Décision

Décision n° 2023-6189 AN du 16 juin 2023

A.N., La Réunion, 6e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Alexandre LAÏ-KANE-CHEONG, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 6e circonscription de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6189 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par Me Louis Laï-Kane-Cheong, avocat au barreau de Saint-Denis, pour M. Alexandre LAÏ-KANE-CHEONG, enregistrées le 3 avril 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière de ces dispositions, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code.

2. Le compte de campagne de M. LAÏ-KANE-CHEONG a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 1er janvier 2023 au motif que des tiers ont réglé directement, après la désignation du mandataire, une part substantielle des dépenses de ce compte en méconnaissance de l’article L. 52-4 du code.

3. Il résulte de l’instruction que des dépenses électorales d’un montant de 3 672 euros, représentant 45,9 % du total des dépenses du compte et 5,4 % du plafond légal des dépenses dans la circonscription, ont été payées directement par des tiers hors du compte bancaire du mandataire. Si le candidat fait état des difficultés rencontrées par son mandataire financier pour ouvrir un compte bancaire, ayant conduit à l'intervention de la Banque de France en application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, lesquelles ont été méconnues en l'espèce. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. LAÏ-KANE-CHEONG.

4. En vertu du troisième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

5. Compte tenu du montant des dépenses irrégulièrement engagées et du caractère substantiel de la règle méconnue, il y a lieu de prononcer, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, l’inéligibilité de M. LAÏ-KANE-CHEONG pour une durée d’un an.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - M. Alexandre LAÏ-KANE-CHEONG est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.
 
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 16 juin 2023.

JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 57
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6189.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Il résulte de l’instruction que des dépenses électorales d’un montant de 3 672 euros, représentant 45,9 % du total des dépenses du compte et 5,4 % du plafond légal des dépenses dans la circonscription, ont été payées directement par des tiers hors du compte bancaire du mandataire. Si le candidat fait état des difficultés rencontrées par son mandataire financier pour ouvrir un compte bancaire, ayant conduit à l'intervention de la Banque de France en application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, lesquelles ont été méconnues en l'espèce. Rejet à bon droit et un an d'inéligibilité.

(2023-6189 AN, 16 juin 2023, cons. 3, JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 57)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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