Décision

Décision n° 2024-6321 AN du 24 janvier 2025

A.N., Alpes-Maritimes (5e circ.), M. Gaël NOFRI

Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 juillet 2024 d’une requête présentée pour M. Gaël NOFRI, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 5e circonscription du département des Alpes-Maritimes, par Me Pierre Le Bouedec, avocat au Barreau de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6321 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour Mme Christelle D’INTORNI, députée, par Me Valérie Bothy-Lanfranchi, avocate au barreau de Nice, enregistrés les 17 septembre et 18 octobre 2024 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour M. NOFRI, par Me Le Bouedec, enregistré le 11 octobre 2024 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 octobre 2024, approuvant après réformation le compte de campagne de Mme D’INTORNI ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 28 octobre 2024, approuvant après réformation le compte de campagne de M. NOFRI ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur les griefs relatifs à l’existence de manœuvres de nature à altérer la sincérité du scrutin :

1. Il appartient au juge de l’élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats par les partis politiques.

2. Le requérant soutient, en premier lieu, que Mme D’INTORNI se serait indûment prévalue de l’investiture du parti « Les Républicains », alors que ce parti n’avait investi aucun candidat dans la 5e circonscription des Alpes-Maritimes et que cette candidate avait été investie par le parti « À droite ! les amis d’Éric Ciotti » avec le soutien du Rassemblement national. Il estime que cette manœuvre aurait été de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs et que, eu égard à l’écart de voix séparant Mme d’INTORNI du seuil requis pour l’organisation d’un second tour, elle aurait altéré la sincérité du scrutin.

3. Toutefois, il résulte de l’instruction, d’une part, que Mme D’INTORNI ne s’est pas prévalue de l’investiture du parti « Les Républicains » mais a fait figurer sur ses documents de propagande électorale les mentions « Républicains à droite », utilisée par les candidats investis par le parti « À droite ! les amis d’Éric Ciotti », et « Union des droites », présentées dans une police distincte de celle du logo du parti « Les Républicains ». D’autre part, si elle a pu se présenter comme « la seule candidate LR légitime » et comme « la candidate des Républicains et de l’Union des droites », ces mentions n’ont, en tout état de cause, pas été de nature à induire les électeurs en erreur eu égard au débat public, relayé par la presse locale comme nationale, dont ont fait l’objet, durant la campagne, le rapprochement souhaité par M. CIOTTI entre les partis « Les Républicains » et le « Rassemblement national », auquel s’est notamment ralliée Mme D’INTORNI, et le refus opposé par les autres cadres du parti « Les Républicains » à une telle initiative.

4. Le requérant soutient, en second lieu, que M. Patrice BENOIT, candidat sans étiquette, se serait abusivement prévalu du soutien de la majorité présidentielle, alors que lui seul avait été investi par un parti membre de la majorité présidentielle. Il fait valoir que ces faits auraient été de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs et, eu égard à l’écart de voix séparant Mme D’INTORNI du seuil requis pour l’organisation d’un second tour, auraient altéré la sincérité du scrutin.

5. Toutefois, il résulte de l’instruction que si M. BENOIT a fait figurer sur ses documents de propagande électorale la mention « Ensemble pour la 5ème circonscription, Patrice BENOIT Votre député Majorité présidentielle », il n’a apposé sur ces documents ni le logotype ni le nom d’aucun des partis composant la majorité présidentielle et ne s’est pas prévalu publiquement d’une investiture par l’un de ces partis. Ses documents de propagande se bornent ainsi à faire état de son soutien à la majorité présidentielle et de son intention de siéger avec elle. Par conséquent, les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d’avoir créé dans l’esprit des électeurs une confusion de nature à affecter les résultats du scrutin.

- Sur le grief relatif au financement de la campagne de Mme D’INTORNI :

6. Aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués ».

7. Le requérant reproche à Mme D’INTORNI d’avoir participé à un concert organisé le 28 juin 2024 par le conseil départemental des Alpes-Maritimes, auquel assistaient 4 000 personnes. Il fait valoir que les dépenses correspondantes s’apparenteraient à un avantage en nature octroyé à Mme D’INTORNI par le conseil départemental, en méconnaissance de l’article L. 52-8 précité.

8. Il résulte toutefois de l’instruction, d’une part, que Mme D’INTORNI a participé à ce concert, organisé chaque année par le département et dont la date avait été arrêtée avant la convocation des élections législatives, aux côtés d’autres élus, en sa qualité de membre titulaire du conseil d’administration du conservatoire départemental. D’autre part, cette manifestation n’a donné lieu à aucune opération de propagande électorale et ne peut donc être regardée comme une participation de personnes morales à la campagne de Mme D’INTORNI. Les dépenses correspondantes ne sauraient dès lors être considérées comme des dépenses électorales. Il n’y a donc pas lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme D’INTORNI sur le fondement de l’article L.O. 136-1 du code électoral.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. NOFRI doit être rejetée.

- Sur les conclusions de Mme D’INTORNI :

10. Mme D’INTORNI soutient que M. NOFRI aurait bénéficié de concours en nature de la part de certaines collectivités territoriales et d’établissements publics, en méconnaissance de l’article L. 52-8 du code électoral. Toutefois, d’une part, par une décision du 28 octobre 2024, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, le compte de campagne de M. NOFRI. D’autre part, il ne ressort pas de l’instruction que les faits allégués par Mme D’INTORNI, à l’appui desquels elle s’est bornée, pour l’essentiel, à produire des publications sur un réseau social faites par M. NOFRI en vue d’exposer certaines opérations ou projets auxquels il avait pris part en sa qualité d’élu municipal ou de la Métropole Nice Côte d’Azur, puissent être regardés comme constituant des concours en nature des collectivités et établissements en cause. Il n’y a pas lieu, dès lors, de rejeter le compte de campagne de M. NOFRI et de le déclarer inéligible sur le fondement de l’article L.O. 186-1 du code électoral.

11. Les conclusions de Mme D’INTORNI tendant en outre à ce que le requérant soit condamné à lui verser une indemnité pour recours abusif sont irrecevables.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La requête de M. Gaël NOFRI est rejetée.
 
Article 2. - Les conclusions de Mme Christelle D’INTORNI sont rejetées.
 
Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 24 janvier 2025.
 

JORF n°0021 du 25 janvier 2025, texte n° 42
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6321.AN

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