Décision n° 2023-6134 AN du 22 juin 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 19 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Annie-Claude dite Saphia BOUCHER, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 4e circonscription du département de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6134 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par Mme BOUCHER, enregistrées les 3 et 8 mars 2023 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6.
2. Le compte de campagne de Mme BOUCHER a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 19 janvier 2023 pour plusieurs motifs. D’une part, si le compte de campagne déposé ne présentait ni dépense ni recette, six factures de location de véhicule, pour un montant total de 2 365,80 euros, n’ont pas été inscrites au compte de campagne et la preuve de leur paiement effectif n’a de surcroît pas été apportée à la date limite de dépôt des comptes de campagne, le compte apparaissant ainsi en déficit. D’autre part, aucun relevé bancaire n’a été joint au compte de campagne ou envoyé à la Commission dans le cadre de la procédure contradictoire. En outre, le compte de campagne n’a pas été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables alors même que la candidate a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
3. Il résulte de l’instruction que ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme BOUCHER.
4. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.
5. Dans ses observations, Mme BOUCHER soutient que les factures litigieuses auraient été prises en charge par son parti. Toutefois, même dans cette hypothèse, ces factures auraient dû être ajoutées aux dépenses du compte de campagne, au titre des concours en nature des partis politiques. Par ailleurs, si elle fait état de difficultés rencontrées pour l’établissement de son compte de campagne qu’elle impute notamment à son mandataire financier et au délégué départemental de son parti, elle ne conteste pas les autres manquements qui lui sont reprochés.
6. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ces manquements et de leur cumul, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme BOUCHER à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Mme Annie-Claude dite Saphia BOUCHER est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 22 juin 2023.
JORF n°0147 du 27 juin 2023, texte n° 58
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.6134.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
- 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
8.3.5.2.4.2. Absence de certification par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés : inéligibilité
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour plusieurs motifs. D’une part, si le compte de campagne déposé ne présentait ni dépense ni recette, six factures de location de véhicule, pour un montant total de 2 365,80 euros, n’ont pas été inscrites au compte de campagne et la preuve de leur paiement effectif n’a de surcroît pas été apportée à la date limite de dépôt des comptes de campagne, le compte apparaissant ainsi en déficit. D’autre part, aucun relevé bancaire n’a été joint au compte de campagne ou envoyé à la Commission dans le cadre de la procédure contradictoire. En outre, le compte de campagne n’a pas été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables alors même que la candidate a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il résulte de l’instruction que ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne. Dans ses observations, la candidate soutient que les factures litigieuses auraient été prises en charge par son parti. Toutefois, même dans cette hypothèse, ces factures auraient dû être ajoutées aux dépenses du compte de campagne, au titre des concours en nature des partis politiques. Par ailleurs, si elle fait état de difficultés rencontrées pour l’établissement de son compte de campagne qu’elle impute notamment à son mandataire financier et au délégué départemental de son parti, elle ne conteste pas les autres manquements qui lui sont reprochés. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.3. Présentation du compte
8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour plusieurs motifs. D’une part, si le compte de campagne déposé ne présentait ni dépense ni recette, six factures de location de véhicule, pour un montant total de 2 365,80 euros, n’ont pas été inscrites au compte de campagne et la preuve de leur paiement effectif n’a de surcroît pas été apportée à la date limite de dépôt des comptes de campagne, le compte apparaissant ainsi en déficit. D’autre part, aucun relevé bancaire n’a été joint au compte de campagne ou envoyé à la Commission dans le cadre de la procédure contradictoire. En outre, le compte de campagne n’a pas été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables alors même que la candidate a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Il résulte de l’instruction que ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne. Dans ses observations, la candidate soutient que les factures litigieuses auraient été prises en charge par son parti. Toutefois, même dans cette hypothèse, ces factures auraient dû être ajoutées aux dépenses du compte de campagne, au titre des concours en nature des partis politiques. Par ailleurs, si elle fait état de difficultés rencontrées pour l’établissement de son compte de campagne qu’elle impute notamment à son mandataire financier et au délégué départemental de son parti, elle ne conteste pas les autres manquements qui lui sont reprochés. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.