Décision

Décision n° 2022-5907 AN du 24 mars 2023

A.N., Manche, 2e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 décembre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 28 novembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Thomas JOURNEL, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département de la Manche, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5907 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. JOURNEL, qui n’a pas produit d’observations ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. D’une part, il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8 de ce code.

2. D’autre part, il ressort du deuxième alinéa de l’article L. 52-4 et du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral que tout candidat à une élection déclare un mandataire financier, lequel recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne et ouvre un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ces opérations financières. En vertu du cinquième alinéa de l’article L. 52-6, les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l’a désigné.

3. Le compte de campagne de M. JOURNEL a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 28 novembre 2022, au motif que des dons recueillis en vue du financement de la campagne du candidat pour un montant de 6 200 euros n’ont pas été versés sur le compte bancaire unique du mandataire, en méconnaissance de l’article L. 52-6 du code électoral.

4. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. JOURNEL.

5. En vertu du troisième alinéa de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

6. Eu égard au caractère substantiel de l’obligation faite au candidat à une élection législative de ne recueillir des fonds en vue du financement de sa campagne que par l’intermédiaire du compte unique ouvert au nom de son mandataire, dont M. JOURNEL ne pouvait ignorer la portée, et en l’absence d’éléments fournis par l’intéressé de nature à expliquer les irrégularités constatées, il y a lieu en l’espèce, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l’inéligibilité de M. JOURNEL à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - M. Thomas JOURNEL est déclaré inéligible en application des dispositions de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 24 mars 2023.
 

JORF n°0074 du 28 mars 2023, texte n° 58
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5907.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.2. Perception des recettes

Le compte de campagne a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que des dons recueillis en vue du financement de la campagne du candidat pour un montant de 6 200 euros n’ont pas été versés sur le compte bancaire unique du mandataire, en méconnaissance de l’article L. 52-6 du code électoral. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne. Eu égard au caractère substantiel de l’obligation faite au candidat à une élection législative de ne recueillir des fonds en vue du financement de sa campagne que par l’intermédiaire du compte unique ouvert au nom de son mandataire, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, et en l’absence d’éléments fournis par l’intéressé de nature à expliquer les irrégularités constatées, il y a lieu en l’espèce, en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l’inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée d’un an.

(2022-5907 AN, 24 mars 2023, cons. 3, 4, 6, JORF n°0074 du 28 mars 2023, texte n° 58)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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