Décision

Décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022

Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Non conformité partielle - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, sous le n° 2022-843 DC, le 5 août 2022, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Élisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, Julien BAYOU, Mmes Christine ARRIGHI, Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEÏKH, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, MM. Sébastien PEYTAVIE, Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS et Sabrina SEBAIHI, députés.
Il a également été saisi, le 8 août 2022, par M. Patrick KANNER, Mme Viviane ARTIGALAS, MM. David ASSOULINE, Joël BIGOT, Mme Florence BLATRIX CONTAT, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, M. Yan CHANTREL, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Marie-Pierre de la GONTRIE, MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, M. Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, M. Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, MM. Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, MM. Jean-Yves LECONTE, Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Franck MONTAUGÉ, Sébastien PLA, Mmes Émilienne POUMIROL, Angèle PRÉVILLE, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Jean-Marc TODESCHINI, Mickaël VALLET, André VALLINI, Mme Sabine VAN HEGHE et M. Yannick VAUGRENARD, sénateurs.
Le 8 août 2022, la Première ministre a demandé au Conseil constitutionnel de statuer selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
  • la décision de la commission européenne du 12 juin 2012 concernant l'aide d'État SA.21918 (C 17/07) (ex NN 17/07) mise à exécution par la France - Tarifs réglementés de l'électricité en France ;
  • le code de l'énergie ;
  • le code de l'environnement ;
  • le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d'attribution d'un volume additionnel d'électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) ;
  • la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-791 DC du 7 novembre 2019 ;
  • le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10 août 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Les députés contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 29 ainsi que ses articles 30, 32 et 36. Les sénateurs contestent ses articles 39, 40 et 41.

- Sur certaines dispositions de l'article 29 et sur les articles 30, 32 et 36 :

. En ce qui concerne les normes de référence :

2. Aux termes du préambule de la Charte de l'environnement : « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel … l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains … la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation … afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

3. L'article 1er de la Charte de l'environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Les limitations apportées par le législateur à l'exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

4. Aux termes de l'article 6 de la Charte de l'environnement, « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ». Il appartient au législateur de déterminer, dans le respect du principe de conciliation posé par ces dispositions, les modalités de sa mise en œuvre.

5. Selon l'article 7 de la Charte de l'environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article 29 et l'article 30 :

6. L'article 29 de la loi déférée est relatif au régime d'autorisation et de maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant. L'article 30 prévoit les règles de procédure applicables au projet d'installation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre.

7. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et les exigences découlant des articles 1er, 5 et 6 de la Charte de l'environnement. À l'appui de ces griefs, ils font valoir, d'une part, que, en permettant le maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant et, d'autre part, en prévoyant des dérogations nombreuses et disproportionnées aux règles environnementales pour l'installation du terminal méthanier situé au Havre, le législateur aurait autorisé qu'il soit porté à l'environnement des atteintes irréversibles.

8. Les trois premiers paragraphes de l'article 29 prévoient, d'une part, la possibilité pour le ministre chargé de l'énergie d'imposer à un opérateur de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pendant la durée qu'il fixe et de lui assigner des capacités de traitement de gaz naturel liquéfié à atteindre et, d'autre part, les règles auxquelles cette installation est soumise.

9. L'article 30 prévoit les dérogations procédurales, notamment au code de l'environnement, applicables au projet d'installation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre.

10. Un terminal méthanier flottant est un navire servant d'installation de traitement de gaz naturel liquéfié, amarré dans un port où il est raccordé, par une canalisation, à un réseau de transport de gaz naturel. Au regard de son objet et de ses effets, l'installation et la mise en service d'un terminal méthanier flottant est susceptible de porter atteinte à l'environnement.

11. Toutefois, en premier lieu, il résulte des travaux préparatoires que ces dispositions visent à répondre à des difficultés d'approvisionnement énergétique en gaz par l'augmentation des capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié. Ce faisant, elles mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique.

12. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que le maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant ainsi que l'installation d'un tel terminal sur le site portuaire du Havre est possible lorsqu'il est nécessaire d'augmenter les capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Il résulte cependant du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz.

13. En troisième lieu, les dispositions de l'article 29 prévoient que le terminal méthanier flottant désigné par arrêté est soumis aux règles et aux contrôles de sécurité internationalement reconnus applicables à la catégorie des navires, et en particulier à ceux prenant en charge du gaz naturel liquéfié, ainsi qu'à l'ensemble des prescriptions prises par le préfet sur proposition de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire, afin notamment de prévenir les inconvénients ou dangers pour l'environnement. Ces prescriptions précisent les obligations liées au démantèlement ou à l'adaptation des installations et des équipements à l'issue de leur exploitation, incluant les éventuelles obligations de renaturation du site.

14. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions de l'article 30, qui prévoient des dérogations procédurales, ne s'appliquent que pour la réalisation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre et pour une durée d'exploitation qui ne peut dépasser cinq ans. D'autre part, ces dérogations, qui sont limitativement énumérées, ne peuvent être mises en œuvre que si elles sont strictement proportionnées aux besoins de ce projet et jusqu'au 1er janvier 2025. Dans tous les cas, le public est informé sur les incidences notables du projet sur l'environnement et la santé humaine et l'exploitant doit se conformer aux mesures d'évitement et de réduction des atteintes à des espèces protégées et à leurs habitats. En outre, dans un délai de six mois à compter de la mise en service du terminal, l'exploitant est tenu de réaliser une étude, mise à la disposition du public, sur les impacts environnementaux associés à l'exploitation du terminal. Il doit également, six mois avant la fin de l'exploitation, remettre une étude, mise à disposition du public, sur les conditions de démantèlement de l'exploitation, les mesures de compensation mises en œuvre et l'état de la biodiversité et des sols. Par ailleurs, les décisions de l'autorité compétente prises en application de ces dérogations peuvent faire l'objet de recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé.

15. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

16. Par conséquent, les trois premiers paragraphes de l'article 29 et l'article 30 de la loi déférée, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 5, 6 et 7 de la Charte de l'environnement, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont, sous cette même réserve, conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne les articles 32 et 36 :

17. L'article 36 de la loi déférée permet de rehausser le plafond d'émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles. Dans le cas où ce rehaussement conduit à une reprise d'activité temporaire de ces installations, l'article 32 permet à leurs exploitants de conclure des contrats de travail à durée déterminée et des contrats de mission selon des règles dérogatoires au droit du travail.

18. Les députés requérants dénoncent les dommages irréversibles qu'un tel rehaussement causerait à l'environnement ainsi que l'absence de précision sur la portée de l'obligation de compensation de cette mesure prévue par les dispositions déférées. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de l'article 6 de la Charte de l'environnement.

19. L'article L. 100-4 du code de l'énergie prévoit que, pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique primaire des énergies fossiles. L'article L. 222-1 A du code de l'environnement renvoie à un décret la fixation d'un plafond national des émissions de gaz à effet de serre. Pour concourir à ces objectifs et contribuer au respect de ce plafond, l'autorité administrative fixe, en application du II de l'article L. 311-5-3 du code de l'énergie, un plafond d'émissions applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure.

20. Les dispositions contestées permettent le rehaussement du plafond d'émissions de ces installations. Ce faisant, elles portent atteinte à l'environnement.

21. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter le risque de défaillance du système électrique national. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique.

22. D'une part, un tel rehaussement ne peut intervenir qu'en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 12, il résulte du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en électricité.

23. D'autre part, les exploitants des installations concernées sont soumis, sous peine de sanctions, à une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement du plafond d'émissions. Cette compensation doit permettre de financer des projets, situés sur le territoire français, favorisant notamment le renouvellement forestier, le boisement, l'agroforesterie, l'agrosylvopastoralisme ou l'adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone. Par ailleurs, en application de l'article L. 229-55 du code de l'environnement, les réductions et séquestrations d'émissions issues de ces projets doivent être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles.

24. Il incombe au pouvoir réglementaire de fixer le niveau et les modalités de cette obligation afin de compenser effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas compromettre le respect des objectifs de réduction de ces émissions et de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie.

25. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 22 et 24, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

26. Par conséquent, sous les mêmes réserves, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus l'article 6 de la Charte de l'environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur les articles 39 et 40 :

27. L'article 39 de la loi déférée modifie l'article L. 336-2 du code de l'énergie afin de prévoir que le volume global d'électricité nucléaire historique qu'Électricité de France est tenue de céder aux autres fournisseurs d'électricité ne peut désormais excéder 120 térawattheures par an. Son article 40 complète l'article L. 337-16 du même code afin de fixer le prix minimum de vente de l'électricité nucléaire.

28. Les sénateurs requérants soutiennent tout d'abord que ces dispositions seraient manifestement incompatibles avec les articles 1er et 2 de la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012 mentionnée ci-dessus ainsi qu'avec l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elles méconnaîtraient ainsi les exigences résultant de l'article 88-1 de la Constitution.

29. Les sénateurs requérants reprochent ensuite à ces dispositions, d'une part, de contraindre Électricité de France à céder aux autres fournisseurs d'électricité une part substantielle de sa production d'électricité nucléaire à un tarif réglementé et, d'autre part, de ne pas soumettre la fixation définitive du prix à la prise en compte des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

30. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

31. L'article L. 336-2 du code de l'énergie prévoit qu'Électricité de France est tenue d'offrir annuellement à la vente aux autres fournisseurs d'électricité, à un prix déterminé par arrêté, un volume global d'électricité nucléaire historique. Les dispositions contestées prévoient que ce volume ne peut excéder 120 térawattheures et que le prix de cette électricité ne peut être inférieur à 49,5 euros par mégawattheure. Elles portent ainsi atteinte à la liberté d'entreprendre d'Électricité de France.

32. Toutefois, en premier lieu, Électricité de France dispose d'un monopole de production de l'électricité nucléaire en France. L'obligation qui lui est imposée d'offrir à la vente aux autres fournisseurs d'électricité un volume d'électricité nucléaire historique à un prix déterminé a pour objet, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d'électricité, de faire bénéficier l'ensemble des fournisseurs et leurs clients de la compétitivité du parc nucléaire français. En fixant à 120 térawattheures ce volume maximal d'électricité, le législateur a entendu éviter la situation où les fournisseurs, faute d'accéder au volume d'énergie nucléaire nécessaire pour fournir leurs clients, seraient contraints d'acquérir sur le marché une électricité plus chère entraînant ainsi un renchérissement des prix pour le consommateur final. Ainsi, le législateur, qui a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l'électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché, a poursuivi un objectif d'intérêt général.

33. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 336-8 du code de l'énergie que cet accès régulé à l'électricité nucléaire historique est un dispositif transitoire s'achevant le 31 décembre 2025.

34. En troisième lieu, il résulte de l'article L. 336-2 du même code que le volume d'électricité nucléaire qu'Électricité de France peut être tenue de céder est déterminé, dans la limite du plafond annuel de 120 térawattheures, de façon strictement proportionnée aux objectifs de développement de la concurrence sur les marchés de la production d'électricité et de fourniture de celle-ci aux consommateurs ainsi que de contribution à la stabilité des prix.

35. En quatrième lieu, l'article L. 336-5 du même code prévoit que, dans le cas où le volume d'électricité nucléaire alloué à un fournisseur se révèle supérieur à la consommation constatée de ses clients, le fournisseur est tenu de verser un complément de prix au moins égal à la partie positive de l'écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire. Ce dispositif contribue à protéger Électricité de France contre des demandes excessives d'achat de l'électricité nucléaire historique.

36. En dernier lieu, d'une part, l'article L. 337-13 du code de l'énergie prévoit que le prix auquel est cédé cette électricité nucléaire historique aux autres fournisseurs est arrêté par les ministres chargés de l'énergie et de l'économie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. Selon l'article L. 337-14 du même code, ce prix doit être représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires afin d'assurer une juste rémunération à Électricité de France. À cet égard, il doit intégrer la rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité, les coûts d'exploitation, les coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation et les coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base. Aux termes de l'article L. 337-15 du même code, les méthodes d'identification et de comptabilisation de ces coûts sont précisées par décret en Conseil d'État.

37. D'autre part, l'article L. 337-16 du code de l'énergie prévoit que, jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret, le prix de l'électricité est arrêté par les ministres chargés de l'énergie et de l'économie après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Il prévoit également que, pour réviser ce prix, peuvent notamment être prises en compte l'évolution de l'indice des prix à la consommation et celle du volume global maximal d'électricité nucléaire historique pouvant être cédé. En application de la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel au paragraphe 11 de sa décision du 7 novembre 2019 mentionnée ci-dessus, les ministres chargés de l'énergie et de l'économie doivent arrêter un prix en tenant suffisamment compte des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires.

38. Il résulte de ce qui précède qu'en fixant à 120 térawattheures le volume maximal d'électricité nucléaire historique qu'Électricité de France est tenue de céder aux autres fournisseurs d'électricité et à 49,5 euros par mégawattheure le prix minimum de cette électricité, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d'entreprendre.

39. Par ailleurs, d'une part, les dispositions contestées n'ont pas pour objet d'adapter le droit interne à la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012, qui n'a fait que constater la compatibilité avec le marché intérieur du dispositif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique mis en place par la France. D'autre part, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux et européens de la France. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit de l'Union européenne ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doivent être écartés.

40. Par conséquent, les mots « 120 térawattheures par an » figurant à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 336-2 du code de l'énergie et la dernière phrase de l'article L. 337-16 du code de l'énergie, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur l'article 41 :

41. L'article 41 de la loi déférée procède à la validation du décret du 11 mars 2022 mentionné ci-dessus qui prévoit les modalités de cession des volumes additionnels alloués aux fournisseurs d'électricité à la suite du rehaussement du plafond du volume global d'électricité nucléaire historique qu'Électricité de France est tenue de leur céder.

42. Les sénateurs requérants reprochent tout d'abord à ces dispositions de méconnaître l'article 16 de la Déclaration de 1789, dès lors que l'atteinte aux droits des personnes résultant de la validation du décret du 11 mars 2022, qui serait lui-même contraire à la liberté d'entreprendre, ne serait pas justifiée par un motif impérieux d'intérêt général de valeur constitutionnelle.

43. Ils soutiennent ensuite que ces dispositions seraient manifestement incompatibles avec l'article 2 de la décision du 12 juin 2012 ainsi qu'avec l'article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ils font enfin valoir que les dispositions contestées porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre d'Électricité de France.

44. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l'atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. En outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d'intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie.

45. Le décret du 11 mars 2022 précise les modalités de cession des volumes additionnels alloués à la suite du rehaussement du volume global maximal d'électricité nucléaire historique. Il prévoit notamment que, pour pouvoir en bénéficier, les fournisseurs doivent s'engager à revendre à Électricité de France un volume d'électricité équivalent à celui qui leur est cédé, à un prix déterminé. Les dispositions contestées ont pour objet de valider ce décret.

46. En premier lieu, le décret en cause n'est validé qu'en tant que sa régularité serait contestée pour le motif tiré du défaut d'accomplissement des consultations auxquelles le code de commerce, le code de l'énergie ou le code monétaire et financier confère, le cas échéant, un caractère obligatoire. Le législateur a ainsi strictement limité la portée de cette validation.

47. En deuxième lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter de graves perturbations du marché de l'électricité et prévenir les conséquences financières importantes qu'une éventuelle annulation du décret du 11 mars 2022 auraient pour un grand nombre de consommateurs. Dans ces conditions, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des personnes susceptibles de contester ce décret est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général.

48. En dernier lieu, d'une part, le législateur a expressément réservé les décisions de justice passées en force de chose jugée. D'autre part, compte tenu de l'objectif d'intérêt général poursuivi, le décret validé ne méconnaît pas la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle.

49. Il résulte ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

50. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 39, les griefs tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne et, en tout état de cause, de l'article 88-1 de la Constitution doivent être écartés.

51. Par conséquent, l'article 41 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution.

- Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :

52. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

53. La loi déférée a pour origine le projet de loi déposé le 7 juillet 2022 sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie. Ce texte comportait vingt articles, répartis en quatre titres. Le titre Ier comportait des dispositions relatives à la rémunération du travail ainsi qu'à la revalorisation des retraites, de certaines prestations sociales et des aides personnelles au logement. Le titre II prévoyait de nouvelles règles en matière de résiliation des contrats et de lutte contre les pratiques commerciales illicites. Le titre III, relatif à la souveraineté énergétique, comprenait des dispositions visant à sécuriser l'approvisionnement en gaz naturel et en électricité, ainsi que des dispositions relatives à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Le titre IV visait à étendre à l'ensemble des produits énergétiques le dispositif d'indexation gazole applicable aux contrats de transport de marchandises.

54. L'article 46 prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport évaluant les conséquences environnementales, économiques et techniques de l'autorisation d'utiliser des huiles alimentaires usagées comme carburant pour les véhicules. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l'article 20 du projet de loi initial relatif à l'extension du mécanisme d'indexation gazole à l'ensemble des produits énergétiques.

55. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

56. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

- Sur les autres dispositions :

57. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - L'article 46 de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est contraire à la Constitution.
 
Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
-  sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les paragraphes I à III de l'article 29 et l'article 30 de la loi déférée ;

  • sous les réserves énoncées aux paragraphes 22 et 24, l'article 36 de la loi déférée.
     
    Article 3. - Sont conformes à la Constitution :
  • les mots « 120 térawattheures par an » figurant à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 336-2 du code de l'énergie, dans sa rédaction résultant de l'article 39 de la même loi ;
  • la dernière phrase de l'article L. 337-16 du code de l'énergie, dans sa rédaction résultant de l'article 40 de la même loi ;
  • l'article 41 de la loi déférée.

Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 août 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 12 août 2022.
 

JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.843.DC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.4. Sécurité juridique
  • 4.2.2.4.2. Autre mesure rétroactive
  • 4.2.2.4.2.2. Validation législative
  • 4.2.2.4.2.2.4. Motif impérieux d'intérêt général

Le décret du 11 mars 2022 précise les modalités de cession des volumes additionnels alloués à la suite du rehaussement du volume global maximal d'électricité nucléaire historique. Il prévoit notamment que, pour pouvoir en bénéficier, les fournisseurs doivent s'engager à revendre à Électricité de France un volume d'électricité équivalent à celui qui leur est cédé, à un prix déterminé. Les dispositions contestées ont pour objet de valider ce décret.
En premier lieu, le décret en cause n'est validé qu'en tant que sa régularité serait contestée pour le motif tiré du défaut d'accomplissement des consultations auxquelles le code de commerce, le code de l'énergie ou le code monétaire et financier confère, le cas échéant, un caractère obligatoire. Le législateur a ainsi strictement limité la portée de cette validation. En deuxième lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter de graves perturbations du marché de l'électricité et prévenir les conséquences financières importantes qu'une éventuelle annulation du décret du 11 mars 2022 auraient pour un grand nombre de consommateurs. Dans ces conditions, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des personnes susceptibles de contester ce décret est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. En dernier lieu, d'une part, le législateur a expressément réservé les décisions de justice passées en force de chose jugée. D'autre part, compte tenu de l'objectif d'intérêt général poursuivi, le décret validé ne méconnaît pas la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 45, 46, 47, 48, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.11. ENVIRONNEMENT
  • 4.11.1. Droit à vivre dans un environnement sain et vigilance environnementale

Saisi des dispositions des articles 29 et 30 de la loi fixant le régime d'autorisation et de maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant et prévoyant les règles de procédure applicables au projet d'installation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre, le Conseil juge qu'un terminal méthanier flottant est un navire servant d'installation de traitement de gaz naturel liquéfié, amarré dans un port où il est raccordé, par une canalisation, à un réseau de transport de gaz naturel. Au regard de son objet et de ses effets, l'installation et la mise en service d'un terminal méthanier flottant est susceptible de porter atteinte à l'environnement. Toutefois, en premier lieu, il résulte des travaux préparatoires que ces dispositions visent à répondre à des difficultés d'approvisionnement énergétique en gaz par l'augmentation des capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié. Ce faisant, elles mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que le maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant ainsi que l'installation d'un tel terminal sur le site portuaire du Havre est possible lorsqu'il est nécessaire d'augmenter les capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Il résulte cependant du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz. En troisième lieu, les dispositions de l'article 29 prévoient que le terminal méthanier flottant désigné par arrêté est soumis aux règles et aux contrôles de sécurité internationalement reconnus applicables à la catégorie des navires, et en particulier à ceux prenant en charge du gaz naturel liquéfié, ainsi qu'à l'ensemble des prescriptions prises par le préfet sur proposition de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire, afin notamment de prévenir les inconvénients ou dangers pour l'environnement. Ces prescriptions précisent les obligations liées au démantèlement ou à l'adaptation des installations et des équipements à l'issue de leur exploitation, incluant les éventuelles obligations de renaturation du site. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions de l'article 30, qui prévoient des dérogations procédurales, ne s'appliquent que pour la réalisation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre et pour une durée d'exploitation qui ne peut dépasser cinq ans. D'autre part, ces dérogations, qui sont limitativement énumérées, ne peuvent être mises en œuvre que si elles sont strictement proportionnées aux besoins de ce projet et jusqu'au 1er janvier 2025. Dans tous les cas, le public est informé sur les incidences notables du projet sur l'environnement et la santé humaine et l'exploitant doit se conformer aux mesures d'évitement et de réduction des atteintes à des espèces protégées et à leurs habitats. En outre, dans un délai de six mois à compter de la mise en service du terminal, l'exploitant est tenu de réaliser une étude, mise à la disposition du public, sur les impacts environnementaux associés à l'exploitation du terminal. Il doit également, six mois avant la fin de l'exploitation, remettre une étude, mise à disposition du public, sur les conditions de démantèlement de l'exploitation, les mesures de compensation mises en œuvre et l'état de la biodiversité et des sols. Par ailleurs, les décisions de l'autorité compétente prises en application de ces dérogations peuvent faire l'objet de recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 10, 11, 12, 13, 14, 15, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)

Le Conseil est saisi de dispositions autorisant le rehaussement du plafond d'émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles. L'article L. 100-4 du code de l'énergie prévoit que, pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique primaire des énergies fossiles. L'article L. 222–1 A du code de l'environnement renvoie à un décret la fixation d'un plafond national des émissions de gaz à effet de serre. Pour concourir à ces objectifs et contribuer au respect de ce plafond, l'autorité administrative fixe, en application du II de l'article L. 311-5-3 du code de l'énergie, un plafond d'émissions applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure. Les dispositions contestées permettent le rehaussement du plafond d'émissions de ces installations. Ce faisant, elles portent atteinte à l'environnement. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter le risque de défaillance du système électrique national. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. D'une part, un tel rehaussement ne peut intervenir qu'en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 12, il résulte du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en électricité. D'autre part, les exploitants des installations concernées sont soumis, sous peine de sanctions, à une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement du plafond d'émissions. Cette compensation doit permettre de financer des projets, situés sur le territoire français, favorisant notamment le renouvellement forestier, le boisement, l'agroforesterie, l'agrosylvopastoralisme ou l'adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone. Par ailleurs, en application de l'article L. 229-55 du code de l'environnement, les réductions et séquestrations d'émissions issues de ces projets doivent être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles. Il incombe au pouvoir réglementaire de fixer le niveau et les modalités de cette obligation afin de compenser effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas compromettre le respect des objectifs de réduction de ces émissions et de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 22 et 24, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
  • 4.21.2. Liberté d'entreprendre
  • 4.21.2.5. Conciliation du principe
  • 4.21.2.5.2. Avec l'intérêt général

L'article L. 336-2 du code de l'énergie prévoit qu'Électricité de France est tenue d'offrir annuellement à la vente aux autres fournisseurs d'électricité, à un prix déterminé par arrêté, un volume global d'électricité nucléaire historique. Les dispositions contestées prévoient que ce volume ne peut excéder 120 térawattheures et que le prix de cette électricité ne peut être inférieur à 49,5 euros par mégawattheure. Elles portent ainsi atteinte à la liberté d'entreprendre d'Électricité de France.
Toutefois, en premier lieu, Électricité de France dispose d'un monopole de production de l'électricité nucléaire en France. L'obligation qui lui est imposée d'offrir à la vente aux autres fournisseurs d'électricité un volume d'électricité nucléaire historique à un prix déterminé a pour objet, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d'électricité, de faire bénéficier l'ensemble des fournisseurs et leurs clients de la compétitivité du parc nucléaire français. En fixant à 120 térawattheures ce volume maximal d'électricité, le législateur a entendu éviter la situation où les fournisseurs, faute d'accéder au volume d'énergie nucléaire nécessaire pour fournir leurs clients, seraient contraints d'acquérir sur le marché une électricité plus chère entraînant ainsi un renchérissement des prix pour le consommateur final. Ainsi, le législateur, qui a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l'électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché, a poursuivi un objectif d'intérêt général. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 336-8 du code de l'énergie que cet accès régulé à l'électricité nucléaire historique est un dispositif transitoire s'achevant le 31 décembre 2025. En troisième lieu, il résulte de l'article L. 336-2 du même code que le volume d'électricité nucléaire qu'Électricité de France peut être tenue de céder est déterminé, dans la limite du plafond annuel de 120 térawattheures, de façon strictement proportionnée aux objectifs de développement de la concurrence sur les marchés de la production d'électricité et de fourniture de celle-ci aux consommateurs ainsi que de contribution à la stabilité des prix. En quatrième lieu, l'article L. 336-5 du même code prévoit que, dans le cas où le volume d'électricité nucléaire alloué à un fournisseur se révèle supérieur à la consommation constatée de ses clients, le fournisseur est tenu de verser un complément de prix au moins égal à la partie positive de l'écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire. Ce dispositif contribue à protéger Électricité de France contre des demandes excessives d'achat de l'électricité nucléaire historique. En dernier lieu, d'une part, l'article L. 337-13 du code de l'énergie prévoit que le prix auquel est cédé cette électricité nucléaire historique aux autres fournisseurs est arrêté par les ministres chargés de l'énergie et de l'économie sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie. Selon l'article L. 337-14 du même code, ce prix doit être représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires afin d'assurer une juste rémunération à Électricité de France. À cet égard, il doit intégrer la rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité, les coûts d'exploitation, les coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation et les coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base. Aux termes de l'article L. 337-15 du même code, les méthodes d'identification et de comptabilisation de ces coûts sont précisées par décret en Conseil d'État. D'autre part, l'article L. 337-16 du code de l'énergie prévoit que, jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret, le prix de l'électricité est arrêté par les ministres chargés de l'énergie et de l'économie après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Il prévoit également que, pour réviser ce prix, peuvent notamment être prises en compte l'évolution de l'indice des prix à la consommation et celle du volume global maximal d'électricité nucléaire historique pouvant être cédé. En application de la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel au paragraphe 11 de sa décision du 7 novembre 2019, les ministres chargés de l'énergie et de l'économie doivent arrêter un prix en tenant suffisamment compte des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires. Il résulte de ce qui précède qu'en fixant à 120 térawattheures le volume maximal d'électricité nucléaire historique qu'Électricité de France est tenue de céder aux autres fournisseurs d'électricité et à 49,5 euros par mégawattheure le prix minimum de cette électricité, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d'entreprendre.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.2. Spécificité des fondements constitutionnels
  • 7.4.2.1. Participation de la France aux Communautés européennes et à l'Union européenne (article 88-1)

D'une part, les dispositions contestées n'ont pas pour objet d'adapter le droit interne à la décision de la Commission européenne du 12 juin 2012, qui n'a fait que constater la compatibilité avec le marché intérieur du dispositif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique mis en place par la France. D'autre part, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux et européens de la France. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit de l'Union européenne ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doivent être écartés.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 39, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.6. DROIT RURAL ET DE L'ENVIRONNEMENT
  • 16.6.2. Loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (n° 2022-1158 du 16 août 2022)

Saisi des dispositions des articles 29 et 30 de la loi fixant le régime d'autorisation et de maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant et prévoyant les règles de procédure applicables au projet d'installation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre, le Conseil juge qu'un terminal méthanier flottant est un navire servant d'installation de traitement de gaz naturel liquéfié, amarré dans un port où il est raccordé, par une canalisation, à un réseau de transport de gaz naturel. Au regard de son objet et de ses effets, l'installation et la mise en service d'un terminal méthanier flottant est susceptible de porter atteinte à l'environnement. Toutefois, en premier lieu, il résulte des travaux préparatoires que ces dispositions visent à répondre à des difficultés d'approvisionnement énergétique en gaz par l'augmentation des capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié. Ce faisant, elles mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que le maintien en exploitation d'un terminal méthanier flottant ainsi que l'installation d'un tel terminal sur le site portuaire du Havre est possible lorsqu'il est nécessaire d'augmenter les capacités nationales de traitement de gaz naturel liquéfié afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Il résulte cependant du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz. En troisième lieu, les dispositions de l'article 29 prévoient que le terminal méthanier flottant désigné par arrêté est soumis aux règles et aux contrôles de sécurité internationalement reconnus applicables à la catégorie des navires, et en particulier à ceux prenant en charge du gaz naturel liquéfié, ainsi qu'à l'ensemble des prescriptions prises par le préfet sur proposition de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire, afin notamment de prévenir les inconvénients ou dangers pour l'environnement. Ces prescriptions précisent les obligations liées au démantèlement ou à l'adaptation des installations et des équipements à l'issue de leur exploitation, incluant les éventuelles obligations de renaturation du site. En quatrième lieu, d'une part, les dispositions de l'article 30, qui prévoient des dérogations procédurales, ne s'appliquent que pour la réalisation d'un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre et pour une durée d'exploitation qui ne peut dépasser cinq ans. D'autre part, ces dérogations, qui sont limitativement énumérées, ne peuvent être mises en œuvre que si elles sont strictement proportionnées aux besoins de ce projet et jusqu'au 1er janvier 2025. Dans tous les cas, le public est informé sur les incidences notables du projet sur l'environnement et la santé humaine et l'exploitant doit se conformer aux mesures d'évitement et de réduction des atteintes à des espèces protégées et à leurs habitats. En outre, dans un délai de six mois à compter de la mise en service du terminal, l'exploitant est tenu de réaliser une étude, mise à la disposition du public, sur les impacts environnementaux associés à l'exploitation du terminal. Il doit également, six mois avant la fin de l'exploitation, remettre une étude, mise à disposition du public, sur les conditions de démantèlement de l'exploitation, les mesures de compensation mises en œuvre et l'état de la biodiversité et des sols. Par ailleurs, les décisions de l'autorité compétente prises en application de ces dérogations peuvent faire l'objet de recours devant le juge administratif, y compris par la voie du référé. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 10, 11, 12, 13, 14, 15, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)

Le Conseil est saisi de dispositions autorisant le rehaussement du plafond d'émissions de gaz à effet de serre applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles. L'article L. 100-4 du code de l'énergie prévoit que, pour répondre à l'urgence écologique et climatique, la politique énergétique nationale a notamment pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique primaire des énergies fossiles. L'article L. 222–1 A du code de l'environnement renvoie à un décret la fixation d'un plafond national des émissions de gaz à effet de serre. Pour concourir à ces objectifs et contribuer au respect de ce plafond, l'autorité administrative fixe, en application du II de l'article L. 311-5-3 du code de l'énergie, un plafond d'émissions applicable aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure. Les dispositions contestées permettent le rehaussement du plafond d'émissions de ces installations. Ce faisant, elles portent atteinte à l'environnement. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter le risque de défaillance du système électrique national. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique. D'une part, un tel rehaussement ne peut intervenir qu'en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 12, il résulte du préambule de la Charte de l'environnement que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dès lors, sauf à méconnaître l'article 1er de la Charte de l'environnement, ces dispositions ne sauraient s'appliquer que dans le cas d'une menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en électricité. D'autre part, les exploitants des installations concernées sont soumis, sous peine de sanctions, à une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre résultant du rehaussement du plafond d'émissions. Cette compensation doit permettre de financer des projets, situés sur le territoire français, favorisant notamment le renouvellement forestier, le boisement, l'agroforesterie, l'agrosylvopastoralisme ou l'adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage naturel de carbone. Par ailleurs, en application de l'article L. 229-55 du code de l'environnement, les réductions et séquestrations d'émissions issues de ces projets doivent être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles. Il incombe au pouvoir réglementaire de fixer le niveau et les modalités de cette obligation afin de compenser effectivement la hausse des émissions de gaz à effet de serre et de ne pas compromettre le respect des objectifs de réduction de ces émissions et de réduction de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles fixés par l'article L. 100-4 du code de l'énergie. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 22 et 24, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 1er de la Charte de l'environnement.

(2022-843 DC, 12 août 2022, cons. 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 5)
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