Décision

Décision n° 2023-1040/1041 QPC du 31 mars 2023

M. Sami G. et autre [Notification des droits du patient faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention - Assistance ou représentation par un avocat dans le cadre du contrôle des mesures d’isolement ou de contention]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 janvier 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 152 du 26 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Sami G. par Me Valérie Castel-Pagès, avocate au barreau de Rennes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1040 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.
Il a également été saisi le 27 janvier 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 153 du 26 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sarah O. par Me Yann Sarfati, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1041 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de la santé publique ;
  • la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations en intervention présentées pour l’association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie par Me Jean-Marc Panfili, avocat au barreau du Tarn-et-Garonne, enregistrées le 31 janvier 2023 ;
  • les observations en intervention présentées pour l’association Avocats, droits et psychiatrie par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 8 et 10 février 2023 ;
  • les observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par Me Anne-Sophie Lépinard, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 14 février 2023 ;
  • les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine par Me Raphaël Mayet, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le même jour ;
  • les observations présentées pour le requérant par la SCP Boutet - Hourdeaux, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 février 2023 ;
  • les observations présentées pour la requérante par Me Sarfati, enregistrées le même jour ;  
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’union syndicale de la psychiatrie par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis par Me Quentin Dekimpe, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine par Me Mayet, enregistrées le 1er mars 2023 ;
  • les secondes observations présentées pour la requérante par Me Sarfati, enregistrées le 2 mars 2023 ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour l’association Avocats, droits et psychiatrie par Me Vaillant, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par Me Lépinard, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis par Me Dekimpe, enregistrées le même jour ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Clémence Hourdeaux, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Sarfati, pour la requérante, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour l’ordre des avocats au barreau de Paris, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’union syndicale de la psychiatrie, Me Lépinard, pour le Conseil national des barreaux, Me Mayet, pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, Me Vaillant, pour l’association Avocats, droits et psychiatrie, Me Dekimpe, pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 21 mars 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision.

2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n’a pas été précisée, du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 22 janvier 2022 mentionnée ci-dessus.

3. L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans cette rédaction, prévoit :
« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.
« La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.
« La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.
« II.- À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.
« Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.
« Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.
« Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.
« Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.
« Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.
« Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.
« Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II.
« III.- Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.
« L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1 ». 

4. Le requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, reproche à ces dispositions de ne pas prévoir, dès le début d’une mesure d’isolement ou de contention, la notification au patient de son droit de saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée et de son droit à l’assistance d’un avocat. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. Pour les mêmes motifs, ces dispositions méconnaîtraient en outre le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et la liberté d’aller et de venir.

5. La requérante, rejointe par certaines parties intervenantes, fait grief à ces dispositions de ne pas prévoir que le patient faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention est systématiquement assisté par un avocat lors du contrôle de cette mesure par le juge. Elles méconnaîtraient ainsi les droits de la défense et la liberté individuelle. Elles seraient en outre, pour les mêmes motifs, entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles.

6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.

7. Certaines parties intervenantes font par ailleurs valoir que, faute de prévoir la notification immédiate au patient de ses droits, les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences de l’article 66 de la Constitution, le droit à un procès équitable et l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. Elles seraient en outre entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles.

- Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif :

8. Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

9. En application des dispositions contestées, un patient en hospitalisation complète sans consentement peut, sur décision motivée d’un psychiatre, faire l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention, dont la durée initiale ne peut excéder, respectivement, douze heures ou six heures, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour lui-même ou pour autrui. Ces dispositions ne prévoient pas que le patient soit alors informé de son droit de saisir un juge aux fins de mainlevée de cette mesure.

10. En premier lieu, conformément à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée.

11. En deuxième lieu, d’une part, lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin. D’autre part, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement.

12. En dernier lieu, le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure.

13. Par conséquent, en ne prévoyant pas que le patient doit immédiatement être informé de son droit de demander la mainlevée de la décision de placement en isolement ou sous contention dont il fait l’objet, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes et du contrôle exercé par le juge judiciaire, le droit à un recours juridictionnel effectif.

- Sur le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense :

14. L’article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense.

15. D’une part, si les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté, de telles mesures ont uniquement pour objet de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. Ainsi, elles ne relèvent pas d’une procédure de recherche d’auteurs d’infractions et ne constituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Dès lors, l’absence de notification au patient placé en isolement ou sous contention de son droit à l’assistance d’un avocat ne peut être contestée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

16. D’autre part, les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi. Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat.

17. Le grief tiré d’une méconnaissance des droits de la défense ne peut donc qu’être écarté.

18. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et qui ne méconnaissent pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité humaine, la liberté d’aller et venir, le droit à un procès équitable ou les exigences de l’article 66 de la Constitution, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Les deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sont conformes à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 31 mars 2023.
 

JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.1040.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.1. Droits de la défense

Si les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté, de telles mesures ont uniquement pour objet de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. Ainsi, elles ne relèvent pas d’une procédure de recherche d’auteurs d’infractions et ne constituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Dès lors, l’absence de notification au patient placé en isolement ou sous contention de son droit à l’assistance d’un avocat ne peut être contestée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 15, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.3. Procédure civile

En application des dispositions contestées, un patient en hospitalisation complète sans consentement peut, sur décision motivée d’un psychiatre, faire l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention, dont la durée initiale ne peut excéder, respectivement, douze heures ou six heures, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour lui-même ou pour autrui. Ces dispositions ne prévoient pas que le patient soit alors informé de son droit de saisir un juge aux fins de mainlevée de cette mesure. En premier lieu, conformément à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée. En deuxième lieu, d’une part, lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin. D’autre part, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement. En dernier lieu, le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure. Par conséquent, en ne prévoyant pas que le patient doit immédiatement être informé de son droit de demander la mainlevée de la décision de placement en isolement ou sous contention dont il fait l’objet, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes et du contrôle exercé par le juge judiciaire, le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 9, 10, 11, 12, 13, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que les dispositions renvoyées.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 6, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.2. Détermination de la version de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée. Pour celles des dispositions renvoyées dont la rédaction n’a pas été précisée, le Conseil constitutionnel y procède en déterminant la rédaction applicable au litige.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 2, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.8. Grief mal dirigé

Les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi. Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 16, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.3. Droit au recours juridictionnel
  • 12.1.3.3. Application à la procédure judiciaire

En application des dispositions contestées, un patient en hospitalisation complète sans consentement peut, sur décision motivée d’un psychiatre, faire l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention, dont la durée initiale ne peut excéder, respectivement, douze heures ou six heures, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour lui-même ou pour autrui. Ces dispositions ne prévoient pas que le patient soit alors informé de son droit de saisir un juge aux fins de mainlevée de cette mesure. En premier lieu, conformément à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée. En deuxième lieu, d’une part, lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin. D’autre part, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement. En dernier lieu, le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure. Par conséquent, en ne prévoyant pas que le patient doit immédiatement être informé de son droit de demander la mainlevée de la décision de placement en isolement ou sous contention dont il fait l’objet, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes et du contrôle exercé par le juge judiciaire, le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2023-1040/1041 QPC, 31 mars 2023, cons. 9, 10, 11, 12, 13, JORF n°0078 du 1 avril 2023, texte n° 80)
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