Décision

Décision n° 2021-945 QPC du 4 novembre 2021

M. Aristide L. [Communication entre la personne détenue et son avocat]
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 9 septembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1126 du 7 septembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Aristide L. par Me Laurent Goldman, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-945 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 25 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de procédure pénale ;
  • la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour le requérant par Me Goldman, enregistrées le 22 septembre 2021 ;
  • les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ;
  • les observations en intervention présentées pour l'association Section française de l'observatoire international des prisons, l'association Avocats pour la défense des droits des détenus et l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour le requérant par Me Goldman, enregistrées le 7 octobre 2021 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Goldman, pour le requérant, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association Section française de l'observatoire international des prisons et l'association des avocats pénalistes, Me Amélie Morineau, avocate au barreau de Paris, pour l'association Avocats pour la défense des droits des détenus, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 19 octobre 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article 25 de la loi du 24 novembre 2009 mentionnée ci-dessus prévoit : « Les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats ».

2. Le requérant, rejoint par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de méconnaître les droits de la défense dès lors que, pour en assurer la pleine effectivité, le législateur aurait dû définir les modalités de la communication de la personne détenue avec son avocat et, en particulier, organiser un droit à la communication téléphonique. Pour les mêmes motifs, ces dispositions seraient également entachées d'une incompétence négative dans des conditions affectant les droits précités.

3. Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux personnes détenues. Celles-ci bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention. Parmi ces droits et libertés figurent les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

4. Les dispositions contestées prévoient que la personne détenue communique librement avec son avocat.

5. En premier lieu, le droit de communiquer avec son avocat participe au respect des droits de la défense. D'une part, les dispositions contestées sont applicables à l'ensemble des personnes détenues et ne restreignent ni les motifs pour lesquels ce droit est exercé, ni les moyens par lesquels cette communication est assurée, qu'il s'agisse notamment de visites, de communications téléphoniques ou de correspondances écrites.

6. D'autre part, l'exercice de ce droit ne peut, en application de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, faire l'objet de restrictions que lorsqu'elles sont justifiées par des contraintes inhérentes à la détention, au maintien de la sécurité et au bon ordre des établissements. De telles restrictions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que la personne détenue puisse communiquer avec son avocat dans des délais raisonnables. Il appartient à l'administration pénitentiaire de s'en assurer.

7. En second lieu, le législateur a garanti la confidentialité des échanges entre la personne détenue et son avocat. En effet, conformément à l'article 40 de la loi du 24 novembre 2009, les correspondances écrites entre la personne détenue et son avocat ne peuvent être ni contrôlées ni retenues. En outre, en application des articles 39 de la même loi et 727-1 du code de procédure pénale, leurs communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent pas être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues par l'administration pénitentiaire.

8. Il résulte de ce qui précède que le législateur n'a pas privé de garanties légales les droits de la défense dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention. Les griefs doivent donc être écartés.

9. Dès lors, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - L'article 25 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est conforme à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 novembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 4 novembre 2021.

JORF n°0258 du 5 novembre 2021, texte n° 75
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.945.QPC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.1. Le législateur a épuisé sa compétence

Il était reproché aux dispositions contestées, qui prévoient que la personne détenue communique librement avec son avocat, de ne pas définir les modalités de cette communication. Le Conseil constitutionnel juge, en premier lieu, que le droit de communiquer avec son avocat participe au respect des droits de la défense. Il constate, d'une part, que les dispositions contestées sont applicables à l'ensemble des personnes détenues et ne restreignent ni les motifs pour lesquels ce droit est exercé, ni les moyens par lesquels cette communication est assurée, qu'il s'agisse notamment de visites, de communications téléphoniques ou de correspondances écrites. Il relève, d'autre part, que l'exercice de ce droit ne peut, en application de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, faire l'objet de restrictions que lorsqu'elles sont justifiées par des contraintes inhérentes à la détention, au maintien de la sécurité et au bon ordre des établissements. De telles restrictions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que la personne détenue puisse communiquer avec son avocat dans des délais raisonnables et il appartient à l'administration pénitentiaire de s'en assurer. En second lieu, le Conseil considère que législateur a garanti la confidentialité des échanges entre la personne détenue et son avocat. En effet, conformément à l'article 40 de la loi du 24 novembre 2009, les correspondances écrites entre la personne détenue et son avocat ne peuvent être ni contrôlées ni retenues. En outre, en application des articles 39 de la même loi et 727-1 du code de procédure pénale, leurs communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent pas être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues par l'administration pénitentiaire. Il déduit de tout ce qui précède que le législateur n'a pas privé de garanties légales les droits de la défense dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention (rejet des griefs).

(2021-945 QPC, 04 novembre 2021, cons. 3, 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0258 du 5 novembre 2021, texte n° 75)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.3. Droit pénal. Contraventions, crimes et délits, procédure pénale, amnistie, ordres de juridiction et statut des magistrats
  • 3.7.3.2. Procédure pénale

Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux personnes détenues. Celles-ci bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention. Parmi ces droits et libertés figurent les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

(2021-945 QPC, 04 novembre 2021, cons. 3, JORF n°0258 du 5 novembre 2021, texte n° 75)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.1. Droits de la défense

Il était reproché aux dispositions contestées, qui prévoient que la personne détenue communique librement avec son avocat, de ne pas définir les modalités de cette communication. Le Conseil constitutionnel juge, en premier lieu, que le droit de communiquer avec son avocat participe au respect des droits de la défense. Il relève, d'une part, que les dispositions contestées sont applicables à l'ensemble des personnes détenues et ne restreignent ni les motifs pour lesquels ce droit est exercé, ni les moyens par lesquels cette communication est assurée, qu'il s'agisse notamment de visites, de communications téléphoniques ou de correspondances écrites. Il constate, d'autre part, que l'exercice de ce droit ne peut, en application de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, faire l'objet de restrictions que lorsqu'elles sont justifiées par des contraintes inhérentes à la détention, au maintien de la sécurité et au bon ordre des établissements. De telles restrictions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que la personne détenue puisse communiquer avec son avocat dans des délais raisonnables et il appartient à l'administration pénitentiaire de s'en assurer. Le Conseil considère, en second lieu, que le législateur a garanti la confidentialité des échanges entre la personne détenue et son avocat. En effet, conformément à l'article 40 de la loi du 24 novembre 2009, les correspondances écrites entre la personne détenue et son avocat ne peuvent être ni contrôlées ni retenues. En outre, en application des articles 39 de la même loi et 727-1 du code de procédure pénale, leurs communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent pas être interceptées, enregistrées, transcrites ou interrompues par l'administration pénitentiaire. Il déduit de tout ce qui précède que le législateur n'a pas privé de garanties légales les droits de la défense dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention. (rejet des griefs)

(2021-945 QPC, 04 novembre 2021, cons. 3, 4, 5, 6, 7, 8, JORF n°0258 du 5 novembre 2021, texte n° 75)
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