Décision

Décision n° 2023-1046 QPC du 21 avril 2023

M. Éric D. [Perquisitions réalisées dans les locaux d'un ministère]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 février 2023 par la Cour de cassation (assemblée plénière, arrêt n° 665 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Éric D. par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1046 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale, du premier alinéa de l’article 57 du même code et du quatrième alinéa de son article 96, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et par Mes Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 10 mars 2023 ;
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et par Mes Ingrain et Lorrain, enregistrées le 27 mars 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 11 avril 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Le troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 3 juin 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit, à propos de l’officier de police judiciaire : « Toutefois, sans préjudice de l’application des articles 56-1 à 56-5, il a l’obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». 

2. Le premier alinéa de l’article 57 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit : « Sous réserve des articles 56-1 à 56-5 et du respect du secret professionnel et des droits de la défense mentionné à l’article 56, les opérations prescrites par ledit article sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu ». 

3. Le quatrième alinéa de l’article 96 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Les dispositions des articles 56 et 56-1 à 56-5 sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d’instruction ». 

4. Le requérant reproche à ces dispositions, qui autorisent les perquisitions et saisies, de ne pas prévoir de garanties protégeant les prérogatives du pouvoir exécutif dans le cas particulier où ces opérations sont réalisées dans les locaux d’un ministère à l’occasion d’une information visant un membre du Gouvernement. Selon lui, ces dispositions seraient ainsi entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant le principe de séparation des pouvoirs.

5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le quatrième alinéa de l’article 96 du code de procédure pénale.

6. L’article 56 du code de procédure pénale détermine les conditions selon lesquelles les perquisitions et saisies peuvent être réalisées dans le cadre d’une enquête de flagrance. Les articles 56-1 à 56-5 du même code prévoient des garanties particulières encadrant ces opérations lorsqu’elles sont réalisées dans des lieux abritant des documents couverts par certains secrets.

7. Le quatrième alinéa de l’article 96 prévoit que ces dispositions sont applicables aux perquisitions effectuées par le juge d’instruction.

8. Aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

9. Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de ces dispositions le principe de la séparation des pouvoirs qui s’applique notamment à l’égard du Gouvernement.

10. Ce principe peut être invoqué devant le Conseil constitutionnel saisi en application de l’article 61 de la Constitution. En revanche, sa méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

11. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’étendue de sa compétence par le législateur dans des conditions affectant le principe de la séparation des pouvoirs ne peut qu’être écarté.

12. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Le quatrième alinéa de l’article 96 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, est conforme à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 avril 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Corinne LUQUIENS et MM. François PILLET et Michel PINAULT.
 
Rendu public le 21 avril 2023.
 

JORF n°0095 du 22 avril 2023, texte n° 73
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.1046.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.1. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
  • 4.1.1.12. Article 16

Le principe de la séparation des pouvoirs peut être invoqué devant le Conseil constitutionnel saisi en application de l’article 61 de la Constitution. En revanche, sa méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Inopérance du grief tiré de la méconnaissance de l’étendue de sa compétence par le législateur dans des conditions affectant le principe de la séparation des pouvoirs.

(2023-1046 QPC, 21 avril 2023, cons. 8, 9, 10, 11, JORF n°0095 du 22 avril 2023, texte n° 73)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.6. Séparation des pouvoirs

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Le principe de la séparation des pouvoirs peut être invoqué devant le Conseil constitutionnel saisi en application de l’article 61 de la Constitution. En revanche, sa méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Inopérance du grief tiré de la méconnaissance de l’étendue de sa compétence par le législateur dans des conditions affectant le principe de la séparation des pouvoirs.

(2023-1046 QPC, 21 avril 2023, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, JORF n°0095 du 22 avril 2023, texte n° 73)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.3. Grief inopérant

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
Le principe de la séparation des pouvoirs peut être invoqué devant le Conseil constitutionnel saisi en application de l’article 61 de la Constitution. En revanche, sa méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
Inopérance du grief tiré de la méconnaissance de l’étendue de sa compétence par le législateur dans des conditions affectant le principe de la séparation des pouvoirs.

(2023-1046 QPC, 21 avril 2023, cons. 8, 9, 10, 11, JORF n°0095 du 22 avril 2023, texte n° 73)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2023-1046 QPC, 21 avril 2023, cons. 5, JORF n°0095 du 22 avril 2023, texte n° 73)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi Cass., Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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