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Décision n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000 - Saisine par 60 sénateurs

Loi de finances rectificative pour 2000
Conformité

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil Constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2000, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 28 juin 2000.
Les sénateurs soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de décider que l'article 11 n'est pas conforme à la Constitution, notamment pour les motifs développés ci-dessous.
L'article 11 supprime la part régionale de la taxe d'habitation et remplace les différents mécanismes de dégrèvements par un dispositif unique de plafonnement en fonction du revenu.
Cet article porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales affirmé par l'Article 72, alinéa 2 de la Constitution : les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. »
L'Article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux de la « libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Toutefois le Conseil Constitutionnel a précisé dans sa décision du 24 juillet 1991 que les règles édictées par le législateur « ne doivent pas avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration. »
Or, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation ampute de 22,5 % les recettes de fiscalité directe perçues par les régions et de 7,2 % leurs recettes totales hors emprunt.
De plus, elle ne serait que partiellement compensée par l'Etat. L'article 11 institue en effet une dotation budgétaire indexée sur la dotation globale de fonctionnement. Or, la progression annuelle moyenne des bases de la taxe d'habitation a été de 4,27 % entre 1990 et 1999, contre seulement 2,59 % pour la dotation globale de fonctionnement indexée sur l'inflation et la moitié du produit intérieur brut. Sur la période 2000-2009, le manque à gagner pour les régions représenterait ainsi près de 20 % du produit de la taxe d'habitation, soit entre 1,2 et 1,5 milliard de francs, dans la meilleure des hypothèses.
Enfin, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation doit être mise en perspective. Elle intervient en effet moins de deux ans après la réforme de la taxe professionnelle qui aboutit déjà à remettre en cause un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales. Dès lors que la capacité de mobilisation autonome des ressources est un élément de la libre administration de ces collectivités, il convient de fixer une limite au remplacement des impôts locaux par des dotations de l'Etat. Or, la part de la fiscalité locale dans les ressources des régions est passée de 55 % en 1995 à 47 % en 1999 et sera réduite à 40 % après la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.
Ces diminutions successives, par paliers dont chacun peut sembler d'une importance modeste, aboutissent au total à une réduction substantielle des ressources fiscales des régions au point d'entraver leur libre administration.
Pour l'ensemble de ces motifs, les sénateurs soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de déclarer l'article 11 non conforme à la Constitution.