Décision

Décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023

Mme Nacéra Z. [Procédure administrative d’expulsion du domicile d’autrui]
Conformité - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 20 janvier 2023 par le Conseil d’État (décision n° 468389 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Nacéra Z. par Me Matteo Bonaglia, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1038 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de justice administrative ;
  • la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ;
  • la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour la requérante par Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et Me  Bonaglia, enregistrées le 8 février 2023 ;
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour la Fédération nationale droit au logement, la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, le syndicat de la magistrature et l’association Secours catholique-Caritas France par Me Bonaglia et la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations en intervention présentées pour la Fédération nationale droit au logement, la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, le syndicat de la magistrature et le Secours catholique-Caritas France par Mes Bonaglia et Mathonnet, enregistrées le 23 février 2023 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Bonaglia, pour la requérante ainsi que pour les parties intervenantes, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 14 mars 2023 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.
« La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur.
« La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l’auteur de la demande.
« Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition de l’auteur de la demande dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure ».
 

2. La requérante reproche à ces dispositions d’instituer une procédure administrative permettant l’expulsion de l’occupant d’un logement sans prévoir d’examen contradictoire de sa situation personnelle et familiale, ni de recours suspensif garantissant qu’un juge se prononce avant qu’il soit procédé à son évacuation forcée. Il en résulterait une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif ainsi que du droit au respect de la vie privée et du droit à l’inviolabilité du domicile.

3. Elle critique par ailleurs la différence de traitement injustifiée entre les occupants d’un logement selon qu’ils font l’objet de la procédure d’expulsion prévue par ces dispositions ou de la procédure d’expulsion juridictionnelle de droit commun.

- Sur les interventions :

4. Selon le deuxième alinéa de l’article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d’un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention.

5. Au regard de son objet statutaire, le syndicat de la magistrature ne justifie pas d’un tel intérêt spécial. Par conséquent, son intervention n’est pas admise.

6. Les autres parties intervenantes développent les mêmes griefs que la requérante.

- Sur le fond :

7.  Selon l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile.

8. Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

9. Les dispositions contestées prévoient que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement.

10. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.

11. En deuxième lieu, d’une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu’en cas d’introduction et de maintien à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D’autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu’après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s’est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

12. En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d’intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l’inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée.

13. En quatrième lieu, le délai laissé à l’occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.

14. En dernier lieu, d’une part, les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité d’introduire un référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ou d’exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, peut suspendre l’exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D’autre part, le caractère non suspensif d’une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d’illégalité de la décision administrative d’évacuation forcée de l’occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

15. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l’inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

16. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la même réserve, être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12, l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, est conforme à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 24 mars 2023.
 

JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.1038.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.2. Procédure administrative

Le Conseil constitutionnel est saisi de dispositions qui permettent à la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. En cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement. D’une part, les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité d’introduire un référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ou d’exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, peut suspendre l’exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D’autre part, le caractère non suspensif d’une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d’illégalité de la décision administrative d’évacuation forcée de l’occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.

(2023-1038 QPC, 24 mars 2023, cons. 14, JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.3. Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)

Saisi des dispositions de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui prévoient que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, et que, en cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, le Conseil constitutionnel contrôle leur conformité à l'aune du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile, ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif.
En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.
En deuxième lieu, d’une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu’en cas d’introduction et de maintien à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D’autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu’après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s’est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.
En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d’intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l’inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée.
En quatrième lieu, le délai laissé à l’occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.
En dernier lieu, d’une part, les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité d’introduire un référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ou d’exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, peut suspendre l’exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D’autre part, le caractère non suspensif d’une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d’illégalité de la décision administrative d’évacuation forcée de l’occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.
Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée ci-dessus, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l’inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2023-1038 QPC, 24 mars 2023, cons. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.1. Observations en intervention

Au regard de son objet statutaire, le syndicat de la magistrature ne justifie pas d’un intérêt spécial. Par conséquent, son intervention n’est pas admise.

(2023-1038 QPC, 24 mars 2023, cons. 5, JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.3. Droit au recours juridictionnel
  • 12.1.3.2. Application à la procédure administrative

Saisi des dispositions de l’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui prévoient que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, et que, en cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, le Conseil constitutionnel contrôle leur conformité à l'aune du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile, ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif.
En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’évacuation à bref délai des domiciles illicitement occupés. Ce faisant, il a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété des occupants réguliers.
En deuxième lieu, d’une part, la mise en demeure ne peut être demandée au préfet qu’en cas d’introduction et de maintien à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte dans un domicile. D’autre part, elle ne peut être mise en œuvre qu’après que le demandeur a déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile, et fait constater par un officier de police judiciaire cette occupation illicite. Dès lors, le préfet ne peut mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux que dans le cas où il est constaté que ce dernier s’est introduit et maintenu dans le domicile en usant lui-même de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.
En troisième lieu, ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d’intérêt général. Toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l’inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée.
En quatrième lieu, le délai laissé à l’occupant pour déférer à la mise en demeure de quitter les lieux ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.
En dernier lieu, d’une part, les dispositions contestées ne privent pas l’occupant de la possibilité d’introduire un référé sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ou d’exercer un recours contre la mise en demeure devant le juge administratif qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, peut suspendre l’exécution de la mise en demeure ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. D’autre part, le caractère non suspensif d’une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, en cas d’illégalité de la décision administrative d’évacuation forcée de l’occupant, ce dernier peut exercer un recours indemnitaire devant le juge administratif.
Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des garanties mentionnées précédemment et sous la réserve énoncée ci-dessus, les dispositions contestées ne peuvent pas être regardées comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée ou le principe de l’inviolabilité du domicile. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2023-1038 QPC, 24 mars 2023, cons. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.10. DROIT SOCIAL
  • 16.10.26. Loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007)

Saisi de l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui prévoit que la personne dont le domicile est occupé de manière illicite, qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale, peut, sous certaines conditions, demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieuxn et que, en cas de refus de ce dernier, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, le Conseil relève que ces dispositions prévoient que le préfet peut ne pas engager de mise en demeure dans le cas où existe, pour cela, un motif impérieux d’intérêt général.
Par une réserve d'interprétation, il juge que, toutefois, elles ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au principe de l’inviolabilité du domicile, être interprétées comme autorisant le préfet à procéder à la mise en demeure sans prendre en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée.

(2023-1038 QPC, 24 mars 2023, cons. 12, JORF n°0072 du 25 mars 2023, texte n° 79)
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