Décision

Décision n° 2022-5839 AN du 31 mars 2023

A.N., Gironde, 5e circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 octobre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 5 octobre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Benoit SIMIAN, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département de la Gironde, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5839 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;

- la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;

  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. SIMIAN, enregistrées le 14 novembre 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». Il résulte par ailleurs de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection.

2. Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 mentionnée ci-dessus, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de déclarer par écrit à la préfecture de leur siège le nom de la personne physique désignée en qualité de mandataire financier.

3. Le compte de campagne de M. SIMIAN présente une recette unique de 2 740 euros, correspondant à une contribution versée le 21 mai 2022 par l’association « Girondins Ensemble Citoyens », créée le 3 janvier 2022 et déclarée en préfecture le 10 janvier 2022.

4. Dans sa décision du 5 octobre 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. SIMIAN en se fondant sur la circonstance tirée de ce que le récépissé de déclaration d’un mandataire financier par l’association « Girondins Ensemble Citoyens » était daté du 22 septembre 2022, soit une date postérieure à la date à laquelle l’association a versé sa contribution à la campagne du candidat. Dans ces conditions, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que l’association n’était pas autorisée à verser une telle contribution à la date du 21 mai 2022, et que le candidat avait dès lors bénéficié d’un avantage prohibé par la loi.

5. Si M. SIMIAN fait valoir que la désignation du mandataire financier de cette association a été faite dès son assemblée générale constitutive, le 3 janvier 2022, il ne produit toutefois aucune pièce permettant d’établir que la déclaration de cette désignation, prescrite par l’article 11-2 de la loi du 11 mars 1988, aurait été faite aux services compétents de la préfecture avant le versement, le 21 mai 2022, de la contribution de cette association à son compte de campagne.

6. Par suite, eu égard à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. SIMIAN.

7. En vertu du troisième alinéa de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

8. Dès lors, compte tenu de la gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. SIMIAN à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - M. Benoit SIMIAN est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 31 mars 2023.
 

JORF n°0080 du 4 avril 2023, texte n° 74
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5839.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Dans sa décision du 5 octobre 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne du candidat en se fondant sur la circonstance tirée de ce que le récépissé de déclaration d’un mandataire financier par l’association « Girondins Ensemble Citoyens » était daté du 22 septembre 2022, soit une date postérieure à la date à laquelle l’association a versé sa contribution de 2 740 euros à la campagne du candidat. Dans ces conditions, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que l’association n’était pas autorisée à verser une telle contribution à la date du 21 mai 2022, et que le candidat avait dès lors bénéficié d’un avantage prohibé par la loi. Si le candidat fait valoir que la désignation du mandataire financier de cette association a été faite dès son assemblée générale constitutive, le 3 janvier 2022, il ne produit toutefois aucune pièce permettant d’établir que la déclaration de cette désignation, prescrite par l’article 11-2 de la loi du 11 mars 1988, aurait été faite aux services compétents de la préfecture avant le versement, le 21 mai 2022, de la contribution de cette association à son compte de campagne. Par suite, eu égard à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne du candidat. Un an d'inélégibilité.

(2022-5839 AN, 31 mars 2023, cons. 4, 5, 6, 8, JORF n°0080 du 4 avril 2023, texte n° 74)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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