Décision n° 2021-5708 SEN du 9 juillet 2021
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 avril 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 19 avril 2021) dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Mikaele KULIMOETOKE, candidat aux élections qui se sont déroulées le 27 septembre 2020, dans la circonscription des îles Wallis et Futuna, en vue de la désignation d'un sénateur. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5708 SEN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4, L. 52-12 et L. 308-1 ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour M. KULIMOETOKE par Me Patrick Lingibé, avocat au barreau de Guyane, enregistrées le 17 mai 2021 ;
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu M. KULIMOETOKE et son conseil ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code, que chaque candidat ou candidat tête de liste aux élections sénatoriales soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6.
2. Il résulte en outre de l'article L. 52-8 du code électoral, que les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.
3. Le compte de campagne de M. KULIMOETOKE a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 19 avril 2021 au motif que, si ce compte ne présentait ni dépenses ni recettes, des dépenses liées à des visites protocolaires et à la tenue de réunions auraient été réalisées pour sa campagne. Or, en l'absence de réponse de l'intéressé sur l'origine de ces dépenses, la commission a été placée dans l'impossibilité de vérifier la sincérité du compte déposé.
4. Il ressort de l'instruction, d'une part, que si le mandataire financier désigné par M. KULIMOETOKE a effectué des déplacements sur l'île de Futuna, ceux-ci n'ont pas revêtu le caractère d'opérations de propagande électorale, de sorte que les dépenses y afférentes ne peuvent être regardées comme une contribution à la campagne électorale du candidat. D'autre part, si M. KULIMOETOKE et son équipe de campagne ont organisé, sur l'île de Wallis, des visites auprès d'élus de l'île de Futuna ou des réunions avec ces derniers, elles n'ont donné lieu à la mise à disposition d'aucun local spécifique et au bénéfice d'aucun avantage en nature au profit du candidat, au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, il n'y avait pas lieu d'en faire mention au compte de campagne.
5. Toutefois, en s'abstenant de répondre aux demandes d'éclaircissement qui lui ont été faites à cet égard, à plusieurs reprises, par le rapporteur de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. KULIMOETOKE a placé celle-ci dans l'incapacité de juger de la sincérité et de la régularité de son compte de campagne. Dès lors, c'est à bon droit que la commission a rejeté le compte de campagne de M. KULIMOETOKE.
6. L'article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.
7. M. KULIMOETOKE a produit devant le Conseil constitutionnel les relevés du compte bancaire ouvert par son mandataire financier qui établissent que, en dehors des frais de fonctionnement du compte bancaire, il n'a engagé aucune dépense et n'a perçu aucune recette.
8. Par suite, l'irrégularité commise ne justifie pas que M. KULIMOETOKE soit déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. Mikaele KULIMOETOKE inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et Michel PINAULT.
Rendu public le 9 juillet 2021.
JORF n°0161 du 13 juillet 2021, texte n° 64
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.5708.SEN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.14. Financement
- 8.4.14.2. Etablissement d'un compte de campagne
- 8.4.14.2.1. Obligation de dépôt du compte de campagne
8.4.14.2.1.4. Attestation d'absence de recette et de dépense
Le candidat a produit devant le Conseil constitutionnel les relevés du compte bancaire ouvert par son mandataire financier qui établissent que, en dehors des frais de fonctionnement du compte bancaire, il n'a engagé aucune dépense et n'a perçu aucune recette. Absence d'inéligibilité
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.14. Financement
8.4.14.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
Il ressort de l'instruction, d'une part, que si le mandataire financier désigné par le candidat a effectué des déplacements sur l'île de Futuna, ceux-ci n'ont pas revêtu le caractère d'opérations de propagande électorale, de sorte que les dépenses y afférentes ne peuvent être regardées comme une contribution à la campagne électorale du candidat. D'autre part, si le candidat et son équipe de campagne ont organisé, sur l'île de Wallis, des visites auprès d'élus de l'île de Futuna ou des réunions avec ces derniers, elles n'ont donné lieu à la mise à disposition d'aucun local spécifique et au bénéfice d'aucun avantage en nature au profit du candidat, au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, il n'y avait pas lieu d'en faire mention au compte de campagne. Toutefois, en s'abstenant de répondre aux demandes d'éclaircissement qui lui ont été faites à cet égard, à plusieurs reprises, par le rapporteur de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le candidat a placé celle-ci dans l'incapacité de juger de la sincérité et de la régularité de son compte de campagne. Dès lors, c'est à bon droit que la commission a rejeté le compte de campagne du candidat.
Le candidat a produit devant le Conseil constitutionnel, les relevés du compte bancaire ouvert par son mandataire financier qui établissent que, en dehors des frais de fonctionnement du compte bancaire, il n'a engagé aucune dépense et n'a perçu aucune recette. Absence d'inéligibilité.