Décision

Décision n° 2022-5888 AN du 16 juin 2023

A.N., Français établis hors de France, 9e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 novembre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 17 novembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Rachida KAAOUT, candidate aux élections qui se sont déroulées les 5 et 19 juin 2022, dans la 9e circonscription des Français établis hors de France, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5888 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par Mme KAAOUT, enregistrées les 2 et 5 décembre 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6.

2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.

3. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que Mme KAAOUT, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue dès lors qu’elle n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture et ne pouvait donc pas être regardée comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques.

4. Si Mme KAAOUT fait valoir qu’elle avait retiré sa candidature, l’annonce publique de sa volonté de ne plus concourir est intervenue après le délai imparti par l’article R. 100 du code électoral pour retirer les candidatures et ne s’est pas accompagnée d’un retrait officiel de sa candidature dans les formes prévues par cet article, si bien que Mme KAAOUT, qui a au demeurant recueilli 90 suffrages au premier tour de scrutin, était bien candidate à l’élection.

5. L’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l’article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l’espèce, si Mme KAAOUT allègue que ses carnets de reçus-dons ont été détruits par son mandataire financier, elle ne produit aucun justificatif de nature à renverser cette présomption.

6. Il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme KAAOUT à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Mme Rachida KAAOUT est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 16 juin 2023.
 

JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 44
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5888.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.3. Déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.4. Retrait de la candidature

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que la candidate, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue dès lors qu’elle n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture et ne pouvait donc pas être regardée comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques. Si la candidate fait valoir qu’elle avait retiré sa candidature, l’annonce publique de sa volonté de ne plus concourir est intervenue après le délai imparti par l’article R. 100 du code électoral pour retirer les candidatures et ne s’est pas accompagnée d’un retrait officiel de sa candidature dans les formes prévues par cet article, si bien que la candidate, qui a au demeurant recueilli 90 suffrages au premier tour de scrutin, était bien candidate à l’élection. L’absence de restitution par la candidate des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l’article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l’espèce, si la candidate allègue que ses carnets de reçus-dons ont été détruits par son mandataire financier, elle ne produit aucun justificatif de nature à renverser cette présomption. Il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2022-5888 AN, 16 juin 2023, cons. 4, 5, JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 44)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.1. Obligation de dépôt du compte de campagne
  • 8.3.5.2.1.1. Absence de dépôt

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que la candidate, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’elle y était tenue dès lors qu’elle n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture et ne pouvait donc pas être regardée comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques. Si la candidate fait valoir qu’elle avait retiré sa candidature, l’annonce publique de sa volonté de ne plus concourir est intervenue après le délai imparti par l’article R. 100 du code électoral pour retirer les candidatures et ne s’est pas accompagnée d’un retrait officiel de sa candidature dans les formes prévues par cet article, si bien que la candidate, qui a au demeurant recueilli 90 suffrages au premier tour de scrutin, était bien candidate à l’élection. L’absence de restitution par la candidate des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l’article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l’espèce, si la candidate allègue que ses carnets de reçus-dons ont été détruits par son mandataire financier, elle ne produit aucun justificatif de nature à renverser cette présomption. Il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2022-5888 AN, 16 juin 2023, cons. 3, 4, 5, 6, JORF n°0141 du 20 juin 2023, texte n° 44)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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