Octobre 2014 : Les interventions en QPC de 2010 au 31/08/2014

20/12/2022

Note bene : la présente fiche est présentée ici dans l’état de sa publication initiale, sans prise en compte des développements de jurisprudence postérieurs à sa publication.

 

Lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est renvoyée au Conseil constitutionnel, le greffe invite les parties à l'instance à l'occasion de laquelle la QPC a été posée, ou leurs représentants, à produire des observations devant le Conseil constitutionnel. Pour ce, les personnes qui ont été admises à intervenir devant la juridiction du fond ou devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation sont regardées comme des parties lors de l'instruction de la QPC par le Conseil constitutionnel. Sont également appelées à la procédure le Président de la République, le Premier ministre, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat [1].

Au cours de la première année de mise en œuvre de la QPC, le Conseil constitutionnel a progressivement reconnu le droit de certaines personnes à intervenir dans la procédure. Il en a ainsi fixé le régime.

Dès sa décision n° 2010-42 QPC du 7 octobre 2010, le Conseil a admis qu'un tiers à la procédure puisse intervenir par la production d'observations écrites. Puis, à compter de sa décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, le Conseil a invité une personne dont il avait admis le mémoire en intervention à présenter, si elle le souhaitait, des observations orales à l'audience.

Le Conseil a ensuite modifié le règlement intérieur sur la procédure suivie pour les QPC pour tirer les conséquences de cette première année et inscrire dans ce règlement la pratique ainsi développée.

Par décision du 21 juin 2011 (n° 2011-120 ORGA du 21 juin 2011), l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 a été complété par les alinéas 2 à 5 qui précisent notamment que « lorsqu'une personne justifiant d'un intérêt spécial adresse des observations en intervention relative à une question prioritaire de constitutionnalité avant la date fixée (···) et mentionnée sur le site internet du Conseil constitutionnel, celui-ci décide que l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnés à l'article 1er. Il leur est imparti un délai pour y répondre. En cas d'urgence, le président du Conseil constitutionnel ordonne cette transmission ».

De la même manière, l'article 10 du règlement intérieur modifié prévoit que sont invités à présenter leurs éventuelles observations orales les représentants des personnes dont les observations en intervention ont été admises.

Les parties qui souhaitent intervenir à l'instance en cours doivent faire parvenir leurs observations écrites au Conseil constitutionnel avant l'expiration du délai fixé aux parties constituées à la procédure pour produire les premières observations [2]. Ce délai est annoncé sur le site internet du Conseil constitutionnel (tableau des affaires en instance).

1- Les demandes d'intervention devant le Conseil constitutionnel sont fréquentes

Du 1er mars 2010 au 31 août 2014, 417 questions prioritaires de constitutionnalité ont été enregistrées par le Conseil constitutionnel.

Dans cette même période, il a reçu 389 demandes d'intervention dans 101 dossiers.

Les interventions reçues portent donc sur 24,2% des dossiers enregistrés. Toutefois, la proportion des dossiers dans lesquels ont été reçues des interventions a pu fluctuer d'une année sur l'autre :

  • 2010 : 11 %
  • 2011 : 25 %
  • 2012 : 39 %
  • 2013 : 32 %
  • 2014 : 20 %

Dans cinq procédures, en particulier, le Conseil a reçu 25 interventions ou plus (soit 177 interventions pour 5 dossiers)

  • 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l'État au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA] : 26 interventions
  • 2011-143 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault [Concours de l'État au financement par les départements de l'allocation personnalisée d'autonomie] : 25 interventions
  • 2011-144 QPC du 30 juin 2011 Départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor [Concours de l'État au financement par les départements de la prestation de compensation du handicap] : 25 interventions
  • 2012-297 QPC du 21 février 2013, Association pour la promotion et l'expansion de la laïcité [Traitement des pasteurs des églises consistoriales dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle] : 54 interventions
  • 2013-363 QPC du 31 janvier 2014, M. Michel P. [Droit d'appel des jugements correctionnels par la partie civile] : 47 interventions

Les 212 autres demandes d'intervention ont ainsi porté sur 96 dossiers.

2- Les demandes en interventions sont largement admises

Sur cette même période, de 2010 au 31 août 2014, sur les 389 demandes d'interventions dont le Conseil constitutionnel a été saisi, 330 ont été jugées recevables : soit 84,8 % des interventions reçues .

La très grande majorité de ces demandes a été accueillie sur le fondement de la justification d'un intérêt spécial (283 demandes) alors même que l'intervenant ne justifiait pas avoir posée une QPC en cours d'examen. 47 demandes d'intervention ont été accueillies alors que l'intervenant avait posé une QPC identique.

Seules 59 demandes en intervention ont fait l'objet d'un rejet (soit 15,2 % des interventions reçues). Ces refus ont été motivés de la manière suivante : en majorité le Conseil constitutionnel a rejeté les demandes d'intervention pour lesquelles l'intérêt spécial n'était pas rapporté. Il a également écarté les demandes d'intervention tardives (9 demandes) ou celles qui étaient dépourvues de motivation (6 demandes). Le Conseil a également rejeté une demande visant des dispositions dont il n'était pas saisi.

Parmi les motifs de refus du Conseil constitutionnel d'admettre une demande en intervention, mérite en particulier d'être rappelée la décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 (cons. 1), dans laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que le seul fait qu'une personne soit appelée en sa qualité à appliquer les dispositions contestées dans le cadre de la QPC ne suffit pas à constituer un intérêt spécial pour intervenir devant le Conseil constitutionnel. La jurisprudence admettant largement la recevabilité des interventions développée par le Conseil constitutionnel est directement liée à l'effet erga omnes de la QPC. Cet effet conduit le CC à juger que toute personne ayant un intérêt spécial doit pouvoir faire valoir son point de vue devant lui.

3- Le profil des intervenants est diversifié

Les 389 demandes en intervention ont été déposées par 296 intervenants différents.

Sur ces 296 intervenants, 134 sont des particuliers, 47 des sociétés, 43 des associations, 36 des collectivités territoriales, 11 des syndicats et 25 autres intervenants de diverse nature (EPCI, fédération, ordre professionnel···).

Certains sont intervenus dans plusieurs dossiers :

  • L'association « SOS Soutien ô sans papiers » a été admise à intervenir dans les dossiers 2012-217 QPC, 2012-227 QPC, 2013-302 QPC, 2013-354 QPC, 2013-358 QPC, 2013-360 QPC.
  • L'association « France nature environnement (FNE) » a été admise à intervenir dans les dossiers 2011-138 QPC, 2013-346 QPC, 2014-395 QPC, 2014-396 QPC, 2014-411 QPC. Une de ces demandes n'a pas été admise ( 2014-394 QPC, Plantation en limite de propriétés privées).
  • Le Conseil national des barreaux (CNB) a été admis à intervenir dans 4 dossiers ( 2011-171 QPC, 2011-178 QPC, 2011-179 QPC et 2012-234 QPC).
  • L'association « Groupe Information Asiles (GIA) » a été admise à intervenir dans tous les dossiers portant sur l'hospitalisation d'office ou sans consentement (2010-71 QPC, 2011-140 QPC, 2011-174 QPC et 2012-235 QPC).

23 départements sont intervenus dans les procédures portant sur le concours de l'État au financement par les départements du revenu minimum d'insertion (RMI), du revenu minimum d'activité (RMA), du revenu de solidarité active (RSA), de l'allocation pour personnes âgées (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) (QPC 2011-142 à 145).

La section française de l'observatoire international des prisons est intervenue dans trois procédures ( 2013-320 QPC, 2013-321 QPC, 2014-408 QPC), de même que la CIMADE ( 2011-120 QPC, 2011-217 QPC, 2013-358 QPC) et la Fédération nationale des unions des jeunes avocats ( 2011-194 QPC, 2011-195 QPC, 2012-234 QPC).

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) est intervenu dans quatre procédures (2012-243 à 2012-246 QPC) portant tous sur la commission arbitrale des journalistes et le régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail.

Le succès quantitatif des interventions est donc là pour attester le fait que les justiciables connaissent cette voie procédurale leur permettant de participer au contrôle de constitutionnalité a posteriori et d'enrichir les arguments qui peuvent être échangés à l'occasion de l'instruction des QPC.


[1] Article 23-8 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, pour les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie, ces autorités sont également le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président du Congrès et les présidents des trois assemblées de province.

[2] L'alinéa 3 de l'article 6 du règlement précise toutefois que le dépassement du délai échu à cette date n'est pas opposable à une partie qui a posé devant une juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, devant le Conseil d'Etat ou devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi lorsque, pour cette raison, cette question n'a pas été renvoyée ou transmise.

Mis à jour le 18/09/2023