Décision n° 2023-5978 AN du 19 mai 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 15 décembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Virginie PERON, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-5978 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à Mme PERON, qui n’a pas produit d’observations ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral :
« Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».
2. Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 susvisée, ou s'est soumise aux règles, fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire financier désigné par eux.
3. Dans sa décision du 15 décembre 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme PERON au motif qu’elle a reçu du parti politique « Une nouvelle page », les 1er juin et 16 août 2022, deux dons pour un montant total de 1 700 euros, alors que ce parti ne remplissait pas les conditions lui permettant de participer au financement de la campagne électorale d’un candidat.
4. Il résulte de l’instruction que ce parti n’a en effet pas déposé ses comptes au titre de l’année 2020 en méconnaissance des obligations résultant de l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988. Cette absence de dépôt était mentionnée dans l’avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques publié au Journal officiel du 10 février 2022. Mme PERON doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant bénéficié, de la part d'une personne morale, d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme PERON.
5. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.
6. Compte tenu de la particulière gravité du manquement commis par Mme PERON, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Mme Virginie PERON est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 19 mai 2023.
JORF n°0118 du 23 mai 2023, texte n° 70
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.5978.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
- 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte
Dans sa décision du 15 décembre 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de la candidate au motif qu’elle a reçu du parti politique « Une nouvelle page », les 1er juin et 16 août 2022, deux dons pour un montant total de 1 700 euros, alors que ce parti ne remplissait pas les conditions lui permettant de participer au financement de la campagne électorale d’un candidat. Il résulte de l’instruction que ce parti n’a en effet pas déposé ses comptes au titre de l’année 2020 en méconnaissance des obligations résultant de l’article 11-7 de la loi du 11 mars 1988. Cette absence de dépôt était mentionnée dans l’avis relatif à la publication générale des comptes des partis et groupements politiques publié au Journal officiel du 10 février 2022. La candidate doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant bénéficié, de la part d'une personne morale, d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de la candidate. Un an d'inéligibilité.