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Décision n° 2000-429 DC du 30 mai 2000 - Réplique par 60 sénateurs

Loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
Non conformité partielle

Les observations du gouvernement sur le recours formé par un certain nombre de sénateurs à l'encontre de la loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives appellent de la part des sénateurs requérant les observations suivantes :
A. Au fond

  1. La révision constitutionnelle du 28 juin 1999 n'a pas abrogé les autres dispositions constitutionnelles sur lesquelles le Conseil constitutionnel avait basé ses décisions du 18 novembre 1982 et du 14 janvier 1999.
  2. Les sénateurs requérant estiment que la révision constitutionnelle peut justifier la parité dans les listes au scrutin proportionnel mais ne peut pas imposer des contraintes qui conduiraient à établir des quotas dans la répartition des sièges.
  3. Les travaux préparatoires ne correspondent pas à la vision qui se dégage des observations du gouvernement. Les douze orateurs qui se sont exprimés lors du Congrès n'ont jamais défendu l'instauration de quotas et même, quatre d'entre eux les ont directement (M. Baquet, Mme Heinis, M. Cornu) ou indirectement (M. Cabanel) condamnés. Lors du débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, certains « paritaristes radicaux » ont seulement préconisé des quotas dans les listes sans pour autant défendre l'alternance obligatoire ou les groupes de six. Quant aux « paritaristes modérés » ils n'ont pas manqué de souligner leur totale opposition à toute forme de quotas (voir JO, débat, AN du 16 février et du 10 mars 1999, JO débat, Sénat, du 4 mars 1999 et, JO, débat, du Congrès, du 28 juin 1999.
  4. L'intervention du Garde des Sceaux ne doit pas faire partie des travaux préparatoires puisque le gouvernement comme ses ministres n'ont pas, contrairement aux parlementaires, la qualité de constituant.
  5. Dès lors les mesures adoptées, sous forme d'amendements, par l'Assemblée nationale en dernière lecture, ne correspondent pas à l'objectif de parité, voté lors de la révision constitutionnelle, mais conduisent à imposer des contraintes manifestement contraires aux objectifs du constituant. Les députés ont agi comme s'ils appliquaient le texte qu'ils avaient initialement voté selon lequel la loi détermine les conditions et non celui qui a été adopté selon lequel la loi favorise.
  6. Dès lors, la révision constitutionnelle du 28 juin 1999, « vide de substance normative » selon les termes du doyen Vedel dans son article du journal « Le Monde » du 8 décembre 1998, ne remet pas fondamentalement en cause la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999. Elle ne permet pas la mise en place de quotas réels (l'alternance obligatoire) ou de fait (les groupes de six).
  7. Il est étonnant de constater que l'argumentation du gouvernement, en ce qui concerne les sanctions financières des partis politiques, oublie que la loi de financement des partis politiques ne leur permet plus de disposer de ressources autres que publiques. Elle accepte l'hypocrisie qui permet aux partis de présenter des candidats ou des candidates dans des circonscriptions où ils n'ont aucune chance. Elle est stupéfiante en estimant que le libre choix des électeurs ne constitue en ce qui concerne la parité qu'un paramètres guère pertinent.
    B. La régularité des « cavaliers ».
  8. Contrairement à l'argumentation du gouvernement, l'article premier est loin d'avoir une portée limitée. Il modifie fondamentalement le scrutin municipal en fixant un seuil arbitraire et sans étude préalable d'impact.
  9. Ce même article premier est dorénavant en totale contradiction avec la loi organique sur le cumul des mandats que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 mars 2000 avait validé en considérant que le seuil de 3500 habitants, retenu dans la loi organique, n'était pas arbitraire.
  10. L'absence d'étude d'impact n'a pas permis de rendre évidentes les difficultés considérables d'application du principe de parité - assorti de la stricte alternance - dans des communes qui n'ont jamais connu un tel système et où les réserves de candidatures potentielles sont limitées. Le risque de l'impossibilité de constituer de telles listes, notamment dans les DOM-TOM est plus que réel.
  11. L'article premier constitue donc bien un cavalier qui est loin d'avoir une portée limitée et qui en modifiant le mode de scrutin municipal dépasse les limites du droit d'amendement.
  12. L'argument selon lequel l'article 4 découlerait d'un amendement déposé au Sénat est totalement inopérant puisque cet amendement n'a pas été accepté par le Sénat.
  13. Les articles 18 et 19 sont sans liens directs avec le texte en discussion et n'avaient pas été adoptés par le Sénat avant la réunion de la CMP. La loi sur la parité ne peut pas être considérée comme une loi de révision du code électoral dans son ensemble.
  14. Le gouvernement reconnaît bien la qualité de cavalier de l'article 20.