-ci de leurs missions de service public. Simplement, cet article prévoit que les fréquences utilisées par les sociétés nationales de programme (c'est-à-dire France 2, France 3, R.F.O., Radio-France et R.F.I.) sont assignées à la société TDF.
La nouvelle rédaction de l'article 26, telle qu'elle résulte de la loi déférée, se borne à introduire les modifications suivantes :
- Il remplace le terme « fréquences » par les termes « ressources radioélectriques » pour tenir compte de l'évolution des données techniques liée à la numérisation des signaux. En effet, dès lors que plusieurs programmes peuvent être diffusés sur une même bande de fréquences, on ne peut plus établir une correspondance exacte entre une chaîne et une portion déterminée du spectre hertzien. Il faut donc écrire que chaque chaîne bénéficie d'un droit d'usage de la « ressource radioélectrique » et non d'un droit d'usage d'une fréquence.
- En deuxième lieu, l'article prévoit que les chaînes publiques deviennent désormais directement titulaires du droit d'usage des ressources radioélectriques, alors qu'auparavant ce droit appartenait à TDF, qui l'exerçait pour le compte des sociétés nationales de programme.
- En troisième et dernier lieu, cet article ajoute la chaîne parlementaire parmi les sociétés ayant un droit de réservation prioritaire des ressources radioélectriques pour l'accomplissement de leurs missions de service public.
L'article contesté par les saisissants ne crée donc nullement une distinction nouvelle entre le régime des chaînes publiques et le régime des chaînes privées. Il conserve au contraire une distinction existant depuis 1986 en l'adaptant pour tenir compte de l'apparition des technologies numériques.
Quant à l'existence de cette distinction, elle est justifiée par la différence de situation entre les chaînes publiques, qui accomplissent des missions de service public et dont l'organisation et les ressources obéissent à des règles propres, et les autres services de communication audiovisuelle. On rappellera, à cet égard, que les missions des chaînes publiques étaient jusqu'à maintenant fixées dans leurs cahiers des charges établis par voie réglementaire. Les articles 3 et 4 de la loi déférée modifieront cet état du droit puisqu'ils définissent dans leurs grands traits les missions incombant au secteur public audiovisuel dans son ensemble et à chacune des sociétés nationales de programme. 2) Les critiques adressées aux articles 58 et 60 ne peuvent davantage être accueillies.
Il convient de rappeler que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement ainsi établie soit en rapport direct avec l'objet de la loi. En outre, les éventuels effets d'une différence de traitement sur les conditions de la concurrence dans un secteur économique donné ne rendent pas celle-ci contraire au principe d'égalité dès lors qu'elle est fondée sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objet de la loi (décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, considérant n° 21).
En l'espèce, la principale différence de situation entre un réseau câblé et un bouquet satellitaire est que, pour exploiter le premier, il faut installer des infrastructures sur le domaine public de la collectivité concernée, alors que, pour proposer une offre satellitaire, il n'est pas nécessaire d'empiéter sur le domaine public. C'est pour cette raison que l'autorisation d'exploiter un réseau câblé doit demeurer soumise à une autorisation du CSA prise sur proposition des communes concernées. Au regard de l'impératif de protection du domaine public, il ne serait pas acceptable qu'une entreprise puisse, après une simple déclaration, être autorisée à commencer des travaux sur la voie publique pour implanter des réseaux câblés. On observera, à cet égard, que la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, qui a institué un droit de passage sur le domaine public routier au profit des opérateurs de télécommunications privés (articles L. 45-1 à L. 47 du code des postes et télécommunications), a subordonné la mise en oeuvre de ce droit à la délivrance d'une permission de voirie par l'autorité compétente et a prévu qu'il pouvait être fait obstacle à ce droit de passage si cela était nécessaire pour assurer le respect des exigences essentielles du domaine.
On observera également que, dans la loi actuellement en vigueur, la différence de régime juridique entre les cablo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire est bien plus importante que ce qui est prévu par la loi déférée.
En effet, l'article 34 actuel de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les cablo-opérateurs ne peuvent exploiter leur réseau qu'après obtention d'une autorisation délivrée par le CSA sur proposition de la commune. Seuls les réseaux desservant moins de 100 foyers et qui ne distribuent pas de programmes propres sont soumis à déclaration préalable en vertu du a) du 2 ° de l'article 43. Quant aux chaînes de télévision ou de radio, elles ne peuvent être incluses par un câblo-opérateur dans son offre de programmes, si elles n'ont pas déjà été autorisées par ailleurs, qu'après avoir conclu une convention avec le CSA (article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986).
Contrairement aux câblo-opérateurs, les opérateurs de bouquet satellitaire ne sont actuellement soumis à aucune obligation. La loi du 30 septembre 1986 se borne à prévoir un régime applicable aux chaînes diffusées par satellite : si ces chaînes utilisent des fréquences affectées à la radiodiffusion, elles doivent être autorisées par le CSA selon une procédure fixée par décret en Conseil d'État (article 31 de la loi du 30 septembre 1986) ; si elles utilisent des fréquences non affectées à la radiodiffusion (dont le CSA n'a pas la maîtrise) elles doivent faire l'objet d'un agrément préalable du CSA en vertu de l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986, cet agrément étant lui même subordonné à la conclusion d'une convention lorsque le programme diffusé ne consiste pas en la reprise intégrale d'un service déjà autorisé.
En réalité, le régime prévu par l'article 31 précité de la loi du 30 septembre 1986 n'est pas appliqué car tous les bouquets satellitaires se sont développés dans des bandes de fréquences affectées en principe aux télécommunications. C'est donc l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986 qui fixe le droit commun applicable aux chaînes de télévision diffusées par satellite.
Aucune obligation ne s'impose ainsi aux opérateurs lorsqu'ils composent leur offre de programmes, contrairement aux câblo-opérateurs qui doivent notamment retransmettre les chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre, affecter un canal à un programme d'intérêt local et proposer des chaînes dont la programmation échappe à leur contrôle. L'argumentation des requérants est donc paradoxale, dans la mesure où elle fait grief à la loi déférée d'instituer un traitement différent entre le câble et le satellite. En réalité le législateur, en adoptant la loi déférée, a précisément pris acte de ce qu'avec le développement, dans les années 1990, de trois bouquets satellitaires, cette nouvelle offre de programmes se situait sur un même marché que l'offre émanant des câblo-opérateurs. Il a donc cherché à rapprocher les conditions juridiques d'exercice de ces deux activités. Il n'a cependant pas soumis celles-ci à un régime uniforme, compte tenu de la différence de situation entre les deux catégories d'opérateurs. Les exploitants de réseaux câblés, qui utilisent le domaine public communal, s'intègrent dans un cadre territorial et peuvent adapter leur offre aux spécificités locales (programme d'information d'intérêt local, offre de services complémentaires -notamment d'accès à l'internet ou de télésurveillance- grâce à l'interactivité que permet le câble). Les opérateurs de bouquet satellitaire proposent au contraire une offre nationale et n'utilisent pas le domaine public terrestre. Dans cette perspective, le législateur a totalement unifié le régime applicable aux chaînes distribuées par câble ou diffusées par satellite. Les actuels articles 24, 31 et 33 de la loi du 30 septembre 1986 ont ainsi été remplacés par l'article 33 nouveau de cette même loi (dont la rédaction résulte de l'article 55 de la loi déférée) qui n'opère aucune distinction entre les services de communication audiovisuel selon qu'ils empruntent l'un ou l'autre mode de diffusion.
S'agissant des câblo-opérateurs, l'article 58 de la loi déférée maintient le régime actuel d'autorisation préalable, accordée par le CSA sur proposition de la collectivité concernée, mais uniquement pour le démarrage de l'exploitation. En effet, alors que l'actuel article 34 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « toute modification de l'autorisation d'exploitation est autorisée dans les mêmes conditions que l'autorisation initiale » (donc nécessite l'accord de la commune concernée puis du CSA), le III du nouvel article 34 prévoit que « toute modification de la composition et de la structure d'une offre est notifiée au CSA qui peut s'y opposer par décision motivée (...) s'il estime qu'elle est de nature à remettre en cause l'autorisation ». Ainsi, les collectivités territoriales perdent tout droit de regard sur l'évolution de la composition de l'offre de programmes. Les câblo-opérateurs seront tenus uniquement de faire une déclaration au CSA qui disposera d'un droit d'opposition.
S'agissant des opérateurs de bouquet satellitaire, l'article 60 de la loi déférée met en place un régime très proche. Sur le fond, ces opérateurs seront astreints, dans la composition de leur offre de programmes, à des obligations similaires à celles qui s'imposent aux câblo-opérateurs : inclusion dans le bouquet de chaînes indépendantes de l'opérateur, reprise des chaînes publiques diffusées par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Bien entendu, l'obligation de réserver un canal à un programme d'intérêt local n'a pas été imposée aux opérateurs de bouquet satellitaire. Dans la forme, ces opérateurs devront déposer une déclaration auprès du CSA avant de commencer leur exploitation et le CSA pourra s'opposer à celle-ci par décision motivée, prise dans le délai d'un mois, s'ils estiment que l'offre ne satisfait pas aux critères et obligations posés par la loi et les textes réglementaires pris pour son application. Les modifications ultérieures de l'offre de programme seront soumises à une procédure identique de déclaration préalable.
On constate ainsi que, contrairement à ce que suggère la saisine, les règles applicables aux câblo-opérateurs et celles applicables aux opérateurs de bouquet satellitaire seront en réalité assez proches. Les différences qui subsistent sont justifiées par les conditions propres à chaque activité. En particulier, le régime d'autorisation préalable, qui est maintenu pour l'installation initiale d'un câblo-opérateur dans une commune, est fondé, comme on l'a vu, sur le caractère territorial de ce mode de distribution des programmes. - S'agissant enfin des règles applicables en Polynésie française, elles sont issues d'un amendement qui a donné lieu à des débats abondants. Il s'agit de tirer les conséquences d'une annulation contentieuse.
L'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi déférée, permettait en effet d'utiliser des liaisons micro-ondes (MMDS) afin d'assurer les transmissions internes à un réseau câblé dans les zones d'habitat dispersé, la diffusion directe par voie hertzienne jusqu'à l'abonné étant cependant exclue.
Deux décrets sont intervenus pour préciser la notion de zone d'habitat dispersé. Le premier (n° 92-710 du 24 juillet 1992) ne comportait aucune disposition spécifique à l'outre-mer. Il a été modifié par le second (n° 93-946 du 22 juillet 1993) qui a assoupli la définition de la zone d'habitat dispersé et a prévu des adaptations pour l'outre-mer. En particulier, ce second décret prévoyait que dans les collectivités d'outre-mer « des liaisons radioélectriques peuvent être établies dans les agglomérations dont la densité d'habitation est inférieure à 2000 habitants au km2, à condition que les foyers situés dans des immeubles d'habitation collective reçoivent les signaux transportés par ces liaisons radioélectriques à travers un réseau collectif de distribution par câble. » C'est sur la base de cette disposition que le CSA a, par une décision en date du 18 janvier 1994, autorisé une société à exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une dizaine de communes de Polynésie française.
Toutefois, le décret du 22 juillet 1993 ayant fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir de la part du gouvernement territorial de la Polynésie française, le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation de la disposition visant la Polynésie française au motif qu'elle autorise la réception directe et individuelle des signaux transportés par des liaisons radioélectriques en violation de l'interdiction posée par l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986.
L'autorisation délivrée par le C.S.A en 1994 se trouve ainsi privée de base juridique alors même que la société autorisée distribue des programmes depuis cette date. L'alinéa déféré vise à modifier le texte de l'article 34 pour qu'un nouveau décret puisse être régulièrement pris.
En autorisant la réception directe par liaisons micro-ondes dans le seul territoire de la Polynésie française, le législateur prend en compte les particularités géographiques de cette zone où l'habitat est particulièrement dispersé et où l'offre de programmes diffusés par satellite est peu abondante.
VI - Sur la procédure de désignation des présidents de chaînes publiques
Dans le mémoire complémentaire qu'ils ont adressé au Conseil constitutionnel, les auteurs de la saisine attirent l'attention de ce dernier sur les dispositions de l'article 8 de la loi déférée, prévoyant la publication des auditions et débats du C.S.A. relatifs à la nomination de ces présidents.
On observera qu'aucun moyen n'est soulevé à l'appui de cette nouvelle contestation. On voit d'ailleurs mal à quels principes constitutionnels ces dispositions pourraient se heurter.
A supposer que les requérants entendent ainsi faire référence aux inconvénients que cette obligation pourrait comporter pour le déroulement des délibérations du C.S.A. et pour la liberté de choix de chacun de ses membres, on remarquera que la disposition litigieuse n'implique pas nécessairement que l'intégralité des auditions et débats soit portée à la connaissance du public.