Décision

Décision n° 2024-6380 AN du 7 mars 2025

A.N., Bouches-du-Rhône (11e circ.), M. Hervé FABRE-AUBRESPY

Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Hervé FABRE-AUBRESPY, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 11e circonscription du département des Bouches-du-Rhône, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6380 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour M. Marc PENA, député, par Me Jorge Mendes Constante, avocat au barreau de Marseille, enregistrés le 4 octobre 2024, le 31 janvier 2025 et les 13 et 24 février 2025 ;
  • les mémoires en réplique présentés par M. FABRE-AUBRESPY, enregistrés le 7 novembre 2024 et les 12, 27 et 28 février 2025 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

M. François SÉNERS ayant estimé devoir s’abstenir de siéger ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article R. 43 du code électoral : « Les bureaux de vote sont présidés par les maire, adjoints et conseillers municipaux dans l’ordre du tableau. À leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune. ». Aux termes de l’article R. 44 du même code : « Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. / Le jour du scrutin, si, pour une cause quelconque, le nombre des assesseurs se trouve être inférieur à deux, les assesseurs manquants sont pris parmi les électeurs présents sachant lire et écrire le français, selon l’ordre de priorité suivant : l’électeur le plus jeune, puis l’électeur le plus âgé. / Les assesseurs ne sont pas rémunérés ».

2. D’une part, si M. FABRE-AUBRESPY soutient que, dans quatorze bureaux de vote de la commune d’Aix-en-Provence, des agents communaux auraient été irrégulièrement invités à siéger comme assesseurs, il ne résulte pas de l’instruction, notamment des mentions des procès-verbaux des opérations électorales, que ces derniers, présents à l’ouverture du scrutin pour assurer le bon fonctionnement matériel des bureaux de vote, auraient été désignés en méconnaissance des dispositions précitées des troisième et quatrième alinéas de l’article R. 44 du code électoral. Si le requérant allègue que certains assesseurs auraient été rémunérés par la commune en méconnaissance du dernier alinéa de ce même article, une telle irrégularité n’est pas établie. Elle ne saurait ainsi, dans les circonstances de l’espèce, avoir altéré la sincérité du scrutin. Par ailleurs, si le requérant fait valoir que la proportion de bulletins blancs et nuls recensés dans un bureau de vote serait anormale, cette circonstance n’est pas, à elle seule, de nature à établir l’existence de manœuvres lors du dépouillement ayant altéré la sincérité du scrutin.

3. D’autre part, si le requérant se plaint de ce que, dans le bureau de vote n° 4 de la commune de Septèmes-les-Vallons, des agents municipaux auraient été présents durant toute la durée des opérations de vote au motif d’en assurer le bon déroulement, cette seule circonstance ne peut, par elle-même, être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin, aucun élément ne permettant au demeurant d’établir que leur présence aurait été constitutive d’une manœuvre.

4. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même » ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.

5. Le requérant soutient que 584 signatures sur les listes d’émargement des bureaux de vote des communes d’Aix-en-Provence et de Septèmes-les-Vallons présenteraient des différences significatives entre les deux tours de scrutin.

6. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que 181 signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. Les votes correspondants doivent, par suite, être regardés comme irrégulièrement exprimés. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement.

7. Il y a ainsi lieu de déduire 181 voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par M. PENA que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit à 90 voix. Cette rectification ne modifie donc pas l’ordre des candidats au second tour.

8. Par conséquent, la requête de M. FABRE-AUBRESPY doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La requête de M. Hervé FABRE-AUBRESPY est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 mars 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
 
Rendu public le 7 mars 2025.
 

JORF n°0058 du 8 mars 2025, texte n° 62
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6380.AN

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