Décision

Décision n° 2022-5791 AN du 3 février 2023

A.N., Yvelines (11ème circ.), Mme Aurélie PIACENZA
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, pour Mme Aurélie PIACENZA, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 11ème circonscription du département des Yvelines, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5791 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires complémentaire et en réplique présentés pour Mme PIACENZA par Me Azouaou, enregistrés le 18 août et le 14 octobre 2022 ;
  • les mémoires en défense présentés pour M. William MARTINET, député, par Me Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 16 septembre et le 4 novembre 2022 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour Mme PIACENZA par Me Azouaou, enregistré le 28 novembre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l’article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n’a pas été communiqué ;
  • les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la requête a été donnée à M. Amara TRAORE, délégué de M. MARTINET, qui n’a pas produit d’observations ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022, approuvant le compte de campagne de M. MARTINET ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu les parties et leurs conseils ainsi que M. TRAORE ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

1. Aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de … 2 ° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ».

2. La publication sur la page Facebook du groupe « Ici Trappes », la veille du scrutin, d’un message incitant les électeurs, par des arguments tirés du débat national sur les prix à la consommation et le niveau des impositions, à ne pas voter pour Mme PIACENZA, candidate de la majorité présidentielle, et à voter pour M. MARTINET, candidat NUPES, ainsi que la publication sur la même page, le jour du scrutin, d’un message audiovisuel appelant à voter pour M. MARTINET, constituent des actes de propagande électorale prohibés par les dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral. Il en va de même de la publication, le même jour, sur la page Facebook du groupe « Tu sais que tu es originaire de la Verrière » du logo de la NUPES.

3. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que ces publications, pour regrettables qu’elles soient, aient pu avoir, compte tenu de leur faible audience, une incidence sur la sincérité du scrutin.

- Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 103 du code électoral : « Tout bulletin de vote imprimé à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale doit comporter, à la suite du nom du candidat, le nom de la personne appelée à remplacer le candidat élu dans les cas de vacance prévus par l’article LO. 176, précédé ou suivi de l’une des mentions suivantes : »remplaçant« ou »suppléant". / Le nom du remplaçant doit être imprimé en caractères de moindres dimensions que celui du candidat ».

5. La circonstance que M. MARTINET a distribué aux électeurs de la circonscription, en vue du premier tour de scrutin, un bulletin sur lequel son nom et celui de sa suppléante apparaissaient avec des caractères de même taille, et que l’intéressé a fait remplacer, le jour du scrutin, par des bulletins où le nom de sa suppléante figurait en caractères de moindres dimensions, n’est en tout état de cause pas susceptible d’avoir, au second tour de scrutin, entraîné de confusion dans l’esprit des électeurs sur la personne du candidat titulaire.

6. En deuxième lieu, selon le premier alinéa de l’article L. 67 du code électoral : « Tout candidat ou son représentant dûment désigné a le droit de contrôler toutes les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s’effectuent ces opérations, ainsi que d’exiger l’inscription au procès-verbal de toutes observations, protestations ou contestations sur lesdites opérations, soit avant la proclamation du scrutin, soit après ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 47 du même code : « Chaque candidat, binôme de candidats ou liste de candidats a le droit d’exiger la présence en permanence dans chaque bureau de vote d’un délégué habilité à contrôler toutes les opérations électorales, dans les conditions fixées par le premier alinéa de l’article L. 67. Chaque candidat, binôme de candidats ou liste de candidats ne peut désigner qu’un seul délégué par bureau de vote. Un même délégué peut être habilité à exercer ce contrôle dans plusieurs bureaux de vote ».

7. Il résulte de l’instruction, et notamment des observations figurant sur les procès-verbaux, qu’un délégué de M. MARTINET, dans les bureaux n° 2 et n° 3 de la commune de la Verrière, ne s’est pas borné à contrôler le déroulement des opérations électorales, ainsi qu’il est prévu aux articles L. 67 et R. 47 précités du code électoral, mais a contrôlé à plusieurs reprises les cartes d’électeur ou d’identité des électeurs à leur entrée dans le bureau de vote n° 3 et a accepté de remplacer, pendant une heure, un assesseur du bureau de vote n° 2. Il n’est cependant pas établi que ce délégué, en excédant ainsi ses fonctions, ait exercé des pressions sur les électeurs des bureaux concernés et aurait ainsi entaché la sincérité du scrutin.

8. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : »l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement.

9. La requérante soutient que quarante-et-une signatures sur les listes d’émargement des bureaux de vote de la commune de Trappes présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin.

10. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules dix signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement, en donnant, pour plusieurs d’entre eux, les raisons pour lesquelles leurs signatures comportaient des différences significatives entre les deux tours de scrutin.

11. Il y a ainsi lieu de déduire dix voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par M. MARTINET que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à cent-six voix. Cette rectification ne modifie donc pas l’ordre des candidats au second tour.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme PIACENZA doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  La requête de Mme Aurélie PIACENZA est rejetée.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 février 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 3 février 2023.
 

JORF n°0032 du 7 février 2023, texte n° 63
ECLI : FR : CC : 2023 : 2022.5791.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.7. Internet
  • 8.3.3.7.3. Réseaux sociaux

La publication sur la page Facebook du groupe « Ici Trappes », la veille du scrutin, d’un message incitant les électeurs, par des arguments tirés du débat national sur les prix à la consommation et le niveau des impositions, à ne pas voter pour la candidate de la majorité présidentielle et à voter pour le candidat NUPES, ainsi que la publication sur la même page, le jour du scrutin, d’un message audiovisuel appelant à voter pour ce dernier, constituent des actes de propagande électorale prohibés par les dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral. Il en va de même de la publication, le même jour, sur la page Facebook du groupe « Tu sais que tu es originaire de la Verrière » du logo de la NUPES. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que ces publications, pour regrettables qu’elles soient, aient pu avoir, compte tenu de leur faible audience, une incidence sur la sincérité du scrutin.

(2022-5791 AN, 03 février 2023, cons. 2, 3, JORF n°0032 du 7 février 2023, texte n° 63)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.3. Délégués des candidats

Il résulte de l’instruction, et notamment des observations figurant sur les procès-verbaux, qu’un délégué du candidat élu, dans les bureaux n° 2 et n° 3 de la commune de la Verrière, ne s’est pas borné à contrôler le déroulement des opérations électorales, ainsi qu’il est prévu aux articles L. 67 et R. 47 du code électoral, mais a contrôlé à plusieurs reprises les cartes d’électeur ou d’identité des électeurs à leur entrée dans le bureau de vote n° 3 et a accepté de remplacer, pendant une heure, un assesseur du bureau de vote n° 2. Il n’est cependant pas établi que ce délégué, en excédant ainsi ses fonctions, ait exercé des pressions sur les électeurs des bureaux concernés et aurait ainsi entaché la sincérité du scrutin. (rejet du grief)

(2022-5791 AN, 03 février 2023, cons. 7, JORF n°0032 du 7 février 2023, texte n° 63)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.6. Mise à disposition des électeurs des bulletins et des enveloppes
  • 8.3.6.4.6.1. Bulletins

La circonstance que le candidat élu a distribué aux électeurs de la circonscription, en vue du premier tour de scrutin, un bulletin sur lequel son nom et celui de sa suppléante apparaissaient avec des caractères de même taille, et que l’intéressé a fait remplacer, le jour du scrutin, par des bulletins où le nom de sa suppléante figurait en caractères de moindres dimensions, n’est en tout état de cause pas susceptible d’avoir, au second tour de scrutin, entraîné de confusion dans l’esprit des électeurs sur la personne du candidat titulaire.

(2022-5791 AN, 03 février 2023, cons. 5, JORF n°0032 du 7 février 2023, texte n° 63)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.4. Signatures

La requérante soutient que quarante-et-une signatures sur les listes d’émargement des bureaux de vote de la commune de Trappes présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules dix signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement, en donnant, pour plusieurs d’entre eux, les raisons pour lesquelles leurs signatures comportaient des différences significatives entre les deux tours de scrutin. Il y a ainsi lieu de déduire dix voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par le candidat élu que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à cent-six voix. Cette rectification ne modifie donc pas l’ordre des candidats au second tour.

(2022-5791 AN, 03 février 2023, cons. 9, 10, 11, JORF n°0032 du 7 février 2023, texte n° 63)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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