Décision

Décision n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021

Loi relative à la bioéthique
Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la bioéthique, sous le n° 2021-821 DC, le 2 juillet 2021, par MM. Patrick HETZEL, Julien AUBERT, Mme Nathalie BASSIRE, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BEAUVAIS, M. Philippe BENASSAYA, Mmes Anne-Laure BLIN, Emmanuelle ANTHOINE, Édith AUDIBERT, MM. Jean-Claude BOUCHET, Bernard BOULEY, Jean-Luc BOURGEAUX, Xavier BRETON, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Mme Sylvie BOUCHET BELLECOURT, MM. Bernard BROCHAND, Gérard CHERPION, Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, MM. François CORNUT-GENTILLE, Rémi DELATTE, Fabien DI FILIPPO, Jean-Pierre DOOR, Mme Marianne DUBOIS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Jean-Jacques FERRARA, Claude de GANAY, Jean-Jacques GAULTIER, Mme Annie GENEVARD, MM. Philippe GOSSELIN, Jean-Carles GRELIER, Victor HABERT-DASSAULT, Yves HEMEDINGER, Sébastien HUYGHE, Nicolas FORISSIER, Mme Brigitte KUSTER, MM. Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Mmes Constance LE GRIP, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Olivier MARLEIX, Gérard MENUEL, Philippe MEYER, David LORION, Emmanuel MAQUET, Jérôme NURY, Jean-François PARIGI, Éric PAUGET, Bernard PERRUT, Mme Nathalie PORTE, MM. Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Julien RAVIER, Guillaume PELTIER, Frédéric REISS, Bernard REYNÈS, Antoine SAVIGNAT, Raphaël SCHELLENBERGER, Jean-Marie SERMIER, Mme Nathalie SERRE, MM. Guy TEISSIER, Robert THERRY, Jean-Louis THIÉRIOT, Mme Isabelle VALENTIN, MM. Charles de la VERPILLIÈRE, Arnaud VIALA, Jean-Pierre VIGIER, Éric WOERTH, Charles de COURSON, Thierry BENOIT, Guy BRICOUT, Pascal BRINDEAU, Grégory LABILLE, Mmes Valérie SIX, Agnès THILL, Béatrice DESCAMPS, M. Meyer HABIB et Mme Nicole SANQUER, députés.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code civil ;
  • le code de la santé publique ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 20 juillet 2021 ;

Au vu des observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 23 juillet 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la bioéthique. Ils contestent certaines dispositions de ses articles 3, 5, 20, 23 et 25.

- Sur certaines dispositions de l'article 3 :

2. L'article 3 de la loi déférée modifie les dispositions de l'article L. 1244-2 du code de la santé publique fixant les conditions dans lesquelles des personnes peuvent procéder à des dons de gamètes.

3. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions autoriseraient toutes les personnes placées sous tutelle ou curatelle à procéder à de tels dons. Il résulte toutefois de l'article L. 1241-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 11 de la présente loi, que les personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation de la personne ne peuvent y procéder. Dès lors, la critique des requérants, qui n'est assortie d'aucun grief d'inconstitutionnalité particulier, manque, en tout état de cause, en fait.

- Sur certaines dispositions de l'article 5 :

4. Le paragraphe III de l'article 5 ouvre en faveur de toute personne majeure conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur le droit d'accéder aux données non identifiantes et à l'identité de ce donneur. Il institue la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, chargée notamment de faire droit aux demandes formulées à cet effet. La composition de cette commission est fixée par un nouvel article L. 2143-7 du code de la santé publique. Le 4 ° de l'article L. 2143-9 créé par ce même paragraphe III renvoie, par ailleurs, à un décret en Conseil d'État les modalités d'application des règles relatives à la composition et au fonctionnement de cette commission.

5. Selon les députés requérants, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative au motif que le législateur n'aurait prévu ni les garanties nécessaires pour assurer l'indépendance des membres de cette commission, ni les conditions d'examen des demandes qui lui sont adressées, ni les voies de recours à l'encontre de ses décisions. Ils soutiennent également qu'en fixant lui-même la composition de la commission, tout en renvoyant cette même composition à un décret en Conseil d'État, le législateur aurait méconnu tant l'article 37 de la Constitution que le principe d'intelligibilité de la loi.

6. Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. Le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.

7. En premier lieu, l'article L. 2143-7 du code de la santé publique prévoit que la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur est composée d'un magistrat de l'ordre judiciaire, qui la préside, d'un membre de la juridiction administrative, de quatre représentants du ministre de la justice et des ministres chargés de l'action sociale et de la santé, de quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d'associations dont l'objet relève du champ d'intervention de la commission. Cet article précise également que cette composition respecte la parité entre les femmes et les hommes, que chaque membre dispose d'un suppléant et qu'en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. Le 4 ° de l'article L. 2143-9 se borne à renvoyer à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les modalités d'application des règles relatives à cette commission et notamment celles tenant à sa composition.

8. En second lieu, le législateur n'avait à prévoir ni les garanties particulières d'indépendance des membres de cette commission administrative placée auprès du ministre chargé de la santé, ni les conditions d'examen des demandes adressées à cette commission, ni des voies de recours dérogatoires au droit commun.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Les neuf premiers alinéas de l'article L. 2143-7 du code de la santé publique et le 4 ° de l'article L. 2143-9 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 20 :

10. L'article 20 modifie notamment les articles L. 2151-5 et L. 2151-6 du code de la santé publique et insère dans ce code un nouvel article L. 2151-9, afin de réformer le régime juridique des recherches sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires.

. En ce qui concerne certaines dispositions des articles L. 2151-5 et L. 2151-6 :

11. Le 2 ° du paragraphe I de l'article L. 2151-5 et le paragraphe III de l'article L. 2151-6 prévoient que des recherches portant sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires peuvent désormais être menées non seulement à des fins médicales, mais aussi en vue d'« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». Le paragraphe II de l'article L. 2151-5 détermine les conditions dans lesquelles un embryon humain peut faire l'objet d'une recherche.

12. Les députés requérants reprochent tout d'abord au législateur d'avoir méconnu l'étendue de sa compétence, faute d'avoir défini cette finalité nouvelle ainsi que la notion d'embryon humain. Ils soutiennent par ailleurs qu'en ne fixant « aucune limite opératoire » à ces recherches, le législateur ne garantirait pas la prohibition de l'eugénisme. Ils soutiennent en outre que la suppression de la mention du consentement écrit préalable du couple, ou du membre survivant de ce couple, dont est issu l'embryon donné à la recherche, porterait atteinte à la liberté personnelle.

13. En premier lieu, d'une part, en se référant à « l'embryon humain », comme le prévoyait déjà la législation antérieure, le législateur a retenu des termes qui ne sont pas imprécis. D'autre part, en prévoyant que les recherches portant sur l'embryon humain ou les cellules souches embryonnaires pourront être, selon les cas, autorisées ou soumises à déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine lorsqu'elles visent à « améliorer la connaissance de la biologie humaine », le législateur a entendu permettre que de telles recherches puissent être entreprises y compris lorsqu'elles ne présentent pas un intérêt médical immédiat. Ce faisant, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

14. En deuxième lieu, le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d'emblée que : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle.

15. En prévoyant cette nouvelle finalité de recherche, les dispositions contestées ne dérogent pas à l'interdiction des pratiques eugéniques visant à l'organisation de la sélection des personnes, interdiction qui, prévue par l'article 16-4 du code civil, tend à assurer le respect du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à laquelle les articles L. 2151-5 et L. 2151-6 du code de la santé publique soumettent toute recherche portant sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires.

16. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, il résulte des termes mêmes du paragraphe II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, dans sa nouvelle rédaction, qu'une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons proposés à cette fin par le ou les donneurs, dont le consentement préalable est expressément requis. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté personnelle manque en fait.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les mots « améliorer la connaissance de la biologie humaine » figurant au 2 ° du paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique et au paragraphe III de l'article L. 2151-6 du même code, ainsi que le paragraphe II du même article L. 2151-5, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article L. 2151-9 :

18. Le deuxième alinéa de l'article L. 2151-9 du code de la santé publique prévoit que les laboratoires de biologie médicale, autorisés à exercer une activité d'assistance médicale à la procréation, peuvent conserver des embryons proposés à la recherche sans être titulaires d'une autorisation délivrée à cette fin par l'Agence de la biomédecine.

19. Les députés requérants soutiennent qu'en permettant à ces laboratoires de conserver des embryons proposés à la recherche sans être titulaires d'une telle autorisation, alors que cette exigence est maintenue pour les autres organismes de recherche, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité devant la loi.

20. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

21. En application du premier alinéa de l'article L. 2151-9 du code de la santé publique, tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d'embryons doit être titulaire d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. Les dispositions contestées dispensent de cette autorisation les laboratoires de biologie médicale bénéficiant d'une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1.

22. Toutefois, il résulte du quatrième alinéa de ce dernier article ainsi que des mesures réglementaires prises pour son application que cette autorisation administrative individuelle est délivrée par l'agence régionale de santé, après avis de l'Agence de la biomédecine, et porte notamment sur l'activité de conservation d'embryons dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation. Ainsi, les laboratoires de biologie médicale qui bénéficient déjà d'une telle autorisation sont dans une situation différente des autres organismes de recherche.

23. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est de définir les conditions dans lesquelles peut être autorisée la conservation d'embryons humains. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté.

24. Par conséquent, le deuxième alinéa de l'article L. 2151-9 du code de la santé publique, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 23 :

25. L'article 23 réécrit le second alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique relatif à la recherche sur l'embryon humain. Il remplace ce second alinéa qui dispose que « La création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite » par un alinéa ainsi rédigé : « La modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces est interdite ».

26. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de supprimer l'interdiction de la création d'embryons transgéniques sans fixer d'objectifs et de limites à ce procédé. Il en résulterait une méconnaissance de l'intégrité de l'embryon et du patrimoine génétique de l'espèce humaine ainsi que du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

27. Ils font également valoir que, en substituant à l'interdiction de la création d'embryons chimériques une interdiction limitée à la modification d'un embryon humain par adjonction de cellules provenant d'autres espèces, ces dispositions autoriseraient désormais la modification d'un embryon animal par l'adjonction de cellules humaines. Selon eux, un tel procédé, qui porterait atteinte à la distinction entre l'homme et l'animal, méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, le principe de précaution, la diversité biologique garantie par le cinquième alinéa du Préambule de la Charte de l'environnement ainsi que le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

28. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles au nombre desquelles figure, en particulier, le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

29. Les dispositions contestées mettent fin à l'interdiction de créer des embryons transgéniques, c'est-à-dire des embryons dans le génome desquels une ou plusieurs séquences d'ADN exogène ont été ajoutées. Elles prévoient également que l'adjonction à l'embryon humain de cellules provenant d'autres espèces est interdite.

30. En premier lieu, il résulte du paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, d'une part, qu'aucune recherche sur l'embryon humain ne peut être entreprise sans une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine et, d'autre part, que cette autorisation ne peut être délivrée qu'après qu'elle a vérifié que la pertinence scientifique de la recherche est établie, que la recherche s'inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine et qu'elle ne peut être menée, en l'état des connaissances scientifiques, sans recourir à des embryons humains. Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole de recherche doivent également respecter, en particulier, les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil.

31. En application du paragraphe II du même article L. 2151-5, l'Agence de la biomédecine s'assure que la recherche est menée à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l'objet d'un projet parental et qui sont proposés à la recherche par le couple, le membre survivant du couple ou la femme dont ils sont issus. Son paragraphe III prévoit que les ministres chargés de la santé et de la recherche, destinataires des décisions de l'Agence de la biomédecine, peuvent demander à cet établissement un nouvel examen du dossier, notamment en cas de doute sur le respect des principes fondamentaux prévus par le code civil.

32. Le paragraphe IV dispose que les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation et qu'il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour qui suit leur constitution.

33. Ainsi, les dispositions contestées ne permettent la création d'embryons transgéniques que dans le cadre de recherches sur l'embryon entourées de garanties effectives.

34. En second lieu, il ressort des travaux préparatoires de la loi déférée que les dispositions contestées, qui portent uniquement sur la recherche sur l'embryon humain, n'ont pas pour objet de modifier le régime juridique applicable à l'insertion de cellules humaines dans un embryon animal, qui est par ailleurs défini par les articles 20 et 21 de la loi déférée.

35. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine doit être écarté.

36. Par conséquent, le second alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique, qui ne méconnaît pas non plus le principe de précaution ou le cinquième alinéa du Préambule de la Charte de l'environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 25 :

37. Le 1 ° de l'article 25 modifie notamment le premier alinéa du paragraphe III et le dernier alinéa du paragraphe VI de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique, et insère un nouveau paragraphe IX au sein de cet article, afin de préciser les conditions d'information de la femme enceinte et, le cas échéant, de l'autre membre du couple, lors de la réalisation d'examens prénataux.

38. Selon les députés requérants, en subordonnant à l'accord de la femme enceinte l'information de l'autre membre du couple sur les résultats d'examens prénataux et en renvoyant la fixation des modalités d'information de ce dernier au pouvoir réglementaire, ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité. Elles porteraient également atteinte à la liberté personnelle, au droit de mener une vie familiale normale et au droit au mariage.

39. Le premier alinéa du paragraphe III et le dernier alinéa du paragraphe VI de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique prévoient que la femme enceinte et, seulement si cette dernière le souhaite, l'autre membre du couple se voient communiquer les résultats d'examens relatifs aux risques que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse. Le paragraphe IX prévoit que les modalités d'information de l'autre membre du couple sont fixées par décret en Conseil d'État.

40. Ces dispositions ont pour objet d'organiser la communication de résultats d'examens médicaux prénataux. Or, la femme enceinte se trouve, à cet égard, dans une situation différente de celle de l'autre membre du couple. La différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté.

41. Dès lors, les mots « si elle le souhaite » figurant au premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique, les mots « si cette dernière le souhaite » figurant à la première phrase du dernier alinéa du paragraphe VI de cet article, ainsi que le paragraphe IX du même article, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté personnelle, le droit de mener une vie familiale normale ou le droit au mariage, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur les autres dispositions :

42. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • les neuf premiers alinéas de l'article L. 2143-7 et le 4 ° de l'article L. 2143-9 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de l'article 5 de la loi relative à la bioéthique ;
  • les mots « améliorer la connaissance de la biologie humaine » figurant au 2 ° du paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique et au paragraphe III de l'article L. 2151-6 du même code, ainsi que le paragraphe II du même article L. 2151-5 et le deuxième alinéa de l'article L. 2151-9 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 20 de la même loi ;
  • le second alinéa de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 23 de la même loi ;
  • les mots « si elle le souhaite » figurant au premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique, les mots « si cette dernière le souhaite » figurant à la première phrase du dernier alinéa du paragraphe VI de cet article, ainsi que le paragraphe IX du même article, dans sa rédaction résultant de l'article 25 de la même loi.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 juillet 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.

Rendu public le 29 juillet 2021.

JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.821.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.7. OBJECTIFS DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE
  • 1.7.1. Retenus
  • 1.7.1.6. Accessibilité et intelligibilité de la loi

Les dispositions instituent la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur.
En premier lieu, l'article L. 2143-7 du code de la santé publique prévoit que la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur est composée d'un magistrat de l'ordre judiciaire, qui la préside, d'un membre de la juridiction administrative, de quatre représentants du ministre de la justice et des ministres chargés de l'action sociale et de la santé, de quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d'associations dont l'objet relève du champ d'intervention de la commission. Cet article précise également que cette composition respecte la parité entre les femmes et les hommes, que chaque membre dispose d'un suppléant et qu'en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. Le 4° de l'article L. 2143-9 se borne à renvoyer à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les modalités d'application des règles relatives à cette commission et notamment celles tenant à sa composition. En second lieu, le législateur n'avait à prévoir ni les garanties particulières d'indépendance des membres de cette commission administrative placée auprès du ministre chargé de la santé, ni les conditions d'examen des demandes adressées à cette commission, ni des voies de recours dérogatoires au droit commun. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. (Conformité)

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 7, 8, 9, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.7. OBJECTIFS DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE
  • 1.7.2. Non retenus
  • 1.7.2.2. Protection du patrimoine génétique de l'humanité

Saisi d'un grief tiré de la méconnaissance de l'intégrité de l'embryon et du patrimoine génétique de l'espèce humaine, le Conseil examine les dispositions contestées au regard du principe de sauvegarde de la dignité humaine.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 25, 35, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.1. Le législateur a épuisé sa compétence

Le 2° du paragraphe I de l'article L. 2151-5 et le paragraphe III de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique prévoient que des recherches portant sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires peuvent désormais être menées non seulement à des fins médicales, mais aussi en vue d'« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». D'une part, en se référant à « l'embryon humain », comme le prévoyait déjà la législation antérieure, le législateur a retenu des termes qui ne sont pas imprécis. D'autre part, en prévoyant que les recherches portant sur l'embryon humain ou les cellules souches embryonnaires pourront être, selon les cas, autorisées ou soumises à déclaration auprès de l'Agence de la biomédecine lorsqu'elles visent à « améliorer la connaissance de la biologie humaine », le législateur a entendu permettre que de telles recherches puissent être entreprises y compris lorsqu'elles ne présentent pas un intérêt médical immédiat. Ce faisant, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 11, 13, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.3. DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
  • 4.3.2. Applications
  • 4.3.2.3. Bioéthique et génétique

Les dispositions contestées mettent fin à l'interdiction de créer des embryons transgéniques, c'est-à-dire des embryons dans le génome desquels une ou plusieurs séquences d'ADN exogène ont été ajoutées. Elles prévoient également que l'adjonction à l'embryon humain de cellules provenant d'autres espèces est interdite.
Il résulte du paragraphe I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, d'une part, qu'aucune recherche sur l'embryon humain ne peut être entreprise sans une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine et, d'autre part, que cette autorisation ne peut être délivrée qu'après qu'elle a vérifié que la pertinence scientifique de la recherche est établie, que la recherche s'inscrit dans une finalité médicale ou vise à améliorer la connaissance de la biologie humaine et qu'elle ne peut être menée, en l'état des connaissances scientifiques, sans recourir à des embryons humains. Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole de recherche doivent également respecter, en particulier, les principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil. En application du paragraphe II du même article L. 2151-5, l'Agence de la biomédecine s'assure que la recherche est menée à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l'objet d'un projet parental et qui sont proposés à la recherche par le couple, le membre survivant du couple ou la femme dont ils sont issus. Son paragraphe III prévoit que les ministres chargés de la santé et de la recherche, destinataires des décisions de l'Agence de la biomédecine, peuvent demander à cet établissement un nouvel examen du dossier, notamment en cas de doute sur le respect des principes fondamentaux prévus par le code civil. Le paragraphe IV dispose que les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation et qu'il est mis fin à leur développement in vitro au plus tard le quatorzième jour qui suit leur constitution. Les dispositions contestées ne permettent la création d'embryons transgéniques que dans le cadre de recherches sur l'embryon entourées de garanties effectives. Rejet du grief.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 29, 30, 31, 32, 33, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)

Le 2° du paragraphe I de l'article L. 2151-5 et le paragraphe III de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique prévoient que des recherches portant sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires peuvent désormais être menées non seulement à des fins médicales, mais aussi en vue d'« améliorer la connaissance de la biologie humaine ». En prévoyant cette nouvelle finalité de recherche, les dispositions contestées ne dérogent pas à l'interdiction des pratiques eugéniques visant à l'organisation de la sélection des personnes, interdiction qui, prévue par l'article 16-4 du code civil, tend à assurer le respect du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à laquelle les articles L. 2151-5 et L. 2151-6 du code de la santé publique soumettent toute recherche portant sur l'embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 11, 15, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.23. Droit de la santé

En application du premier alinéa de l'article L. 2151-9 du code de la santé publique, tout organisme qui assure, à des fins de recherche, la conservation d'embryons doit être titulaire d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. Les dispositions contestées de la loi déférée dispensent de cette autorisation les laboratoires de biologie médicale bénéficiant d'une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1. Toutefois, il résulte du quatrième alinéa de ce dernier article ainsi que des mesures réglementaires prises pour son application que cette autorisation administrative individuelle est délivrée par l'agence régionale de santé, après avis de l'Agence de la biomédecine, et porte notamment sur l'activité de conservation d'embryons dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation. Ainsi, les laboratoires de biologie médicale qui bénéficient déjà d'une telle autorisation sont dans une situation différente des autres organismes de recherche. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi, qui est de définir les conditions dans lesquelles peut être autorisée la conservation d'embryons humains. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 21, 22, 23, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)

Le premier alinéa du paragraphe III et le dernier alinéa du paragraphe VI de l'article L. 2131-1 du code de la santé publique prévoient que la femme enceinte et, seulement si cette dernière le souhaite, l'autre membre du couple se voient communiquer les résultats d'examens relatifs aux risques que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse. Ces dispositions ont pour objet d'organiser la communication de résultats d'examens médicaux prénataux. Or, la femme enceinte se trouve, à cet égard, dans une situation différente de celle de l'autre membre du couple. La différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 39, 40, 41, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.4. Exigence de précision de la loi
  • 10.3.10.4.2. Exigence découlant de l'article 34 de la Constitution de 1958

Les dispositions instituent la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur. En premier lieu, l'article L. 2143-7 du code de la santé publique prévoit que la commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur est composée d'un magistrat de l'ordre judiciaire, qui la préside, d'un membre de la juridiction administrative, de quatre représentants du ministre de la justice et des ministres chargés de l'action sociale et de la santé, de quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d'associations dont l'objet relève du champ d'intervention de la commission. Cet article précise également que cette composition respecte la parité entre les femmes et les hommes, que chaque membre dispose d'un suppléant et qu'en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. Le 4° de l'article L. 2143-9 se borne à renvoyer à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, les modalités d'application des règles relatives à cette commission et notamment celles tenant à sa composition. En second lieu, le législateur n'avait à prévoir ni les garanties particulières d'indépendance des membres de cette commission administrative placée auprès du ministre chargé de la santé, ni les conditions d'examen des demandes adressées à cette commission, ni des voies de recours dérogatoires au droit commun. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. (Conformité)

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 7, 8, 9, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
  • 11.5.2.2. Griefs manquant en fait (exemples)

Contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, il résulte des termes mêmes du paragraphe II de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique, dans sa nouvelle rédaction, qu'une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons proposés à cette fin par le ou les donneurs, dont le consentement préalable est expressément requis. Par suite, le grief tiré ce que la suppression de la mention du consentement écrit préalable du couple, ou du membre survivant de ce couple, dont est issu l'embryon donné à la recherche, porterait atteinte à la liberté personnelle, manque en fait.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 16, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
  • 11.5.2.4. Griefs mal dirigés

Les requérants reprochent aux dispositions contestées d'autoriser l'adjonction de cellules humaines à des embryons animaux. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de la loi déférée que les dispositions contestées, qui portent uniquement sur la recherche sur l'embryon humain, n'ont pas pour objet de modifier le régime juridique applicable à l'insertion de cellules humaines dans un embryon animal, qui est par ailleurs défini par les articles 20 et 21 de la loi déférée.

(2021-821 DC, 29 juillet 2021, cons. 34, JORF n°0178 du 3 août 2021, texte n° 3)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Saisine par 60 députés, Observations du Gouvernement, Réplique par 60 députés, Contributions extérieures, Dossier législatif AN, Dossier législatif Sénat, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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