Décision

Décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022

Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, sous le n° 2022-841 DC, le 29 juillet 2022, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Élisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Bénédicte TAURINE, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER et Léo WALTER et, le 4 août 2022, par M. Julien BAYOU, Mmes Christine ARRIGHI, Cyrielle CHATELAIN, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, MM. Benjamin LUCAS, Sébastien PEYTAVIE, Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS et Sophie TAILLÉ-POLIAN, députés.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne ;
  • le code de justice administrative ;
  • la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
  • le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 4 août 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article unique.

2. L'article unique de la loi déférée insère notamment les articles 6-1-1, 6-1-3 et 6-1-5 au sein de la loi du 21 juin 2004 mentionnée ci-dessus, afin de déterminer, respectivement, l'autorité compétente pour enjoindre aux fournisseurs de services d'hébergement de retirer des contenus à caractère terroriste au titre de l'article 3 du règlement du 29 avril 2021 mentionné ci-dessus, les peines applicables en cas de manquement à l'obligation d'y déférer et les voies de recours contre ces injonctions.

3. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de donner compétence à l'administration pour déterminer le caractère terroriste des contenus qu'elle peut enjoindre à ces fournisseurs de retirer dans un délai d'une heure, sous peine de sanctions pénales et sans prévoir de recours suspensif ni aucune autre garantie palliant l'absence d'intervention préalable d'un juge. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté d'expression et de communication et, en particulier, de la liberté d'accéder aux services de communication au public en ligne et de s'y exprimer. À cet égard, ils soutiennent, d'une part, que cette liberté constituerait un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France et, d'autre part, que le règlement précité n'appelle en tout état de cause aucune mesure d'adaptation en droit interne de sorte que les dispositions contestées ne pourraient être regardées comme se bornant à en tirer les conséquences nécessaires.

- Sur le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel :

4.  Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». Ainsi tant la transposition en droit interne d'une directive de l'Union européenne que le respect d'un règlement de l'Union européenne, lorsqu'une loi a pour objet d'y adapter le droit interne, résultent d'une exigence constitutionnelle.

5. Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive de l'Union européenne, de veiller au respect de cette exigence. Il en va de même pour une loi ayant pour objet d'adapter le droit interne à un règlement de l'Union européenne. Toutefois, la transposition d'une directive ou l'adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En l'absence de mise en cause d'une telle règle ou d'un tel principe, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne.

6. Les dispositions du règlement du 29 avril 2021, et en particulier ses articles 9, 12 et 18, imposent seulement aux États membres de l'Union européenne de désigner une autorité compétente pour émettre une injonction de retrait au titre de l'article 3 du même règlement, de prévoir un recours effectif permettant aux fournisseurs de services d'hébergement de contester une telle injonction devant les juridictions de l'État membre de l'autorité qui l'a émise, ainsi que de déterminer le régime des sanctions applicables en cas de manquement. Elles confèrent ainsi aux États membres une marge d'appréciation pour choisir cette autorité et déterminer les conditions du recours ainsi que la nature et le quantum des sanctions applicables.

7. Dès lors, le Conseil constitutionnel est compétent pour se prononcer sur le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu la liberté d'expression et de communication en désignant l'autorité administrative mentionnée à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour émettre ces injonctions, en ne donnant pas aux recours un caractère suspensif et en punissant d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 250 000 euros la méconnaissance de l'obligation de retrait.

- Sur le fond :

8. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services et de s'y exprimer.

9. L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. Il lui est aussi loisible, à ce titre, d'instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.

10. L'article 3 du règlement du 29 avril 2021 dispose que l'autorité compétente de chaque État membre a le pouvoir d'enjoindre aux fournisseurs de services d'hébergement de retirer les contenus à caractère terroriste ou de bloquer l'accès à ces contenus dans tous les États membres, dans un délai d'une heure à compter de la réception de l'injonction.

11. Le paragraphe I de l'article 6-1-1 de la loi du 21 juin 2004 issu des dispositions contestées donne compétence à l'autorité administrative mentionnée à l'article 6-1 de la même loi pour émettre des injonctions de retrait de contenus à caractère terroriste au titre de l'article 3 du règlement du 29 avril 2021. Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 6-1-3 de cette même loi prévoit que la méconnaissance de l'obligation de retirer de tels contenus ou d'en bloquer l'accès est punie d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende. Le paragraphe I de l'article 6-1-5 détermine quant à lui les recours pouvant être exercés contre une injonction de retrait.

12. Ces dispositions ont pour objet d'adapter la législation nationale au règlement du 29 avril 2021 qui vise à lutter contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. De tels contenus constituent des abus de la liberté d'expression et de communication qui portent gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers.

13. En premier lieu, d'une part, l'injonction de retrait susceptible d'être émise par l'autorité administrative compétente ne peut porter que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l'article 2 du règlement du 29 avril 2021. Son article premier prévoit, en outre, que ne peut être considéré comme ayant un caractère terroriste le contenu diffusé au public à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de prévention ou de lutte contre le terrorisme, y compris le contenu qui représente l'expression d'opinions polémiques ou controversées dans le cadre du débat public.

14. D'autre part, l'article 3 du même règlement prévoit que l'injonction de retrait émise par l'autorité administrative compétente doit comporter non seulement la référence au type de contenu concerné, mais aussi une motivation suffisamment détaillée expliquant les raisons pour lesquelles il est considéré comme ayant un caractère terroriste.

15. Par ailleurs, la personnalité qualifiée mentionnée à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, désignée en son sein par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui est une autorité administrative indépendante, est obligatoirement informée de ces demandes de retrait et peut, en cas d'irrégularité, recommander à l'autorité compétente d'y mettre fin et, dans le cas où cette recommandation n'est pas suivie, saisir la juridiction administrative en référé ou sur requête qui doit être jugée dans le délai de soixante-douze heures.

16. Ainsi, la détermination du caractère terroriste des contenus en cause n'est pas laissée à la seule appréciation de l'autorité administrative que les dispositions contestées désignent pour émettre des injonctions de retrait.

17. En deuxième lieu, l'injonction de retrait, qui peut faire l'objet, de la part des fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus, de recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, est également susceptible, en application des dispositions de l'article 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004, d'être contestée par la voie d'un recours spécifique en annulation devant le tribunal administratif. Celui-ci est alors tenu de statuer sur la légalité de cette injonction dans le délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la juridiction d'appel est tenue de statuer dans le délai d'un mois. Ainsi, les dispositions contestées permettent qu'il soit statué dans de brefs délais sur la légalité de l'injonction de retrait et, en cas d'annulation, que les contenus retirés, dont l'article 6 du règlement du 29 avril 2021 impose la conservation, soient rétablis.

18. En dernier lieu, si les dispositions contestées de l'article 6-1-3 de la loi du 21 juin 2004 répriment par des sanctions pénales le manquement à l'obligation de retirer des contenus à caractère terroriste ou de bloquer l'accès à ces contenus, il résulte de l'article 3 du règlement du 29 avril 2021 qu'un tel manquement n'est pas constitué tant que le fournisseur de services d'hébergement ne peut pas se conformer à l'injonction reçue en raison d'un cas de force majeure, d'une impossibilité de fait qui ne lui est pas imputable ou des erreurs manifestes ou de l'insuffisance des informations que l'injonction contient.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d'expression et de communication. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

20. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Le paragraphe I de l'article 6-1-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 6-1-3 de cette même loi ainsi que le paragraphe I de son article 6-1-5, dans leur rédaction issue de l'article unique de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, sont conformes à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 août 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 13 août 2022.
 

JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 6
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.841.DC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.16. LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DE COMMUNICATION
  • 4.16.5. Communication électronique
  • 4.16.5.5. Consultation ou utilisation d'un service de communication en ligne

L'article 3 du règlement du 29 avril 2021 dispose que l'autorité compétente de chaque État membre a le pouvoir d'enjoindre aux fournisseurs de services d'hébergement de retirer les contenus à caractère terroriste ou de bloquer l'accès à ces contenus dans tous les États membres, dans un délai d'une heure à compter de la réception de l'injonction. Le Conseil constitutionnel est saisi des dispositions qui déterminent l'autorité compétente pour enjoindre aux fournisseurs de services d'hébergement de retirer des contenus à caractère terroriste au titre de l'article 3 du règlement européen du 29 avril 2021, les peines applicables en cas de manquement à l'obligation d'y déférer et les voies de recours contre ces injonctions.
Les dispositions contestées ont pour objet d'adapter la législation nationale au règlement du 29 avril 2021 qui vise à lutter contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. De tels contenus constituent des abus de la liberté d'expression et de communication qui portent gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers.
En premier lieu, d'une part, l'injonction de retrait susceptible d'être émise par l'autorité administrative compétente ne peut porter que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l'article 2 du règlement du 29 avril 2021. Son article premier prévoit, en outre, que ne peut être considéré comme ayant un caractère terroriste le contenu diffusé au public à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de prévention ou de lutte contre le terrorisme, y compris le contenu qui représente l'expression d'opinions polémiques ou controversées dans le cadre du débat public. D'autre part, l'article 3 du même règlement prévoit que l'injonction de retrait émise par l'autorité administrative compétente doit comporter non seulement la référence au type de contenu concerné, mais aussi une motivation suffisamment détaillée expliquant les raisons pour lesquelles il est considéré comme ayant un caractère terroriste. Par ailleurs, la personnalité qualifiée mentionnée à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, désignée en son sein par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui est une autorité administrative indépendante, est obligatoirement informée de ces demandes de retrait et peut, en cas d'irrégularité, recommander à l'autorité compétente d'y mettre fin et, dans le cas où cette recommandation n'est pas suivie, saisir la juridiction administrative en référé ou sur requête qui doit être jugée dans le délai de soixante-douze heures. Ainsi, la détermination du caractère terroriste des contenus en cause n'est pas laissée à la seule appréciation de l'autorité administrative que les dispositions contestées désignent pour émettre des injonctions de retrait.
En deuxième lieu, l'injonction de retrait, qui peut faire l'objet, de la part des fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus, de recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, est également susceptible, en application des dispositions de l'article 6-1-5 de la loi du 21 juin 2004, d'être contestée par la voie d'un recours spécifique en annulation devant le tribunal administratif. Celui-ci est alors tenu de statuer sur la légalité de cette injonction dans le délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la juridiction d'appel est tenue de statuer dans le délai d'un mois. Ainsi, les dispositions contestées permettent qu'il soit statué dans de brefs délais sur la légalité de l'injonction de retrait et, en cas d'annulation, que les contenus retirés, dont l'article 6 du règlement du 29 avril 2021 impose la conservation, soient rétablis.
En dernier lieu, si les dispositions contestées de l'article 6-1-3 de la loi du 21 juin 2004 répriment par des sanctions pénales le manquement à l'obligation de retirer des contenus à caractère terroriste ou de bloquer l'accès à ces contenus, il résulte de l'article 3 du règlement du 29 avril 2021 qu'un tel manquement n'est pas constitué tant que le fournisseur de services d'hébergement ne peut pas se conformer à l'injonction reçue en raison d'un cas de force majeure, d'une impossibilité de fait qui ne lui est pas imputable ou des erreurs manifestes ou de l'insuffisance des informations que l'injonction contient.
Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas la liberté d'expression et de communication.

(2022-841 DC, 13 août 2022, cons. 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 6)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.4. Lois de transposition des directives communautaires ou de l'Union européenne ou d'adaptation du droit interne aux règlements européens
  • 7.4.4.2. Absence de contrôle de la constitutionnalité de la loi de transposition ou d'adaptation
  • 7.4.4.2.4. Autres exceptions à l'absence de contrôle
  • 7.4.4.2.4.3. Marge d'appréciation laissée au législateur par le texte européen

Les dispositions du règlement du 29 avril 2021, et en particulier ses articles 9, 12 et 18, imposent seulement aux États membres de l'Union européenne de désigner une autorité compétente pour émettre une injonction de retrait au titre de l'article 3 du même règlement, de prévoir un recours effectif permettant aux fournisseurs de services d'hébergement de contester une telle injonction devant les juridictions de l'État membre de l'autorité qui l'a émise, ainsi que de déterminer le régime des sanctions applicables en cas de manquement. Elles confèrent ainsi aux États membres une marge d'appréciation pour choisir cette autorité et déterminer les conditions du recours ainsi que la nature et le quantum des sanctions applicables. Dès lors, le Conseil constitutionnel est compétent pour se prononcer sur le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu la liberté d'expression et de communication en désignant l'autorité administrative mentionnée à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour émettre ces injonctions, en ne donnant pas aux recours un caractère suspensif et en punissant d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 250 000 euros la méconnaissance de l'obligation de retrait.

(2022-841 DC, 13 août 2022, cons. 6, 7, JORF n°0189 du 17 août 2022, texte n° 6)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Saisine par 60 députés, Observations du Gouvernement, Dossier législatif AN, Dossier législatif Sénat, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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