Décision

Décision n° 2021-5707 SEN du 9 juillet 2021

SEN, Guyane
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 avril 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 15 avril 2021) dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Rollin BELLONY, candidat aux élections qui se sont déroulées le 27 septembre 2020 en Guyane en vue de la désignation de deux sénateurs. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5707 SEN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4 et L. 308-1 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour M. BELLONY par Me José LOBEAU, avocat au barreau de la Guyane, enregistrées le 11 mai 2021 ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code, que chaque candidat aux élections sénatoriales soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6.

2. L'article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné.

3. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'apprécié à la lumière de ces dispositions, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l'article L. 52-11 du même code.

4. Le compte de campagne de M. BELLONY a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 15 avril 2021 pour les trois motifs suivants. D'une part, le compte de campagne du candidat n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. D'autre part, le mandataire n'a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. Enfin, le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Il résulte notamment de l'instruction que les dépenses de campagne réglées directement par M. BELLONY après la désignation de son mandataire financier ont représenté 100 % du montant total des dépenses devant être inscrites au compte et 12 % du plafond des dépenses autorisées.

5. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne.

6. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit.

7. Postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. BELLONY a produit la certification de son compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés.

8. Cependant, d'une part, si M. BELLONY invoque les refus qui auraient été opposés par les établissements bancaires à ses demandes d'ouverture d'un compte, cette circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. D'autre part, il est constant que M. BELLONY a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Eu égard à la particulière gravité de ces deux manquements à des règles dont M. BELLONY ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. BELLONY à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Rollin BELLONY est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et Michel PINAULT.

Rendu public le 9 juillet 2021.

JORF n°0161 du 13 juillet 2021, texte n° 63
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.5707.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.1. Mandataire financier
  • 8.4.14.1.3. Compte bancaire ou postal

Le compte de campagne du candidat a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour les trois motifs suivants. D'une part, le compte de campagne du candidat n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. D'autre part, le mandataire n'a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. Enfin, le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Il résulte notamment de l'instruction que les dépenses de campagne réglées directement par le candidat après la désignation de son mandataire financier ont représenté 100 % du montant total des dépenses devant être inscrites au compte et 12 % du plafond des dépenses autorisées.
Postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le candidat a produit la certification de son compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Cependant, d'une part, si le candidat invoque les refus qui auraient été opposés par les établissements bancaires à ses demandes d'ouverture d'un compte, cette circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. D'autre part, il est constant que le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Eu égard à la particulière gravité de ces deux manquements à des règles dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2021-5707 SEN, 09 juillet 2021, cons. 7, 8, JORF n°0161 du 13 juillet 2021, texte n° 63)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.14. Financement
  • 8.4.14.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.4.14.5.4. Dépenses payées directement
  • 8.4.14.5.4.2. Dépenses postérieures à la désignation du mandataire financier

Le compte de campagne du candidat a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour les trois motifs suivants. D'une part, le compte de campagne du candidat n'a pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. D'autre part, le mandataire n'a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. Enfin, le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Il résulte notamment de l'instruction que les dépenses de campagne réglées directement par le candidat après la désignation de son mandataire financier ont représenté 100 % du montant total des dépenses devant être inscrites au compte et 12 % du plafond des dépenses autorisées.
Postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le candidat a produit la certification de son compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Cependant, d'une part, si le candidat invoque les refus qui auraient été opposés par les établissements bancaires à ses demandes d'ouverture d'un compte, cette circonstance, au demeurant non établie, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral. D'autre part, il est constant que le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection, en violation des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l'article L. 308-1 du même code. Eu égard à la particulière gravité de ces deux manquements à des règles dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2021-5707 SEN, 09 juillet 2021, cons. 7, 8, JORF n°0161 du 13 juillet 2021, texte n° 63)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
Toutes les décisions