Décision

Décision n° 2024-6396 AN du 24 janvier 2025

A.N., Seine-Saint-Denis (5e circ.), M. Aly DIOUARA

Non lieu à prononcer l'inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 octobre 2024 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 28 octobre 2024), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Aly DIOUARA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 30 juin et 7 juillet 2024 dans la 5e circonscription du département de Seine-Saint-Denis, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6396 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • le mémoire en défense présenté pour M. DIOUARA, député, par Me Jean-Christophe Ménard, avocat au barreau de Paris, enregistré le 26 novembre 2024 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

2. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition applicable à l’élection des députés n’impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d’un don ou d’un avantage prohibé par ces dispositions. Il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l’élection d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment de la nature de l’avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte.

3. Par sa décision du 31 octobre 2024, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. DIOUARA au motif que ce candidat avait bénéficié, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral, de plusieurs avantages en nature de la part de l’association « La Seine-Saint-Denis au cœur ».

4. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette association, dont M. DIOUARA indique, sans être contesté, qu’elle ne dispose ni de locaux, ni de matériel, aurait mis à sa disposition des moyens logistiques pour l’accomplissement des formalités administratives liées à sa candidature auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, la distribution de tracts par des personnes physiques agissant à titre bénévole, dont il n’est pas avéré qu’elles auraient agi pour le compte de l’association « La Seine-Saint-Denis au cœur », ni même, au demeurant, qu’elles en fussent membres, ne peut être regardée comme une participation de cette association au financement de la campagne du candidat. Enfin, s’il est établi que l’association « La Seine-Saint-Denis au cœur » a diffusé, sur son site internet, une vidéo de propagande électorale, qu’elle y a mis à disposition le bulletin de vote du candidat et qu’elle a publié des messages de soutien en faveur de M. DIOUARA sur son compte sur le réseau social X, ces avantages matériels, dont il résulte de l’instruction que le coût était extrêmement faible, ne peuvent, eu égard à leur montant, à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été consentis, être regardés comme justifiant en l’espèce le rejet du compte de campagne de M. DIOUARA sur le fondement de l’article L. 52-8 du code électoral.

5. Il en résulte que c’est à tort que la Commission a rejeté le compte de campagne de M. DIOUARA. Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. DIOUARA, il n’y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de faire application du quatrième alinéa de l’article L.O. 136-1 du code électoral.

6. Aux termes du dernier alinéa de l’article L.O. 136-1 du code électoral : « Sans préjudice de l’article L. 52-15, lorsqu’il constate que la commission instituée par l’article L. 52-14 n’a pas statué à bon droit, le Conseil constitutionnel fixe dans sa décision le montant du remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52-11-1 ».

7. Selon l’article L. 52-11-1 du code électoral : « Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l’article L. 52-4 est applicable font l’objet d’un remboursement forfaitaire de la part de l’État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l’apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n’est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l’article L. 52-11, qui n’ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l’article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d’autres motifs ou qui n’ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s’ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités ».

8.  Le compte de campagne de M. DIOUARA fait apparaître un montant de dépenses déclarées de 43 093 euros et un montant de recettes déclarées de 43 956 euros, dont 39 521 euros d’apport personnel. Toutefois, il résulte de l’instruction qu’il convient de déduire des dépenses et des recettes comptabilisées la somme de 807 euros correspondant aux frais de campagne officielle définis par l’article R. 39 du code électoral, et d’y réintégrer la somme de 67 euros, correspondant à une dépense électorale payée directement par la formation politique « La France insoumise » pour l’organisation d’un meeting électoral.

9. Le plafond légal des dépenses s’élevant, dans la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis, à 74 576 euros, il y a lieu de fixer à 47,5 % de ce montant, soit 35 424 euros, le remboursement forfaitaire prévu par l’article L. 52-11-1 du code électoral.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Il n’y a pas lieu de prononcer l’inéligibilité de M. Aly DIOUARA.
 
Article 2. - Le montant du remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral, pour le compte de campagne de M. DIOUARA en vue de l’élection d’un député dans la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis, est fixé à 35 424 euros.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 24 janvier 2025.
 

JORF n°0021 du 25 janvier 2025, texte n° 50
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6396.AN

À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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